Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Sous le n° 1904920, M. BD... Poulmarc'h, Mme H... Y..., Mme AQ... BB..., et M. Q... AH... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a autorisé, au titre des articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement, la société LafargeHolcim Granulats à poursuivre et à étendre l'exploitation d'une gravière de matériaux alluvionnaires sur le territoire des communes de Montpouillan et Gaujac.
Sous le n° 1905524, l'association Vigilances Gravières, M. BN... Poulmarc'h, Mme Z... Poulmarc'h, M. AM... Poulmarc'h, M. AK... AE..., Mme M... BS..., Mme E... AE..., Mme AI... O..., Mme BL... AG..., M. C... S..., Mme AZ... S..., M. AJ... I... et Mme AS... I..., M. AA... AL... et Mme BT... AL..., M. Q... J..., Mme T... J..., M. A... BC..., Mme AY... BC..., M. V... BC..., Mme AV... BC..., M. BH... AN..., Mme AP... AN..., M. BM... W..., Mme U... BA..., Mme AW... BO..., M. BF... D..., Mme BG... D..., M. L... D..., Mme T... D..., M. K... AT..., Mme P... AT..., M. AB... BE..., Mme AF... F..., Mme AP... F..., Mme BI... F..., M. AR... N..., M. BJ... X..., Mme AO... B..., M. BQ... AC..., M. BM... BP..., Mme AD... BP..., M. L... BK... et M. R... AX... ont présenté devant le tribunal administratif de Bordeaux une demande tendant aux même fins.
Sous le n° 2100961, l'association Vigilance Gravières, M. BN... Poulmarc'h, Mme Z... Poulmarc'h, M. AM... Poulmarc'h, M. AK... AE..., Mme M... BS..., Mme E... AE..., Mme AI... O..., M. Q... AH..., Mme G... AH..., M. C... S..., Mme AZ... S..., M. AA... AL... et Mme BT... AL..., M. Q... J..., Mme T... J..., M. V... BC..., Mme AV... BC..., M. BM... W..., Mme U... BA..., M. BJ... X..., Mme AO... B..., M. BF... D..., Mme BG... D..., M. Y..., Mme Y..., M. K... AT..., Mme P... AT..., Mme AF... F..., Mme AP... F..., Mme BI... F..., M. BQ... AC..., M. BM... BP..., Mme AD... BP..., et M. L... BK...
ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a modifié l'arrêté préfectoral du 29 mai 2019 par lequel elle a autorisé, au titre des articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement, la société LafargeHolcim Granulats à poursuivre et à étendre l'exploitation d'une gravière de matériaux alluvionnaires sur le territoire des communes de Montpouillan et Gaujac.
Par un jugement n° 1904920, 1905524, 2100961 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 29 mai 2019, tel que modifié par arrêté du 29 octobre 2020, par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a délivré une autorisation environnementale unique en tant qu'il vaut dérogation aux interdictions prévues à l'article L. 411-1 du code de l'environnement, sursis à statuer sur les conclusions restantes des requêtes n°1904920 et n°1905524 jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du jugement, imparti à la société LafargeHolcim Granulats ou à l'Etat pour notifier au tribunal une autorisation environnementale modificative et rejeté comme irrecevable la demande n°2100961.
Par un jugement n° 1904920 et 1905524 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le surplus des conclusions des demandes.
Procédure devant la cour :
I/ Par une requête et des mémoires, enregistrés les 15 mars 2022, 8 mars 2024 et 13 mai 2024, ce dernier n'ayant pas été commmuniqué, sous le n° 22BX00887, l'association Vigilance Gravières, M. BN... Poulmarc'h, Mme Z... Poulmarc'h, M. AM... Poulmarc'h, M. AK... AE..., Mme M... BS..., Mme E... AE..., Mme AI... O... et M. BD... Poulmarc'h, représentés par Me Terrasse, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1904920, 1905524, 2100961 du tribunal administratif de Bordeaux du 13 janvier 2022 en tant qu'il n'annule pas dans son intégralité l'arrêté du 29 mai 2019 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a autorisé au titre des articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement, la société LafargeHolcim Granulats à poursuivre et étendre l'exploitation d'une gravière de matériaux alluvionnaires sur le territoire des communes de Montpouillan et Gaujac et rejette comme irrecevable la demande enregistrée sous le n°2100961 introduite le 27 février 2021 à l'encontre de l'arrêté du 29 octobre 2020.
2°) d'annuler dans sa totalité l'arrêté du 29 mai 2019, tel que modifié par l'arrêté du 29 octobre 2020, par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a autorisé au titre des articles L. 181-1 et suivants du code de l'environnement, la société LafargeHolcim Granulats à poursuivre et étendre l'exploitation d'une gravière de matériaux alluvionnaires sur le territoire des communes de Montpouillan et Gaujac ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable dès lors qu'elle n'est pas tardive et qu'ils justifient d'un intérêt à agir étant propriétaires ou occupants de terrains à proximité de la gravière ;
A titre principal :
- l'annulation par le tribunal de la dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement n'est pas susceptible d'être régularisée ; le tribunal a donc commis une erreur de droit en n'annulant pas dans son entièreté l'autorisation environnementale du 29 mai 2019 ; le vice de fond tiré de l'absence de raison impérative d'intérêt public à la dérogation dite " espèces protégées " rend impossible la poursuite de l'exploitation litigieuse ; le dossier d'autorisation environnementale a d'ailleurs été déposé sur la base de deux avis du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) constatant l'absolue nécessité d'une dérogation ; dans ce même dossier, le pétitionnaire a souligné que les contraintes techniques et économiques liées à l'exploitation du gisement ne permettent pas d'envisager un évitement complet de l'ensemble des habitats potentiels des espèces protégées sur le site de sorte que la condition tenant à ce qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante que la dérogation n'est pas remplie ;
- compte tenu de l'annulation de la dérogation initiale sur la base de laquelle l'arrêté modificatif a été pris, le tribunal ne pouvait sans contradiction et erreur de droit rejeter comme irrecevables leurs conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 octobre 2020 qui modifie l'arrêté initial uniquement dans sa partie relative à la dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ; le tribunal aurait dû prononcer un non-lieu à statuer ;
- au demeurant, compte tenu du risque caractérisé qui pèse sur les espèces protégées pour l'ensemble du périmètre de l'extraction de la carrière litigieuse, le projet en litige est susceptible d'enfreindre les interdictions énoncées à l'article 12 de la Directive Habitats à l'égard notamment des espèces de reptiles et d'amphibiens protégées s'agissant du seuil de déclenchement de la dérogation espèces protégées ;
- le dossier rectificatif qui comporte le dossier initial de demande de dérogation relative aux espèces protégées dans sa version du mois d'août 2018, le rapport du 20 janvier 2020 compilant les résultats des suivis écologiques menés sur deux jours et une nuit aux mois de mai et juillet 2019 sur les secteurs " Loustière " et " Pré du Broc ", un périmètre des inventaires en cause se cantonnant aux secteurs de " Loustière " et " Pré du Broc ", soit seulement deux des sept zones d'extraction de la carrière litigieuse et dont les mesures de suivi écologique ne respectent pas le protocole " Indice de Qualité Ecologique " élaboré par le Muséum National d'Histoire Naturelle, est insuffisant ;
- la présence de spécimens et d'habitats d'amphibiens protégés a été identifiée sur le site ; si deux tableaux identifient 8 183 m de fossés et de cours d'eau comme des habitats de reproduction d'amphibiens et des reptiles, en réalité, ce chiffre comprend seulement les cours d'eau et fossés avec végétation de ceinture mais omet de prendre en compte l'impact du projet sur les 6 584 m de fossés sans végétation de ceinture qui constituent de manière certaine des habitats de reproduction d'amphibiens et de reptiles ; dans ces circonstances, il est patent que la surface d'habitat favorable aux espèces protégées d'amphibiens et de reptiles correspond à 14 770 m (et non 8 183 m) tandis que la destruction des habitats s'élève à 8 730 m de fossés, soit 59% du linéaire, en lieu et place des 2 147 m impactés initialement retenus à tort ; il existe un risque de destruction de ces habitats d'amphibiens protégés malgré la mise en œuvre de mesures d'évitement et de réduction ; les mesures de réduction proposées pour les amphibiens à savoir l'adaptation d'un calendrier de travaux et l'ouverture des milieux, ne permettent pas à elles seules de faire disparaître tout risque d'atteinte sur les individus protégés d'amphibiens ; le dossier de demande, qui n'a par ailleurs pas cartographié les habitats correspondant à deux espèces protégées de reptiles, mentionne que l'ensemble des habitats naturels de l'aire d'étude correspond aux habitats des reptiles ; le dossier initial de demande de dérogation identifie de manière non équivoque des risques de destruction de spécimens adultes et de destruction des pontes ; il résulte tant du dossier initial que du dossier de porter à connaissance qu'entre les mois d'octobre (inclus) et le mois d'avril (inclus), les risques de destruction des individus adultes en période d'hibernation sont particulièrement accrus et qu'entre le mois de mai (inclus) et de septembre (inclus), les risques de destruction de pontes sont particulièrement accrus ; la destruction des habitats protégés des reptiles ne se limite pas à un impact résiduel de destruction de 220 m de fossés avec végétation (habitat de reproduction) et 8,78 ha (habitat de repos) ; les mesures d'évitement et de réduction qui sont les mêmes que pour les amphibiens sont insuffisantes ; la réalisation des travaux sur la végétation sur la période de septembre à octobre ne réduit aucunement le risque d'atteinte aux reptiles, et ce d'autant moins que le cycle biologique des reptiles est tel que ce cortège d'espèces est particulièrement vulnérable durant les 12 mois de l'année (reproduction ou hibernation) ;
- le projet porte encore atteinte à d'autres taxons ; de nombreuses haies bocagères présentes en bordure et au cœur des parcelles d'exploitation concentrent des enjeux majeurs en termes d'espèces et habitats protégés ; ces haies bocagères abritent des avifaunes, des oiseaux ubiquistes, outre des amphibiens protégés et des reptiles protégés ; la ripisylve de l'Avance constitue aussi un enjeu majeur en termes d'habitat ; l'implantation de tapis au droit de cette zone présente un risque suffisamment caractérisé pour les oiseaux, les amphibiens, les reptiles et la loutre ; les oiseaux ubiquistes protégés occupent l'ensemble des habitats naturels identifiés sur l'aire d'étude sans toutefois être pris en compte dans l'appréciation des impacts du projet ;
- il est impossible d'éviter effectivement les impacts sur les espèces et habitats protégés dès lors que le dossier initial ne comporte que deux mesures d'évitement, l'exclusion des parcelles présentant le plus d'enjeux écologiques du périmètre d'extension et la prise en compte des fossés à enjeux en périphérie des parcelles d'extension et que les nouvelles conditions d'exploitation du projet telles qu'elles résultent de l'arrêté complémentaire du 11 octobre 2022 ne comportent qu'une seule mesure d'évitement supplémentaire à savoir l'évitement de 4 657 m2 de haies bocagères ;
- le pétitionnaire a renoncé en juillet 2022 à réaliser des mesures compensatoires ;
- les mesures compensatoires relatives aux zones humides sont insuffisantes ;
- l'étude d'impact en ce qu'elle concerne, d'une part, la description et l'analyse des effets induits par les travaux nécessaires à l'installation des tapis convoyeurs ainsi que leur fonctionnement, et d'autre part, les zones humides est insuffisante alors d'ailleurs que le SAGE Vallée BR... approuvé par arrêté préfectoral du 21 juillet 2020 identifie le site de passage du tapis comme une zone humide à protéger et que les opérations de remblaiement sont de nature à mettre en péril le caractère humide de la zone protégée ;
- le projet méconnaît les dispositions de l'article 11 de l'arrêté du 22 septembre 1994 ;
A titre subsidiaire :
- l'avis du commissaire enquêteur n'est pas motivé en méconnaissance de l'article R. 123-19 du code de l'environnement et son rapport est entaché d'irrégularité ; le commissaire enquêteur n'a pas porté d'appréciation personnelle sur le projet sur ses quatre volets (installation classée, loi sur l'eau, défrichement, espèces protégées) ; il ne porte aucun avis sur les atteintes portées aux espèces protégées et leurs habitats, aux milieux naturels remarquables (destruction de près de 7 ha de zones humides) ou encore sur la disparition des 96 ha de terres agricoles ; ces irrégularités ont privé le public d'une garantie ;
- le sursis à statuer prononcé par le tribunal après avoir constaté l'insuffisance de l'étude d'impact est erroné ; d'une part, l'étude des solutions alternatives conduira inévitablement le pétitionnaire à remettre en cause l'opportunité de son projet sur les communes de Gaujac et Montpouillan ; d'autre part, l'avis rendu par le service de gestion des milieux aquatiques et la prévention des Inondations (GEMAPI) de Val de Garonne Agglomeration révèle que l'étude de modélisation hydraulique de la société est incomplète, déplore la mise en place d'un système d'endiguement sans perspective d'évolution et critique les systèmes de franchissement des cours d'eau de l'Avance et du Sérac par les tapis de transferts de granulats susceptibles de modifier des digues classées et de contrarier leur entretien ;
- l'autorisation n'est pas compatible avec le schéma des carrières de Lot-et-Garonne en ce qui concerne l'utilisation économe et rationnelle des matériaux (orientation 9.2), la prise en compte du risque inondation (orientation 9.3 p.67) et le projet de réaménagement de la gravière (orientation 10) ;
- elle porte une atteinte excessive à l'agriculture et au paysage, intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement en raison de l'atteinte excessive portée à l'espace agricole et au caractère dérisoire de la compensation envisagée ; le prélèvement de 98,8 hectares de surface agricole utile intervient dans une zone d'étude déjà fortement soumise à la pression foncière agricole ; la zone d'étude a subi une perte de surface agricole de plus de 3 889 ha entre 1988 et 2010, soit une diminution de 26 % de la surface agricole utile (SAU) de la zone d'étude en 22 ans ; l'exploitation initiale a déjà entraîné la destruction de 78 hectares de terres agricoles sur la commune de Montpouillan, et il résulte de la demande d'autorisation environnementale que le projet entrainera respectivement la destruction de plus de 18 % et de presque 5 % de la surface agricole utile des communes de Gaujac et de Montpouillan ; la compensation financière a été arrêtée à 76 550 euros affectés à la réalisation d'une étude de recherche de friches sur le périmètre d'étude à remettre en culture, d'un montant de 22 000 euros et répartie pour le surplus entre une aide à la remise en culture pour les friches identifiées à l'étude " friches " qui trouvent un exploitant, une aide à la pérennisation du plan collectif anti-grêle du département et en cas de non-usage des fonds " remise en culture ", à un basculement des sommes restantes vers le fonds " grêle ", ce qui est manifestement dérisoire.
Par des mémoires en défense enregistrés les 3 novembre 2023 et 12 avril 2024, la société Lafarge Granulats, représentée par la SCP Gury et Maitre, conclut à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, si la juridiction retenait l'existence d'un vice affectant l'autorisation environnementale, à l'application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, le cas échéant en limitant la portée de l'annulation au vice retenu ou en prononçant un sursis à statuer afin de permettre la régularisation de l'autorisation et à la mise la charge des requérants de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mai 2024 à 12 heures.
II/ Par une requête enregistrée le 13 mars 2023, sous le n° 23BX00759, l'association Vigilance Gravières, M. BN... Poulmarc'h, Mme Z... Poulmarc'h, M. AM... Poulmarc'h, Mme R... O..., M. BD... Poulmarc'h, M. BF... D..., Mme BG... D..., M. BM... BP..., Mme AD... BP..., M. L... BP..., M. C... S..., Mme AZ... S..., M. BM... W..., Mme U... BA... et Mme AS... I... demandent à la cour :
1°) de réformer les jugements n° 1904920, 1905524 du tribunal administratif de Bordeaux des 13 janvier 2022 et 12 janvier 2023 ;
2°) d'annuler dans sa totalité l'arrêté du 29 mai 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- alors qu'il existe un risque d'inondation sur les communes de Gaujac et Montpouillan, la société LafargeHolcim n'a réalisé aucune nouvelle étude hydraulique pour remédier à l'insuffisance de son étude d'impact et s'est contentée de renvoyer à l'étude hydraulique déjà réalisée dans le cadre de l'étude d'impact initiale ; le projet en objet (renouvellement et extension) s'insère dans un secteur dont la partie la plus au nord est située à 1,2 km du lit mineur BR... qui connaît un phénomène de surverse à intervalle très régulier ; les différents secteurs d'emprise sont également traversés par plusieurs cours d'eau du sud-est au nord-ouest (" L'Avance ", " le Sérac ", " La Vide ") et sujets à de très fréquentes inondations ; cette extrême vulnérabilité aux inondations s'illustre à travers le classement de tous les terrains d'emprise de la gravière en zone rouge dans le plan de prévention du risque inondation (PPRI) du secteur du Marmandais, approuvé par arrêté préfectoral du 7 septembre 2010 ; les communes de Gaujac et Montpouillan sont également identifiées dans le rapport et la cartographie des aléas et des risques approuvés comme soumises à des événements d'inondation fréquents avec des hauteurs d'eau pouvant aller au-delà de 2 mètres ; l'enjeu inondation est tel sur le secteur qu'une stratégie locale du risque inondation Tonneins-Marmande a été validée depuis le mois de mai 2017 ; celle-ci comporte une évaluation préliminaire des risques (EPRI), -intégrant un état des lieux de l'exposition des enjeux aux risques d'inondation- et identifie des territoires à risque important d'inondation (TRI) : la commune de Gaujac y est mentionnée comme faisant partie des sept communes les plus impactées du sous-bassin Tonneins-Marmande additionnant des risques pour la santé, l'économie et les transports, l'emploi ; ainsi, eu égard à l'ampleur de la nouvelle gravière (création de nombreux plans d'eau sur les cours d'eau et les fossés avec risque de capture par la Garonne) et des aménagements envisagés (pose de merlons anti-bruit susceptibles de faire obstacle à l'écoulement des eaux, franchissement des cours d'eau par les tapis de transferts, stockages de matériaux et remblais), il ne fait donc aucun doute que la contrainte hydraulique aurait dû être étudiée avec beaucoup de soin non seulement pour informer le public mais encore et surtout pour adapter avec pertinence les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des impacts ; l'article 11 de l'arrêté du 22 septembre 1994 relatif aux exploitations de carrières prévoit que les exploitations de carrières de granulats sont interdites dans l'espace de mobilité du cours d'eau et force est de déplorer que l'étude ne justifie absolument pas le choix du secteur retenu pour procéder à l'analyse de l'espèce de mobilité BR..., de sorte qu'il est impossible de savoir si celui-ci est représentatif du fonctionnement géomorphologique du cours d'eau ; en outre, alors que le SAGE Vallée BR... approuvé par arrêté inter-préfectoral du 21 juillet 2020 comporte une disposition III.8 qui fixe l'objectif de : " Déterminer l'espace de mobilité fonctionnel BR... et établir les principes de gestion liés à son aménagement ", il résulte du travail cartographique mené par le SAGE Vallée BR... que l'intégralité du territoire de la commune de Gaujac est située au sein de l'espace de mobilité BR... et qu'aux termes de cet objectif, le SAGE rappelle que " La Garonne est un fleuve naturellement très mobile ", non seulement l'étude d'impact est entachée d'une insuffisance substantielle mais également l'arrêté en litige est entaché d'un vice de fond tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 11 de l'arrêté de 1994 ; si pour s'exonérer de son obligation d'évaluation de l'espace de mobilité des cours d'eau impactés par la carrière, le pétitionnaire considère que ces deux cours d'eau seraient trop artificialisés pour présenter une mobilité, ces considérations d'ordre très général ne répondent pas aux contraintes posées par l'article 11 de l'arrêté précité ; l'étude est encore entachée de nombreuses insuffisances substantielles relatives à l'absence de modélisation hydraulique, à l'absence d'analyse des effets du franchissement des digues du Sérac et de l'Avance par les tapis convoyeurs et à l'insuffisance de l'analyse des effets des remblais et stockage de matériaux sur le risque inondation ; sur ce dernier point, il sera notamment renvoyé en page 276 de l'étude d'impact au terme de laquelle il est indiqué que des dépôts de surface composés de matériaux de découverte seront entreposés sur site au fur et à mesure de l'exploitation (terre végétale et de stériles de découverte limono argileux) pour une quantité estimée à environ 1 163 455 m3 et en page suivante il est encore précisé que ces terres de découverte seront stockées en merlons pendant la durée d'exploitation des tranches ou sous-tranches dont elles sont issues sans pouvoir dépasser une à trois années, sauf pour un usage phonique ou paysager et sur le plan des impacts, il est indiqué que les merlons seront limités à l'emprise de la carrière et que les abords seront orientés afin de favoriser une évacuation des eaux vers le plan d'eau et que la végétalisation sera un facteur limitant le ruissellement des eaux ; or, la société Lafarge ne pouvait raisonnablement se contenter de telles affirmations et s'exonérer d'étudier, dans l'étude hydraulique ou ailleurs dans l'étude d'impact, les impacts sur le milieu et le voisinage de ces nouveaux merlons de terre (ajoutés aux merlons anti-bruit) en cas d'inondation ; l'étude se devait d'être d'autant plus exhaustive sur ce point que celle-ci ne comporte même pas de plan cadastral de stockage des matériaux de découverte mentionnant les lieux où ils seront entreposés ;
- l'étude d'impact ne comporte pas le plan de sécurité inondation pourtant exigé par le PPRI ;
- compte tenu du risque caractérisé qui pèse sur les espèces protégées pour l'ensemble du périmètre de l'extraction de la carrière litigieuse, le projet en litige est susceptible d'enfreindre les interdictions énoncées à l'article 12 de la Directive Habitats à l'égard des espèces de reptiles et d'amphibiens protégées s'agissant du seuil de déclenchement de la dérogation espèces protégées ;
- le dossier rectificatif qui comporte le dossier initial de demande de dérogation relative aux espèces protégées dans sa version du mois d'août 2018, le rapport du 20 janvier 2020 compilant les résultats des suivis écologiques menés sur deux jours et une nuit aux mois de mai et juillet 2019 sur les secteurs " Loustière " et " Pré du Broc ", un périmètre des inventaires en cause se cantonnant aux secteurs de " Loustière " et " Pré du Broc ", soit seulement deux des sept zones d'extraction de la carrière litigieuse et dont les mesures de suivi écologique ne respectent pas le protocole " Indice de Qualité Ecologique " élaboré par le Muséum National d'Histoire Naturelle, est insuffisant ;
- la présence de spécimens et d'habitats d'amphibiens protégés a été identifiée sur le site ; si deux tableaux identifient 8 183 m de fossés et de cours d'eau comme des habitats de reproduction d'amphibiens et des reptiles, en réalité, ce chiffre comprend seulement les cours d'eau et fossés avec végétation de ceinture mais omet de prendre en compte l'impact du projet sur les 6 584 m de fossés sans végétation de ceinture qui constituent de manière certaine des habitats de reproduction d'amphibiens, de reptiles ; dans ces circonstances, il est patent que la surface d'habitat favorable aux espèces protégées d'amphibiens et de reptiles correspond à 14 770 ml (et non 8 183 m) tandis que la destruction des habitats s'élève à 8 730 m de fossés, soit 59% du linéaire, en lieu et place des 2 147 m impactés initialement retenus à tort ; il existe un risque de destruction de ces habitats d'amphibiens protégés malgré la mise en œuvre de mesures d'évitement et de réduction ; les mesures de réduction proposées pour les amphibiens à savoir l'adaptation d'un calendrier de travaux et l'ouverture des milieux ne permettent pas à elles seules de faire disparaître tout risque d'atteinte sur les individus protégés d'amphibiens ; le dossier de demande, qui n'a par ailleurs pas cartographié les habitats correspondant à deux espèces protégées de reptiles, mentionne que l'ensemble des habitats naturels de l'aire d'étude correspond aux habitats des reptiles ; le dossier initial de demande de dérogation identifie de manière non équivoque des risques de destruction de spécimens adultes et de destruction des pontes ; il résulte tant du dossier initial que du dossier de porter à connaissance qu'entre les mois d'octobre (inclus) et le mois d'avril (inclus), les risques de destruction des individus adultes en période d'hibernation sont particulièrement accrus et qu'entre le mois de mai (inclus) et de septembre (inclus), les risques de destruction de pontes sont particulièrement accrus ; la destruction des habitats protégés des reptiles ne se limite pas à un impact résiduel de destruction de 220 m de fossés avec végétation (habitat de reproduction) et 8,78 ha (habitat de repos) ; les mesures d'évitement et de réduction qui sont les mêmes que pour les amphibiens sont insuffisantes ; la réalisation des travaux sur la végétation sur la période de septembre à octobre ne réduit aucunement le risque d'atteinte aux reptiles, et ce d'autant moins que le cycle biologique des reptiles est tel que ce cortège d'espèces est particulièrement vulnérable durant les 12 mois de l'année (reproduction ou hibernation) ;
- le projet porte encore atteinte à d'autres taxons ; de nombreuses haies bocagères présentes en bordure et au cœur des parcelles d'exploitation concentrent des enjeux majeurs en termes d'espèces et habitats protégés ; ces haies bocagères abritent des avifaunes, des oiseaux ubiquistes, des amphibiens protégés et des reptiles protégés ; la ripisylve de l'Avance constitue aussi un enjeu majeur en termes d'espèces d'habitat ; l'implantation de tapis au droit de cette zone présente un risque suffisamment caractérisé pour les oiseaux, les amphibiens, les reptiles et la loutre ; les oiseaux ubiquistes protégés occupent l'ensemble des habitats naturels identifiés sur l'aire d'étude sans toutefois être pris en compte dans l'appréciation des impacts du projet ;
- il est impossible d'éviter effectivement les impacts sur les espèces et habitats protégés dès lors que le dossier initial ne comporte que deux mesures d'évitement, l'exclusion des parcelles présentant le plus d'enjeux écologiques du périmètre d'extension et la prise en compte des fossés à enjeux en périphérie des parcelles d'extension et que les nouvelles conditions d'exploitation du projet telles qu'elles résultent de l'arrêté complémentaire du 11 octobre 2022 ne comportent qu'une seule mesure d'évitement supplémentaire à savoir l'évitement de 4 657 m2 de haies bocagères ;
- le projet porte une atteinte excessive à l'agriculture et au paysage, intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement en raison de l'atteinte excessive portée à l'espace agricole et au caractère dérisoire de la compensation envisagée ; le prélèvement de 98,8 hectares de surface agricole utile intervient dans une zone d'étude déjà fortement soumise à la pression foncière agricole ; la zone d'étude a subi une perte de surface agricole de plus de 3 889 ha entre 1988 et 2010, soit une diminution de 26 % de la SAU de la zone d'étude en 22 ans ; l'exploitation initiale a déjà entraîné la destruction de 78 hectares de terres agricoles sur la commune de Montpouillan, et il résulte de la demande d'autorisation environnementale que le projet entrainera respectivement la destruction de plus de 18% et de presque 5 % de la surface agricole utile des communes de Gaujac et de Montpouillan ; la compensation financière a été arrêtée à 76 550 euros affectés à la réalisation d'une étude de recherche de friches sur le périmètre d'étude à remettre en culture, d'un montant de 22 000 euros et répartie pour le surplus entre une aide à la remise en culture pour les friches identifiées à l'étude " friches " qui trouvent un exploitant, une aide à la pérennisation du plan collectif anti-grêle du département et en cas de non-usage des fonds " remise en culture ", à un basculement des sommes restantes vers le fonds " grêle ", ce qui est manifestement dérisoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2024, la société Lafarge Granulats conclut au rejet de la requête et à la mise la charge des requérants de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;
- la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 22 septembre 1994 relatif aux exploitations de carrières ;
- l'arrêté du 19 novembre 2007 fixant les listes des amphibiens et des reptiles protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;
- l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. AU...,
- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,
- les observations de Me O..., représentant les requérants et de Me Gury, représentant la société LafargeHolcim Granulats.
Deux notes en délibéré présentées par Me Terrasse représentant les requérants ont été enregistrées le 19 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La société Lafarge Granulats France devenue LafargeHolcim Granulats, exploite depuis 2003 sur le territoire des communes de Montpouillan et de Gaujac (Lot-et-Garonne) une carrière de sable et de graviers sur une superficie de 67 hectares. La gravière, soumise au régime des installations classées pour la protection de l'environnement, a été autorisée par un arrêté préfectoral du 20 juin 2003. Le dernier arrêté modificatif du 4 août 2017 autorise l'exploitation jusqu'au 4 août 2022. Par une demande du 22 décembre 2017, complétée les 20 avril, 18 mai et 8 août 2018, la société Lafarge a sollicité une nouvelle autorisation d'exploiter d'une durée de 27 ans portant sur une surface d'environ 137 hectares, dont 21 hectares en renouvellement d'autorisation et 116 en extension. Par arrêté du 29 mai 2019, la préfète de Lot-et-Garonne a accordé l'autorisation environnementale sollicitée valant autorisation d'exploiter au titre de la législation relative aux installations classées (L. 512-2 du code de l'environnement), de la loi sur l'eau (L. 212-1 du code de l'environnement), et dérogation dite " espèces protégées " concernant les amphibiens, les reptiles et les oiseaux énumérés à l'article 8.1 de cet arrêté. Par arrêté du 29 octobre 2020, la préfète de Lot-et-Garonne a modifié, à la demande de la société pétitionnaire, l'autorisation du 29 mai 2019 en abrogeant les dispositions de la dérogation " espèces protégées " relatives aux amphibiens et aux reptiles. Par un jugement n° 1904920, 1905524, 2100961 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, annulé l'arrêté du 29 mai 2019, tel que modifié par arrêté du 29 octobre 2020, par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a délivré une autorisation environnementale unique, en tant qu'il vaut dérogation aux interdictions prévues à l'article L. 411-1 du code de l'environnement, et, d'autre part, sursis à statuer sur les conclusions restantes des requêtes n° 1904920 et n° 1905524 jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa notification imparti à la société LafargeHolcim Granulats ou à l'Etat pour notifier au tribunal une autorisation environnementale modificative. La société LafargeHolcim Granulats, a, d'une part, fait réaliser par un bureau d'études spécialisé un addendum à l'étude d'impact portant sur les solutions de substitution à l'extension de la gravière et le risque inondation lié à l'arasement d'une digue, et a, d'autre part, déposé le 17 juillet 2022 un porter à la connaissance du préfet de Lot-et-Garonne visant à modifier le périmètre de l'exploitation envisagée afin de tenir compte de l'annulation de la dérogation aux interdictions prévues à l'article L. 411-2 du code de l'environnement prononcée par le jugement du 13 janvier 2022. Ces éléments ont été portés à la connaissance du public par voie électronique du 22 juin au 21 juillet 2022. Par un premier arrêté, le préfet de Lot-et-Garonne a délivré à la société LafargeHolcim Granulats, le 11 octobre 2022, une autorisation environnementale modificative consécutivement à la modification du périmètre de l'exploitation. Par un second arrêté, le préfet de Lot-et-Garonne a pris acte, le 10 novembre 2022, des compléments apportés à l'étude d'impact par l'addendum portant sur les solutions de substitution à l'extension de la gravière et le risque inondation lié à l'arasement d'une digue. Les requérants demandent, dans la requête enregistrée sous le n° 22BX00887, d'annuler le jugement n° 1904920, 1905524, 2100961 du tribunal administratif de Bordeaux du 13 janvier 2022 en tant qu'il n'annule pas dans son intégralité l'arrêté du 29 mai 2019 tel que modifié par l'arrêté du 29 octobre 2020, par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a autorisé la société Lafargeholcim Granulats à poursuivre et étendre l'exploitation d'une gravière de matériaux alluvionnaires sur le territoire des communes de Montpouillan et Gaujac et rejette comme irrecevable la requête enregistrée sous le n° 2100961 introduite le 27 février 2021 à l'encontre de l'arrêté du 29 octobre 2020. Ils demandent, dans la requête enregistrée sous le n° 23BX00759 de réformer les jugements du tribunal administratif de Bordeaux des 13 janvier 2022 et 12 janvier 2023 et d'annuler en conséquence l'arrêté du 29 mai 2019.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées n°22BX00887, 23BX00759 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.
Sur la contestation présentée à titre principal :
3. Aux termes de l'article 12 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive " Habitats " : " 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l'annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant : / a) toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature ; / b) la perturbation intentionnelle de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d'hibernation et de migration ; / c) la destruction ou le ramassage intentionnels des œufs dans la nature ; / d) la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos ". Aux termes de l'article 16 de la même directive : " 1. A condition qu'il n'existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les Etats membres peuvent déroger aux dispositions des articles 12, 13, 14 et de l'article 15 points a) et b) : / a) dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) à des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes; / e) pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié par les autorités nationales compétentes de certains spécimens des espèces figurant à l'annexe IV (...) ". Aux termes de l'article 5 de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages : " Sans préjudice des articles 7 et 9, les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un régime général de protection de toutes les espèces d'oiseaux visées à l'article 1er et comportant notamment l'interdiction : /a) de les tuer ou de les capturer intentionnellement, quelle que soit la méthode employée ; (...) / d) de les perturber intentionnellement, notamment durant la période de reproduction et de dépendance, pour autant que la perturbation ait un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive ".
4. Aux termes de l'article L. 181-2 du code de l'environnement : " I. L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : (...) / 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° du I de l'article L. 411-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 411-1 du même code : " I. Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits: / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code: " I. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) A des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; / e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié de certains spécimens (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
6. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.
7. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".
En ce qui concerne l'irrecevabilité opposée par le tribunal aux conclusions dirigées contre les dispositions de l'arrêté modificatif du 29 octobre 2020 :
8. Dans son jugement du 13 janvier 2022, le tribunal a estimé " qu'en l'absence de risque de destruction accidentelle de crapaud épineux, de rainette méridionale, de grenouilles vertes Pelophylax, de grenouille agile, de lézard des murailles, de lézard à deux raies, et de destruction, altération et dégradation de sites de reproduction ou d'aires de repos de rainettes méridionales, grenouilles agiles, lézard à deux raies et lézards des murailles, la société pétitionnaire n'était pas tenue de joindre à son dossier, pour ces espèces, la demande de dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement ". Il en a déduit que parce que l'arrêté du 29 mai 2019 de la préfète de Lot-et-Garonne est superfétatoire sur ces points, les requérants ne sont pas recevables à demander l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2020 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a abrogé ces dispositions superfétatoires de l'arrêté du 29 mai 2019 puisque l'arrêté modificatif ne leur fait pas grief sur ce point.
9. En premier lieu, pour contester l'irrecevabilité retenue par le tribunal, les requérants soulignent que cet arrêté, en tant qu'il exclut les reptiles, amphibiens et autres taxons pourtant identifiés sur le site et pour lesquels il existe un risque de destruction des habitats protégés malgré la mise en œuvre de mesures d'évitement et de réduction, du champ de la dérogation, contrevient manifestement au principe de protection stricte des espèces protégées et leur fait donc grief. Ils soulignent que le site actuel et les extensions concernent 60 ha de cultures, 35 ha de prairies, 12 ha de boisements divers, une quinzaine d'hectares de zones humides et 4 600 m de fossés, que le projet impacte directement de nombreuses espèces et habitats d'espèces protégées avec la destruction accidentelle de six espèces d'amphibiens et reptiles, la destruction, altération et dégradation de sites de reproduction ou d'aires de repos de six espèces d'amphibiens et reptiles et 48 espèces d'oiseaux.
10. D'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'arrêté du 29 octobre 2020 n'exclut du champ de la dérogation " espèces protégées " que les reptiles et les amphibiens et non les autres taxons.
11. D'autre part, il ressort du dossier intitulé " rectificatif de la demande de dérogation au titre des espèces et habitats protégés " du 7 septembre 2020 que l'exclusion des reptiles et des amphibiens du périmètre de la dérogation est justifiée par la faible superficie d'habitats impactés, le faible effectif d'individus qui fréquenterait les zones futures d'extraction, l'adaptation du calendrier de travaux en dehors des périodes de reproduction et d'hivernage des reptiles, la durée réduite des travaux, les méthodes d'ouverture des milieux favorisant la fuite des individus et la présence de milieux de repli à proximité. Plus précisément, le rapport Antea Group relève que la " quasi-totalité des spécimens (environ 6 sur 40) et pontes ont été observés en dehors de la zone future d'extraction ", qu'" Au cours des prospections réalisées lors du diagnostic écologique en mars et avril 2015 (2 jours) ainsi qu'en juin et juillet 2018 (3 jours) pour établir le dossier d'autorisation environnementale, quatre espèces d'amphibiens (rainette méridionale, grenouille agile, crapaud commun, et grenouille verte) très communes à communes ont été observées sur l'aire d'étude élargie (zone d'extraction projetée + zone déjà exploitée + abords), que " Les inventaires complémentaires de juin et juillet 2018 n'ont pas mis en évidence d'autre espèce d'amphibien ", que " Lors des inventaires réalisés dans le cadre du suivi règlementaire en mai et juillet 2019 sur les secteurs Loustière et Pré du Broc (phase 1 d'exploitation), aucun amphibien n'a été détecté ", qu'au cours des prospections du diagnostic écologique du dossier d'autorisation environnementale, intervenues pour les reptiles entre mars et novembre 2015 (12 jours) ainsi qu'en juin et juillet 2018 (3 jours), deux espèces de reptiles très communes (lézard des murailles, lézard à deux raies) ont été observées sur l'aire d'étude élargie et que lors des inventaires de mai et juillet 2019 sur les secteurs Loustière et Pré du Broc (phase 1A de l'autorisation environnementale 2019), aucun reptile n'a été contacté. Il ressort encore de ce rapport que l'impact résiduel après mesures d'évitement et de réduction est pour les amphibiens, concernant leurs milieux de reproduction, de 3% du linéaire d'habitat favorable sur l'aire d'étude élargie, et pour leurs milieux de repos, de 12% de la surface d'habitat favorable sur l'aire d'étude élargie et pour les reptiles, concernant leurs milieux de reproduction, de 3% du linéaire d'habitat favorable sur l'aire d'étude élargie, et pour leurs milieux de repos, de 7% de la surface d'habitat favorable sur l'aire d'étude élargie. Les impacts potentiels du projet après mesures d'évitement et de réduction sur les habitats sont ainsi qualifiés de faibles pour les amphibiens et de très faibles pour les reptiles. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que la mise en place d'un tapis convoyeur serait, compte tenu de ses caractéristiques techniques, susceptible de porter à ces espèces une atteinte telle qu'une dérogation serait nécessaire. Il ressort également du tableau 28 de l'étude d'impact de la demande de renouvellement et d'extension de l'autorisation que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, tous les fossés ont bien fait l'objet d'analyses avec une distinction entre les fossés végétalisés ou non végétalisés présentant un enjeu écologique " fort ", " moyen ", " faible " et " très faible ". De même, parmi les mesures d'évitement du projet, il est prévu (mesure 4), s'agissant des aires de repos, un évitement de la totalité des terrains occupés par l'Aulnaie, riveraine de l'Avance, laissant ainsi une distance de 20 à 50 m entre l'Avance et la zone d'extraction et s'agissant des sites de reproduction, un recul de 20 à 50 m par rapport aux limites de propriété, de sorte que la majorité des fossés et cours d'eau, localisés en périphérie de parcelles seront évités. Si les requérants indiquent encore que tant le dossier initial que celui de porter à connaissance concluent qu'une perspective de destruction d'individu, même accidentelle, est " peu probable et non prévisible ", il faut comprendre de cette constatation que la perspective de destruction d'individu n'est pas crédible ce que confirment d'ailleurs les tableaux de synthèse des impacts du projet sur les espèces : " Risque de destruction intentionnelle d'individus ou d'œufs : NON ". Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les deux mesures d'évitement prévues dans le dossier initial à savoir l'exclusion des parcelles présentant le plus d'enjeux écologiques du périmètre d'extension et la prise en compte des fossés à enjeux en périphérie des parcelles d'extension et que la nouvelle mesure d'évitement prévue dans l'arrêté complémentaire à savoir l'évitement de 4 657 m2 de haies bocagères, seraient insuffisantes. Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément de l'instruction permettant de mettre en doute les données résultant ainsi du dossier de la société pétitionnaire et la portée des mesures d'évitement et de réduction prévues, le projet ne peut être regardé comme comportant un risque suffisamment caractérisé pour les espèces protégées, amphibiens et reptiles, qui étaient visées par l'arrêté préfectoral du 29 mai 2019.
12. En second lieu, les requérants soulignent, que compte tenu de l'annulation de la dérogation initiale sur la base de laquelle l'arrêté modificatif a été pris, le tribunal ne pouvait sans contradiction et erreur de droit rejeter comme irrecevables leurs conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 octobre 2020 qui modifie l'arrêté initial uniquement dans sa partie relative à la dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Toutefois, en l'absence de risque suffisamment caractérisé de destruction d'individus appartenant aux espèces protégées, amphibiens et reptiles, visées par l'arrêté contesté, et de risque de destruction, altération et dégradation de sites de reproduction ou d'aires de repos, la société n'avait pas à solliciter la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Il suit de là que l'arrêté 29 octobre 2020 s'est bien borné à abroger une dérogation superfétatoire.
13. Cette décision du 29 octobre 2020 ne faisant pas grief, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre cet arrêté.
En ce qui concerne la portée de la décision du tribunal annulant partiellement l'arrêté du 29 mai 2019 :
14. Ainsi qu'il a été indiqué au point 1 du présent arrêt, le tribunal, dans son jugement n° 1904920, 1905524, 2100961 du 13 janvier 2022, a annulé l'arrêté du 29 mai 2019, tel que modifié par arrêté du 29 octobre 2020, par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a délivré une autorisation environnementale unique, en tant qu'il vaut dérogation aux interdictions prévues à l'article L. 411-1 du code de l'environnement. Pour annuler cet arrêté valant dérogation " espèces protégées ", le tribunal a retenu que celui-ci n'est pas motivé, n'est pas justifié par l'un des motifs prévus au 4° du I. de l'article L. 411-2 du code de l'environnement (intérêt public majeur) et que la condition tenant à ce qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante prévue au même article ne peut être regardée comme remplie.
15. Les requérants estiment qu'il résulte de cette annulation, d'ailleurs non contestée en appel, qu'elle doit nécessairement emporter l'annulation totale de l'arrêté du 29 mai 2019 dès lors que le vice de fond tiré de l'absence de raison impérative d'intérêt public majeur à la dérogation dite " espèces protégées " rend impossible la poursuite de l'exploitation litigieuse, que le dossier d'autorisation environnementale a d'ailleurs été déposé sur la base de deux avis du Conseil national de la protection de la nature constatant l'absolue nécessité d'une dérogation et que dans ce même dossier, le pétitionnaire a souligné que les contraintes techniques et économiques liées à l'exploitation du gisement ne permettent pas d'envisager un évitement complet de l'ensemble des habitats potentiels des espèces protégées sur le site de sorte que la condition tenant à ce qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante que la dérogation n'est pas remplie.
16. Il résulte de l'instruction que la dérogation concernant diverses espèces d'oiseaux qu'avait obtenue la société LafargeHolcim Granulats et que le tribunal a annulée ne portait que sur une petite partie de la carrière dont l'exploitation a été autorisée par l'arrêté du 29 mai 2019, puisque l'article 8.1 de cet arrêté autorisait un " impact résiduel sur les habitats d'espèces protégées à enjeu écologique moyen et fort estimé à 8,78 ha et 220 m de fossés " couvrant notamment 0,38 ha de haies bocagères, 4,11 ha de prairie mésophile à fétuque faux roseau et 2,21 ha de fourrés pré-forestiers. Les autres zones du projet, sur lesquelles les atteintes aux habitats d'espèces étaient qualifiées de " faibles " et " très faibles " en ce que l'exploitation ne remet pas en cause le bon accomplissement des cycles biologiques, n'étaient pas incluses dans le champ d'application de la dérogation au sens de l'article 3 de l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire. Il suit de là que l'annulation de la dérogation accordée à la société par le jugement du 13 janvier 2022, quels qu'en soient les motifs, ne remettait nullement en cause la possibilité d'exécuter l'autorisation d'exploitation délivrée sur les autres emprises parcellaires qui n'étaient pas régies par la dérogation et ne justifiait donc pas l'annulation totale de l'arrêté. Au demeurant, la société LafargeHolcim Granulats a déposé, le 17 juillet 2022, un porter à la connaissance du préfet de Lot-et-Garonne qui prévoit la modification du périmètre d'extraction et un évitement total des habitats d'espèces pour l'avifaune patrimoniale. Ainsi, compte tenu des préconisations du bureau d'études Simethis, il est prévu l'évitement de 0,38 ha d'habitat de nidification pour la fauvette grisette, au droit du lieu-dit La Barthe, sur la commune de Gaujac, de 2,21 ha d'habitat de nidification pour la bouscarle de Cetti, au droit du lieu-dit Les Barthotes, sur les communes de Montpouillan et de Gaujac, de 4,11 ha d'habitat de nidification pour la cisticole des joncs, au droit du lieu-dit Pitosse, sur la commune de Montpouillan ainsi que la mise en place, au droit du lieu-dit La Barthe, d'une bande tampon de 5 mètres autour de la haie préservée, favorable à la nidification de l'avifaune des milieux semi-ouverts protégée commune. Les niveaux potentiels d'impact, initialement qualifiés de " modérés " à " forts ", sont ainsi désormais " négligeables " ou " nuls ". Si les requérants font encore valoir que de nombreuses " haies bocagères ", présentes en bordure d'exploitation, concentreraient des " enjeux majeurs en termes d'espèces et habitats protégés " tandis que la zone tampon envisagée, d'une largeur de 20 mètres, serait inférieure à la bande de 50 mètres préconisée par le Conseil national de protection de la nature (CNPN), toutefois, l'arrêté du 11 octobre 2022 comporte une mesure 3B qui consiste en la préservation d'une bande de 20 m entre l'exploitation et l'Avance au droit de la zone Les Barthotes, d'une bande de 50 mètres entre l'exploitation et l'Avance au droit de la zone Le Merle / Petit Siret, d'une bande de 20 m entre l'exploitation et l'Avance au droit de la zone La Barthe et le CNPN dans son second avis sur la version du dossier modifiée relève que la deuxième version du dossier après l'avis défavorable initial est très satisfaisante en ce qu'elle reprend point par point les faiblesses constatées de la version 1 initiale d'une part, et que les mesures nouvelles présentées et proposées sont particulièrement adaptées, d'autre part. De même, le CNPN dans son avis, à propos du franchissement du cours d'eau par tapis convoyeur a indiqué avoir particulièrement " apprécié (...) les mesures d'évitement qui garantissent les fonctionnalités écologiques des deux cours d'eau de l'Avance et le Sérac, et l'impact quasi nul sur les espèces patrimoniales : loutre, chiroptères, Scirpe des bois, Agrion de mercure, Milan noir..., ". Par suite, la société LafargeHolcim Granulats a pu régulièrement déposer le porter à connaissance précité visant à modifier le périmètre de l'exploitation envisagée afin de tenir compte de l'annulation de la dérogation aux interdictions prévues à l'article L. 411-2 du code de l'environnement prononcée, alors d'ailleurs que selon le rapport de l'inspection des installations classées en date du 5 avril 2022 effectué à la suite de la visite du site le 4 avril 2022, les deux seules zones concernées par la nécessité d'une dérogation au titre des espèces protégées (prairie mésophile à fétuque faux roseau et fourrés pré-forestiers) n'étaient pas exploitées et correspondaient à des phases ultérieures d'exploitation ne devant pas intervenir avant 2038.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 29 mai 2019, tel que modifié par arrêté du 29 octobre 2020, valant dérogation :
17. En premier lieu, les requérants reprennent en appel dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, leur moyen tiré de ce que l'étude d'impact ne comporte pas le plan de sécurité inondation pourtant exigé par le plan de prévention des risques d'inondation et auquel le tribunal a apporté la réponse suivante " si le plan de prévention des risques d'inondation approuvé le 7 septembre 2010, prévoit la nécessité de réaliser un plan de sécurité inondation définissant les mesures de réduction de la vulnérabilité et du risque de pollution pour l'ensemble de l'installation pour toute extension de carrière, ce document n'avait pas à figurer dans le dossier de demande d'autorisation environnementale ou dans l'étude d'impact dont les contenus sont précisés par voie règlementaire. Dès lors, les requérants ne sauraient utilement soutenir que l'absence de ce document entache d'insuffisance l'étude d'impact. ". Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
18. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été indiqué aux points 11 et 12 du présent arrêt, le périmètre du projet ne comporte pas de risque caractérisé de destruction d'amphibiens et de reptiles ou de leurs habitats et l'arrêté modificatif du 29 octobre 2020 en a tiré les conséquences en retirant la dérogation " espèces protégées " initialement accordée. En outre, ainsi qu'il a été indiqué au point 16 du présent arrêt, la société porteuse du projet a tiré les conséquences de l'annulation par le jugement du 13 janvier 2022, de la dérogation qui lui avait été accordée sur une surface de 8,78 ha au regard de l'impact sur les oiseaux, en extournant ce périmètre de son projet, étant précisé que pour les autres zones du projet, les atteintes aux habitats d'espèces étaient qualifiées de " faibles " et " très faibles ". Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêté du 29 mai 2019, tel que modifié par arrêté du 29 octobre 2020 et l'arrêté du 11 octobre 2022, en tant qu'ils excluent des reptiles, des amphibiens, et autres taxons de toute dérogation aux espèces protégés contrevient aux dispositions de l'article 12 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 et aux dispositions de l'article L. 181-2 du code de l'environnement et de l'article L. 411-1 du même code doit être écarté.
19. En troisième lieu et pour les mêmes motifs, le dossier rectificatif qui comporte le dossier initial de demande de dérogation relative aux espèces protégées dans sa version du mois d'août 2018, le rapport du 20 janvier 2020 compilant les résultats des suivis écologiques menés sur deux jours et une nuit aux mois de mai et juillet 2019 sur les secteurs " Loustière " et " Pré du Broc ", un périmètre des inventaires en cause se cantonnant aux secteurs de " Loustière " et " Pré du Broc " n'est pas insuffisant alors même qu'il ne respecterait pas le protocole " Indice de Qualité Ecologique " élaboré par le Muséum National d'Histoire Naturelle lequel n'a d'ailleurs pas de valeur réglementaire.
20. En quatrième lieu, les requérants se plaignent de ce que le projet conduit à la destruction de 6,7 ha de zones humides, que le projet s'insère dans un secteur au régime hydrographique complexe, traversé par plusieurs cours d'eau, dont l'" Avance " et le " Sérac " qui eux-mêmes sont des affluents BR... qu'ils rejoignent à environ 1,8 kms à l'aval du site, qu'il existe un risque d'inondation sur les communes de Gaujac et Montpouillan sans qu'aucune nouvelle étude hydraulique n'ait été réalisée pour remédier à l'insuffisance de son étude d'impact. Ils ajoutent que cette extrême vulnérabilité aux inondations s'illustre à travers le classement de tous les terrains d'emprise de la gravière en zone rouge dans le plan de prévention du risque inondation (PPRI) du secteur du Marmandais, approuvé par arrêté préfectoral du 7 septembre 2010 et que les communes de Gaujac et Montpouillan sont également identifiées dans le rapport et la cartographie des aléas et des risques approuvés comme soumises à des événements d'inondation fréquents avec des hauteurs d'eau pouvant aller au-delà de 2 mètres et que l'enjeu inondation est tel sur le secteur qu'une stratégie locale du risque inondation Tonneins-Marmande a été validée depuis le mois de mai 2017. Ils affirment encore qu'alors que l'article 11 de l'arrêté du 22 septembre 1994 relatif aux exploitations de carrières prévoit que les exploitations de carrières de granulats sont interdites dans l'espace de mobilité du cours d'eau, l'étude ne justifie absolument pas le choix du secteur retenu pour procéder à l'analyse de l'espèce de mobilité BR... ni du respect du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) Vallée BR... approuvé par arrêté inter-préfectoral du 21 juillet 2020 ce dont résulte tant une insuffisance substantielle de l'étude d'impact qu'une méconnaissance directe de l'article 11 de l'arrêté précité de 1994. Ils affirment également que l'étude est encore entachée de nombreuses insuffisances substantielles relatives à l'absence de modélisation hydraulique, à l'absence d'analyse des effets du franchissement des digues du Sérac et de l'Avance par les tapis convoyeurs et à l'insuffisance de l'analyse des effets des remblais et stockage de matériaux sur le risque inondation.
21. Toutefois, de première part, il ressort tant de l'étude d'impact jointe au dossier de demande d'autorisation d'exploiter notamment en ses pages 100-106 " Risques naturels et technologiques majeurs retenu - A/ Inondation, " 281-282 " Impact sur l'exposition des personnes et des biens aux risques majeurs. A/ Inondation par débordement BR..., B/Inondation par remontée de nappe, C/ Rupture de barrages et digues ", 289-306 : " Compatibilité avec le PPRI, 1. Fonctionnement hydraulique, 2. Mécanisme de remontée BR... dans l'Avance, 3. Mécanisme de remontée BR... dans le Vide, 4. Submersion des digues de l'avance, 5. Impact des merlons sur le risque inondation, 6. Conclusions, 7. Mesures ", que des tableaux de synthèse des risques majeurs et mesures de cette étude ainsi que de l'étude hydraulique annexée à l'étude d'impact réalisée par Antea Group, lesquelles reposent sur des données scientifiques ainsi que sur des observations et relevés réalisés sur place, que le risque d'inondation a été appréhendé. L'étude a d'ailleurs été complétée au mois de mai 2022 en ce qui concerne les solutions de substitution.
22. De deuxième part, il ne résulte pas de l'instruction que s'agissant de la détermination de l'espace de mobilité des cours d'eau, la méthodologie du " Guide technique n° 2 relatif à la détermination de l'espace de liberté des cours d'eau ", élaboré par le Bassin Rhône Méditerranée Corse lequel cartographierait " l'intégralité du territoire de la commune de Gaujac (...) au sein de l'espace de mobilité BR... " n'aurait pas été appliquée ni, à supposer même qu'elle n'aurait pas été appliquée, que la méthodologie retenue aurait conduit à des résultats erronés. L'étude hydraulique réalisée par le cabinet Antea Group indique au demeurant expressément en page 14 que l'espace de mobilité a été défini en référence au guide technique dont les requérants font état.
23. De troisième part, outre qu'il ressort de l'étude hydraulique que la problématique de la mobilité des cours d'eau est inapplicable à l'Avance et au Sérac, compte tenu notamment de leur artificialisation, les requérants n'apportent aucun élément permettant d'estimer que les conclusions de l'étude seraient lacunaires, erronées ou viciées en ce qu'elles reposeraient sur des choix méthodologiques erronés. D'une manière générale, les réserves exprimées tenant à l'absence de modélisation hydraulique ne sont étayées d'aucun élément de nature à permettre à la cour de remettre en cause les conclusions de l'étude hydraulique annexée à l'étude d'impact et validée par un bureau d'étude.
24. De quatrième part, si Val de Garonne Agglomération, durant l'enquête publique, a demandé un ajustement de la hauteur des tapis à savoir un passage de 2,5 m au-dessus du haut de la digue et pas seulement par rapport à la berge, il ne peut en être déduit que l'étude d'impact aurait été insuffisante tant sur l'analyse du risque hydraulique que sur la description et l'analyse des effets induits sur les espèces et l'analyse des zones humides.
25. De cinquième part, les insuffisances alléguées de l'étude d'impact en ce qui concerne " l'analyse des effets des remblais et stockage de matériaux sur le risque inondation " ne résultent pas davantage de l'instruction alors que ces questions ont été étudiées dans un paragraphe explicitement intitulé " C.5 Impact des merlons sur le risque inondation " et dans les tableaux de synthèse analysant les risques naturels au regard des " Dépôts de surface ". Le bureau d'études a d'ailleurs vérifié tous les aspects de ces dépôts et a conclu que " l'impact des merlons peut être considéré comme nul ".
26. De dernière part, il résulte de l'instruction que contrairement à ce que soutiennent les requérants, la localisation des merlons est précisément exposée comme suit " Figure 125 : Localisation des merlons antibruit avec phasage de réalisation, phase 1 : zones Pré du Broc et de la Loustière " (Et. impact, p. 294), Figure 128 : Localisation des merlons antibruit avec phasage de réalisation, phase 2 : zone de la Barthe " (Et. Impact, p. 297), Figure 131 : Localisation des merlons antibruit avec phasage de réalisation, phase 3 : zones du Merle, du Petit Siret et des Bartotes " Figure 134 : Localisation des merlons antibruit avec phasage de réalisation, phase 4 : zones du Petit Siret, des Bartotes et de Pitosse ", Figure 137 : Localisation des merlons antibruit avec phasage de réalisation, phase 5 : zone de Pitosse ". ".
27. En dernier lieu, les requérants qui se bornent à indiquer que le SAGE Vallée BR... approuvé par arrêté préfectoral du 21 juillet 2020 identifie la zone de passage du tapis convoyeur comme une zone humide à protéger, que les opérations de remblaiement sont de nature à mettre en péril le caractère humide de la zone protégée et que la distance séparant la limite de l'extraction et les limites du cours d'eau avait été fixée à 50 mètres, pour l'Avance dans le dossier initial, n'apportent pas davantage d'éléments permettant de retenir que le projet méconnaîtrait l'article 11 de l'arrêté du 22 septembre 1994 relatif aux exploitations de carrières et le SAGE Vallée BR... approuvé par arrêté inter-préfectoral du 21 juillet 2020.
28. Il résulte de ce qui précède que l'étude d'impact, telle qu'elle a été complétée après jugement avant-dire droit du tribunal, ne peut être regardée comme entachée d'insuffisance.
Sur la contestation présentée à titre subsidiaire sous le n° 22BX00887 :
29. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " (...) Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ". Si ces dispositions n'imposent pas à la commission d'enquête de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer en livrant ses conclusions, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.
30. Il résulte de l'instruction que le commissaire enquêteur a déposé un document de 60 pages intitulé " rapport " contenant une première partie consacrée à des généralités, à l'organisation et déroulement de l'enquête et à l'analyse et synthèse des observations, et une seconde partie consacrée à ses conclusions et avis. Au sein du rapport, le commissaire enquêteur, destinataire de 238 observations, a répondu de manière thématique aux principaux enjeux soulevés, parmi lesquels figurent la consommation de terres agricoles et la nécessité d'une demande de dérogation pour la destruction d'espèces et d'habitats d'espèces protégées. Le commissaire enquêteur a, en outre, cité les avis produits par différentes instances consultatives, tels que celui du Conseil national de la protection de la nature (avis favorable). Dans la seconde partie du rapport, le commissaire-enquêteur a décrit sur deux pages les (huit) " points négatifs du projet " et ses (seize) " points positifs ", a expliqué que son avis est favorable parce que les " avantages, que présente à terme le projet d'autorisation de renouvellement et d'extension de la carrière alluvionnaire située sur les communes de Montpouillan et Gaujac, l'emportent sur les inconvénients générés ", et a émis une recommandation sur le respect des engagements pris par la société, dont " une modification du plan d'emprises cadastrales conformément à l'annexe 22 de ce document ". Le commissaire-enquêteur a relevé, entre autres, que les prescriptions de la carte communale de Montpouillan " sont respectées ", que le projet " est en conformité avec le RNU " applicable sur la commune de Gaujac, que le projet " est compatible avec le Schéma de Cohérence Territoriale du Val de Garonne (SCoT), le Schéma Départemental des Carrières de Lot-et-Garonne (SDC), le Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) du bassin Adour-Garonne, le Schéma Régional Climat Air Energie (SRCAE) ", qu'il convient de " considérer l'absence d'impact significatif sur le site Natura 2000 représenté par le fleuve Garonne distant d'environ un km au plus près ", que le projet " n'a pas d'incidence sur l'espace agricole susceptible de permettre l'élaboration de produits sous AOP ", qu'il est " situé en dehors des périmètres de protection de captages d'Alimentation en Eau Potable " et n'a " pas de site paysager inscrit ou classé ni de monument historique à proximité immédiate " et que le risque inondation renvoie à un " impact résiduel non significatif ". Ce faisant, le commissaire enquêteur a suffisamment motivé, de manière personnelle, ses conclusions et n'a pas entaché d'irrégularité son rapport.
31. En deuxième lieu, c'est sans portée utile que les requérants contestent que les vices mentionnés au point 1 du présent arrêt tirés des insuffisances relevées par le tribunal en ce qui concerne le contenu de l'étude d'impact aient pu être regardés comme étant régularisables dès lors que si, lorsque les juges du fond, après avoir écarté comme non fondés des moyens de la requête, ont cependant retenu l'existence d'un ou de plusieurs vices entachant la légalité d'une autorisation environnementale dont l'annulation leur était demandée et ont alors décidé de surseoir à statuer en faisant usage des pouvoirs qu'ils tiennent de l'article L. 181-18 du code de l'environnement pour inviter l'administration à régulariser ce ou ces vices et que l'auteur du recours formé contre le jugement ou l'arrêt avant dire droit peut alors contester ce jugement ou cet arrêt en tant qu'il a écarté comme non fondés les moyens dirigés contre l'autorisation environnementale initiale et également en tant qu'il a fait application de l'article L. 181-18, en revanche à compter de la délivrance de l'autorisation modificative en vue de régulariser le ou les vices relevés, les conclusions dirigées contre le jugement ou l'arrêt avant dire droit, en tant qu'il met en œuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sont privées d'objet. Par suite, compte tenu de la délivrance d'une autorisation modificative intervenue sous la forme d'un arrêté complémentaire du 10 novembre 2022 du préfet de Lot-et-Garonne qui a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'adapter l'autorisation environnementale initiale du 29 mai 2019 au vu des compléments d'étude d'impact apportés par l'exploitant, le moyen est irrecevable.
32. En troisième lieu, en application de l'article L. 515-3 du code de l'environnement, le schéma régional des carrières définit notamment les conditions générales d'implantation des carrières et fixe les objectifs à atteindre en matière de limitation et de suivi des impacts et les orientations de remise en état et de réaménagement des sites. Ce même article prévoit que les autorisations de carrières doivent être compatibles avec ce schéma. Il appartient au juge de rechercher si l'autorisation ne contrarie pas les objectifs du schéma départemental en se plaçant à l'échelle du département, qui est le territoire couvert par le schéma. Le rapport de compatibilité s'apprécie dans le cadre d'une analyse globale en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur.
33. Les requérantes invoquent la méconnaissance de trois orientations du schéma départemental des carrières du département de Lot et Garonne.
34. La première orientation invoquée énonce que s'agissant des sables et graviers : " une utilisation économe et rationnelle de ces matériaux alluvionnaires devra être systématiquement étudiée et recherchée ". Les requérants reprochent à la société Lafarge Granulats de s'être contentée d'évoquer des généralités en matière de progression de l'utilisation de matériaux de substitution sans démontrer avoir recherché à économiser la ressource par l'emploi de roches calcaires ou de matériaux de recyclage.
35. La seconde orientation invoquée énonce que : " Les besoins courants en granulats alluvionnaires resteront couverts par les extractions en lit majeur, même dans l'hypothèse d'un recours plus volontariste aux matériaux calcaires. Les secteurs d'extraction, qu'il est nécessaire de maintenir au niveau actuel de production pour les 10 ans à venir, concernent principalement : - la plaine alluviale BR..., où le matériau est propre et abondant, sous deux réserves : la prise en compte du risque inondation, (...) ". Les requérants estiment que le risque inondation n'a pas été correctement pris en compte dans le dossier d'autorisation environnementale.
36. La dernière orientation invoquée énonce, s'agissant des zones alluviales en eau que : " lorsqu'ils ne s'intègrent pas dans un schéma global d'aménagement écologique ou de loisir, la création de nouveaux plans d'eau est à éviter ". Les requérants soulignent que l'exploitant est incapable de démontrer que les plans d'eaux créés en fin d'exploitation seront aménagés et entretenus suivant les prescriptions fixées dans l'étude d'impact et reprises en l'état dans l'arrêté contesté.
37. Toutefois, si ce schéma prévoit que : " En particulier, le recours aux granulats de roches calcaires et la réutilisation des produits de démolition devraient être toujours proposés, en option, dans les cahiers des charges. L'utilisation en remblais des matériaux nobles sera proscrite, sauf exception justifiée ", l'exception à la recherche de solution de substitution est ici justifiée par le fait que comme l'indique le dossier de demande, dans sa Partie 1-Présentation, p. 26 et Partie 7- Dérogation, p. 57, " Les matériaux élaborés seront destinés à alimenter des chantiers routiers et des travaux publics ainsi que des centrales à béton et des usines de préfabrication " et " L'utilisation de matériaux recyclés ou d'autres types de matériaux alternatifs n'est pas envisageable pour la fabrication du béton prêt à l'emploi, la préfabrication ou les usages routiers, compte tenu des caractéristiques physico-chimiques de ces matériaux. En effet, les granulats entrant dans la composition des bétons et couches des chaussées doivent répondre à des caractéristiques chimiques et de résistance bien particulière, ce qui n'est aujourd'hui pas le cas des matériaux alternatifs ". De même, le risque d'inondation a été analysé, à travers tout d'abord une première étude hydraulique réalisée par un bureau d'ingénierie puis par un addendum réalisé en mai 2022 par le bureau d'études Antéagroupe lequel prend en compte les conséquences de l'arasement de la digue de protection située à l'est du Merle-Petit Siret, ainsi que l'a exigé le tribunal administratif de Bordeaux dans son jugement avant dire droit. Enfin, selon ce schéma " les exploitants n'étant plus responsables du site après obtention du quitus d'abandon d'exploitation, ils ne peuvent valablement s'engager sur l'évolution de ce site alors qu'ils n'en ont plus la maîtrise juridique ". En outre, ainsi que le relève à juste titre la société intimée, le projet a cherché à définir une synergie entre les différents plans d'eau en assignant à chaque plan d'eau une vocation précise à savoir la pêche pour le plan d'eau au lieu-dit Pré du Broc, la promenade pour le plan d'eau au lieu-dit Pitosse les découvertes écologiques pour le plan d'eau des Barthotes, a prévu des aménagements (city stade, aire de jeux pour enfants, parking, chemin pédestre, théâtre de verdure, aire de pique- nique, ponton flottant, bloc sanitaire , signalétique,) et a demandé aux propriétaires l'engagement de respecter de cet usage. Dès lors, aucune incompatibilité ne peut être retenue entre le projet autorisé tel que modifié et le schéma départemental des carrières de Lot-et-Garonne au regard de l'ensemble de ses orientations.
38. En dernier lieu, les requérants soutiennent que le projet porte une atteinte excessive à l'agriculture et au paysage, intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement en raison de l'atteinte excessive portée à l'espace agricole et au caractère dérisoire de la compensation envisagée.
39. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients (...) pour l'agriculture (...) pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers (...) Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles L. 100-2 et L. 311-1 du code minier ".
40. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation d'exploiter délivrée en application de l'article L. 512-1 du code de l'environnement des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour ces intérêts. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation aux dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, qu'il ne peut légalement délivrer cette autorisation.
41. De première part, ils invoquent le prélèvement excessif de 98,8 hectares de surface agricole utile qui intervient dans une zone d'étude déjà fortement soumise à la pression foncière agricole avec diminution de 26 % de la surface agricole de la zone d'étude en 22 ans, une exploitation initiale qui a déjà entraîné la destruction de 78 hectares de terres agricoles sur la commune de Montpouillan, et une destruction à venir de plus de 18% et de presque 5 % de la surface agricole utile des communes de Gaujac et de Montpouillan.
42. Toutefois, il résulte de l'instruction et plus précisément de l'étude préalable agricole de mai 2017 relative à l'extension du site que l'impact du projet sur 95 ha de terres agricoles essentiellement occupées pour les cultures de céréales et oléoprotéagineux n'entrainera la disparition à l'échelle du département que de 0,051% des surfaces agricoles ce qui, comme le souligne la chambre d'agriculture est très faible, au regard du poids de la filière en Lot-et-Garonne et à l'échelle de l'aire d'étude composée de 15 communes, que de 0,7% de la surface agricole utilisée (SAU) totale (95,7 ha sur 13 865 ha) ou encore 1,06% des surfaces dédiées à la culture de céréales et oléoprotéagineux (95,7 ha sur 8.480 ha) et à l'échelle des communes d'implantation, que de 3,6% de SAU de la commune de Montpouillan et 18% de la SAU de la commune de Gaujac.
43. De seconde part, si les requérants soutiennent que la compensation financière arrêtée à la somme de 76 550 euros affectée à la réalisation d'une étude de recherche de friches sur le périmètre d'étude à remettre en culture, à une aide à la remise en culture pour les friches identifiées à l'étude " friches " qui trouvent un exploitant, à une aide à la pérennisation du plan collectif anti-grêle du département et en cas de non-usage des fonds " remise en culture ", à un basculement des sommes restantes vers le fonds " grêle ", est manifestement dérisoire, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que cette compensation aux atteintes aux intérêts agricoles en litige serait insuffisante.
44. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le surplus de leurs demandes.
Sur les frais liés au litige :
45. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme que demandent les requérants. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge solidaire des requérants une somme de 3 000 euros à verser à la société LafargeHolcim Granulats au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de l'association Vigilances Gravières et autres sont rejetées.
Article 2 : L'association Vigilance Gravières et les autres requérants verseront solidairement à la société LafargeHolcim Granulats une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Vigilance Gravières, désignée représentant unique en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la société LafargeHolcim Granulats et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.
Le rapporteur,
Nicolas AU...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00887, 23BX00759