Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 31 octobre 2019, Mme D... B..., M. F... B..., Mme E... B..., Mme C... B... et M. A... G... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de déclarer l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) responsable des conséquences de cet accident médical et de la condamner à leur régler la somme totale de 2 180 247,29 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la prise en charge de Mme D... B... à l'hôpital européen Georges Pompidou (HEGP), du 30 mai au 17 juillet 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2015 et capitalisation des intérêts, et de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°s 1923357/6-2 et 1923566/6-2 du 21 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à verser à Mme D... B... la somme de 458 952,76 euros, à M. F... et à Mme E... B... collectivement la somme de 1 124,17 euros, à M. F... B... la somme de 5 000 euros, à Mme E... B... la somme de 5 000 euros et à Mme C... B... la somme de 2 500 euros, en réparation de leurs préjudices, avec intérêt au taux légal à compter du 31 octobre 2019, à verser à Mme D... B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Finistère la somme de 124 121,35 euros en remboursement des sommes déboursées pour Mme B... avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2019 et la somme de 1 091 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. En outre, le tribunal a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la requête en référé provision.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires récapitulatifs enregistrés respectivement les 18 septembre 2020, 27 septembre et 15 octobre 2021, les consorts B... et M. G... demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal en qu'il a réduit à 50 % la part imputable à l'hôpital européen Georges-Pompidou des conséquences dommageables de l'accident dont a été victime Mme D... B... ;
2°) de condamner l'AP-HP à réparer l'intégralité des conséquences dommageables de cet accident ;
3°) de fixer les préjudices patrimoniaux de Mme D... B... à la somme totale de 1 946 863,36 euros arrêtée au 31 décembre 2021 à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir et hors mémoire et réserves ;
4°) de fixer l'indemnité réparatrice des préjudices extrapatrimoniaux de Mme D... B... à la somme totale de 535 287,50 euros ;
5°) de fixer l'indemnité réparatrice des préjudices patrimoniaux de M. F... B... et Mme E... B... à la somme totale de 12 562,72 euros ;
6°) de fixer l'indemnité réparatrice des préjudices patrimoniaux de M. A... G... à la somme totale de 4 649,37 euros ;
7°) de fixer l'indemnité réparatrice des préjudices extrapatrimoniaux de M. F... B..., de Mme E... B..., de Mme C... B... et de M. A... G... à la somme de 30 000 euros pour chacun d'eux ;
8°) de juger que ces sommes porteront intérêts aux taux légal à compter du 24 septembre 2015, date de la saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle échue conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
9°) de déclarer l'arrêt de la Cour commun et opposable à CPAM du Finistère ;
10°) de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 8 000 euros à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la responsabilité de l'AP-HP est engagée du fait de la faute constituée par le défaut d'apport en vitamines dont a été victime Mme D... B... lors de la prise en charge de la complication grave de sa chirurgie bariatrique ayant imposé une alimentation parentérale exclusive ;
- les préjudices subis du fait de cette faute doivent être évalués à la somme totale de 2 180 247,29 euros, se décomposant comme suit :
- 1 508 079,20 euros au titre des préjudices patrimoniaux de Mme D... B... ;
- 534 956 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux de Mme D... B... ;
- 12 562,72 euros au titre des préjudices patrimoniaux de M. F... et Mme E... B... ;
- 4 649,37 euros au titre des préjudices patrimoniaux de M. A... G... ;
- 30 000 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux de M. F... B... ;
- 30 000 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux de Mme E... B... ;
- 30 000 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux de Mme C... B... ;
- 30 000 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux de M. A... G....
Par un mémoire en défense et en appel incident enregistré le 14 décembre 2020, la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, représentée par Me Paublan, demande à la Cour :
1°) de confirmer le jugement en tant qu'il a retenu la responsabilité de l'AP-HP et qu'il a condamné l'AP-HP à lui verser la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
2°) à titre principal, de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 370 065,35 euros en remboursement des sommes engagées au bénéfice de Mme D... B..., avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2019 ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 285 113,18 euros au titre des débours définitifs postérieurs au 8 juillet 2014 exposés pour Mme D... B..., avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2019 ;
4°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux dépens.
Elle soutient que :
-la prise en charge fautive de Mme D... B... par l'hôpital européen Georges Pompidou est de nature à engager sa responsabilité ;
-les sommes engagées par la caisse au bénéfice de Mme D... B..., du fait de cette faute, s'élèvent à la somme globale de 370 065,35 euros.
Par un mémoire en défense et en appel incident enregistré le 8 octobre 2021, l'AP-HP, représentée par Me Tsouderos, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal en ce qu'il a retenu à l'encontre de l'AP-HP une perte de chance de 50 % et de fixer celle-ci à 29 % ;
2°) de réformer le même jugement en ce qu'il a retenu la capitalisation de l'indemnité destinée à réparer le préjudice constitué par l'assistance par une tierce personne future et de juger que cette indemnité sera versée sous forme de rente annuelle, dont seront déduites les périodes d'hospitalisation ;
3°) de ramener à de plus justes proportions la somme allouée en réparation du déficit fonctionnel temporaire ;
4°) de rejeter la requête en appel des consorts B... et les conclusions d'appel de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère ;
5°) à titre subsidiaire, de ramener le montant des demandes des consorts B... à de plus justes proportions.
Elle soutient que :
- sa part de responsabilité doit être limitée à hauteur de 29 % ;
- la somme allouée en réparation du déficit fonctionnel temporaire doit être ramenée à de plus justes proportions ;
- l'indemnité destinée à réparer le préjudice constitué par l'assistance par une tierce personne future, dont seront déduites les périodes d'hospitalisation, doit être versée sous forme de rente annuelle ;
- la fraction des débours imputables au fait générateur de responsabilité allouée à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère doit être ramenée à 29 %.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil,
- le code de la santé publique,
- le code de la sécurité sociale,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ho Si Fat, rapporteur,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Cartron, avocat des consorts B... et de M. G...,
Considérant ce qui suit :
Sur la responsabilité de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris :
1. Aux termes des dispositions du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".
2. Il résulte de l'instruction que Mme D... B..., née le 31 mai 1987, souffrait d'obésité morbide. Elle a été hospitalisée du 5 au 16 mai 2014 au centre médico-chirurgical de la baie de Morlaix pour une intervention de sleeve-gastrectomie réalisée le 6 mai 2014. A la suite de cette opération, son état a présenté des anomalies la rendant incapable de s'alimenter et rendant nécessaire une alimentation parentérale exclusive. Le 30 mai 2014, elle a été transférée à l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) où l'alimentation parentérale a été poursuivie. Le 19 juin 2014, elle a subi une intervention de conversion de la sleeve-gastrectomie en bypass gastrique sur anse en oméga par voie coelioscopique. Le 22 juin 2014, alors qu'elle présentait des troubles de la conscience et une polypnée, elle a fait l'objet d'une intubation et d'une ventilation mécanique, puis a été transférée en réanimation chirurgicale. Le 8 juillet 2014, lors du transfert en unité de soins continus, il a été noté des difficultés de mobilisation post-réanimation et d'équilibration. Le 17 juillet 2014, elle a été transférée au centre hélio-marin de Roscoff. Du 16 mars au 29 mai 2015, elle a suivi des soins de suite et de réadaptation au centre de Perharidy. Le 17 juin 2015, lors d'une consultation neurologique au centre hospitalier régional universitaire de Brest, il a été conclu à un syndrome cérébelleux statique avec élargissement du polygone de sustentation, ataxie à la marche, dysarthrie et nystagmus horizontal bilatéral. Le 26 janvier 2017, Mme B... a subi une intervention de conversion du bypass en oméga en bypass sur anse en Y par cœlioscopie, en raison d'une malabsorption.
3. Il résulte également de l'instruction, et notamment des conclusions du rapport d'expertise du 13 mai 2018, que le défaut d'apport en vitamines et en oligoéléments subi par Mme B... du 6 mai 2014 au 3 juillet 2014 est directement à l'origine d'une encéphalopathie carentielle ayant entraîné un syndrome cérébelleux statique avec une dysarthrie importante, un nystagmus bilatéral ainsi que des troubles neurocognitifs. Cette carence est intervenue la suite de l'opération de sleeve-gastrectomie subie le 6 mai 2014 au centre médico-chirurgical de Morlaix par Mme B..., qui l'a rendue incapable de s'alimenter par voie digestive et a conduit à la placer sous alimentation parentérale exclusive. Les experts relèvent que les diététiciennes et les infirmières qui ont pris en charge Mme B... à partir du 30 mai 2014, date de son transfert à l'HEGP, n'ont pas pris en compte le diagnostic acquis par l'équipe médicale, notamment la sténose totale gastrique dont elle était victime, pour adapter en conséquence son alimentation. A cet égard, l'AP-HP soutient que les fautes initiales à l'origine de la nécessité de l'alimentation parentérale, constituées par la suture accidentelle, puis par le retard au diagnostic et au traitement de celle-ci, ont été commises par le chirurgien du centre médico-chirurgical de Morlaix et que sans ces fautes, le dommage ne se serait pas produit et que, par suite, sa part de responsabilité doit être limitée à 29 %, ainsi que l'ont estimé les experts. En outre, selon l'AP-HP, il n'est nullement établi qu'un apport en vitamines et en oligoéléments dès l'admission de Mme B... au sein de l'HEGP aurait permis d'éviter, de manière certaine, la survenance de troubles neurologiques dus à la carence subie depuis 24 jours au centre médico-chirurgical de la baie de Morlaix. Toutefois, l'AP-HP n'établit pas par ses seules allégations que Mme B... aurait déjà subi l'intégralité des dommages résultant de cette carence avant son transfert à l'HEGP, alors qu'il résulte au contraire des conclusions des experts que la prolongation de la carence en vitamines et en oligoéléments à l'HEGP pendant 34 jours a aggravé les dommages subis par la patiente. Dans ces conditions, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, cette carence de l'HEGP est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP.
4. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de confirmer la part de responsabilité imputable à l'AP-HP fixée par les premiers juges à 50 %, et par conséquent, de mettre à la charge de l'AP-HP la réparation de cette fraction des dommages subis.
Sur les préjudices :
Sur les préjudices de la victime directe :
5. L'état de santé de Mme B... a été consolidé au 9 mars 2017.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
Sur les dépenses de santé :
6. Mme B... justifie avoir exposé des frais correspondant à des participations forfaitaires et des franchises de 191 euros, à l'achat de cannes tripodes pour une somme de 16,80 euros et à l'achat d'un déambulateur pour une somme de 81,19 euros. En outre, il résulte de l'expertise qu'elle devra à l'avenir remplacer son déambulateur et ses cannes tripodes tous les cinq ans. Compte tenu du barème de la Gazette du Palais pour une femme de son âge, il y a lieu de lui accorder la somme de 890 euros au titre des renouvellements futurs de son déambulateur et de ses cannes tripodes. Enfin, si Mme B... justifie avoir déboursé la somme de 51,60 euros pour l'achat de compléments alimentaires les 16 avril, 19 mai, 3 juillet et 19 novembre 2018, elle n'établit pas, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, que ces dépenses sont directement liées au préjudice neurologique subi du fait de la faute commise par l'AP-HP. Par suite, il y a lieu de confirmer le montant de 1 179 euros mis à la charge de l'AP-HP au titre des dépenses de santé restées à la charge de Mme B....
7. Par ailleurs, la CPAM du Finistère soutient avoir engagé du 18 mai 2014 au 1er février 2017 des frais d'hospitalisation à la Fondation Ildys et au centre hélio-marin de Roscoff pour un montant de 44 704, 50 euros, ainsi que des frais médicaux, pharmaceutiques, de kinésithérapie, de biologie, de soins infirmiers, d'appareillage, de véhicule particulier et de transport d'un montant de 22 306,99 euros. Elle justifie également des frais futurs de kinésithérapie, de consultations généralistes et spécialisées et de prescription de Seresta pour un montant de 4 950,50 euros. En revanche, elle ne justifie pas du lien entre la prescription d'Esoméprazole, médicament anti-reflux, avec la faute litigieuse. Enfin, elle sollicite le remboursement de frais à venir de remplacement de la canne et du déambulateur de Mme B..., pour lesquels il y a lieu de confirmer un montant de 599 euros en retenant un coût de 66 euros sur 5 ans engagé par la CPAM et en faisant application du barème de capitalisation pour une femme de 33 ans. Dans ces conditions, il y a lieu de maintenir la somme accordée à la CPAM du Finistère de 72 561 euros au titre des dépenses de santé.
Sur les dépenses liées à l'assistance par une tierce personne pour les besoins de la vie quotidienne :
8. Il résulte de l'instruction que Mme B... a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne pour les besoins de la vie quotidienne, à raison de cinq heures par jour, du 7 août 2014 au 15 mars 2015, du 30 mai 2015 au 24 janvier 2017, et du 6 février 2017 au 7 mars 2017, veille de la consolidation de son état de santé, soit respectivement 221 jours, 606 jours et 30 jours. Ainsi pour la période du 7 août 2014 jusqu'au 8 mars 2017, en retenant un tarif horaire qui fera l'objet d'une juste évaluation à 18 euros sur la base d'une année de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, il y a lieu d'allouer à l'intéressée la somme de 87 062 euros au titre de ce chef de préjudice.
9. Il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'en raison de de son état de santé, Mme B... nécessite de manière permanente une assistance par une tierce personne pour la réalisation des tâches de la vie quotidienne à hauteur de trois heures par jour.
10. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice, pour la période allant du 8 mars 2017 à la date de mise à disposition du présent arrêt le 31 janvier 2022, sur la base d'un taux horaire évalué à 18 euros et proratisé pour prendre en compte les congés payés et les jours fériés sur une base annuelle de 412 jours, en le fixant à la somme de 105 138 euros.
11. S'agissant du préjudice correspondant à la période postérieure à la date de mise à disposition du présent arrêt, il y a lieu d'évaluer le coût total de l'aide apportée par une tierce personne à raison de trois heures par jour à un montant de 5 562 euros et par suite le montant de la rente trimestrielle, payable à terme échu, qui doit être mise à la charge de l'AP-HP, compte tenu de la part de responsabilité imputable à l'AP-HP fixée à 50 % au point 4 du présent jugement, doit être fixé à la somme de 2 781 euros, laquelle sera revalorisée selon les modalités et le coefficient prévus aux articles L. 434-17 et L. 161-25 du code de la sécurité sociale.
Sur les pertes de gains professionnels :
12. Mme B... a cessé son activité professionnelle le 5 mai 2014 et n'a jamais repris son travail. Selon les experts, les pertes de gains professionnels sont imputables à l'accident médical à compter du 17 mai 2014.
13. Il résulte de l'instruction que Mme B... a perçu entre 2013 et 2020 des revenus d'un montant de 65 219 euros, alors que si son salaire de 2013 avait été maintenu, elle aurait dû percevoir 102 352 euros de revenus durant cette période, soit une différence de 37 133 euros. Il sera fait une juste appréciation de la perte annuelle de gains professionnels de Mme B..., en tenant compte de son allocation d'invalidité d'un montant brut annuel de 5 198,35 euros et du barème de la Gazette du Palais pour une femme de son âge, en lui accordant la somme de 230 865 euros au titre de sa perte de gains professionnels futurs. Par suite, il y a lieu de confirmer le montant total de 267 998 euros au titre de son préjudice professionnel.
14. En outre, la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère justifie avoir versé pour Mme B... des indemnités journalières d'un montant de 27 002,04 euros à compter du 1er septembre 2014, date à laquelle celle-ci aurait vraisemblablement pu reprendre le travail en l'absence de séquelles neurologiques, des arrérages échus en invalidité d'un montant de 13 994,40 euros et un capital invalidité d'un montant de 134 685,26 euros. Par suite, il y a lieu de confirmer la somme de 175 681,70 euros mise à la charge de l'AP-HP au profit de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère.
Sur les frais divers :
15. En premier lieu, Mme B... demande le remboursement de la somme de 4 368 euros correspondant aux frais d'assistance par un médecin conseil à l'occasion des opérations d'expertise, ainsi que le remboursement de la somme de 4 232,76 euros correspondant aux frais d'assistance par un avocat à l'occasion des opérations d'expertise. Ces frais résultant intégralement du dommage subi par Mme B..., il y a lieu de maintenir la somme de 8 600,76 euros accordée à ce titre.
16. En deuxième lieu, Mme B... demande le remboursement des frais d'hospitalisation restés à sa charge pour un montant total de 66,75 euros, correspondant à des factures de télévision et d'accès internet. Il y a lieu de maintenir la somme de 66,75 euros accordée à ce titre.
17. En troisième lieu, Mme B... demande le remboursement des frais liés au surcoût de loyer qu'elle a dû supporter. Elle fait valoir qu'elle a dû déménager en raison de l'inadaptation de son ancien logement locatif composé de trois étages. Toutefois, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, elle n'établit pas le lien de causalité entre la faute de l'AP-HP et le surcoût de loyer qu'elle assume désormais. Il n'y a dès lors pas lieu de faire droit à sa demande à ce titre.
18. En quatrième lieu, Mme B... a réalisé, suite à la recommandation des experts de procéder à une évaluation très précise des capacités de conduite de l'intéressée, une heure d'évaluation de ses capacités de conduite sur véhicule automatique pour un montant de 60 euros, qui a conclu à une contre-indication avec réévaluation l'année suivante. Il y a lieu, dans ces conditions, de maintenir la somme de 60 euros accordée à ce titre.
19. Il résulte de ce qui précède que, outre la rente prévue au point 11, le montant des préjudices patrimoniaux de Mme D... B... s'élève à la somme de 470 104,51 euros
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
Sur le déficit fonctionnel temporaire :
20. Il résulte de l'instruction que Mme B... a subi un déficit fonctionnel temporaire de 100 % du 18 mai 2014 au 6 août 2014, de 75 % du 7 août 2014 au 15 mars 2015, de 100 % du 16 mars 2015 au 29 mai 2015, de 75 % du 30 mai 2015 au 21 janvier 2017, de 100 % du 25 janvier 2017 au 5 février 2017 et de 75 % du 6 février 2017 au 9 mars 2017. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en retenant un taux journalier de 16,50 euros et en accordant à Mme B... la somme de 13 425 euros.
Sur le déficit fonctionnel permanent :
21. Il résulte de l'instruction que Mme B... a subi un déficit fonctionnel permanent évalué par les experts à un taux de 66 %. Compte tenu de l'âge de Mme B..., il sera fait une juste évaluation de ce préjudice en lui allouant la somme de 240 000 euros.
Sur le préjudice esthétique :
22. Il résulte de l'instruction que Mme B... a subi un préjudice esthétique évalué par les experts à 5 sur une échelle allant de 1 à 7. A titre de réparation de ce préjudice, il y a lieu de maintenir la somme de 12 000 euros accordée à Mme B... au titre de ce préjudice.
Sur les souffrances endurées :
23. Il résulte de l'instruction que, du fait de la carence fautive de l'HEGP, Mme B... a été privée d'une chance de ne pas subir des souffrances estimées par les experts à 6 sur une échelle allant de 1 à 7. Il y a lieu, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, de maintenir la somme de 25 000 euros accordée à Mme B... au titre de ce préjudice.
Sur le préjudice d'agrément :
24. Il résulte de l'instruction que Mme B... est désormais incapable de pratiquer une activité sportive, que son périmètre de marche est diminué et que ses troubles cognitifs limitent ses activités de loisirs. Cependant il n'est pas établi en l'espèce que Mme B... aurait auparavant pratiqué une activité sportive spécifique. Dès lors, aucune indemnisation ne peut être allouée à ce titre.
25. Le montant des préjudices extrapatrimoniaux de Mme D... B... s'élève ainsi à la somme de 290 425 euros, et par suite, avec la somme fixée au point 19, celle-ci a subi un préjudice total d'un montant de 760 529,51 euros.
Sur les préjudices des victimes indirectes :
Sur les frais divers de M. et Mme B... :
26. M. et Mme B..., parents de Mme D... B..., soutiennent qu'ils ont engagé des frais de déplacement pour assister leur fille lors de ses différentes hospitalisations et pour réaliser des tâches quotidiennes. Toutefois, ils ne justifient pas du montant et de la nature des frais engagés et se bornent à produire une liste de leurs déplacements. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de leur accorder la somme demandée au titre de ce préjudice. En revanche, les intéressés justifient avoir engagé des frais de déplacement, de restauration et d'hébergement en assurant le transport de leur fille au cours des opérations d'expertise et de la procédure devant la commission de conciliation et d'indemnisation les 3 novembre 2016, 17 novembre 2016, 9 mars 2017 et 4 juillet 2018. Dès lors, il y a lieu de maintenir la somme de 2 068,68 euros accordée à ce titre par les premiers juges.
27. Par ailleurs, M. et Mme B... justifient avoir engagé des frais postaux pour la défense des intérêts de leur fille. Il y a lieu, par suite, de confirmer la somme de 179,65 euros accordée à ce titre, soit au total pour M. et Mme B... la somme de 2 248,33 euros.
Sur les frais divers de M. G... :
28. M. G... soutient avoir engagé des frais de déplacement et de restauration pour assister sa compagne lors de ses différentes hospitalisations et pour réaliser des tâches quotidiennes. Toutefois, l'intéressé ne justifie pas du montant et de la nature des frais engagés et se borne à produire une liste de ses déplacements. Par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande au titre de ce préjudice.
Sur le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :
29. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de confirmer les sommes accordées par les premiers juges, soit 10 000 euros à M. F... B..., 10 000 euros à Mme E... B... et 5 000 euros à Mme C... B... au titre du préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence. En revanche, il n'y a pas lieu d'allouer la somme sollicitée à M. G..., qui n'a rencontré Mme D... B... qu'après l'apparition des dommages subis par cette dernière.
Sur les droits des victimes directes et indirectes :
30. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que l'indemnité de 458 952,76 euros que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à verser à Mme D... B... en réparation de ses préjudices doit, compte tenu de la part de responsabilité imputable à l'AP-HP fixée à 50 % au point 4 du présent jugement, être ramenée à la somme de 380 264,75 euros portant intérêt à taux légal à compter du 31 octobre 2019, les intérêts échus étant capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter du 31 octobre 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, et, d'autre part, que l'AP -HP est condamnée à verser à Mme D... B... une rente trimestrielle, payable à terme échu, d'un montant de 2 781 euros, correspondant au coût de l'aide apportée par une tierce personne à raison de trois heures par jour pour une assistance par une tierce personne, dont le montant sera revalorisé selon les modalités décrites au point 11. Par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident de l'AP-HP doivent être rejetées.
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère :
31. S'agissant des débours de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, c'est à bon droit que les premiers juges ne lui ont accordé un remboursement qu'à compter du 17 juillet 2014, date du transfert de Mme B... au centre hélio-marin de Roscoff et n'ont pris en compte que les dépenses afférentes aux conséquences de l'encéphalopathie carentielle. En outre, la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère reste en défaut de fournir un état plus détaillé des dépenses supplémentaires dont elle demande les remboursements, notamment des " frais médicaux " sans plus de précision sur une période allant du 7 mai 2014 au 2 mars 2017.
32. Dans ces conditions, il y a lieu de maintenir la somme mise par les premiers juges à la charge de l'AP-HP la somme de 124 121,35 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2019, date de la première demande. Compte tenu du montant des sommes accordées à la CPAM du Finistère, celle-ci peut se voir accorder l'indemnité forfaitaire de gestion, conformément aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Par suite, il y a lieu de maintenir la condamnation de l'AP-HP à verser à la CPAM la somme de 1 091 euros à ce titre.
Sur les frais liés à l'instance :
33. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les consorts B... et non compris dans les dépens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la CPAM du Finistère.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 458 952,76 euros que le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser à Mme D... B... en réparation de ses préjudices est ramenée à la somme de 380 264,75 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 31 octobre 2019. Les intérêts échus le 31 octobre 2020 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter de cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à Mme D... B... une rente trimestrielle de 2 781 euros au titre de l'assistance par une tierce personne dont le montant sera revalorisé selon les modalités décrites au point 11.
Article 3 : Le jugement n°s 1923357/6-2 et 1923566/6-2 du 21 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts B... est rejeté.
Article 5 : Le surplus des conclusions de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère sont rejetées.
Article 7 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris versera la somme de 2 000 euros aux consorts B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à M. F... B..., à Mme E... B..., à Mme C... B..., à M. A... G..., à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2022.
Le rapporteur,
F. HO SI FAT Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02735