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24/10/2024 | FRANCE | N°23MA02440

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 24 octobre 2024, 23MA02440


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A..., épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Ramatuelle a refusé de lui délivrer un permis de construire une villa et une piscine sur un terrain situé avenue des Girelles.



Par un jugement n° 2002602 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par un

e requête, enregistrée le 21 septembre 2023 et des mémoires, enregistrés les 26 septembre 2023, 21 mars et 18 avril 2024...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A..., épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Ramatuelle a refusé de lui délivrer un permis de construire une villa et une piscine sur un terrain situé avenue des Girelles.

Par un jugement n° 2002602 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2023 et des mémoires, enregistrés les 26 septembre 2023, 21 mars et 18 avril 2024, Mme A..., représentée par Me Couturier, demande à la cour, à titre principal :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2020 ;

3°) de constater qu'elle dispose d'un permis de construire tacite né du silence gardé sur sa demande du 11 mai 2018 et d'enjoindre au maire de Ramatuelle de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite, sous astreinte 1 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) à titre subsidiaire d'enjoindre au maire de Ramatuelle de réinstruire sa demande de permis de construire déposée le 11 mai 2018, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Ramatuelle une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté portant refus de permis de construire est illégal du fait de l'illégalité de la décision de sursis à statuer qui lui a été opposée le 31 mai 2018 ; le classement d'une zone UC en espace boisé classé ne correspondant pas à une révision du plan local d'urbanisme mais seulement à une modification, le maire ne pouvait surseoir à statuer sur sa demande en application de l'article L. 421-4 du code de l'urbanisme ;

- elle est recevable à exciper de l'illégalité de la décision de sursis à statuer alors même que celle-ci est devenue définitive, s'agissant d'une opération complexe ;

- l'arrêté du 29 juillet 2020 est illégal du fait de l'illégalité de la délibération du 21 décembre 2018 approuvant la révision du plan local d'urbanisme, en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée AH n° 186 en espace boisé classé ; ce classement est entaché d'erreurs de fait et d'erreur manifeste d'appréciation, la parcelle ne constituant pas un espace boisé, ni un espace vert du lotissement ou un secteur présentant une fragilité écologique, mais une dent creuse en zone urbaine, non visible depuis le rivage.

Par des mémoires, enregistrés les 23 février et 12 avril 2024, la commune de Ramatuelle, représentée par Me Parisi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de délivrer à Mme A... un certificat de permis de construire tacite, présentées à titre principal, et non en tant que mesure d'exécution, sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Mothere, représentant la commune de Ramatuelle.

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 mai 2018, Mme A... a déposé une demande de permis de construire afin d'édifier une villa de 316,19 m² de surface de plancher et une piscine sur une parcelle cadastrée section AH n° 186 d'une superficie de 3 905 m² située avenue des Girelles à Ramatuelle. Le 31 mai 2018, le maire de la commune de Ramatuelle a sursis à statuer sur la demande de Mme A... au regard de l'avancement de la procédure de révision du plan local d'urbanisme (PLU). La révision du PLU a été approuvée par délibération du 21 décembre 2018. Mme A... ayant confirmé sa demande de permis de construire le 1er juin 2020 en application de l'article L. 111-8 du code de l'urbanisme, le maire de Ramatuelle a, par un arrêté du 29 juillet 2020, refusé de lui délivrer le permis sollicité. Mme A... relève appel du jugement du 21 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

3. L'arrêté du maire de Ramatuelle du 29 juillet 2020 portant refus de délivrance du permis de construire sollicité par Mme A... ne constitue ni un acte d'application de la décision de sursis à statuer qui lui a été précédemment opposée le 31 mai 2018, ni ne trouve sa base légale dans cette décision. Par suite Mme A... ne peut utilement invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision du 31 mai 2018 par laquelle le maire a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué qui refuse de lui délivrer un permis de construire. Au demeurant, et en tout état de cause, la décision de sursis à statuer du 31 mai 2018 est devenue définitive et ne constitue pas, avec la décision de refus de permis de construire en litige, une opération complexe.

4. En second lieu, pour refuser de délivrer à Mme A... le permis de construire sollicité, le maire de Ramatuelle s'est fondé sur l'article UC 13 du règlement du PLU révisé selon lequel : " 1. Tout projet, situé dans un espace boisé classé ou l'impactant, qui serait de nature à en compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements, est interdit. / (...) ". Mme A... excipe de l'illégalité de la délibération du 21 décembre 2018 approuvant la révision du PLU de la commune de Ramatuelle, en tant qu'elle crée une servitude d'espace boisé classé (EBC) sur la parcelle cadastrée AH n° 186, située en zone UC.

5. Aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme comprend : / 1° un rapport de présentation / 2° Un projet d'aménagement et de développement durables ; / (...) / 4° Un règlement ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 151-5 du même code : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : / 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ; / (...) ". L'article L. 151-8 de ce code énonce que : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". Selon l'article L. 113-1 du même code : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements. ".

6. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

7. Si, comme le relève Mme A..., le projet de développement urbain de la commune de Ramatuelle s'inscrit dans l'enveloppe urbaine existante à travers l'utilisation des dents creuses, ainsi que cela ressort des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbains présentés dans le cadre de l'orientation n° 3 du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) visant à " préserver la qualité des paysages naturels agricoles et urbains ", la parcelle cadastrée section AH n° 186, quoique située dans l'enveloppe urbaine, n'a pas été identifiée comme une " dent creuse " au titre de la capacité d'accueil du PLU révisé.

8. Il ressort par ailleurs de l'orientation secondaire n° 3.2 du PADD, dont le but est de " poursuivre la maîtrise de l'étalement urbain pour une meilleure préservation des paysages et pour une modération de la consommation de l'espace " que la commune entend cantonner l'urbanisation dans ou en limite des zones urbanisées existantes à travers des formes urbaines compatibles avec le maintien du caractère de " parc habité " du secteur de Pampelonne et créer " des espaces boisés de respiration " en maintenant les espaces boisés à proximité du littoral, qui constituent des ceintures vertes, tandis que l'orientation secondaire n° 3.3, intitulée " Protéger, gérer et restaurer les sites littoraux " tend notamment à " conserver sur les collines littorales, y compris dans les lotissements littoraux, une prédominance du paysage végétal sur le paysage minéralisé par les constructions en contenant la densification dans les zones urbaines proches du rivage [et] en préservant le couvert végétal et les lignes de crêtes des parcs habités et des quartiers littoraux " et à " protéger les coulées vertes, même minimes ". Enfin, la sous-orientation 3.4 intitulée " Préserver et valoriser la biodiversité " vise à valoriser les continuités écologiques, en renforçant la place de la nature dans les quartiers urbanisés, à préserver les ripisylves et à entretenir et restaurer les berges des cours d'eau, en diminuant leur artificialisation et en leur redonnant leur profil naturel par un classement en EBC.

9. Le rapport de présentation du PLU rappelle, quant à lui, la volonté de la commune de conserver, dans le secteur UC, qui comprend les quartiers urbanisés situés à proximité du rivage, " un aspect végétal prédominant " et de maitriser " la densification du bâti qui doit demeurer discret ". Il indique, dans sa partie relative aux choix ayant présidé à la création des EBC, après avoir rappelé que ces derniers peuvent avoir une " fonction écologique indispensable au maintien des écosystèmes " ainsi qu'une " fonction paysagère pour ponctuer le paysage, animer le tissu bâti ou maîtriser l'impact visuel ", que les espaces boisés du PLU visent à protéger les boisements interstitiels dans les zones urbaines, notamment sur la colline de Salagrue qui est une butte végétalisée contribuant à la perception d'ensemble du territoire, à l'intérieur du lotissement de Pampelonne, espace encore fortement boisé à l'intérieur d'une zone bâtie. Le rapport ajoute qu'ont été classés en EBC, y compris à l'intérieur des lotissements, les boisements à protéger, à restaurer ou à créer pour reconstituer la trame verte et bleue, laquelle comprend les espaces de respiration supports de biodiversité et participant aux continuités écologiques et les ripisylves le long des cours d'eau.

10. Il résulte de ce qui précède, que contrairement à ce que soutient Mme A..., le classement en EBC de la parcelle AH n° 186, qui se situe sur la colline de Salagrue au sein du lotissement de Pampelonne, est motivé, tant dans le rapport de présentation que dans le PADD, avec lesquels il n'est pas en contradiction.

11. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'EBC grevant la parcelle cadastrée section AH n° 186 n'a pas été institué par le PLU révisé en tant qu'" ensemble boisé existant significatif " de la commune de Ramatuelle, au sens de l'article L. 121-27 du code de l'urbanisme, ni en qualité de forêt ou zone boisée proche du rivage de la mer au sens de l'article R. 121-4 du même code. Par suite, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions.

12. Il ressort enfin des pièces du dossier que cette parcelle, d'une superficie de 3 905 m², située dans le lotissement de Pampelonne, implanté à proximité du rivage et identifié, ainsi qu'il a été dit, par les auteurs du PLU comme un ensemble bâti dont la densification n'est pas recherchée et dans lequel la couverture végétale doit être préservée, est dépourvue de construction, qu'elle est largement boisée, y compris sur sa partie nord et borde, dans sa partie sud, sur la totalité de son linéaire, le ruisseau du Pascati, identifié par le PLU comme un corridor de continuité écologique à recréer. Cette parcelle constitue ainsi un boisement interstitiel à vocation d'espace de respiration et l'un des maillons de la coulée verte formée par ce ruisseau et sa ripisylve qui sillonnent à travers le lotissement jusqu'à la mer. Si Mme A... fait valoir que son terrain, situé dans un creux de la colline, n'est pas visible depuis la plage, qu'il se situe dans une zone urbanisée, en bordure d'une route, qu'il a été acquis comme terrain à bâtir et non comme un espace vert du lotissement et que son boisement ne présente aucun caractère remarquable, ces éléments ne sont pas, en eux-mêmes, de nature à faire obstacle à son classement. Dans ces conditions, le classement en EBC de la parcelle en litige, qui n'est entaché d'aucune erreur de fait, n'est pas davantage, eu égard aux caractéristiques de ce terrain et au parti d'urbanisme retenu par les auteurs du PLU, entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la délibération du 21 décembre 2018 approuvant la révision du PLU de la commune de Ramatuelle, en tant qu'elle crée une servitude d'EBC sur la parcelle cadastrée AH n° 186, ne peut être accueilli.

13. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par la commune de Ramatuelle, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Ramatuelle a refusé de lui délivrer un permis de construire. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Ramatuelle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la requérante sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Ramatuelle en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera à la commune de Ramatuelle une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., épouse B... et à la commune de Ramatuelle.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Portail, président de chambre,

- Mme Courbon, présidente assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 octobre 2024.

2

N° 23MA02440


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02440
Date de la décision : 24/10/2024

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : SCP COUTURIER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-24;23ma02440 ?
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