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30/05/2024 | FRANCE | N°21VE02650

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 30 mai 2024, 21VE02650


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Mareau-aux-Prés à lui verser la somme de 17 208,36 euros en réparation de ses préjudices résultant de l'accident de la route dont elle a été victime le 22 octobre 2015.



Par un jugement n° 1904607 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregi

strée le 17 septembre 2021, Mme A..., représentée par Me Huet, avocat, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Mareau-aux-Prés à lui verser la somme de 17 208,36 euros en réparation de ses préjudices résultant de l'accident de la route dont elle a été victime le 22 octobre 2015.

Par un jugement n° 1904607 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2021, Mme A..., représentée par Me Huet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Mareau-aux-Prés à lui verser la somme de 17 208,36 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mareau-aux-Prés le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il existe un défaut d'entretien de la voirie et un défaut de signalisation des travaux ;

- la responsabilité de l'administration est présumée lorsque le dommage est lié à l'absence de signalisation ;

- aucun élément ne permet d'établir qu'elle a commis une faute ;

- son préjudice s'établit à la somme totale de 17 208,36 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré 3 mars 2022, la commune de Mareau-aux-Prés, représentée par Me Rainaud, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 2 500 euros au titre des frais liés à l'instance.

Elle soutient que :

- à titre principal, la demande de première instance était irrecevable puisqu'elle comportait des conclusions en déclaration de droits ;

- à titre subsidiaire, les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une lettre du 7 mai 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de qu'en ayant omis de mettre en cause d'office la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire en vue de l'exercice par celle-ci de l'action contre le tiers responsable de l'accident dont Mme A... a été victime, le tribunal administratif a méconnu la portée des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

La caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire, mise en cause, n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- et les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 12 juillet 2021 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Mareau-aux-Prés (Loiret) à lui verser une indemnité en réparation de ses préjudices résultant de l'accident de la circulation dont elle a été victime le 22 octobre 2015.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'ordonner la mise en cause des parties intéressées au litige. En ayant omis de mettre en cause d'office la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire en vue de l'exercice par celle-ci de l'action prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le tribunal administratif d'Orléans a méconnu la portée de ces dispositions. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement du 12 juillet 2021.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme A....

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Mareau-aux-Prés :

4. En demandant au tribunal administratif de " constater la responsabilité de la commune de Mareau-aux-Prés dans la survenance de l'accident du 22 octobre 2015 ", de " constater l'absence de faute de la victime " et de " dire que la commune de Mareau-aux-Prés devra indemniser l'intégralité de [ses] préjudices corporels et matériels (...) à hauteur de 17 208,36 euros ", Mme A... doit être regardée comme ayant sollicité la condamnation de la commune à l'indemniser de ses préjudices. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que Mme A... aurait formulé des conclusions en déclaration de droits doit être écartée.

Sur la responsabilité de la commune de Mareau-aux-Prés :

5. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'absence de défaut d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

6. En premier lieu, en invoquant " le défaut d'entretien de la voirie et le défaut de signalisation des travaux " et en soutenant que " la responsabilité de l'administration est présumée dès lors que le dommage est relié à la signalisation et plus particulièrement en l'absence de signalisation du danger (CAA Marseille 6ème chambre 7 juillet 2005, n° 03MA00733, la présence de gravillons et de sable non signalés ont entraîné la responsabilité de l'administration ", Mme A... a, contrairement à ce qu'allègue la commune de Mareau-aux-Prés, notamment invoqué le régime de responsabilité applicable à l'usager d'un ouvrage public et rappelé au point ci-dessus.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier de la déclaration d'accident de trajet souscrite le 23 octobre 2015, que Mme A... a été victime la veille en fin de journée lors de son retour à son domicile situé à Mareau-aux-Prés, alors qu'elle circulait rue Neuve, d'une perte de contrôle imputable notamment à la présence de gravillons non signalés sur la chaussée. Cette déclaration, les témoignages figurant au dossier et le procès-verbal de constat d'huissier établi les 28 et 30 octobre 2015 suffisent à établir l'existence d'un lien de causalité direct entre l'accident dont Mme A... a été victime et la présence de ces gravillons non signalés. La commune de Mareau-aux-Prés reconnaît d'ailleurs avoir fait réaliser à cet endroit des travaux de voirie trois jours seulement avant l'accident et indique que la requérante a pu constater la présence de gravillons lors de son passage le matin même de l'accident.

8. En troisième lieu, la commune de Mareau-aux-Prés ne conteste pas la présence de gravillons sur la chaussée le 22 octobre 2015 ainsi que l'absence de signalisation de ce danger. Mme A... relève d'ailleurs que la commune de Mareau-aux-Prés a accepté sa responsabilité puisqu'elle a transmis directement sa réclamation a son assureur et que celui-ci invoque un partage de responsabilité pour limiter l'indemnisation. Dans ces conditions, la commune ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de la voirie. En outre, l'absence de signalisation de cet obstacle est constitutive d'une faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police.

9. Enfin, il résulte de l'instruction que lorsque l'accident est survenu, Mme A... circulait de nuit, vers 20 heures 40 et sur une chaussée mouillée. Elle connaissait les lieux pour emprunter quotidiennement ce trajet afin de se rendre sur son lieu de stage. Il ressort notamment de l'un des témoignages produits par Mme A... qu'à l'arrivée des secours, son véhicule se trouvait dans un champ " à l'envers ". Dans ces conditions, Mme A... ne peut être regardée comme ayant adopté la conduite prudente qui s'imposait en pareille circonstance. Elle doit être regardée comme ayant commis une faute de nature à exonérer pour la moitié la responsabilité de la commune, ainsi d'ailleurs que le proposait l'assureur de cette dernière.

Sur les préjudices :

10. En premier lieu, si le rapport médical sollicité par Mme A... n'a pas été établi contradictoirement avec la commune de Mareau-aux-Prés, ce document constitue néanmoins un élément d'information susceptible d'être pris en compte par le juge dès lors qu'il a été soumis au débat contradictoire dans la présente instance et qu'il n'est pas infirmé par d'autres éléments de l'instruction.

11. En deuxième lieu, si Mme A... a fait l'objet d'un arrêt de travail du 23 octobre 2015 au 15 novembre 2015, elle ne justifie d'aucune perte de gains professionnels en lien avec cet accident. Dans ces conditions, les conclusions tendant à l'indemnisation d'une perte de revenus doivent être rejetées.

12. En troisième lieu, Mme A... sollicite le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de la destruction de son véhicule, un avis d'expert automobile du 25 novembre 2015 ayant établi son caractère économiquement irréparable. Toutefois, elle n'établit pas, ainsi que le fait valoir la commune en défense, ne pas avoir été indemnisée par son assureur. Dans ces conditions, ces conclusions ne peuvent être accueillies.

13. En quatrième lieu, il résulte du rapport médical précité que Mme A... doit être regardée comme ayant subi, en raison de cet accident, une gêne temporaire totale de 100 % pour une journée, une gêne de 25 % pour trois semaines et une gêne de 10 % pour deux mois et demi. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme totale de 150 euros.

14. En cinquième lieu, les souffrances endurées par Mme A... ont été évaluées par le médecin consulté par elle à 1,5/7. Il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.

15. En sixième lieu, le préjudice esthétique, évalué par le rapport médical susvisé à 0,5/7, peut être réparé par le versement d'une somme de 300 euros.

16. En septième lieu, le déficit fonctionnel permanent a été évalué par le rapport médical susvisé à 3 %. Mme A... étant alors âgée de vingt ans, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 4 000 euros.

17. Enfin, le rapport médical produit par Mme A... doit être regardé comme utile pour l'évaluation de ses préjudices extrapatrimoniaux. Ainsi, Mme A... est fondée à solliciter le versement d'une somme de 648 euros à ce titre.

18. Il résulte de ce qui précède qu'eu égard au partage de responsabilité précité, Mme A... est seulement fondée à demander la condamnation de la commune de Mareau-aux-Prés à lui verser la somme de 3 049 euros.

19. II résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme A..., qui n'est pas la partie perdante, verse une somme à la commune de Mareau-aux-Prés au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière le versement à Mme A... de la somme de 2 000 euros sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1904607 du tribunal administratif d'Orléans du 12 juillet 2021 est annulé.

Article 2 : La commune de Mareau-aux-Prés est condamnée à verser la somme de 3 049 euros à Mme A....

Article 3 : La commune de Mareau-aux-Prés versera à Mme A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Mareau-aux-Prés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Mareau-aux-Prés, à Mme B... A... et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.

Le rapporteur,

G. CamenenLa présidente,

C. Signerin-IcreLa greffière,

C. FourteauLa République mande et ordonne au préfet du Loiret en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

No 21VE02650


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02650
Date de la décision : 30/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages sur les voies publiques terrestres.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : SELARL A.V.H.A

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-30;21ve02650 ?
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