LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° U 13-10.534 et H 13-17.216 formés par la SCI Château Broustet, la SCEA Broustet Laulan et la société Christophe Mandon en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de celles-ci qui attaquent le même arrêt ;
Sur l'irrecevabilité du pourvoi n° U 13-10.534, relevée d'office après avertissement délivré aux parties :
Vu l'article 613 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le délai de pourvoi en cassation ne court à l'égard des décisions rendues par défaut, même pour les parties qui ont comparu devant les juges du fond, qu'à compter du jour où l'opposition n'est plus recevable ;
Attendu que la SCI Château Broustet, la SCEA Broustet Laulan et la société Christophe Mandon, ès qualités, se sont pourvues en cassation le 14 janvier 2013 contre un arrêt rendu par défaut, signifié le 5 avril 2013 à la partie défaillante ; que le délai d'opposition n'avait pas couru à la date de ce pourvoi ;
D'où il suit que le pourvoi est irrecevable ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi n° H 13-17.216 :
Vu les articles L. 622-21 II du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, 2208 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 19 décembre 2011, et 94, 95 et 99 du décret du 27 juillet 2006, applicables en la cause ;
Attendu qu'en l'absence d'adjudication définitive de l'immeuble avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du saisi, la procédure de saisie immobilière en cours à son encontre est arrêtée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 16 août 1994, la société BNP Paribas (la banque) a consenti un prêt à la société Didier Laulan viticulture cautionné avec affectation hypothécaire par la SCI Château Broustet (la SCI) et la SCEA Broustet Laulan (la SCEA) ; que la banque a fait délivrer le 3 novembre 2009 à la SCI et à la SCEA un commandement de payer valant saisie immobilière, publié le 18 décembre 2009 ; que, par jugement du 15 avril 2010, le juge de l'exécution a ordonné la poursuite de la vente forcée de l'immeuble ; que, par jugement du 24 juin 2010, l'immeuble a été adjugé à la société JM médical ; que Mme Y..., le 2 juillet 2010, puis M. Z... et la société Vignobles de terroirs, le 5 juillet 2010, ont chacun formé une déclaration de surenchère ; que, le 2 juillet 2010, la SCI et la SCEA ont été mises en redressement judiciaire, la société Christophe Mandon étant désignée mandataire judiciaire ; que, le 8 juin 2012, le tribunal a adopté un plan de redressement des sociétés, la société Christophe Mandon étant désignée commissaire à l'exécution du plan ; que la SCI, la SCEA et la société Christophe Mandon, ès qualités, ont saisi le juge de l'exécution afin de constater la suspension de la procédure de saisie immobilière résultant de l'ouverture de la procédure collective ;
Attendu que pour dire n'y avoir lieu à constater la suspension de la procédure de saisie-immobilière et rejeter les demandes des sociétés débitrices et de la société Christophe Mandon, ès qualités, l'arrêt énonce que l'application de l'article 99 du décret du 27 juillet 2006, qui prévoit que les enchères sont reprises en cas de surenchère, implique que la vente elle-même ne peut être remise en cause de sorte que, la surenchère n'étant qu'une modalité de l'enchère, le jugement d'adjudication intervenu avant le jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur saisi fait définitivement sortir le bien du patrimoine de ce dernier ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare irrecevable le pourvoi n° U 13-10.534 ;
Et sur le pourvoi n° H 13-17.216 :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne les sociétés BNP Paribas, Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique venant aux droits de la société Banque populaire du Sud-Ouest, JM médical et Vignobles de terroirs, ainsi que Mme Y... et M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi n° H 13-17.216 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour les sociétés Château Broustet, Broustet Laulan et la société Christophe Mandon, ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit n'y avoir lieu à constater la suspension de la procédure et débouté en conséquence la SCI Château Broustet, la SCEA Broustet-Laulan et la Selarl Christophe Mandon ès qualités de leurs demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la cour doit statuer sur le point de savoir si par l'effet du jugement d'adjudication l'immeuble est sorti du patrimoine du débiteur. Dans l'affirmative le jugement d'ouverture de la procédure collective serait dépourvu d'effet, sur l'immeuble lui-même, puisqu'il ne s'agirait plus d'un bien du débiteur alors que dans la négative il conviendrait de considérer que la procédure de saisie immobilière est arrêtée et qu'elle ne peut se poursuivre. En vertu des dispositions de l'article L. 622-21 II du Code de commerce le jugement d'ouverture collective arrête ou interdit toute procédure d'exécution de la part des créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles. L'article L.642-18 du même code prévoit que : « Lorsqu'une procédure de saisie immobilière engagée avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire a été suspendue par l'effet de cette dernière, le liquidateur peut être subrogé dans les droits du créancier saisissant par les actes que celui-ci a effectués, lesquels sont réputés accomplis pour le compte du liquidateur qui procède à la vente des immeubles. La saisie immobilière peut alors reprendre son cours au stade où le jugement d'ouverture l'avait suspendue ». Avant l'intervention du décret du 27 juillet 2006, la jurisprudence considérait qu'entre la déclaration et l'adjudication définitive l'immeuble était la propriété du saisi et que le jugement d'ouverture de la procédure collective intervenu dans cet intervalle suspendait les poursuites individuelles à l'égard du débiteur et par conséquent que la procédure de saisie immobilière était arrêtée. L'article 99 du décret du 27 juillet 2006 prévoit que : « Le jour de l'audience les enchères sont reprises dans les conditions prévues par les articles 72 à 80 sur la mise à prix modifiée par la surenchère. Si cette surenchère n'est pas couverte le sur- enchérisseur est déclaré adjudicataire ». L'article 2208 du Code civil prévoit enfin que : «L'adjudication emporte vente forcée du bien saisi et en transmet la propriété à l'adjudicataire ». Dans un arrêt du 16 octobre 2009, la cour d'appel de Poitiers a considéré que la surenchère ne peut être analysée comme une nouvelle procédure de vente, mais comme la suite de la procédure initiale, laquelle est reprise sur surenchère de 10% du prix de l'adjudication, sans que la déclaration de surenchère puisse être rétractée. Le jugement d'adjudication intervenu avant le jugement d'ouverture de la procédure collective a un caractère irréversible puisqu¿il s'agit d'un contrat insusceptible d'être frappé d'appel. Lorsqu'il n'a été publié que postérieurement au jugement d'ouverture, le jugement d'adjudication de l'immeuble d'un débiteur en redressement judiciaire n'affecte en outre pas la validité de l'adjudication et n'a d'effet que sur la répartition de la créance du prix de vente. L'article 99 du décret du 27 juillet 2006, qui prévoit que les enchères sont reprises en cas de surenchères implique que la vente elle-même ne peut être remise en cause, qu'elle doit en conséquent être considérée comme définitivement acquise, que la surenchère n'est qu'une modalité de l'enchère, et que le jugement d'adjudication fait définitivement sortir le bien du patrimoine du débiteur, seul le prix de celui-ci et le nom du nouveau propriétaire de l'immeuble restant à déterminer. Pendant la période intermédiaire entre l'adjudication initiale et l'adjudication définitive l'enchérisseur s'engage irrévocablement à l'acquérir pour le prix qu'il a indiqué si personne ne porte une enchère plus haute lors de l'audience d'adjudication sur surenchère. Il en résulte qu'il supporte les risques liés à l'immeuble. C'est donc par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a débouté la Scea Broustet Laulan et la Sci du Château Broustet de leurs prétentions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'à l'appui de leur demande de report, la SCI du Château Broustet et la SCEA Broustet Laulan, à laquelle se joint sur les mêmes arguments la Selarl Christophe Mandon, mandataire représentant des créanciers, exposent que par jugements en date du 2 juillet 2010, le tribunal de Grande Instance de Bordeaux a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SCI du Château Broustet et la SCEA Broustet Laulan ; que l'article L 622.21.II du code de Commerce arrête ou interdit toute voie d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L 622-17 du même code ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Cassation que la déclaration de surenchère a pour effet d'annuler les droits acquis par l'adjudicataire et de faire revenir l'immeuble dans le patrimoine du propriétaire n'est absolument pas remise en cause à ce jour. Au contraire, la SA BNP Paribas, créancier poursuivant, la Banque Populaire du Sud-Ouest, créancier inscrit intervenant, et la SAS Vignobles de Terroirs, surenchérisseur intervenant, opposant qu'il n'y a pas lieu de suspendre la procédure de saisie immobilière du fait de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, le bien n'étant plus la propriété des parties saisies depuis l'audience d'adjudication. Il sera rappelé en liminaire qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'exécution de suspendre les effets d'un titre exécutoire. Les dispositions de l'article L 622-21 du Code de commerce prévoyant la suspension des voies d'exécution du fait de l'ouverture d'une procédure collective entraînent de plein droit cette suspension, que le juge de l'exécution ne peut alors éventuellement que constater. Toutefois, la suspension ne concerne que les voies d'exécution n'ayant pas encore abouti au jour du jugement d'ouverture, c'est-à-dire lorsque les biens saisis ne sont pas encore sortis du patrimoine du débiteur. Or, il résulte des dispositions de l'article 2208 du Code Civil tel qu'issu de l'ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 portant réforme de la procédure de saisie immobilière, que « l'adjudication emporte vente forcée du bien saisi et en transmet la propriété à l'adjudicataire ». En l'espèce, par application de ces dispositions, l'adjudication intervenue le 24 juin 2010 a emporté transfert de la propriété du bien saisi, qui a quitté le patrimoine de la partie saisie. C'est à juste titre que les créanciers et le surenchérisseur relèvent que, contrairement au droit antérieur à l'ordonnance du 21 avril 2006, la surenchère n'annule pas l'enchère sur laquelle elle est formée, de sorte que le bien adjugé ne réintègre pas le patrimoine du débiteur. Ils font valoir à juste titre qu'il résulte de l'article 99 du Décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 modifié que, dans le cas de surenchère les enchères sont seulement reprises, ce qui emporte qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle adjudication. La surenchère, dont le caractère irrévocable est à juste titre rappelé, n'a pour effet que de différer, la connaissance de l'identité de l'adjudicataire définitif, qui sera soit le meilleur enchérisseur sur la surenchère, soit le surenchérisseur au cas de défaut d'enchères. Il n'y donc pas lieu de constater la suspension de la procédure d'exécution forcée du fait du jugement d'ouverture intervenu postérieurement à l'adjudication du 24 juin 2010 ;
ALORS QUE le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête ou interdit toute procédure d'exécution de la part des créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles du débiteur ; qu'en cas de saisie immobilière, si l'adjudication a pour effet d'emporter transfert de propriété de l'immeuble du patrimoine du débiteur saisi dans le patrimoine de l'adjudicataire, toutefois, le seul exercice d'une faculté de surenchère emporte anéantissement rétroactif de la première adjudication, de sorte que jusqu'à ce qu'une nouvelle adjudication soit prononcée, l'immeuble est réputé être demeuré dans le patrimoine du débiteur saisi ; qu'au cas d'espèce, il était constant qu'à la suite de l'adjudication de l'immeuble appartenant à la SCI Château Broustet et à la SCEA Broustet-Laulan par l'effet d'un jugement en date du 24 juin 2010, plusieurs déclarations de surenchère, dont la première en date du 2 juillet 2010, avaient été formées, sachant qu'à la même date, le tribunal de grande instance de Bordeaux avait prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SCI Château Broustet et de la SCEA Broustet-Laulan ; qu'il en résultait que dès la première déclaration de surenchère, l'adjudication du 24 juin 2010 avait été rétroactivement anéantie et que l'immeuble concerné était réputé être demeuré dans le patrimoine de la SCI Château Broustet et de la SCEA Broustet-Laulan et ce, jusqu'à ce qu'une nouvelle adjudication intervienne ; qu'aussi, la procédure de saisie immobilière devait être considérée comme étant en cours au jour de l'ouverture de la procédure collective, de sorte qu'elle devait être tenue pour suspendue par l'effet de cette dernière ; qu'en considérant au contraire que la première adjudication avait définitivement fait sortir l'immeuble du patrimoine du débiteur, peu important l'existence d'une surenchère qui ne serait qu'une « modalité de l'enchère », et que dans la période intermédiaire s'étalant entre la première adjudication et l'adjudication définitive, c'est le surenchérisseur qui supportait les risques de la chose, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce, ensemble les articles 2208 ancien du code civil (devenu L. 322-10 du code des procédures civiles d'exécution), 94, 95 et 99 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 (devenus respectivement R. 322-50, R. 322-51 et R. 322-55 du code des procédures civiles d'exécution), ensemble les articles 1182 et 1604 du code civil.