Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par un jugement n° 1900933 du 19 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération de la commune d'Ancerville du 10 décembre 2018 en tant qu'elle refuse de louer à M. Streiff les parcelles " Bazen Champ " située section 20 n° 10 et " Les Vignes " située section 19 n° 46.
M. A... Streiff a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'enjoindre à la commune d'Ancerville, en exécution de ce jugement du 19 mars 2020, de lui attribuer à bail les terrains communaux cadastrés section 19 n°46 et section 20 n°10, dans un délai de deux mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard et, d'autre part, de condamner la commune d'Ancerville au paiement d'une somme de 8 466,02 euros par année culturale perdue à compter de la délibération du 10 décembre 2018, à titre de dommages et intérêts.
Par un jugement n° 2105396 du 23 février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 avril 2022, le 19 août 2022, le 24 janvier 2023, le 20 juillet 2023 et le 24 août 2023, M. Streiff, représenté par Me Seyve de la SCP Seyve, Lorrain, Robin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 février 2022 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune d'Ancerville de lui attribuer à bail les parcelles cadastrées section 19 n° 46 et section 20 n° 10 ;
2°) d'enjoindre à la commune d'Ancerville, en exécution du jugement n° 1900933 du 19 mars 2020, de lui attribuer à bail les parcelles cadastrées section 19 n° 46 et section 20 n° 10, dans un délai de deux mois sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Ancerville la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions présentées sur ce même fondement par la commune d'Ancerville.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a refusé d'enjoindre à la commune d'Ancerville de lui louer des parcelles alors qu'il justifiait à la date du jugement attaqué d'un droit de priorité en sa qualité de jeune agriculteur ;
- le dispositif du jugement du 19 mars 2020 impliquait que la commune d'Ancerville lui donne à bail les deux parcelles louées à d'autres preneurs ;
- il justifiait à la date du jugement de son rang prioritaire et la commune d'Ancerville n'établit pas l'existence d'autres preneurs venant en concurrence avec sa candidature ;
- l'annulation prononcée par le jugement du 19 mars 2020 portait sur l'attribution des parcelles et non sur la procédure antérieure à leur attribution, laquelle a été suspendue par le recours en annulation et à laquelle seules deux autres personnes avaient candidaté ; les candidats devaient se manifester au plus tard jusqu'au 26 octobre 2019.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 juillet 2022, le 21 octobre 2022, le 6 mars 2023 et le 17 août 2023, la commune d'Ancerville, représentée par Me Davidson de la SCP Hemzellec-Davidson, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. Streiff, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barteaux, président,
- les conclusions de M. Denizot, rapporteur public,
- et les observations de Me Seyve pour M. Streiff et de Me Pierré pour la commune d'Ancerville ;
Considérant ce qui suit
1. Le conseil municipal de la commune d'Ancerville a, par une délibération du 10 décembre 2018, conclu un bail rural avec M. Streiff, agriculteur, pour l'exploitation de la parcelle cadastrée section 18 n°179 et avec deux autres preneurs pour les parcelles cadastrées section 20 n° 10 et section 19 n° 46. A la demande de M. Streiff, par un jugement du 19 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette délibération en tant qu'elle refusait de louer à l'intéressé ces deux autres parcelles en méconnaissance du droit de priorité dont il bénéficiait en vertu des dispositions de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime. Sur demande de M. Streiff, le président du tribunal administratif de Strasbourg a ouvert, par une ordonnance du 3 août 2021, une procédure juridictionnelle en vue de l'exécution du jugement du 19 mars 2020. M. Streiff a demandé à ce tribunal, d'une part, d'enjoindre à la commune d'Ancerville de lui donner à bail les deux parcelles précitées et, d'autre part, de condamner la commune à lui verser une somme de 8 466,02 euros par année culturale perdue à compter de la délibération du 10 décembre 2018, à titre de dommages et intérêts. Par un jugement du 23 février 2022, le tribunal a rejeté cette demande. M. Streiff fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'injonction.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". Aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement (...), la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. Si le jugement (...) dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée.
4. Par un jugement du 19 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de la commune d'Ancerville du 10 décembre 2018 en tant qu'elle a refusé de louer à M. Streiff les parcelles cadastrées section 19 n° 46 et section 20 n° 10, au motif que ce dernier, attributaire de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs était, en application de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime, prioritaire sur les deux autres candidats retenus. Ce jugement n'a, en revanche, pas déterminé les mesures d'exécution qu'il impliquait.
5. Si ce jugement impliquait, à la date à laquelle il a été rendu, que la commune d'Ancerville dénonce les baux ruraux conclus avec les deux autres preneurs, ce qu'elle a au demeurant effectué, et donne à bail les parcelles litigieuses à M. Streiff, compte tenu de son droit de priorité, il résulte, néanmoins, de ce qui a été exposé au point 3, que pour déterminer les mesures d'exécution de ce jugement du 19 mars 2020, la cour doit tenir compte des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision.
6. Or, en admettant même qu'à la date du présent arrêt M. Streiff bénéficierait encore d'un droit de priorité en application de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime, ce qui n'est pas établi par les éléments qu'il a produits, la commune d'Ancerville fait valoir, sans être utilement contredite, qu'elle a renoncé à la location des parcelles cadastrées section 19 n° 46 et section 20 n° 10. Cette allégation est d'ailleurs corroborée par la délibération du 20 juin 2020 par laquelle le conseil municipal, seul compétent en vertu de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales pour la gestion des biens de la commune, a, à la suite du jugement du 19 mars 2020, annulé la délibération du 10 décembre 2018 par laquelle il avait décidé de la location de ces deux parcelles. Il n'est pas établi, ni même soutenu que ces parcelles, à la suite d'une nouvelle délibération autorisant le maire à signer un bail, auraient été données en location. Il s'ensuit qu'à la date du présent arrêt, au regard de la délibération du 20 juin 2020 par laquelle le conseil municipal de la commune d'Ancerville a décidé de ne plus louer les parcelles en litige, le jugement du 19 mars 2020 n'appelle aucune mesure d'exécution.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. Streiff n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Ancerville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. Streiff demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. Streiff la somme demandée par la commune d'Ancerville, au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. Streiff est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Ancerville au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Streiff et à la commune d'Ancerville.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- M. Barteaux, président assesseur,
- Mme Roussaux, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : S. Barteaux
La présidente,
Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au préfet de la Moselle, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
N° 22NC00978 2