LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société L'Auxiliaire ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 9 février 2010), que la résidence Le Merlin a été réalisée en 1988-1989 ; que M. X..., architecte de l'opération assuré auprès de la société MAF, a délégué la maîtrise d'oeuvre de l'opération à la société Abbe assurée auprès de la société L'Auxiliaire ; qu'après réception, des désordres sont apparus consistant en une dégradation de l'enduit mince appliqué sur les systèmes d'isolation thermique extérieure, des infiltrations d'air dans les appartements sous les rampants de toiture et des infiltrations d'eau dans certains garages en sous-sol ; qu'après expertise, le syndicat des copropriétaires a assigné la société GAN, assureur dommages-ouvrage, et les locateurs d'ouvrage en paiement de sommes ; que la société GAN a soulevé la prescription de l'action et formé des appels en garantie contre les locateurs d'ouvrage et leurs assureurs ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société GAN fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme au syndicat des copropriétaires alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article R. 112-1 du code des assurances que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du code des assurances, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code ; que la formule du contrat selon laquelle toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l'évènement qui y a donné naissance dans les termes des articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances satisfait aux exigences de l'article R. 112-1 du code des assurances ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 112-1 du code des assurances ;
2°/ que toute renonciation tacite à se prévaloir d'une prescription acquise suppose une manifestation de volonté non équivoque en ce sens ; que la participation aux opérations d'expertise assortie d'une proposition de solution technique chiffrée pour un des désordres ne traduit pas cette manifestation non équivoque ; qu'il en va ainsi plus particulièrement lorsque l'assureur s'est prévalu de la prescription devant le tribunal de grande instance saisi au fond de la demande d'indemnisation du syndicat ; qu'en considérant le contraire, la cour d'appel a violé ensemble les articles 2220 ancien du code civil et L. 114-1 du code des assurances ;
Mais attendu qu'ayant exactement retenu que l'article R. 112-1 du code des assurances obligeait l'assureur à rappeler dans le contrat d'assurance les dispositions des titres I et II du livre I de la partie législative de ce code concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance et donc les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par ledit texte, et constaté que l'article 20 des conditions générales B 970, auxquelles renvoyait le contrat d'assurance dommages-ouvrage, se bornait à rappeler que "toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y a donné naissance dans les termes des articles L 114-1 et L. 114-2 du code des assurances", sans autre précision, la cour d'appel a, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, pu en déduire que la société GAN n'était pas fondée à opposer la prescription biennale au syndicat des copropriétaires ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que la société GAN avait notifié son refus de garantie relativement aux infiltrations d'air sans avoir préalablement communiqué le rapport d'expertise qu'elle n'avait communiqué qu'avec la notification de refus, la cour d'appel en a exactement déduit que cette société, n'ayant pas respecté le délai de notification de soixante jours de l'article A 243-1, B, 2°, a) du code des assurances, devait sa garantie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, en son grief relatif au rejet de l'appel en garantie formé par la société GAN contre la société SGTB et son assureur la société MAAF au titre des infiltrations d'air, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que le désordre consistant en des infiltrations d'air dans les combles était connu du maître de l'ouvrage avant les réceptions et qu'il n'avait néanmoins fait l'objet d'aucune réserve, la cour d'appel a pu en déduire que l'appel en garantie de ce chef ne pouvait prospérer ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen, en son grief relatif au rejet des appels en garantie formés par la société GAN à l'encontre des intervenants à la construction, autres que la société SGTB et son assureur la société MAAF :
Vu l'article L. 112-12 du code des assurances, ensemble l'article 2244 du code civil ;
Attendu que pour "rejeter" les appels en garantie formés par la société GAN à l'encontre des intervenants autres que la société SGTB et son assureur la société MAAF, l'arrêt retient que les appels en garantie contre les intervenants à la construction ne sont recevables que si aucune prescription n'est acquise au profit de ces derniers, qu'en l'espèce, les assignations de la société GAN en intervention lors des référés expertise n'étaient pas de nature à interrompre la prescription dès lors que, la société GAN, n'ayant versé aucune indemnisation à son assuré, n'était pas subrogée dans ses droits et n'avait aucune qualité pour interrompre la prescription décennale, que le syndicat des copropriétaires, qui était seul titulaire de droits contre les constructeurs, n'avait pas interrompu la prescription décennale et qu'il en résultait que ces appels en garantie devaient être rejetés à cause de la prescription ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une partie assignée en justice est en droit d'appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, une telle action ne supposant pas que l'appelant en garantie ait déjà indemnisé le demandeur initial, qu'une assignation en référé qui tend à rendre commune une expertise ordonnée par une précédente décision constitue une citation en justice interrompant la prescription au profit de celui qui l'a diligentée, et qu'est recevable l'action engagée par l'assureur avant l'expiration du délai de forclusion décennale, bien qu'il n'ait pas eu au moment de la délivrance de son assignation la qualité de subrogé dans les droits de son assuré, dès lors qu'il a payé l'indemnité due à ce dernier avant que le juge du fond n'ait statué, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a "rejeté" les appels en garantie formés par la société GAN Eurocourtage IARD à l'encontre des intervenants autres que la société SGTB et son assureur la société MAAF, l'arrêt rendu le 9 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry, autrement composée ;
Condamne la société GAN Eurocourtage IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société GAN Eurocourtage IARD à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier Merlin la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit avril deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Defrenois et Levis, avocat de la société GAN Eurocourtage IARD
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le GAN à payer au syndicat de la copropriété de l'ensemble immobilier MERLIN 53.128,32 € avec les intérêts au taux légal à compter de la demande du 6 septembre 2004 et 119.232,98 € avec indexation sur l'indice du coût de la construction, sur la base de l'indice en vigueur le 21 juin 2002,
AUX MOTIFS QUE « sur la prescription de l'article L.114-1 du code des assurances, l'article R.112-1 oblige l'assureur à rappeler dans le contrat d'assurance les dispositions des titres Ier et II du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance, et donc les cause d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L.114-2 du même code, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par ledit texte ; que l'article 20 des conditions générales B 970, auxquelles renvoie le contrat d'assurance dommages-ouvrage du 3 juin 1988, se borne à rappeler que « toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y a donné naissance dans les termes des articles L.114-1 et L.114-2 du code des assurances », sans autre précision ;qu'il résulte que la SA LE GAN n'est pas fondée à opposer la prescription biennale au syndicat de la copropriété de l'ensemble immobilier MERLIN, le jugement ne peut être confirmé que sur ce point »,
ET AUX MOTIFS QU' « au demeurant la SA LE GAN a participé aux opérations d'expertise, qui ont duré plus de deux ans, sans jamais faire de réserves ; qu'elle a adressé à l'expert un dire du 22 février 2002 proposant des solutions techniques pour supprimer les inconvénients d'infiltrations d'air et en chiffrant le coût à 26.100 € TTC, s'est abstenue d'opposer la prescription dans la procédure de référé provision qui a précédé l'action au fond alors qu'il s'agissait à l'évidence d'une contestation susceptible d'être assez sérieuse pour justifier le rejet de la demande de provision, qu'elle a donc manifestement renoncé à se prévaloir de la prescription, si elle avait été opposable »,
1°/ ALORS QU' il résulte de l'article R 112-1 du code des assurances que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L.114-1 du code des assurances, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L.114-2 du même code ; que la formule du contrat selon laquelle toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l'évènement qui y a donné naissance dans les termes des articles L.114-1 et L.114-2 du code des assurances satisfait aux exigences de l'article R 112-1 du code des assurances ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R 112-1 du code des assurances,
2°/ ALORS QUE toute renonciation tacite à se prévaloir d'une prescription acquise suppose une manifestation de volonté non équivoque en ce sens ; que la participation aux opérations d'expertise assortie d'une proposition de solution technique chiffrée pour un des désordres ne traduit pas cette manifestation non équivoque ; qu'il en va ainsi plus particulièrement lorsque l'assureur s'est prévalu de la prescription devant le tribunal de grande instance saisi au fond de la demande d'indemnisation du syndicat ; qu'en considérant le contraire, la cour d'appel a violé ensemble les articles 2220 ancien du code civil et L.114-1 du code des assurances.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la compagnie GAN à payer au syndicat de la copropriété de l'ensemble immobilier MERLIN 53.128,32 € avec intérêts au taux légal à compter de la demande du 6 septembre 2004 et 119.232,98 € avec indexation sur l'indice du coût de la construction, sur la base de l'indice en vigueur le 21 juin 2002,
AUX MOTIFS QUE « la SA LE GAN a, en revanche, notifié son refus de garantie relativement aux infiltrations d'air en 1998, sans avoir préalablement communiqué le rapport d'expertise ; qu' elle n'a communiqué ce dernier qu'avec la notification de refus ; que la SA LE GAN n'a donc pas respecté le délai de notification de 60 jours de l'article A 243-1, B,2°,a) du code des assurances, elle doit sa garantie ; que concernant la reprise des infiltrations d'air dans les logements du haut et d'eau dans les garages, il convient de retenir les évaluations proposées par l'expert, soit 110.307,80 € et 9.016,18 € ; que ces sommes doivent êtres actualisées par indexation sur le coût de la construction eu égard à l'ancienneté de ces évaluations »,
ALORS QUE la transmission simultanée par l'assureur à son assuré du rapport préliminaire et de sa décision négative sur le principe de la prise en charge des dommages ne saurait, en l'absence de texte en ce sens, être sanctionnée comme une absence de transmission du rapport préliminaire, l'assuré ayant la possibilité d'apprécier la position de l'assureur au regard du rapport préliminaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article A 243-1 annexe II du code des assurances.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté les appels en garantie de la compagnie GAN contre les intervenants à la construction,
AUX MOTIFS QUE « les appels en garantie contre les intervenants à la construction ne sont recevables que si aucune prescription n'est acquise au profit de ces derniers ; qu'en l'espèce, les assignations de la SA LE GAN en intervention lors des référés expertise n'étaient pas de nature à interrompre la prescription dès lors que celle-ci n'a versé aucune indemnisation à son assuré, elle n'était donc pas subrogée dans ses droits et n'avait aucune qualité pour interrompre la prescription décennale ; que le syndicat de la copropriété de l'ensemble immobilier MERLIN était seul titulaire de droits contre les constructeurs et n'a pas interrompu la prescription décennale ; qu'il en résulte que ces appels en garantie doivent être rejetés à cause de la prescription ; que l'indemnisation du désordre relatif à l'enduit suite à l'ordonnance de référé de juin 2003, qui permettait la subrogation de la SA LE GAN, ne pouvait faire revivre un droit prescrit »,
ALORS QU' une partie assignée en justice est en droit d'appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, une telle action ne supposant pas que l'appelant en garantie ait déjà indemnisé le demandeur initial ; qu'une assignation en référé qui tend à rendre commune une expertise ordonnée par une précédente décision constitue une citation en justice interrompant la prescription au profit de celui qui l'a diligentée ; qu'est recevable l'action engagée par l'assureur avant l'expiration du délai de forclusion décennale, bien qu'il n'ait pas eu au moment de la délivrance de son assignation la qualité de subrogé dans les droits de son assuré dès lors qu'il a payé l'indemnité due à ce dernier avant que le Juge du fond ait statué ; qu'en considérant que le GAN n'avait aucune qualité pour interrompre la prescription décennale faute pour lui d'avoir indemnisé son assuré et d'être ainsi subrogé dans les droits de ce dernier, la cour d'appel a violé ensemble les articles L.121-12 du code des assurances et 2244 du code civil.