LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Renault que sur le pourvoi incident relevé par la société DAB ;
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 septembre 2013), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 15 mai 2012, pourvoi n° 11-17.431), que par acte du 30 septembre 2003, la société Distribution automobile béthunoise (la société DAB), concessionnaire de la société Renault, a conclu avec la société Sergent un contrat dit « d'agent relais » dont l'objet était de confier à cette dernière la réparation et l'entretien des véhicules Renault, la commercialisation des pièces de rechange fournies et distribuées par la société Renault, achetées notamment auprès de son concessionnaire, ainsi que la réalisation de diverses prestations ; que la société Sergent ayant refusé, au mois d'avril 2004, de signer un avenant fixant les objectifs de commercialisation de pièces de rechange pour l'année 2004, puis ayant cessé progressivement tout approvisionnement auprès de la société DAB, cette dernière a constaté la résiliation de plein droit du contrat et invité son agent à procéder à la dépose de l'enseigne Renault dont il disposait ; que la société Sergent s'opposant à cette résiliation, la société DAB l'a assignée en résiliation du contrat à ses torts ; que la société Sergent a appelé en intervention forcée la société Renault, organisateur du réseau ;
Sur les premier et second moyens du pourvoi principal, réunis :
Attendu que la société Renault fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec la société DAB à réparer le préjudice de la société Sergent résultant de la rupture du contrat d'agent relais et à garantir la société DAB de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la société Sergent alors, selon le moyen :
1°/ que l'engagement de la responsabilité civile délictuelle d'une personne suppose la preuve d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage allégué ; qu'en retenant que la société Renault a, par les modalités d'organisation du réseau, contribué à la réalisation du dommage subi par la société Sergent, du fait de la rupture du contrat d'« agent relais », avant de conclure que la société Renault doit être condamnée in solidum à indemniser le préjudice de l'agent sans avoir explicité en quoi les modalités d'organisation du réseau seraient constitutives d'une faute civile délictuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que l'engagement de la responsabilité civile délictuelle d'une personne suppose la preuve d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage allégué ; qu'en retenant que la société Renault a, par les modalités d'organisation du réseau, contribué à la réalisation du dommage subi par la société Sergent, du fait de la rupture du contrat d'« agent relais », sans caractériser l'existence d'un lien de causalité entre la prétendue faute et le dommage qui en aurait résulté pour la société Sergent, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°/ qu'un juge du fond qui ajoute une sanction qu'un contrat ne prévoyait pas le dénature ; qu'en considérant que l'organisation du réseau de distribution sélective favoriserait les pressions sur les agents par le concessionnaire de rattachement, ceux-ci ne pouvant de fait pas nouer de relations contractuelles avec un autre concessionnaire agrée, « à peine d'exclusion d u réseau Renault », la cour d'appel a dénaturé, par adjonction, les termes clairs et précis des contrats d'agent et de concession et par là, méconnu l'article 1134 du code civil ;
4°/ que l'insuffisance de motifs constitue un défaut de motif ; qu'en condamnant la société Renault à garantir la société DAB de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la société Sergent sans aucune justification fût-elle sommaire sauf à indiquer que la société DAB l'avait demandé, la cour d'appel a méconnu les exigences fixées par l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir énoncé que le règlement n° 1400/2002 de la commission du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile prohibe le cumul des systèmes de distribution sélective et de concession exclusive dès lors qu'un constructeur dispose d'une part de marché supérieure à 40 % sur le marché des services d'entretien, excluant tout système de distribution sélective quantitative faisant référence à la notion de territoire, l'arrêt relève que l'organisation du système mis en place par la société Renault tend à rétablir ce cumul car, de fait, l'agent relais n'a pas le choix de son concessionnaire de rattachement, les quotas l'obligeant à travailler avec le concessionnaire de proximité qui a lui-même, en application de l'article 4.2 du contrat de concession signé avec la société Renault, l'obligation de réaliser un montant de revente sur la zone géographique qui lui est attribuée par le constructeur, ce qui l'oblige à imposer des quotas à ses agents relais, et que cette organisation du réseau favorise les pressions sur les agents par le concessionnaire de rattachement, ceux-ci ne pouvant pas, de fait, nouer de relations contractuelles avec un autre concessionnaire agréé, à peine d'exclusion du réseau Renault ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que le constructeur, qui était à l'origine des conditions de mise en oeuvre du contrat litigieux, devait supporter la charge définitive des condamnations in solidum prononcées contre lui et la société DAB ;
Et attendu, en second lieu, que le moyen tiré d'une dénaturation prétendue des contrats de concession et d'agent relais est sans portée, dès lors qu'il critique un motif surabondant de l'arrêt ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui n'est qu'éventuel ;
REJETTE le pourvoi principal ;
Condamne la société Renault aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société DAB la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Renault.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné in solidum les sociétés DAB et RENAULT à payer à la société SERGENT la somme de 176.520 euros en réparation de son préjudice résultant de la rupture du contrat d'« agent relais », condamné la société RENAULT à garantir la société DAB de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la société SERGENT et enfin d'avoir condamné in solidum les sociétés DAB et RENAULT à payer à la société SERGENT une indemnité de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;
Aux motifs que « S'agissant de ces demandes, en ce qu'elles sont dirigées contre la société Renault, il y a lieu d'observer que cette dernière est tiers au contrat d'agent Relais Renault, qui n'a été signé qu'entre les sociétés DAB et Sergent.
Comme le soutient la société Renault, le concessionnaire n'agit pas comme mandataire du constructeur et, le fait qu'il existe des critères de sélectivité d'entrée dans le réseau n'a pas d'incidence sur la désignation des parties à la conclusion, l'exécution ou la résiliation du contrat d'agent.
Par contre, la société Sergent peut se prévaloir du fait que la société Renault est partie prenante dans l'application du contrat d'agent Relais Renault, qu'elle en est l'instigatrice par l'intermédiaire du contrat signé par elle avec le concessionnaire. En effet, l'article 7.2 du contrat de concession prévoit que toute désignation d'un agent Relais est soumise à l'accord préalable de la société Renault.
Dès lors, la société Renault peut engager sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société Sergent, si celle-ci démontre que le constructeur est à l'origine des conditions de mise en oeuvre du contrat litigieux en contradiction avec le règlement n° 1400/2002 du 31 juillet 2002. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré comme recevable sa mise en cause par la société Sergent.
Le règlement n° 1400/2002 prohibe le cumul des systèmes de distribution sélective et de concession exclusive dès lors qu'un constructeur dispose d'une part de marché supérieure à 40 % sur le marché des services d'entretien, excluant tout système de distribution sélective quantitative ou exclusive faisant référence à la notion de territoire.
Or, l'organisation du système mis en place par la société Renault tend à rétablir ce cumul car, de fait, l'agent Relais n'a pas le choix de son concessionnaire de rattachement, les quotas l'obligeant à travailler avec le concessionnaire de proximité qui a lui-même, en application de l'article 4.2 du contrat de concession signé avec la société Renault, l'obligation de réaliser un montant de revente sur la zone géographique qui lui est attribuée par cette dernière, ce qui l'oblige à imposer des quotas à ses agents Relais.
Cette organisation du réseau de distribution sélective Renault favorise, ce qui a été le cas en l'espèce, les pressions sur les agents par le concessionnaire de rattachement, ceux-ci ne pouvant de fait pas nouer de relations contractuelles avec un autre concessionnaire agréé, à peine d'exclusion de réseau Renault. C'est d'ailleurs bien ce qu'indiquait la société Lourme en refusant l'agrément à la société Sergent, au motif de la territorialité en vigueur au sein du réseau, imposée par la société Renault.
Dès lors, la société Renault a, par les modalités d'organisation de son réseau, contribué à la réalisation du dommage subi par la société Sergent du fait de la rupture du contrat du 30 septembre 2003. Elle doit donc être condamnée in solidum avec la société DAB à indemniser le préjudice de l'appelante » ;
1/ Alors, d'une part, que l'engagement de la responsabilité civile délictuelle d'une personne suppose la preuve d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage allégué ; qu'en retenant que la société RENAULT a, par les modalités d'organisation du réseau, contribué à la réalisation du dommage subi par la société SERGENT, du fait de la rupture du contrat d'« agent relais », avant de conclure que la société RENAULT doit être condamnée in solidum à indemniser le préjudice de l'agent sans avoir explicité en quoi les modalités d'organisation du réseau seraient constitutives d'une faute civile délictuelle, la Cour d'appel de Paris a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
2/ Alors, d'autre part, que l'engagement de la responsabilité civile délictuelle d'une personne suppose la preuve d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage allégué ; qu'en retenant que la société RENAULT a, par les modalités d'organisation du réseau, contribué à la réalisation du dommage subi par la société SERGENT, du fait de la rupture du contrat d'« agent relais », sans caractériser l'existence d'un lien de causalité entre la prétendue faute et le dommage qui en aurait résulté pour la société SERGENT, la Cour d'appel de Paris a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
3/ Alors enfin qu'un juge du fond qui ajoute une sanction qu'un contrat ne prévoyait pas le dénature ; qu'en considérant que l'organisation du réseau de distribution sélective favoriserait les pressions sur les agents par le concessionnaire de rattachement, ceux-ci ne pouvant de fait pas nouer de relations contractuelles avec un autre concessionnaire agrée, « à peine d'exclusion d u réseau Renault », la Cour d'appel de Paris a dénaturé, par adjonction, les termes clairs et précis des contrats d'agent et de concession et par là, méconnu l'article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société RENAULT à garantir la société DAB de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la société SERGENT ;
Aux motifs que « (...) Par contre, la société Sergent peut se prévaloir du fait que la société Renault est partie prenante dans l'application du contrat d'agent Relais Renault, qu'elle en est l'instigatrice par l'intermédiaire du contrat signé par elle avec le concessionnaire. En effet, l'article 7.2 du contrat de concession prévoit que toute désignation d'un agent Relais est soumis à l'accord préalable de la société Renault.
Dès lors, la société Renault peut engager sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société Sergent, si celle-ci démontre que le constructeur est à l'origine des conditions de mise en oeuvre du contrat litigieux en contradiction avec le règlement n°1400/2002 du 31 juillet 2002. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré comme recevable sa mise en cause par la société Sergent.
(...)
Compte tenu des motifs exposés à propos de la demande de la société Sergent, en ce qu'elle est dirigée contre la société Renault, cette dernière doit être condamnée, conformément à la demande de la société DAB, à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la société Sergent dans le cadre du présent litige » (arrêt attaqué, p.11, § 1-2 et p.12, §5) ;
Alors que l'insuffisance de motifs constitue un défaut de motif ; qu'en condamnant la société RENAULT à garantir la société DAB de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la société SERGENT sans aucune justification fut-elle sommaire sauf à indiquer que la société DAB l'avait demandé, la Cour d'appel de Paris a méconnu les exigences fixées par l'article 455 du Code de procédure civile.