Vu la requête, enregistrée le 3 juin 2002 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société Séchaud et Bossuyt Nord, dont le siège est ..., par Me Denis Z..., avocat ; la société Séchaud et Bossuyt Nord demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98-2079 du 12 mars 2002 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'ordre de versement émis par le département du Nord en vue du recouvrement d'une créance de 278 854,07 francs toutes taxes comprises relatif à un trop-perçu de la rémunération pour la maîtrise de chantier qu'elle a assurée dans le cadre de l'exécution d'une mission de maîtrise d'oeuvre pour la reconstruction du collège de Gondecourt et la décision implicite de rejet de son recours gracieux et à la condamnation du département du Nord à lui reverser ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter des dates de son règlement ;
2°) d'annuler l'ordre de reversement et condamner le département du Nord à lui verser la somme principale de 42 511,03 euros toutes taxes comprises avec intérêts au taux légal à compter des dates de son règlement ;
3°) de condamner le département du Nord à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Code C+ Classement CNIJ : 39-04-01
Elle soutient que sa requête de première instance était recevable ; que le marché de maîtrise d'oeuvre du 8 février 1990 et son avenant n° 1 de maîtrise de chantier du 17 mai 1990 ont fait l'objet d'une approbation régulière par une délibération du conseil général du Nord et ont été régulièrement signés par le président du conseil général du Nord ; que les actes relatifs à la passation du marché et à son avenant ont été rendus exécutoires et le marché exécuté que le principe d'intangibilité du prix s'applique à l'administration ; que les erreurs de calcul dans les marchés publics ne sont pas de nature à vicier le contrat et le rendre nul ; que les décomptes généraux et définitifs des entreprises et les décomptes d'honoraires du maître d'oeuvre ont été approuvés sans réserve ; que son décompte est définitif ; que la condition du caractère indu du paiement relative à l'action en répétition de l'indu n'est pas remplie dès lors que la preuve de la nullité de l'acte à l'origine des paiements contestés n'est pas rapportée ; qu'à supposer qu'une erreur puisse être admise, le département du Nord devrait en assumer la pleine et entière responsabilité ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2003, présenté pour le département du Nord, représenté par le président du conseil général dûment habilité, par Me X..., avocat ; il conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Séchaud et Bossuyt Nord à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient qu'en application de l'arrêté du 29 juin 1973, le forfait de rémunération effectif aurait dû résulter de la prise en compte du seul sous-groupe d'ouvrage appartenant au domaine fonctionnel du bâtiment à l'exclusion de celui relevant du domaine fonctionnel infrastructure ; que la circonstance que l'erreur matérielle commise ait échappé à la sagacité du maître d'ouvrage et aux autorités administratives de contrôle est sans incidence sur la possibilité pour l'administration de réclamer le reversement des sommes indues sur le fondement des articles 1376 et 1377 du code civil ; que la prescription ne saurait être utilement invoquée ; que la société a accepté sciemment un paiement nettement supérieur à celui auquel elle avait droit et ne saurait prétendre avoir subi un préjudice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ;
Vu la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant l aloi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat notamment son article 118 ;
Vu le décret n° 73-207 du 28 février 1973 relatif aux conditions de rémunération des missions d'ingénierie et d'architecture remplies pour le compte des collectivités publiques par des prestataires de droit privé ;
Vu l'arrêté du 29 juin 1973 relatif aux modalités d'application aux opérations d'investissement du décret n° 73-207 du 28 février 1973 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2004 où siégeaient
M. Merloz, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur, et M. Quinette, premier conseiller :
- le rapport de M. Quinette, premier conseiller,
- les observations de Me Y..., avocat, membre de la société d'avocats Dhonte Caille, avocats associés, pour la société anonyme Séchaud et Bossuyt Nord,
- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées l'ordre de versement et tendant à la condamnation du département du Nord :
Considérant que, par un marché en date du 8 février 1990, le conseil général du département du Nord a confié à la société Séchaud et Bossuyt la partie ingénierie de la maîtrise d'oeuvre pour la reconstruction du collège de Gondecourt ; que, par un avenant n° 1 du
17 mai 1990, une mission de maîtrise de ce chantier a été confiée à cette même société par le département du Nord qui, après achèvement des travaux, a procédé au règlement du marché initial et de son avenant ; que, par une lettre en date du 21 mars 1997, le payeur départemental du Nord a fait savoir à la société Séchaud et Bossuyt que les dispositions du décret n° 73-207 du
28 février 1983 et de son application du 29 juin 1993 et de l'annexe 5 de celui-ci n'avaient pas été respectées et qu'elle devrait reverser la somme trop payée de 278 854,07 francs dont cette dernière a été déclarée redevable par un ordre de versement qui a été émis le 29 mai 1997 et rendu exécutoire le 4 juin 1997 ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 21 de la loi susvisée du 22 juillet 1983 et de l'article 118 de la loi susvisée du 22 juillet 1973 qu'à la date de passation de l'avenant du 17 mai 1990, les départements n'étaient plus tenus de se conformer au décret du
28 février 1983 et à l'arrêté du 29 juin 1993 pris pour son application ; que la seule circonstance que le forfait supplémentaire de rémunération du supplément normalisé de maîtrise de chantier retenu par l'avenant ait été fixé selon des modalités différentes de celles prévues par l'annexe 5 de l'arrêté du 29 juin 1973 n'est pas de nature à entacher cet avenant de nullité ; que la société Séchaud et Bossuyt est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter sa demande tendant à l'annulation de l'ordre de versement émis à son encontre et au reversement de la somme de
278 854,07 francs payée au département du Nord, le tribunal administratif de Lille a, par le jugement attaqué, déclaré nul l'avenant du 17 mai 1990 au motif qu'il méconnaît le décret du
28 février 1973 ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens présentés par la société Séchaud et Bossuyt à l'appui de sa demande ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avenant n° 1 du 17 mai 1990 au marché de maîtrise d'oeuvre passé le 8 février 1990 a été notifié à la société Séchaud et Bossuyt et rendu exécutoire le 22 mai 1990, date de sa transmission au préfet du Nord ; qu'après achèvement des prestations qui avaient été confiées par cet avenant à la société Séchaud et Bossuyt, le département du Nord a procédé au paiement du forfait supplémentaire de rémunération du supplément normalisé de maîtrise de chantier, fixé à l'annexe 1 de cet avenant n° 1 ; que l'erreur dont seraient entachées les modalités de calcul de ce forfait n'étaient pas de nature, comme il vient d'être dit, à entacher de nullité ce contrat ni à vicier l'engagement pris par le département ; que c'est donc à tort qu'à raison de cette erreur le département du Nord a ordonné le reversement par la société Séchaud et Bossuyt de la somme de 278 854,07 francs (42 511,03 euros) ; qu'il suit de là que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Lille, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'ordre de versement émis le 29 mai 1997 et la condamnation du département du Nord à lui reverser la somme de 42 511,03 euros, ladite somme devant porter intérêt au taux légal à compter de ses dates de règlement ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Séchaud et Bossuyt Nord qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer au département du Nord la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner le département du Nord à payer à la société Séchaud et Bossuyt Nord la somme de 2 000 euros qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 12 mars 2002 est annulé.
Article 2 : L'ordre de versement émis le 29 mai 1997 est annulé et le département du Nord est condamné à verser à la société Séchaud et Bossuyt Nord la somme de
42 511,03 euros avec intérêts au taux légal à compter des dates auxquelles le règlement de ladite somme est intervenu.
Article 3 : Le département du Nord versera à la société Séchaud et Bossuyt Nord une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Séchaud et Bossuyt Nord et au département du Nord.
Copie sera transmise au préfet du Nord.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 12 février 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.
Prononcé en audience publique le 4 mars 2004.
Le rapporteur
Signé : J. B...
Le président de chambre
Signé : G. A...
Le greffier
Signé : B. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier
Bénédicte C...
N°02DA00461 5