LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 juillet 2018), que la commune de Boissezon (la commune) a donné à bail à la société Terre d'Hautaniboul (la société) un immeuble à usage commercial dépendant de son domaine privé ; qu'après l'effondrement partiel du chemin rural desservant les locaux loués, un arrêté municipal y a interdit la circulation ; que, soutenant être dans l'impossibilité de poursuivre leur activité et invoquant un manquement du bailleur à son obligation de délivrance, la société et ses gérants, MM. G... et Z... N..., ont saisi la juridiction judiciaire pour voir prononcer la résolution du contrat et obtenir le paiement de dommages-intérêts ; que la société Allianz IARD est intervenue volontairement à l'instance, en sa qualité d'assureur de la société ; que la commune a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative ;
Attendu que la commune fait grief à l'arrêt de rejeter cette exception, alors, selon le moyen :
1°/ que la clause exorbitante du droit commun est celle qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, implique, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ; que, dans ses conclusions d'appel, la commune faisait valoir que le contrat de bail litigieux devrait être requalifié en contrat administratif, relevant de la compétence du juge administratif, si l'engagement de la commune à entretenir le chemin rural qui dessert le fonds donné à bail à la société était regardé comme incorporé au contrat dans la mesure où cet engagement constituerait une clause exorbitante du droit commun ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée, que le bail n'était soumis à aucune clause exorbitante du droit commun, sans expliquer, comme elle y était invitée, si elle considérait que l'engagement de la commune à entretenir le chemin rural était, ou non, incorporé au contrat et, ainsi, sans mettre la Cour de cassation en mesure de connaître les clauses qu'elle a examinées pour retenir cette solution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III ;
2°/ que, subsidiairement, la clause exorbitante du droit commun est celle qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, implique, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ; que, dans ses conclusions d'appel, la commune faisait valoir que le contrat de bail litigieux devrait être requalifié en contrat administratif, relevant de la compétence du juge administratif, si l'engagement de la commune à entretenir le chemin rural qui dessert le fonds donné à bail à la société était regardé comme incorporé au contrat dans la mesure où cet engagement constituerait une clause exorbitante du droit commun ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée, que le bail n'était soumis à aucune clause exorbitante du droit commun, sans expliquer, comme elle y était invitée, en quoi l'engagement de la commune à entretenir le chemin rural pouvait être regardé comme incorporé au contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III ;
3°/ que, tout aussi subsidiairement, la clause par laquelle une commune s'engage à entretenir un chemin rural, appartenant à son domaine privé et ouvert à la circulation publique, constitue une clause exorbitante du droit commun ; qu'en retenant que l'engagement de la commune à entretenir le [...], qui appartient à son domaine privé et est ouvert à la circulation publique, ne constitue pas une clause exorbitante du droit commun, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; que cette obligation légale lui impose de délivrer un local conforme à la destination contractuelle ; que, dès lors, c'est à bon droit et sans avoir à procéder aux recherches visées par les deux premières branches du moyen, qu'après avoir relevé que l'action engagée par la société tendait à voir sanctionner la violation, par la commune, de son obligation de délivrance, en raison de l'impossibilité d'accéder aux locaux loués, la cour d'appel a retenu que le litige avait pour objet la résolution d'un contrat de bail portant sur un immeuble dépendant du domaine privé et dépourvu de clause exorbitante du droit commun et relevait, par suite, de la compétence de la juridiction judiciaire ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la commune de Boissezon aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la commune de Boissezon.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la commune de Boissezon ;
AUX MOTIFS QUE « l'objet de l'action engagée par le preneur et ses ayants-cause, telle qu'elle résulte de l'acte introductif d'instance, est de sanctionner une violation prétendue du bailleur à son obligation de délivrance, par la résolution du bail commercial et d'obtenir l'indemnisation des préjudices en résultant pour les demandeurs ; que le bail commercial est un contrat de droit privé et l'immeuble loué dépend du domaine privé de la commune, quelque soit le statut de la voie qui le dessert et permet aux véhicules nécessaires à l'exploitation du fonds de commerce d'y accéder depuis le réseau routier ; qu'ainsi que l'a justement relevé le premier juge, il n'est soumis à aucune clause exorbitante du droit commun ; que le litige a pour objet de sanctionner la violation par le bailleur de ses obligations contractuelles, dans le cadre déterminé par les articles 1719 et 1720 du code civil, et notamment de celles de délivrer au preneur le bien loué, puis de l'en faire jouir paisiblement pendant la durée du bail conformément à son usage, tel que les parties l'ont défini ; qu'il échappe ainsi à la compétence du juge administratif et l'ordonnance sera nécessairement confirmée » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « s'agissant de l'exception d'incompétence de la présente juridiction civile au profit de la juridiction administrative, il convient de rappeler et de souligner que le présent litige ne vise que la résolution du bail commercial aux torts exclusifs du bailleur et non d'une action en responsabilité contre la commune, personne publique, en raison d'un manquement à son obligation d'entretien général d'un chemin rural ou d'un défaut d'exécution de travaux publics ; qu'il s'agit d'examiner uniquement la responsabilité de la commune en qualité de bailleresse envers le preneur pour inexécution de l'obligation de délivrance invoquée, consistant en l'impossibilité pour la SARL TERRE D'HAUTAANIBOUL d'accéder au local loué ; qu'il s'agit donc bien de l'examen de la violation ou non d'un engagement contractuel du bailleur dans le cadre d'un bail incontestablement commercial, celui-ci faisant expressément références aux dispositions du décret du 30.9.1953, portant sur un local faisant partie du domaine privé de la commune (fait constant) et précision faite qu'il n'est soumis à aucune clause exorbitante du droit commun ; qu'il convient donc de rejeter l'exception d'incompétence soulevée » ;
1°) ALORS QUE la clause exorbitante du droit commun est celle qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, implique, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ; que, dans ses conclusions d'appel (pp. 15 à 17), la commune de Boissezon faisait valoir que le contrat de bail litigieux devrait être requalifié en contrat administratif, relevant de la compétence du juge administratif, si l'engagement de la commune à entretenir le chemin rural qui dessert le fonds donné à bail à la société Terre d'Hautaniboul était regardé comme incorporé au contrat dans la mesure où cet engagement constituerait une clause exorbitante du droit commun ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée, que le bail n'était soumis à aucune clause exorbitante du droit commun, sans expliquer, comme elle y était invitée, si elle considérait que l'engagement de la commune à entretenir le chemin rural était, ou non, incorporé au contrat et, ainsi, sans mettre la Cour de cassation en mesure de connaître les clauses qu'elle a examinées pour retenir cette solution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, la clause exorbitante du droit commun est celle qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, implique, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ; que, dans ses conclusions d'appel (pp. 15 à 17), la commune de Boissezon faisait valoir que le contrat de bail litigieux devrait être requalifié en contrat administratif, relevant de la compétence du juge administratif, si l'engagement de la commune à entretenir le chemin rural qui dessert le fonds donné à bail à la société Terre d'Hautaniboul était regardé comme incorporé au contrat dans la mesure où cet engagement constituerait une clause exorbitante du droit commun ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée, que le bail n'était soumis à aucune clause exorbitante du droit commun, sans expliquer, comme elle y était invitée, en quoi l'engagement de la commune à entretenir le chemin rural pouvait être regardé comme incorporé au contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III ;
3°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, la clause par laquelle une commune s'engage à entretenir un chemin rural, appartenant à son domaine privé et ouvert à la circulation publique, constitue une clause exorbitante du droit commun ; qu'en retenant que l'engagement de la commune de Boissezon à entretenir le [...], qui appartient à son domaine privé et est ouvert à la circulation publique, ne constitue pas une clause exorbitante du droit commun, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.