Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures :
Les sociétés à responsabilité limitée 13 Quai de Suffren et Cécile ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017 par lequel le maire de Saint-Tropez a délivré un permis de construire valant permis de démolir à M. A..., ainsi que la décision du 9 février 2018 rejetant leur recours gracieux dirigé contre cet arrêté.
La société civile immobilière GBL Immo a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler cet arrêté du 8 décembre 2017 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 19 août 2020 portant permis de construire modificatif.
Par un jugement nos 1801185, 1801917 du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Toulon a joint ces demandes, annulé l'arrêté du maire de Saint-Tropez du 8 décembre 2017 " en tant qu'il autorise le déplacement de l'escalier de la maison principale ", ainsi que, dans la même mesure, les décisions rejetant les recours gracieux formés à l'encontre de cet arrêté, et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 21MA01067 les 4 mars, 21 avril, 26 octobre et 28 octobre 2021, ainsi que des mémoires, non communiqués, enregistrés les 2 et 19 mai 2022, la société GBL Immo, représentée par Me Rebufat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 5 janvier 2021 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions à fin d'annulation ;
2°) d'annuler les arrêtés du maire de Saint-Tropez du 8 décembre 2017 et du 19 août 2020.
Elle soutient que :
- le permis litigieux n'a pas été régulièrement affiché ;
- les dossiers de demande, et en particulier les notices descriptives jointes à ces dossiers, comportent des informations erronées en ce qui concerne le propriétaire des parcelles d'assiette du projet et présentent un caractère insuffisant ;
- la construction concernée par le projet de surélévation, qui ne constitue pas une annexe, n'étant pas régulièrement édifiée, la demande de permis aurait dû porter sur l'ensemble des éléments à régulariser et cette construction implantée sur la parcelle cadastrée section AB n° 265 ne peut être autorisée sous l'empire du plan local d'urbanisme applicable ;
- le projet litigieux méconnaît les articles 1er et 2 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme ;
- il contrevient à l'article 3 du même règlement et le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- le projet litigieux méconnaît les articles 6 et 7 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme ;
- il ne respecte pas l'article 9 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme ;
- il méconnaît les règles de hauteur fixées par l'article 10 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme et applicables sur la parcelle cadastrée section AB n° 265 ;
- la cour ordonnera à la commune et à M. A... de communiquer les éléments permettant de s'assurer de la conformité du projet à la réglementation applicable.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2021, la commune de Saint-Tropez, représentée par Me Bernard-Chatelot, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société GBL Immo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de l'irrégularité de l'affichage du permis est sans incidence sur la légalité de ce permis ;
- les autres moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense enregistrés le 12 septembre 2021 et le 27 avril 2022, M. B... A..., représenté par Me Lapp, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société GBL Immo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la société requérante ne formule aucune critique directe contre le jugement attaqué ;
- le moyen tiré de l'irrégularité de l'affichage du permis est sans incidence sur la légalité de ce permis ;
- les autres moyens invoqués par la société requérante sont inopérants ou infondés.
II. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 21MA01069 les 4 mars et 29 septembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Lapp, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 5 janvier 2021 en tant qu'il annule partiellement l'arrêté du maire de Saint-Tropez du 8 décembre 2017 ;
2°) de mettre à la charge des sociétés 13 Quai de Suffren, Cécile et GBL Immo la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en accueillant le moyen tiré de ce que les travaux relatifs au déplacement de l'escalier de la maison principale méconnaissent l'article 7 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme ;
- les travaux en cause consistent en des travaux d'extension, et non en des travaux de reconstruction et de réhabilitation comme l'a estimé le tribunal ;
- l'article 7 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme n'est pas applicable aux travaux d'extension d'une construction existante.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 juin 2021, les sociétés 13 Quai de Suffren et Cécile, représentées par Me Launay, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 13 septembre 2021, la commune de Saint-Tropez, représentée par Me Bernard-Chatelot, demande à la cour de faire droit aux conclusions de M. A....
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en accueillant le moyen tiré de ce que les travaux relatifs au déplacement de l'escalier de la maison principale méconnaissent l'article 7 du règlement de la zone UA du plan local d'urbanisme ;
- les travaux en cause consistent en des travaux d'extension.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi d'urbanisme n° 324 du 15 juin 1943 ;
- l'ordonnance n° 45-2542 du 27 octobre 1945 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mouret,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- les observations de Me Rebufat, représentant la société GBL Immo, celles de Me Bernard-Chatelot, représentant la commune de Saint-Tropez, celles de Me Ferouelle, représentant M. A..., et celles de Me Helleboid, substituant Me Launay, représentant les sociétés 13 Quai de Suffren et Cécile.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a déposé, le 28 septembre 2017, une demande de permis de construire, valant permis de démolir, en vue de la réalisation, sur un terrain situé 11 quai du Bailli de Suffren à Saint-Tropez et composé des parcelles cadastrées section AB nos 265 et 286, du " réaménagement et (de la) création d'une terrasse concernant la maison principale ", de la " surélévation du bâtiment annexe ", de la création d'une " piscine avec local technique " ainsi que " d'une ramade ", de la modification de " l'aménagement paysager de la cour " et des " ouvertures des constructions existantes ", du " déplacement de l'escalier de la maison principale " et de la " démolition des planchers de la maison annexe ". Par un arrêté du 8 décembre 2017, le maire de Saint-Tropez a délivré le permis de construire valant permis de démolir ainsi sollicité. Par un arrêté du 19 août 2020, cette autorité a délivré un permis modificatif à M. A.... Par un jugement du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Toulon, faisant partiellement droit aux demandes présentées respectivement par les sociétés 13 Quai de Suffren et Cécile ainsi que par la société GBL Immo, a annulé l'arrêté du maire de Saint-Tropez du 8 décembre 2017 " en tant qu'il autorise le déplacement de l'escalier de la maison principale ", ainsi que, dans la même mesure, les décisions rejetant les recours gracieux formés par ces sociétés à l'encontre de cet arrêté. La société GBL Immo relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions. M. A... en relève quant à lui appel en tant qu'il a annulé partiellement l'arrêté du 8 décembre 2017.
2. Les deux requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur l'appel de la société GBL Immo :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :
3. Contrairement à ce que soutient M. A..., la requête de la société GBL Immo comporte une critique du jugement attaqué et contient l'exposé des faits et moyens, conformément aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en appel par M. A... doit être écartée.
En ce qui concerne le permis initial :
4. Lorsqu'une construction a été édifiée sans autorisation en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment. De même, lorsqu'une construction a été édifiée sans respecter la déclaration préalable déposée ou le permis de construire obtenu ou a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation. Dans l'hypothèse où l'autorité administrative est saisie d'une demande qui ne satisfait pas à cette exigence, elle doit inviter son auteur à présenter une demande portant sur l'ensemble des éléments devant être soumis à son autorisation. Cette invitation, qui a pour seul objet d'informer le pétitionnaire de la procédure à suivre s'il entend poursuivre son projet, n'a pas à précéder le refus que l'administration doit opposer à une demande portant sur les seuls nouveaux travaux envisagés.
5. Le projet autorisé par le permis initial du 8 décembre 2017 porte sur un ensemble immobilier comportant deux bâtiments séparés par une cour intérieure dans laquelle plusieurs constructions et aménagements sont prévus. Ainsi que le soutient la société GBL Immo pour la première fois en appel, il ne ressort pas des pièces du dossier que la construction désignée comme une " maison annexe " dans la demande de permis de construire aurait été régulièrement édifiée. Il n'est à cet égard ni établi ni même allégué en défense que cette construction, d'une surface de plancher déclarée de plus de 90 mètres carrés, dont le projet prévoit la surélévation et qui est implantée sur la parcelle cadastrée section AB n° 265, aurait été édifiée antérieurement à la loi du 15 juin 1943 instaurant le permis de construire, ni qu'une exemption de permis de construire aurait été prévue par les textes en vigueur à l'époque de sa réalisation. Dans ces conditions, il appartenait à M. A... de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble des éléments de construction à régulariser et non sur les seuls travaux mentionnés dans sa demande de permis. Par suite, le projet litigieux prévoyant, comme indiqué au point 1, la réalisation de travaux sur les deux bâtiments évoqués ci-dessus ainsi que l'aménagement de la cour intérieure les séparant, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le maire de Saint-Tropez aurait dû refuser de délivrer le permis de construire sollicité par M. A....
6. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté du maire de Saint-Tropez du 8 décembre 2017.
En ce qui concerne le permis modificatif :
7. L'arrêté du maire de Saint-Tropez du 19 août 2020 portant permis modificatif doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation du permis initial délivré le 8 décembre 2017 à M. A....
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société GBL Immo est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté le surplus de ses conclusions à fin d'annulation. Par suite, il y a lieu de réformer ce jugement et d'annuler en totalité les arrêtés du maire de Saint-Tropez du 8 décembre 2017 et du 19 août 2020.
Sur l'appel de M. A... :
9. Le juge de l'excès de pouvoir ne peut, en principe, déduire d'une décision juridictionnelle rendue par lui-même ou par une autre juridiction qu'il n'y a plus lieu de statuer sur des conclusions à fin d'annulation dont il est saisi, tant que cette décision n'est pas devenue irrévocable. Il en va toutefois différemment lorsque, faisant usage de la faculté dont il dispose dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il joint les requêtes pour statuer par une même décision, en tirant les conséquences nécessaires de ses propres énonciations.
10. Compte tenu de l'annulation totale des arrêtés du maire de Saint-Tropez du 8 décembre 2017 et du 19 août 2020 prononcée à la demande de la société GBL Immo dans l'instance n° 21MA01067, les conclusions présentées par M. A... dans l'instance n° 21MA01069, tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulon du 5 janvier 2021 en tant qu'il annule partiellement l'arrêté du 8 décembre 2017, sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés aux litiges :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Les arrêtés du maire de Saint-Tropez du 8 décembre 2017 et du 19 août 2020 sont annulés.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 5 janvier 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A....
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière GBL Immo, à la société à responsabilité limitée 13 Quai de Suffren, à la société à responsabilité limitée Cécile, à la commune de Saint-Tropez et à M. B... A....
Copie en sera transmise au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Draguignan.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
Le rapporteur,
Signé
R. MOURETLe président,
Signé
P. PORTAIL
La greffière,
Signé
N. JUAREZ
La République mande et ordonne au préfet du Var en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
Nos 21MA01067, 21MA01069