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12/02/2019 | FRANCE | N°17VE01023

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 12 février 2019, 17VE01023


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... C...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2008, 2009 et 2010, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503993 du 12 décembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :


Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 31 mars 2017 et le 9 mai 2018, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... C...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2008, 2009 et 2010, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1503993 du 12 décembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 31 mars 2017 et le 9 mai 2018, le mémoire enregistré le 27 décembre 2018 n'ayant pas été communiqué,

MmeG... C..., représentée par Me A...substituant MeE..., demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement du 16 décembre 2016 ;

2° de la décharger des impositions correspondantes ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales en ne se limitant pas à des constatations matérielles lors du contrôle inopiné ;

- l'administration a méconnu le 2ème alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscale en ayant effectué des traitements sur des fichiers informatiques qui ne revêtaient pas le caractère de documents comptables ; la procédure d'imposition est de ce fait irrégulière ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 47 A dès lors qu'elle a privé la requérante de la possibilité de choisir entre les options qui lui sont ouvertes par cet article, qu'elle l'a mise dans l'impossibilité de discuter utilement de la pertinence des traitements informatiques effectués et l'a ainsi privée de la possibilité de vérifier les résultats obtenus par ces traitements ;

- l'administration fiscale n'a pas respecté les garanties de la charte du contribuable, en refusant systématiquement de lui accorder des délais supplémentaires, en se comportant de manière partiale et en tenant des propos incohérents, en refusant de lui accorder des intérêts moratoires en cas de restitution de l'impôt payé, en ne motivant pas de manière suffisamment claire et explicite les rectifications proposées et en lui donnant aucune explication précise donnée quant aux rapprochements de taxe sur la valeur ajoutée collectée ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article 57 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration a procédé à un contrôle standardisé sans analyse de sa situation dès lors que les nouveaux traitements informatiques auraient dû conduire à une nouvelle proposition de rectification, qu'un piège lui a été tendu et qu'il a été procédé à des " copiés-collés " ;

- l'administration a procédé à des manipulations frauduleuses et s'est rendue coupable d'escroquerie en bande organisée afin de lui notifier des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la décision de relaxe du chef de fraude fiscale prononcée par le juge pénal s'impose en vertu de l'autorité de la chose jugée à l'administration fiscale qui ne peut la rehausser

pour des faits identiques ;

- la charge de la preuve incombe à l'administration en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales en raison de l'irrégularité de l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- sa comptabilité revêt un caractère probant, dès lors qu'elle n'a pas sollicité la fonctionnalité incriminée en l'absence de demande de mot de passe ni même de commande de système, qu'il n'y a pas eu d'utilisation de la fonction incriminée et que les commandes de systèmes exécutées sont imputables aux informaticiens d'Alliadis ; l'administration n'apporte pas la preuve d'une dissimulation volontaire des données comptables, lesquelles ont été conservées en éditions papier sur la période requise de 36 mois, pour la majorité d'entre elles, et que la conservation des données informatiques sur une durée plus courte est dû à un paramétrage des informaticiens d'Alliadis pour faire fonctionner le système ; l'administration n'établit pas la dissimulation de recettes en espèces ;

- la reconstitution de recettes réalisée par l'administration est erronée dès lors que les écarts de quantité constatés par l'administration relèvent du fonctionnement normal du logiciel et non d'une dissimulation de recettes ; les méthodes utilisées par l'administration sont incohérentes ;

- le jugement du tribunal correctionnel du 30 juillet 2014, relatif à une autre officine, confirme sa propre analyse quant au mot de passe, aux ruptures séquentielles et au fichier mouchard ;

- les impositions mises à sa charge méconnaissent l'article 4 du protocole additionnel

n° 7 à la convention européenne des droits de l'homme qui consacre le principe " non bis in idem " ;

- l'administration a violé son droit de propriété consacré par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- La convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dibie,

- et les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...exploite une officine de pharmacie à Yutz (57970) qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008, 2009 et 2010. A la suite de ce contrôle, l'administration, estimant que la comptabilité de l'entreprise était dénuée de valeur probante, a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, puis a notifié au contribuable les rehaussements envisagés des revenus de Mme C...dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2008, 2009 et 2010. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été mises en recouvrement le 30 avril 2014 pour un montant total de 250 095 euros, en droits et pénalités. Par la présente requête, Mme C...relève appel du jugement en date du 12 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.

Sur la suppression des écrits injurieux, outrageants et diffamatoires :

2. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les juridictions administratives peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.

3. L'ensemble du paragraphe c) intitulé " Piège tendu par MmeB... " en page 15 de la requête de Mme C... et le titre 6 intitulé " tentative d'escroquerie en bande organisée " commençant page 17 de la requête par les mots " ce point est d'une importance capitale ", et finissant page 19 par les mots " rendant ainsi nulle l'intégralité de la procédure ", présentent un caractère injurieux et diffamatoire. Par suite, il y a lieu d'en prononcer la suppression.

Sur la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable à la présente procédure : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. ". Aux termes de l'article L. 47 du même livre : " (...) En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil. ". Aux termes de l'article L. 47 A du même livre : " II.-En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : /a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. (...) ".

5. Mme C...soutient, d'une part, que l'administration, dans le cadre du contrôle inopiné ayant précédé la vérification de comptabilité, a procédé à des traitements informatiques en ayant accès aux fichiers informatiques ou commandes, qui ne constituent pas une simple constatation matérielle de l'existence et de l'état des documents comptables, outrepassant ainsi les pouvoirs qu'elle détient en vertu de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. Il résulte toutefois du procès-verbal d'état des constatations matérielles dressé le 17 mars 2011, jour du contrôle inopiné, que le service s'est borné à demander à Mme C...de lister et d'imprimer l'historique des commandes passées sur le logiciel de gestion Alliance, de dresser la liste des fichiers de données de ce logiciel présents sur le disque dur du serveur et d'enregistrer des copies d'écran. Ainsi, l'ensemble de ces opérations n'a eu ni pour objet ni pour effet de permettre au service de procéder à l'analyse critique des fichiers en cause. Par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, l'ensemble de ces opérations n'a pas permis au service de procéder à l'analyse critique des fichiers en cause en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.

6. Si, d'autre part, Mme C...soutient que, pour reconstituer son chiffre d'affaires notamment, l'administration a utilisé des fichiers de son logiciel de gestion qui ne sont pas des documents comptables, il résulte toutefois de l'instruction que le service vérificateur a relevé que le logiciel Alliance produit des fichiers quotidiens de factures, de règlements, de mouvements de stocks, de bandes de caisse, transférés mensuellement vers les services de l'expert-comptable qui tient la comptabilité et rédige les déclarations fiscales obligatoires. Ce logiciel fait donc office de logiciel de caisse et concourt à la formation des résultats comptables de l'officine de Mme C.... Il pouvait, dès lors, faire l'objet dans le cadre de la vérification de la comptabilité de l'officine d'un contrôle sur le fondement de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales.

7. Il résulte, enfin, de l'instruction que l'information prévue à l'article 47 A du livre des procédures fiscales a été communiquée à la requérante par un courrier du 31 mars 2011 qu'elle a elle-même annexé à son mémoire en réplique.

8. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 13 L. 47 et L. 47 A du livre des procédures fiscales doivent être écartés.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales :

" L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) En cas d'application des dispositions de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

10. La proposition de rectification du 3 octobre 2011 mentionne les impositions et les années en cause, les motifs de fait et de droit sur lesquels sont fondés les redressements ainsi que les modalités de calcul de ces derniers. La circonstance que le rapport d'expertise de M. D...F...ne soit pas annexé à la proposition de rectification n'a pas privé la requérante, contrairement à ce qu'elle soutient, de formuler ses observations. Enfin, la proposition de rectification précise aux pages 12 à 19 la nature des traitements effectués. Le moyen tiré de son insuffisante motivation manque, dès lors, en fait.

11. En troisième lieu, si Mme C...se prévaut du contenu de la " charte du contribuable ", et notamment du fait qu'aucune explication précise n'a été donnée quant aux rapprochements de taxe sur la valeur ajoutée collectée, cette charte n'étant pas opposable à l'administration, le moyen tiré de sa méconnaissance est inopérant.

12. En quatrième lieu, et contrairement à ce que soutient la requérante, il ne résulte pas de l'instruction, que l'administration aurait procédé à un contrôle standardisé sans analyse de sa situation, dès lors que les nouveaux traitements informatiques auraient dû conduire à une nouvelle proposition de rectification. La circonstance, à la supposer avérée, que l'administration ait mentionné des informations erronées résultant de " copiés collés " qui ne constituraient alors que des erreurs de plume, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée :

13. L'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. La même autorité ne saurait, en revanche, s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité.

14. Il résulte de l'instruction que, par un jugement du 28 novembre 2016, le Tribunal correctionnel de Thionville a relaxé Mme C...des chefs de soustraction frauduleuse au paiement de l'impôt au titre des années 2009 et 2010 par dissimulation volontaire de sommes perçues en espèce, d'omission d'inscription d'écritures dans ses documents comptables et de dépôt de déclarations minorées. Le tribunal a jugé que " la méthode utilisée par l'administration fiscale tendant à établir l'élément matériel du délit reproché de fraude fiscale au titre des années 2009 et 2010 n'est pas suffisamment probante " et que " le délit reproché n'est donc pas suffisamment caractérisé ". Le tribunal a également jugé que " le second délit tel que reproché pour avoir omis de passer ou de faire passer les écritures dans les documents comptables obligatoires au titre des exercices clos les 30 juin 2009 et 30 juin 2010 n'est pas caractérisé ". Le tribunal en a conclu que " les infractions reprochées ne sont pas suffisamment caractérisées ". Dans ces conditions, eu égard aux constatations matérielles relevées par le tribunal correctionnel, ledit jugement de relaxe est fondé sur le motif tiré de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Par suite, l'autorité de la chose jugée par le juge pénal ne s'impose pas dans les circonstances de l'espèce aux juridictions administratives.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

15. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable à la présente procédure : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ". Il résulte de ces dispositions que, s'il incombe à l'administration d'apporter la preuve des graves irrégularités justifiant le rejet de la comptabilité d'un contribuable, c'est ensuite à ce dernier, lorsque les rehaussements ont été établis conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, d'établir que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaire qui a été appliquée par l'administration était excessivement sommaire ou radicalement viciée dans son principe ou bien de proposer une méthode de reconstitution plus précise.

16. D'une part, pour regarder comme irrégulière et non probante la comptabilité de l'officine de pharmacie de Mme C...au titre des périodes vérifiées, l'administration fait valoir, sans être sérieusement contredite, que l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire a révélé que le logiciel d'encaissement et de gestion commerciale

" Alliance ", à partir duquel les recettes de l'officine de pharmacie de Mme C...étaient enregistrées en comptabilité, dispose d'une fonctionnalité " outils administration " permettant la suppression d'opérations de caisse correspondant à certaines ventes payées en espèces dont l'accès est subordonné à la saisie d'un mot de passe et que le nom de Mme C...figurait sur une liste, saisie par l'autorité judiciaire, de pharmaciens ayant expressément demandé un mot de passe permettant l'accès à cette fonction. D'autre part, lors des opérations de contrôle de l'activité de MmeC..., le vérificateur a constaté, au titre de la période vérifiée, un nombre significatif de ruptures de séquences dans la numérotation des factures, l'effacement volontaire du fichier " a_futil.d ", qui conserve, en principe, la trace des suppressions mettant ainsi en évidence l'utilisation du logiciel permissif pour faire disparaître certaines opérations ainsi que des incohérences dans les quantités vendues. En se bornant à faire état d'incohérences et à soutenir qu'elle ne connaissait pas les fonctionnalités du logiciel auquel donnait accès le mot de passe litigieux, qu'il n'est pas établi qu'elle ait fait usage de ces fonctionnalités, et que la suppression du fichier trace est imputable aux informaticiens d'Alliadis, Mme C... n'apporte pas d'élément probant au soutien de ses affirmations tendant à établir leur véracité. Enfin, en se bornant à contester les déductions de l'administration selon lesquelles la hausse du taux des espèces sur le chiffre d'affaires total en décembre 2010 confirme l'abandon de la suppression de recettes à compter de cette date et confirme la suppression antérieure de recettes, en se prévalant de différents facteurs envisageables, la requérante ne conteste pas les manquements et anomalies constatés. Ainsi, l'administration, qui a relevé dans la proposition de rectification que la comptabilité de la requérante ne retraçait pas l'intégralité des opérations effectuées par l'entreprise, dès lors qu'une partie importante des recettes n'avait pas été comptabilisée, doit être regardée comme apportant la preuve des graves irrégularités affectant la comptabilité. Par suite, c'est à bon droit que le service a écarté la comptabilité de l'officine de Mme C...comme comportant de graves irrégularités et comme non probante, et a procédé à la reconstitution de recettes de ladite activité.

17. D'autre part, il résulte de l'instruction que les impositions en litige ont été établies conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en sa séance du 8 novembre 2013. Seul un vice de forme et de procédure de nature à entacher d'irrégularité l'avis de la commission départementale peut être utilement invoqué pour faire obstacle aux conséquences, quant à la charge de la preuve, que la loi attache à la consultation de la commission et à la conformité entre les bases d'imposition retenues et les chiffres auxquels aboutit l'avis de la commission. Toutefois, si la requérante soutient que tant la séance du 8 novembre 2013 que l'avis rendu sont entachés de nombreuses irrégularités, notamment les conditions dans lesquelles tant son représentant que celui de l'administration ont pris la parole au cours de la séance, aucune d'entre elles n'est établie pas les pièces versées au dossier. En outre, ni l'avis ni le rapport de la séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 8 novembre 2013 ne font état " d'impôt sur les sociétés ", alors qu'ils mentionnent très précisément que sa saisine concerne la détermination de l'impôt sur le revenu de Mme C...au titre des bénéfices industriels et commerciaux, et le rapport présente la mention " impôt sur les sociétés " biffée. Ainsi, en application des dispositions précitées, Mme C...ne peut obtenir la décharge ou la réduction des impositions qu'elle conteste qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases retenues par l'administration. A cette fin, et dès lors qu'elle n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur les données d'une comptabilité régulière et probante, elle peut soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie, en vue de démontrer en quoi elle aboutit à des évaluations exagérées, soit soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation aboutissant à des résultats plus satisfaisants.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

18. En premier lieu, il résulte de l'instruction que pour procéder à la reconstitution de recettes dissimulées, l'administration a utilisé la méthode par valorisation des écarts en quantité entre l'historique des produits et celle des ventes, les écarts étant valorisés par application du prix de vente moyen du produit déterminé d'après les ventes de la période. Si Mme C...soutient que la méthode dite des écarts de quantité sur les produits autres que les tiers payants démontrerait que la présence d'écarts de quantité n'implique pas nécessairement l'emploi de la fonctionnalité incriminée du logiciel Alliance mais relève du fonctionnement normal du logiciel, elle n'apporte toutefois pas la preuve, par ces seules allégations, de l'exagération des bases retenues par l'administration . En outre, la requérante ne peut utilement critiquer les deux autres méthodes utilisées par l'administration dès lors qu'il est constant que seule la troisième méthode, par valorisation des écarts, a été mise en oeuvre. Enfin, Mme C...ne saurait exciper d'un jugement du tribunal correctionnel du 30 juillet 2014 relatif à une autre officine qui confirmerait sa propre analyse quant au mot de passe, aux ruptures séquentielles et au fichier mouchard, dès lors que ce jugement concerne un autre contribuable et qu'en tout état de cause, une telle qualification ne s'impose pas au juge de l'impôt. Ainsi, MmeC..., qui ne propose aucune autre méthode d'évaluation plus précise et ne fournit aucun élément de nature à apprécier le montant des recettes qu'il conviendrait de retenir, alors que lui incombe la charge de la preuve, n'établit pas que la méthode de reconstitution des recettes de son officine de pharmacie au titre des années 2008, 2009 et 2010 serait radicalement viciée dans son principe ou aboutirait à un résultat exagéré.

19. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 4 du protocole n°7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat ". Cette règle ne trouve à s'appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif.

20. Mme C...n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu le principe " non bis in idem " tel que prévu par le premier alinéa de l'article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le rehaussement dont elle a fait l'objet ne constitue pas une infraction pénale au sens de ces stipulations. Au demeurant, l'administration fiscale n'a appliqué aucune pénalité fiscale aux rectifications en litige. Par suite, le moyen doit être écarté.

21. En dernier lieu, Mme C...soutient que les impositions en litige méconnaîtraient le droit au respect de ses biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les sommes mises à sa charge seraient indues. Il résulte cependant de ce qui précède que l'administration était fondée à mettre à la charge de la requérante les impositions en litige. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Les passages des écritures de Mme C...mentionnés au point 3 du présent arrêt sont supprimés.

2

N° 17VE01023


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01023
Date de la décision : 12/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Redressement.

Procédure - Jugements - Chose jugée - Chose jugée par la juridiction judiciaire - Chose jugée par le juge pénal.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Alice DIBIE
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : SCP RACINE STRASBOURG CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-02-12;17ve01023 ?
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