Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par trois requêtes, la société Foncière Industrie a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2018 par lequel le préfet du Rhône l'a mise en demeure, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, soit de déclarer la cessation définitive de son activité de transit et regroupement de déchets non dangereux et de procéder à l'évacuation des déchets stockés dans l'entrepôt dont elle était locataire à Brignais, soit de régulariser cette activité et d'enjoindre au préfet d'adresser une mise en demeure à la société Alliance MJ, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Collectors, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 31 août 2018 par lequel le préfet du Rhône lui a infligé une astreinte administrative journalière de 50 euros jusqu'à la complète exécution des prescriptions de son arrêté de mise en demeure, enfin, d'annuler l'arrêté préfectoral du 26 décembre 2018 prononçant la liquidation partielle de l'astreinte administrative journalière qui lui a été infligée, à hauteur de 3 200 euros.
Par jugement nos 1800620-1808050-1902079 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé les arrêtés préfectoraux des 4 janvier, 31 août et 26 décembre 2018 et a déchargé la société Foncière Industrie de l'obligation de payer la somme de 3 200 euros dont elle avait été constituée débitrice.
Procédure devant la cour
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 décembre 2019 et le 8 novembre 2021, la ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 octobre 2019 ;
2°) de rejeter la demande de la société Foncière Industrie présentée devant le tribunal administratif.
Elle soutient que :
le jugement est irrégulier, ses visas n'indiquant pas le numéro des affaires qu'il a jointes ;
il est insuffisamment motivé à défaut de préciser les circonstances permettant de rattacher les déchets en cause à l'activité de la société Collectors ;
la mise en demeure litigieuse se fonde sur l'article L. 171-7 du code de l'environnement, non sur ses articles L. 512-6-1 et R. 512-39-1 comme indiqué à tort dans le jugement attaqué ;
la société Foncière Industrie a exercé une activité relevant du régime de l'autorisation environnementale, sans que les déchets présents sur le site de Brignais ne puissent être rattachés à l'activité de la société Collectors ;
les arrêtés du 31 octobre 2018 et du 26 février 2019 ne pouvaient être annulés par voie de conséquence, en l'absence d'illégalité de la mise en demeure litigieuse.
Par mémoire enregistré le 19 juin 2020, la société Alliance MJ, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Collectors, représentée par Me Cortes, indique intervenir à l'appui de la requête et demande à la cour d'annuler le jugement nos 1800620-1808050-1902070 du tribunal administratif de Lyon du 10 octobre 2019 en ce qu'il a annulé la mise en demeure du préfet du Rhône du 4 janvier 2018.
Elle soutient que :
le jugement est insuffisamment motivé, à défaut de préciser les circonstances permettant de rattacher les déchets en cause à l'activité de la société Collectors ;
la société Foncière Industrie a exercé une activité relevant du régime de l'autorisation environnementale, distincte de sa propre activité qui ne lui a pas été transférée ;
la société Foncière Industrie a la qualité d'exploitant d'une activité relevant de la rubrique 2714 de la nomenclature, indépendamment de la durée de détention des déchets.
Par mémoires enregistrés les 30 septembre 2020 et le 8 décembre 2021, la société Foncière Industrie, représentée par Me Rineau, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par arrêt n° 19LY04625 du 29 juin 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la ministre de la transition écologique et solidaire contre ce jugement.
Par décision nos 467046, 467144 du 26 avril 2024, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour le jugement de l'affaire.
II. Par courriers du 2 mai 2024, les parties ont été informées du renvoi à la cour administrative d'appel de Lyon de l'affaire désormais enregistrée sous le n° 24LY01201.
Par mémoire enregistré le 29 mai 2024, la société Foncière Industrie, représentée par Me Rineau (SELARL Rineau), conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle expose que :
les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
la décision du Conseil d'Etat ne fait pas obstacle au maintien de la solution de première instance, dès lors que le transfert des déchets a été décidé à titre temporaire et sous la contrainte, en exécution d'une gestion d'affaires pour le compte du liquidateur de la société Collectors et qu'elle n'a pas la qualité d'exploitant de fait ;
un exploitant de fait ne peut être poursuivi tant que l'exploitant titulaire de l'autorisation existe, même après l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Par ordonnance du 27 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin 2024.
Un mémoire a été produit pour la SELARL Alliance MJ le 22 juin 2024 et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
- les conclusions de Mme Christine Psilakis, rapporteure publique ;
- les observations de Me Rineau, pour la société Foncière Industrie, et celles de Me Guillot, pour la société Marie Dubois venant aux droits de la société Alliance MJ ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Foncière Industrie, qui exerce une activité de promotion immobilière, louait un entrepôt, dont elle était propriétaire dans la commune de Mornant, à la société Collectors, qui y exploitait une activité de stockage de déchets non dangereux, constitués de cartouches d'encre et toners usagés. Après le placement en liquidation judiciaire, en juillet 2016, de la société Collectors, le préfet du Rhône a, par un arrêté du 6 avril 2017, mis en demeure cette société de déposer un dossier de cessation d'activité et de procéder à l'évacuation de l'ensemble des déchets présents dans l'entrepôt de Mornant vers les filières dûment autorisées. Auparavant, le 7 mars 2017, la société Foncière Industrie, qui souhaitait vendre cet entrepôt, a fait déplacer ces déchets dans un local qu'elle a loué sur le territoire de la commune de Brignais. Lorsque, le 4 août 2017, la société Alliance MJ, liquidatrice judiciaire de la société Collectors, a déposé un dossier de cessation d'activité, elle y a fait état de l'évacuation des déchets de l'entrepôt de Mornant, constatée par l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), laquelle a également constaté, le 3 octobre 2017, le stockage de ces mêmes déchets sur le site de Brignais occupé par la société Foncière Industrie. Par un arrêté du 4 janvier 2018, le préfet du Rhône a alors mis en demeure la société Foncière Industrie, soit de procéder à l'évacuation des déchets présents sur ce dernier site et de déposer un dossier de cessation d'activité dans un délai de trois mois, soit de régulariser, dans le même délai, la situation administrative de cette activité de transit et regroupement de déchets non dangereux, soumise à autorisation. Puis, par arrêtés du 31 août et du 26 décembre 2018, le préfet a prononcé à l'encontre de la société Foncière Industrie une astreinte de 50 euros par jour de retard, à défaut d'exécution de ces prescriptions, et liquidé partiellement cette astreinte, à hauteur de 3 200 euros. Par un jugement du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces trois arrêtés. Par un arrêt du 29 juin 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a admis l'intervention de la société Alliance MJ en sa qualité de liquidatrice judiciaire de la société Collectors et confirmé le jugement du tribunal administratif. Cet arrêt a toutefois été annulé par une décision du Conseil d'Etat du 26 avril 2024, qui a renvoyé le jugement de l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon.
Sur l'intervention de la société Alliance MJ :
2. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct (...) ". Est recevable à former une intervention, y compris pour la première fois en appel, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige et qui n'a pas qualité de partie à l'instance.
3. La société Alliance MJ, qui intervient dans la présente instance, à l'appui de la requête formée par la ministre en charge de l'écologie, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Collectors, a intérêt à l'annulation du jugement attaqué, eu égard aux obligations, relatives notamment à la gestion des déchets en cause, susceptibles de lui incomber en conséquence des annulations qu'il prononce. Son intervention est par suite recevable.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les (...) dépôts (...) et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...) ". Aux termes de l'article L. 512-6-1 du même code : " Lorsqu'une installation autorisée avant le 1er février 2004 est mise à l'arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme et, s'il ne s'agit pas de l'exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation ". Aux termes de l'article R. 512-39-1 de ce code : " I.- Lorsqu'une installation classée soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant notifie au préfet la date de cet arrêt trois mois au moins avant celui-ci (...) III.- En outre, l'exploitant doit placer le site de l'installation dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles R. 512-39-2 et R. 512-39-3 ". Aux termes de l'article L. 171-7 du même code : " I. (...) lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code (...) l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an (...). II. S'il n'a pas été déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti (...), l'autorité administrative (...) peut faire application du II de l'article L. 171-8 aux fins d'obtenir l'exécution de cette décision (...) ". Aux termes du II de cet article L. 171-8 : " Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure (...) ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : (...) 4° Ordonner (...) une astreinte journalière au plus égale à 4 500 euros applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée (...) Les (...) astreintes sont proportionnées à la gravité des manquements constatés et tiennent compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement (...) ".
5. Il appartient au juge du plein contentieux des ICPE d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de la décision dont il est saisi, et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme, qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.
6. Il résulte de l'instruction que la société Foncière Industrie a, d'une part, fait procéder, de sa propre initiative, à l'évacuation des déchets non dangereux qui étaient stockés par la société Collectors dans l'entrepôt de Mornant dont celle-ci était l'exploitante, d'autre part, fait entreposer ces déchets sur un autre site qu'elle a loué à cette fin à Brignais et, enfin, entrepris des démarches en vue de leur traitement en en faisant expédier une partie vers l'Allemagne. Dans ces circonstances, la société Foncière Industrie a, sur le site qu'elle avait retenu à Brignais, exercé de fait une activité de transit et de regroupement de déchets, lui conférant la qualité d'exploitant d'une installation relevant de la rubrique 2714 de la nomenclature des ICPE, distincte de l'installation située à Mornant, laquelle avait fait l'objet d'une mise en demeure antérieure de remise en état du site adressée par le préfet à la société Collectors. Par suite, et sans que la société Foncière Industrie ne puisse utilement se prévaloir des circonstances qui l'auraient contrainte à mener cette activité et de la reconnaissance d'une gestion d'affaires par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 22 avril 2020, le préfet du Rhône a pu, sans méconnaître les dispositions précitées, la mettre en demeure de régulariser son activité, par le dépôt soit d'une demande d'autorisation, soit d'une déclaration de cessation définitive d'activité accompagnée de l'évacuation des déchets.
7. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la ministre en charge de l'écologie est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 4 janvier 2018, ainsi que par voie de conséquence ceux du 31 août et du 26 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a retenu le moyen tiré de ce que la société Foncière Industrie n'avait pas la qualité d'exploitante au sens des dispositions citées au point 4.
8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal administratif de Lyon que devant la cour.
En ce qui concerne l'arrêté du préfet du Rhône du 4 janvier 2018 portant mise en demeure :
9. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 171-7 du code de l'environnement que le préfet est tenu d'édicter une mise en demeure de régulariser l'activité lorsqu'il constate que celle-ci est exploitée sans avoir été précédée de l'autorisation requise au titre de la législation relative aux ICPE. Par suite, le préfet du Rhône s'étant ainsi trouvé en situation de compétence liée pour édicter l'arrêté litigieux, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté est inopérant et ne peut qu'être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 171-6 du code de l'environnement : " Lorsqu'un agent chargé du contrôle établit à l'adresse de l'autorité administrative compétente un rapport faisant état de faits contraires aux prescriptions applicables, en vertu du présent code, à une installation (...) ou une activité, il en remet une copie à l'intéressé qui peut faire part de ses observations à l'autorité administrative ". Aux termes de l'article L. 514-5 du même code : " L'exploitant est informé par l'inspecteur des installations classées des suites du contrôle. L'inspecteur des installations classées transmet son rapport de contrôle au préfet et en fait copie simultanément à l'exploitant. Celui-ci peut faire part au préfet de ses observations ".
11. Alors même que le préfet a, comme indiqué au point 9, compétence liée pour mettre en demeure l'exploitant de régulariser une activité exploitée sans l'autorisation requise au titre de la législation relative aux ICPE, la circonstance que le rapport de l'inspecteur constatant cette irrégularité n'a pas été préalablement porté à la connaissance de l'exploitant est de nature à entacher d'irrégularité la mise en demeure prononcée. Toutefois, il résulte de l'instruction que la note de l'inspecteur de l'environnement datée du 17 novembre 2017 n'a été rédigée qu'en réponse aux observations formulées pour la société Foncière Industrie sur le rapport d'inspection du 10 octobre 2017 établi au terme du contrôle mené le même jour. Ne faisant pas elle-même suite à un nouveau contrôle, cette note ne constitue pas un rapport de contrôle au sens des dispositions précitées. Par suite, et alors même que cette note a été qualifiée de rapport, notamment dans les visas de la décision litigieuse, le préfet n'était dès lors nullement tenu de la communiquer préalablement à la société intéressée. Le moyen tiré de l'irrégularité résultant du défaut de communication préalable de ce document à la société Foncière Industrie doit être écarté.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 541-27 du code de l'environnement : " La demande d'autorisation d'une installation de stockage de déchets est présentée par le propriétaire du terrain ou avec l'accord exprès de celui-ci (...) Le propriétaire est destinataire, comme le demandeur, de l'ensemble des décisions administratives intéressant l'installation ".
13. Le rapport de contrôle du 2 février 2017 concernant la société Collectors, de même que le projet de mise en demeure qui l'accompagnait, ne constituent pas une décision au sens des dispositions rappelées ci-dessus. Par suite, la société Foncière Industrie n'est pas fondée à se prévaloir de ces dispositions pour soutenir que ces documents auraient dû lui être communiqués, en qualité de propriétaire du site exploité par cette société.
En ce qui concerne l'arrêté du préfet du Rhône du 31 août 2018 ordonnant une astreinte :
14. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé par M. Aubry, secrétaire général de la préfecture du Rhône, lequel a régulièrement reçu délégation à cette fin par arrêté du préfet du Rhône du 23 octobre 2017, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du même jour. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté.
15. En deuxième lieu, une astreinte ne constitue pas une prescription dont le juge de plein contentieux des ICPE apprécie la légalité, s'agissant des règles de fond, au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce. Par son arrêté du 4 janvier 2018, le préfet du Rhône a mis en demeure la société Foncière Industrie de régulariser son activité dans un délai de deux à trois mois. Il est constant qu'à l'échéance de ce délai, cette dernière n'avait ni procédé à l'évacuation totale des déchets, ni déclaré la cessation définitive de son activité. La circonstance que les déchets aient depuis été entièrement évacués, laquelle constitue, au demeurant, une exécution seulement partielle des prescriptions de la mise en demeure, n'est pas de nature à remettre en cause la réalité de la non-exécution ainsi constituée. Ainsi, la société Foncière Industrie n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux serait dépourvu de tout fondement, compte tenu de la régularisation, au demeurant partielle, depuis intervenue.
16. En troisième lieu, si la société Foncière Industrie se prévaut, par voie d'exception, de l'illégalité de la mise en demeure du 4 janvier 2018, les moyens qu'elle invoque à l'appui, tirés de l'incompétence du signataire de cette décision, des vices de procédure résultant du défaut de communication préalable des rapports du 17 novembre 2017 et du 2 février 2017, de la méconnaissance des dispositions applicables dès lors que seule la société Collectors disposait de la qualité d'exploitant, titulaire d'une autorisation et indépendamment de la procédure de liquidation judiciaire alors ouverte, et qu'elle a été contrainte de procéder à l'évacuation des déchets dans le cadre d'une gestion d'affaires, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués respectivement aux points 9, 11, 13 et 6 du présent arrêt.
En ce qui concerne l'arrêté du préfet du Rhône du 26 décembre 2018 portant liquidation partielle d'astreinte :
17. En premier lieu, aux termes du II de l'article 45 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " En cas d'absence ou d'empêchement d'un sous-préfet ou du secrétaire général de la préfecture, le préfet désigne pour assurer la suppléance un autre sous-préfet en fonction dans le département ".
18. L'arrêté litigieux a été signé par M. B..., sous-préfet, lequel a été régulièrement désigné à cette fin par arrêté du préfet du Rhône du 5 novembre 2018, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du même jour, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Aubry, secrétaire général de la préfecture, et de M. A..., sous-préfet, sans que la société Foncière Industrie ne puisse utilement se prévaloir d'un précédent arrêté en date du 17 avril 2017 alors abrogé. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté.
19. En deuxième lieu, la décision de liquider une astreinte ne constitue pas une prescription dont le juge de plein contentieux des ICPE apprécie la légalité, s'agissant des règles de fond, au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce. Comme indiqué au point 15, la société Foncière Industrie n'avait ni procédé à l'évacuation totale des déchets, ni déclaré la cessation définitive de son activité à l'échéance du délai imparti par la mise en demeure du 4 janvier 2018. Sa situation n'était pas davantage régularisée au 26 décembre 2018. Par suite, le préfet du Rhône a pu, sans méconnaitre les dispositions citées au point 4, ordonner à son encontre une astreinte et la liquider partiellement par l'arrêté litigieux. Ainsi, la société Foncière Industrie n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux serait dépourvu de tout fondement, compte tenu de la régularisation, au demeurant partielle, depuis intervenue.
20. En troisième lieu, si la société Foncière Industrie se prévaut, par voie d'exception, de l'illégalité de la mise en demeure en date du 4 janvier 2018, les moyens qu'elle invoque à l'appui, tirés de l'incompétence du signataire de cette décision, des vices de procédure résultant du défaut de communication préalable des rapports du 17 novembre 2017 et du 2 février 2017, de la méconnaissance des dispositions applicables dès lors que seule la société Collectors disposait de la qualité d'exploitant, titulaire d'une autorisation et indépendamment de la procédure de liquidation judiciaire alors ouverte, et qu'elle a été contrainte de procéder à l'évacuation des déchets dans le cadre d'une gestion d'affaires, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués respectivement aux points 9, 11, 13 et 6 du présent arrêt.
21. Il résulte de ce qui précède que la ministre en charge de l'écologie est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé les arrêtés du préfet du Rhône des 4 janvier, 31 août et 26 décembre 2018 et a déchargé la société Foncière Industrie de l'obligation de payer la somme de 3 200 euros dont elle avait été constituée débitrice.
Sur les frais liés au litige :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Foncière Industrie.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la société Alliance MJ est admise.
Article 2 : Le jugement nos 1800620 - 1808050 - 1902079 du tribunal administratif de Lyon du 10 octobre 2019 est annulé.
Article 3 : Les demandes présentées par la société Foncière Industrie devant le tribunal administratif de Lyon dans les instances nos 1800620, 1808050 et 1902079 et ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, à la société Marie Dubois venant aux droits de la SELARL Alliance MJ et à la société Foncière Industrie. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, où siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
La greffière,
Pour expédition
2
N° 24LY01201