Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2007, présentée pour M. Antonio Y, demeurant ..., par Me Grimault ; M. Y demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0216502/6-2 en date du 24 avril 2007 par lequel Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 72 000 euros en réparation de ses préjudices matériels et une somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices moraux ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser 72 000 euros en réparation de ses préjudices matériels et une somme de 50 000 euros en réparation de ses préjudices moraux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2009 :
- le rapport de Mme Malvasio, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Me Grimault, pour M. Y ;
Considérant que M. Y fait grief au jugement du Tribunal administratif de Paris du 24 avril 2007 de ne pas avoir fait droit à sa demande tendant à obtenir réparation des préjudices matériels et moral qu'il estime avoir subis du fait des agissements fautifs de la préfecture de police de Paris dont l'arrêté du 7 avril 1998, par lequel le préfet de police lui a retiré l'autorisation d'enseigner la conduite automobile en conséquence de condamnations pénales, a été annulé par jugement de ce même tribunal en date du 22 janvier 2002 pour méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines alors que, en conséquence de cet arrêté illégal, il a été suspendu, le 26 mars 1999, puis licencié, le 30 juin 1999, par son employeur, a ainsi été privé de la liberté d'exercer son métier, s'est retrouvé au chômage jusqu'au début de l'année 2003, n'a pu donner suite à des propositions d'embauche au sein d'auto-écoles et a subi une atteinte à sa réputation professionnelle ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 244 du code de la route alors en vigueur : Le droit d'enseigner, à titre onéreux, la conduite des véhicules terrestres à moteur d'une catégorie donnée est subordonné à la délivrance d'une autorisation du préfet, dans les conditions fixées par arrêté du ministre des transports. / Cette autorisation est délivrée aux seules personnes remplissant les conditions suivantes : (...) 4° Ne pas avoir été condamné pour crime ou délit de vol, escroquerie, abus de confiance, homicide ou blessures involontaires, ou pour l'une des infractions prévues aux dispositions suivantes : - articles 161, 177, 178, 179, 330 à 335 du code pénal ; / - articles 2 et 4 de la loi du 24 mai 1834 sur les détenteurs d'armes ; / - loi du 10 janvier 1936 sur le port des armes prohibées ; / - articles 26, 28, 29, 31, 32, 35 et 38 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions ; / - articles L. 1 à L. 4, L. 12 à L. 19 du présent code. et qu'aux termes de l'article R. 244-2 du même code : L'autorisation préfectorale doit être retirée lorsqu'une des conditions prévues pour sa délivrance cesse d'être remplie. ;
Considérant que par jugement du 22 janvier 2002 devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 7 avril 1998 retirant l'autorisation d'enseigner la conduite automobile accordée à M. Y le 7 septembre 2001 au motif que les infractions pour lesquelles l'intéressé avait été condamné ne pouvaient être assimilées à celles figurant dans la liste prévue à l'article R. 244 du code de la route et que l'autorité administrative avait méconnu le principe de légalité des délits et des peines ; qu'il résulte de l'instruction que, en exécution de cet arrêté, la société Vamecor, qui avait engagé M. Y par contrat à durée indéterminée en date du 10 avril 1998, a suspendu l'intéressé le 26 mars 1999 puis procédé à son licenciement le 30 juin 1999 ; que l'intéressé s'est retrouvé au chômage à compter du 1er juillet 1999 et a été privé de la possibilité d'exercer la profession qu'il exerçait depuis 1981 en vertu d'une autorisation régulièrement renouvelée ; que si le préfet de police fait valoir qu'il était en situation de compétence liée pour retirer l'autorisation de M. Y qui avait été condamné pour escroquerie par un jugement du 8 décembre 1998 du Tribunal correctionnel de Brest, nonobstant l'appel formé par l'intéressé devant la Cour d'appel de Rennes, les dispositions du code de la route ne prévoyant pas que la condamnation doit être devenue définitive, cette interprétation des dispositions précitées des articles R. 244 et R. 244-2 dudit code ne saurait être retenue ; qu'en effet, en vertu du principe du caractère suspensif de l'appel en matière pénale, comme du pourvoi en cassation, le jugement invoqué, postérieur à l'arrêté litigieux, n'a pu, en tout état de cause, fonder légalement ledit arrêté ; que cet arrêté, qui a illégalement retiré l'autorisation d'enseigner la conduite automobile dont M. Y était titulaire, a été la cause directe et unique de la suspension puis du licenciement de l'intéressé à la suite duquel il s'est retrouvé au chômage et a été privé de la possibilité d'exercer son métier ; que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à raison des préjudices qui en ont résulté pour l'intéressé ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que par un arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 15 février 1999 à l'encontre duquel M. Y ne s'est pas pourvu en cassation l'intéressé a été condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 F d'amende pour exécution d'un travail clandestin ; qu'une telle condamnation, réprimée par les articles L. 324-9 et L. 324-10 du code du travail, est devenue incompatible avec l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile en vertu des dispositions de l'article R. 243-2 du code de la route, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2001, dispositions qui ont été reprises à compter du 1er juin 2001 à l'article R. 212-4 du même code ; qu'ainsi M. Y ne pouvait en tout état de cause plus enseigner la conduite automobile à compter du 1er janvier 2001 et ne saurait en conséquence se prévaloir d'un préjudice financier causé par l'absence de poursuite d'une activité qu'il ne pouvait plus légalement exercer après le 31 décembre 2000 ; que le contrat de travail de M. Y ayant été rompu à compter du 1er juillet 1999, l'intéressé s'est retrouvé au chômage à compter de cette date et a perçu l'allocation unique dégressive au moins jusqu'au mois de février 2003 sur la base d'un montant mensuel moyen de 650 euros pour la période allant jusqu'au 31 décembre 2000, au lieu de la rémunération mensuelle nette de 850 euros qui lui était servie par son employeur ; que M. Y peut en conséquence prétendre, pour la période au cours de laquelle il a été illégalement privé de rémunération et perçu des indemnités chômage, soit du 1er juillet 1999 au 31 décembre 2000, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3 600 euros en réparation de son préjudice financier ; que la circonstance que M. Y a connu des périodes de chômage avant son recrutement par la société Vamecor sous contrat à durée indéterminée conclu le 10 avril 1998 est sans incidence sur le préjudice subi par l'intéressé à la suite de la rupture dudit contrat consécutive à l'arrêté illégal en cause ;
Considérant que M. Y n'est en revanche pas fondé à demander réparation du préjudice moral que lui aurait causé l'arrêté du 7 avril 1998 du fait de l'atteinte portée à sa réputation, celle-ci résultant, non de l'arrêté lui retirant l'autorisation d'enseigner la conduite automobile mais des condamnations pénales prononcées contre lui du fait de comportements délictueux ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais engagés par M. Y et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice subi par lui en conséquence de l'arrêté du préfet de police du 7 avril 1998 lui retirant son autorisation d'enseigner la conduite automobile ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 24 avril 2007 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. Y une indemnité de 3 600 euros.
Article 3 : L'Etat versera à M. Y la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 07PA02341