Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... et M. C... E... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 août 2021 par lequel le maire de Marseille a retiré la décision tacite de non-opposition à la déclaration préalable n° DP 013055 21 01500P0, née le 22 mai 2021, portant sur " la rénovation de toiture, la création d'ouverture et la démolition de 5 m² " d'une construction située sur des parcelles cadastrées section OP n° 103, 104 et 107, situées 4-6 Traverse Bronzet à Marseille, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 par lequel le maire de Marseille a retiré la décision tacite de non-opposition à la déclaration préalable n° DP 013055 21 00264P0, née le 27 février 2021, portant sur " la régularisation de la surélévation de la toiture, le retrait d'une partie de la toiture et la création d'ouvertures " d'une construction située sur des parcelles cadastrées section OP n° 103, 104 et 107, situées 4 Traverse Bronzet à Marseille, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2200724, 2200725 du 21 février 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 12 avril 2024 sous le n° 24MA00872, Mme D... et M. E..., représentés par Me Martinez, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Marseille du 17 août 2021, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux du 30 septembre 2021 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le maire de Marseille ne pouvait fonder l'arrêté contesté sur l'existence d'une fraude ; la commune ne démontre pas qu'ils ont procédé à une démolition-reconstruction non déclarée, ni créé irrégulièrement une surface de plancher supplémentaire de 80 m², ainsi que le confirme le procès-verbal de constat d'huissier du 8 septembre 2021 ;
- le motif tiré de ce que la surface de plancher serait supérieure à 40 m² est erroné, le formulaire Cerfa faisant mention de la surface de plancher créée et de celle supprimée ;
- ils ont régularisé tous les points non conformes mentionnés par la commune de Marseille dans l'arrêté interruptif de travaux du 8 janvier 2021 ;
- les seuls travaux de démolitions réalisés étaient consubstantiels à l'opération de réfection d'une partie de la toiture et à la création d'ouvertures et la seule circonstance qu'ils n'aient pas mentionné le terme de démolition dans leur demande ne saurait constituer une fraude ;
- la commune avait connaissance des travaux réalisés avant le dépôt de leur déclaration préalable et ne leur a pas demandé de déposer une demande de permis de construire ;
- la commune n'a jamais formellement contesté le dépôt de deux déclarations préalables pour régulariser les travaux.
Par un mémoire, enregistré le 20 novembre 2024, la commune de Marseille, représentée par Me Beauvillard, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme D... et M. E... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 12 avril 2024 sous le n° 24MA00873, M. D..., représenté par Me Martinez, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Marseille du 24 août 2021, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le maire de Marseille ne pouvait fonder l'arrêté contesté sur l'existence d'une fraude ; la commune ne démontre pas qu'il a procédé à une démolition-reconstruction non déclarée, ni créé irrégulièrement une surface de plancher supplémentaire de 80 m², ainsi que le confirme le procès-verbal de constat d'huissier du 8 septembre 2021 ;
- il a régularisé tous les points non conformes mentionnés par la commune de Marseille dans l'arrêté interruptif de travaux du 8 janvier 2021 ;
- il convient de relativiser la portée des travaux réalisés en ce qu'ils touchent au gros œuvre et la seule circonstance qu'il n'ait pas mentionné le terme de démolition dans sa demande ne saurait constituer une fraude ;
- la commune avait connaissance des travaux réalisés avant le dépôt de la déclaration préalable et ne lui a pas demandé de déposer une demande de permis de construire ;
- la commune n'a jamais formellement contesté le dépôt de deux déclarations préalables pour régulariser les travaux.
Par un mémoire, enregistré le 15 novembre 2024, la commune de Marseille, représentée par Me Beauvillard, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. D... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public ;
- les observations de Me Martinez représentant M. D..., Mme D... et M. E..., et celles de Me Nogaret, représentant la commune de Marseille.
Considérant ce qui suit :
1. Le 27 janvier 2021, M. D..., Mme D... et M. E... ont déposé une déclaration préalable de travaux n° DP 013055 21 22264P0 ayant pour objet la " régularisation de la surélévation de la toiture et retrait d'une partie de la toiture " d'une construction implantée sur les parcelles cadastrées section OP n° 103, 104 et 107, situées 4 Traverse Bronzet à Marseille. Une décision tacite de non opposition à déclaration préalable est née le 27 février 2021 du silence gardé par le maire de Marseille sur cette demande. Le 22 avril 2021, M. D..., Mme D... et M. E... ont déposé une nouvelle déclaration préalable de travaux n° DP 013055 21 01500P0 ayant pour objet la " rénovation de toiture, création d'ouverture et démolition de 5 m² (régularisation) " de la même construction. Une décision tacite de non opposition à déclaration préalable est née le 22 mai 2021 du silence gardé par le maire de Marseille sur cette demande. Par un arrêté du 17 août 2021, le maire de Marseille a retiré la décision de non-opposition tacite née le 22 mai 2021 et par un arrêté du 24 août 2021, la décision de non-opposition tacite née le 27 février 2021. M. D..., Mme D... et M. E... relèvent appel du jugement du 21 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté, après les avoir jointes, leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés de retrait.
2. Les requêtes n° 24MA00872 et n° 24MA00873, présentées par Mme D... et M. E..., d'une part, et par M. D..., d'autre part, portent sur le même jugement et la même construction et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. D'une part, lorsqu'une construction a été édifiée sans autorisation en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment. De même, lorsqu'une construction a été édifiée sans respecter la déclaration préalable déposée ou le permis de construire obtenu ou a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation.
4. D'autre part, une autorisation d'urbanisme n'ayant d'autre objet que d'autoriser un projet conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire, l'administration n'a à vérifier ni l'exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance du projet à moins qu'elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joint à la demande, ni l'intention du demandeur de les respecter, sauf en présence d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date à laquelle l'administration se prononce sur la demande d'autorisation. Si postérieurement à l'intervention de l'autorisation d'urbanisme, l'administration a connaissance de nouveaux éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de sa décision, elle peut légalement procéder à son retrait sans condition de délai. La fraude est caractérisée lorsqu'il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a eu l'intention de tromper l'administration dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme et d'obtenir une autorisation indue.
5. Aux termes de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires : (...) / b) Dans les zones urbaines d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, les travaux ayant pour effet la création d'une surface de plancher ou d'une emprise au sol supérieure à quarante mètres carrés ; (...) ". Aux termes de l'article R. 421-17 du même code : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R. 421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : (...) f) Les travaux qui ont pour effet la création soit d'une emprise au sol, soit d'une surface de plancher supérieure à cinq mètres carrés et qui répondent aux critères cumulatifs suivants : / - une emprise au sol créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés ; / - une surface de plancher créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés. / Ces seuils sont portés à quarante mètres carrés pour les projets situés en zone urbaine d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ".
6. Pour retirer les décisions de non-opposition tacites aux deux déclarations préalables déposées par les appelants, le maire de Marseille s'est fondé sur la circonstance que ces décisions ont été obtenues par fraude, dès lors que les pièces produites à l'appui de ces demandes ne correspondent pas à la réalité constatée, en l'absence, notamment, de mention de la démolition d'une grande partie de la construction principale et de sa reconstruction, et de surfaces de plancher non conformes à la réalité. Le maire de Marseille s'est également fondé, s'agissant de l'arrêté du 17 août 2021 retirant la décision tacite née le 22 mai 2021, sur la circonstance que le dossier ne prévoit pas la régularisation d'éléments réalisés sans autorisation d'urbanisme, à savoir la démolition reconstruction d'un bâti avec démolition d'une partie de toiture et surélévation du reste et sur la circonstance que la demande devait faire l'objet d'un permis de construire compte tenu de la surface de plancher et d'emprise au sol créée par les travaux de démolition et de reconstruction.
7. Il ressort des pièces des dossiers que le 29 mai 2020, le maire de Marseille a délivré à M. D... un arrêté de non-opposition à la déclaration préalable déposée par l'intéressé en vue de la réfection d'une toiture et la création d'ouvertures sur le bâtiment dont il est copropriétaire, situé sur la parcelle cadastrée section OP n° 103. Par un procès-verbal dressé le 4 novembre 2020, un agent assermenté de la commune a toutefois constaté la réalisation, à cette date, sur la construction composée, à l'ouest d'un R+1 couvert de tôles ondulées implanté sur la parcelle 103 et, à l'est, d'un rez-de-chaussée couvert de tuiles implanté sur la parcelle 107, de travaux différents de ceux autorisés par la décision de non opposition du 29 mai 2020. Ce procès-verbal relève, notamment, que la construction a été démolie et reconstruite, seules les façades nord et sud de sa partie en R+1 ayant été conservées, que la surélévation de la toiture et la suppression d'une partie de celle-ci s'agissant du bâtiment en R+1 avait permis la création d'une terrasse accessible de 20 m² et, à l'intérieur, d'une mezzanine d'une superficie de 25 m², que la surface de plancher réalisée est estimée à 80 m² et, enfin, que les travaux ont été exécutés en méconnaissance des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, lequel prévoit que les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire et contreviennent aux articles UP-6, UP-7 et UP-9 du plan local d'urbanisme intercommunal et à l'article 2.1 de ses dispositions générales. Un arrêté interruptif de travaux a été édicté par le maire de Marseille le 8 janvier 2021 au visa de ce procès-verbal d'infraction.
8. D'une part, il ressort des dossiers de déclarations préalables déposés le 27 janvier et le 22 avril 2021, et notamment des mentions portées sur les formulaires Cerfa et des différents plans qui y figurent, que l'un et l'autre ont pour objet de régulariser les non-conformités relevées par le procès-verbal d'infraction et l'arrêté interruptif de travaux, sans que les appelants expliquent la raison pour laquelle ils ont déposé deux déclarations successives et non une seule, en méconnaissance des règles, rappelées au point 3, régissant la régularisation de travaux réalisés sans autorisation.
9. D'autre part, il ressort des pièces des dossiers, et notamment des photos jointes au constat d'huissier réalisé à la demande des intéressés le 8 septembre 2021, que le mur de façade est du bâtiment en R+1 a été entièrement démoli et reconstruit préalablement à l'arrêté interruptif de travaux, une terrasse ayant été, à cette occasion, insérée sur cette façade, et une mezzanine créée à l'intérieur, travaux qui ont entraîné une reprise de l'intégralité du gros-œuvre. Ce constat n'est pas de nature à remettre en cause les constatations effectuées par l'agent verbalisateur, qui font foi jusqu'à la preuve contraire, et qui relèvent la création d'une surface de plancher de 80 m². Il ressort également des pièces du dossier que plusieurs pans de murs du bâtiment en rez-de-chaussée ont également été démolis, avant d'être reconstruits, la toiture ayant également été refaite, avec une pente différente. Ces travaux, qui portaient sur le gros-œuvre d'une construction existante, ne sauraient être qualifiés, comme le soutiennent les appelants, comme étant à " relativiser " ou " consubstantiels à la réfection d'une partie de la toiture et à la création d'ouvertures " autorisées en 2020, qui portaient, au demeurant, sur le seul bâtiment en R+1 implanté sur la parcelle n° 103. Eu égard à la surface de plancher créée, les travaux réalisés relevaient, en application des dispositions précitées de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme, d'un permis de construire.
10. Il ressort des pièces des dossiers que M. D..., Mme D... et M. E... n'ont déclaré ces travaux de démolition et de reconstruction dans aucun des deux dossiers de déclaration préalable qu'ils ont déposés. Cette lacune, ajoutée à la circonstance que, pour la régularisation des mêmes travaux, deux dossiers différents ont été déposés ne portant pas sur les mêmes éléments pour chacune des parties de la construction, est de nature à démontrer l'intention frauduleuse des pétitionnaires et leur volonté d'induire l'administration en erreur sur la teneur et la portée des autorisations sollicitées, qui relevaient, ainsi qu'il vient d'être dit, du régime du permis de construire et non de celui de la déclaration préalable. A cet égard, la circonstance que la commune était nécessairement informée de la nature des travaux antérieurement réalisés, détaillés dans le procès-verbal d'infraction et l'arrêté interruptif de travaux, est sans incidence sur la caractérisation de la fraude commise par les intéressés, qui entache les deux décisions de non-opposition à déclaration préalable tacitement obtenues. Par suite, le maire de Marseille a pu légalement les retirer, pour ce motif, par les arrêtés contestés des 17 août et 24 août 2021, postérieurement, s'agissant de ce dernier arrêté, au délai de trois mois imparti par les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme.
11. Il résulte de ce qui précède que M. D..., Mme D... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 17 et 24 août 2021 procédant au retrait des décisions tacites de non-opposition à déclaration préalable dont ils ont bénéficié.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Marseille, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. D..., Mme D... et M. E... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... et de Mme D... et M. E..., respectivement, une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature exposés par la commune de Marseille.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D..., Mme D... et M. E... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera une somme de 1 000 euros à la commune de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Mme D... et M. E..., pris ensemble, verseront une somme de 1 000 euros à la commune de Marseille au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B... D..., à M. C... E... et à la commune de Marseille.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2015.
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N° 24MA00872-24MA00873
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