Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D..., Mme F... D..., M. C... D..., Mme B... D... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Nice de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 4 152 369,20 euros à verser à M. A... D..., celles de 50 000 euros à verser à Mme F... D..., M. C... D... et à Mme B... D..., chacun, et celle de 40 000 euros à verser à Mme E... D....
Par un jugement n° 1900453 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a mis à la charge de l'ONIAM la somme de 190 750,44 euros à verser à M. A... D..., celle de 5 000 euros à verser à Mme F... D..., M. C... D... et Mme B... D..., chacun, et celle de 4 000 euros à verser à Mme E... D....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juin 2022, M. A... D..., Mme F... D..., M. C... D..., Mme B... D... et Mme E... D..., représentés par Me Blazy, demandent à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nice du 5 avril 2022 en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs demandes ;
2°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 916 109,70 euros à verser à M. A... D..., celle de 50 000 euros à verser à Mme F... D..., celle de 50 000 euros à verser à M. C... D..., celle de 50 000 euros à verser à Mme B... D... et celle de 20 000 euros à verser à Mme E... D... ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils sont fondés à demander l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis et se décomposant comme suit :
* au titre du déficit fonctionnel temporaire subi par M. D... : 74 592 euros ;
* au titre des souffrances endurées par M. D... : 100 000 euros ;
* au titre de la perte de gains professionnels actuels : 632 353 euros ;
* au titre des frais temporaires d'assistance par tierce personne : 111 038 euros ;
* au titre du préjudice spécifique de contamination comprenant le préjudice sexuel, le préjudice esthétique permanent et le préjudice d'agrément : 300 000 euros ; ou, subsidiairement, la somme de 200 000 euros au titre du préjudice de contamination, celle de 10 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, celle de 40 000 euros au titre du préjudice d'agrément, et celle de 40 000 euros au titre du préjudice sexuel ;
* au titre du déficit fonctionnel permanent, comprenant la perte de qualité de vie : 248 250 euros ;
* au titre du préjudice d'établissement : 50 000 euros ;
* au titre des frais permanents d'assistance à tierce personne: 239 249,11 euros ;
* au titre des dépenses de santé après consolidation : 12 355,50 euros ;
* au titre de la perte de gains professionnels futurs : 2 167 774,60 euros ;
* au titre de l'incidence professionnelle : 200 000 euros ;
* au titre du préjudice moral de Mme D..., son épouse : 50 000 euros;
* au titre du préjudice moral et du trouble dans les conditions d'existence de Mme D..., sa mère : 50 000 euros;
* au titre du préjudice moral et du trouble dans les conditions d'existence de M. D..., son père : 50 000 euros ;
* au titre du préjudice moral de Mme E... D..., sa sœur : 40 000 euros.
Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2022, la caisse primaire d'assurance maladie du Var informe la cour qu'elle n'entend pas intervenir dans l'instance.
Par un mémoire, enregistré le 25 août2022, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Saumon, demande à la cour :
1°) de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal administratif de Nice du 5 avril 2022 ;
2°) de statuer ce que de droit sur les frais irrépétibles d'instance et les dépens.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rigaud ;
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., né le 21 novembre 1971, a reçu par transfusion de multiples produits sanguins dans le cadre du traitement de son hémophilie de type B, découverte le 22 octobre 1973. Sa contamination par le virus de l'hépatite C (VHC) a été diagnostiquée le 17 octobre 1990. L'état de santé de l'intéressé a par la suite nécessité un traitement antiviral, notamment par Interféron, à compter du 3 décembre 2004, traitement qui a dû être interrompu en mai 2006 en raison du développement d'une cirrhose décompensée. L'intéressé a subi le 27 mars 2008 une greffe hépatique et la contamination du greffon par le VHC a été constatée en septembre 2008. En février 2015, un nouveau traitement antiviral, d'une durée de trois mois, a permis une négativation du VHC. Les préjudices subis par M. D... en raison de sa contamination par le VHC n'ayant pas fait l'objet d'une indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des maladies nosocomiales (ONIAM), M. A... D..., Mme F... D..., son épouse, M. C... D... et Mme B... D..., ses parents et Mme E... D..., sa sœur, ont saisi le tribunal administratif de Nice.
2. Par un jugement n° 1900453 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a mis à la charge de l'ONIAM la somme de 190 750,44 euros à verser à M. A... D... de laquelle il convient de déduire la provision de 40 000 euros versée en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 27 août 2007, celle de 5 000 euros à verser à Mme F... D..., à M. C... D... et à Mme B... D..., chacun et celle de 4 000 euros à verser à Mme E... D..., en réparation de leurs préjudices résultants de la contamination de M. A... D... par le VHC. Le tribunal a également mis à la charge définitive de l'ONIAM les frais d'expertises liquidés et taxés à la somme de 2 589,73 euros.
3. M. A... D..., Mme F... D..., M. C... D..., Mme B... D... et Mme E... D... demandent à la cour de réformer ce jugement en ce qu'il n'a fait droit que partiellement à leurs demandes.
Sur le droit à indemnisation des requérants :
4. La responsabilité de l'ONIAM, qui n'est pas contestée, est engagée en vertu de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, en raison de la contamination de M. D... par le virus de l'hépatite C par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux point 2 à 4 du jugement avant-dire droit du 31 décembre 2019.
Sur les préjudices :
5. La date de consolidation de l'état de santé de M. A... D... a été fixée par le rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Nice, réalisée par le docteur G..., déposé le 3 décembre 2020, à la date, non contestée, du 12 décembre 2015.
En ce qui concerne les préjudices de M. A... D... :
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur G..., que M. A... D... a subi un déficit fonctionnel temporaire de 100 % pendant une période non contestée de 171 jours, et également un déficit fonctionnel temporaire de 70 % pour les périodes du 3 décembre 2004 au 9 mai 2006 et du 19 janvier 2007 au 19 décembre 2007, correspondant aux effets secondaires physiques et psychologiques du traitement par Interféron, puis de 25 % pour les périodes du 10 mai 2006 au 18 janvier 2007 et du 14 mars 2010 au 12 décembre 2015, correspondant à l'état de cirrhose avec décompensation oedémato-ascitique puis aux suites de la greffe de foie dont il a bénéficié le 25 mars 2008, puis de 35 % pour la période du 25 juin 2008 au 13 mars 2010, correspondant à la période post-greffe, hors les périodes d'hospitalisation avec une majoration tenant compte des conséquences dommageables du retard de la prise en charge chirurgicale de son genou gauche, puis de 80 % pour la période 20 décembre 2007 au 24 mars 2008, correspondant au traitement par Interféron et tenant compte de la majoration précitée. D'une part, M. D... n'établit pas qu'il aurait subi des atteintes fonctionnelles en lien avec la contamination par le virus de l'hépatite C à compter du diagnostic de cirrhose au mois de septembre 2000, et antérieurement au 3 décembre 2004, date retenue par l'expert, et n'est dès lors pas fondé à demander l'indemnisation d'un déficit fonctionnel temporaire avant cette date. D'autre part, le requérant n'établit pas que le taux de 70 % retenu par l'expert pour évaluer son déficit fonctionnel temporaire pour les périodes correspondant au traitement par Interféron serait sous-évalué, l'expert ayant notamment fixé ce taux en tenant compte des effets secondaires anormalement importants chez ce patient. Le requérant n'établit pas non plus que le déficit fonctionnel temporaire qu'il a subi du 20 décembre 2007 au 24 mars 2008 aurait dû être fixé à 100 %, aucune pièce ne venant établir une gravité de ses atteintes fonctionnelles supérieures à celles retenues par l'expert. Si, en outre, M. D... soutient que la majoration de 10 % aurait dû être retenue pour l'ensemble des périodes correspondant à un déficit fonctionnel temporaire de 25 %, il résulte de l'instruction que la majoration a été appliquée aux périodes postérieures au mois de décembre 2007, date à laquelle l'indication de prothèse de genou a été formulée et jusqu'à la date de l'intervention chirurgicale pratiquée à ce titre en mars 2008. Les périodes antérieures à décembre 2007 et postérieures à mars 2008 n'étant pas caractérisées par des atteintes fonctionnelles en lien avec le retard de prise en charge chirurgicale de l'articulation du genou de l'intéressé, aucune majoration ne devait être appliquée à ce titre. En outre, si M. D... critique le taux de 25 % appliqué à son déficit fonctionnel temporaire pour la période du 14 mars 2010 au 12 décembre 2015 en soutenant qu'il ne saurait être égal au taux de déficit fonctionnel permanent retenu après consolidation, il résulte de l'instruction que ces deux taux ont été évalués en tenant compte d'atteintes fonctionnelles de nature différente et, qu'en tout état de cause, rien ne justifie qu'ils devraient nécessairement être différents. Enfin, le requérant n'est pas fondé à solliciter l'application d'un taux d'indemnisation journalier de 30 euros pour un déficit fonctionnel temporaire de 100 %, le juge n'étant, à cet égard, par tenu de préciser le taux qu'il applique.
7. Le préjudice subi, à ce titre, peut être évalué, sur une base de 500 euros par mois pour un déficit fonctionnel temporaire total, à la somme de 26 800 euros.
8. L'expert a évalué les souffrances endurées par M. D... à 5 sur une échelle de 1 à 7, compte tenu de la " lourde chirurgie de transplantation ", des " biopsies hépatiques multiples, ponctions d'ascite ", de l'" impotence liée au retard à l'intervention sur le genou gauche " et des implants dentaires consécutifs à des déchaussements en rapport avec le traitement par Interféron. Si le requérant fait valoir la particulière longueur de la période avant consolidation de son état, la somme de 20 000 euros octroyée à celui-ci par les premiers juges n'est pas insuffisante.
9. L'expert a évalué le préjudice esthétique temporaire subi par M. D... à 2, sur une échelle allant de 1 à 7, compte tenu de la période du 20 décembre 2007 au 13 mars 2010 durant laquelle il n'a pas pu recevoir sa prothèse du genou du fait de son état hépatique et il a été contraint de se déplacer avec des cannes. Si le requérant soutient que ce préjudice devrait être évalué à 4 sur cette échelle, il n'établit toutefois pas que le traitement par Interféron lui aurait causé des effets secondaires altérant son apparence physique, ni que l'ampleur de sa cicatrice d'hépatectomie serait telle qu'elle aurait altéré son apparence physique de manière particulièrement préjudiciable. Dans ces conditions, la somme de 1 500 euros allouée par les premiers juges n'est pas insuffisante.
10. Il résulte du rapport d'expertise que M. D... a subi une incapacité à avoir des relations sexuelles pendant les 31 mois de traitement par Interféron, compte tenu des effets secondaires de ce dernier. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en allouant une somme de 1 500 euros à ce titre les premiers juges aurait insuffisamment indemnisé ce préjudice.
S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :
11. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 3 décembre 2020, que l'état de santé de M. D... a nécessité l'assistance d'une tierce personne, laquelle a été assurée par sa mère et a consisté en de l'aide à la toilette, à l'habillage, aux repas et aux petites activités ménagères. L'expert a évalué cette aide à 3 heures 30 par jour pendant les deux périodes de traitement antiviral par Interféron, soit 954 jours au total, et non 969 comme l'ont retenu les premiers juges. Le besoin et la nature de l'assistance nécessitée par l'état de M. D... durant ces périodes n'est pas contesté. Par ailleurs, si M. D... soutient qu'une telle aide lui était également nécessaire durant la période comprise entre celles de traitement par Interféron, il ne l'établit pas alors qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que durant cette période intermédiaire, hors périodes d'hospitalisation, son déficit fonctionnel temporaire était de 25 %. Il y a donc lieu de retenir un besoin d'aide, non spécialisée, pour les périodes de traitement par Interféron durant 954 jours à raison de 3 heures 30 par jour, correspondant à 3 339 heures. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu, ainsi que le prévoit le référentiel de l'ONIAM, de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours, ainsi que sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche, fixé à 13 euros pour une aide active non spécialisée. Cette base de 13 euros par heure étant supérieure au SMIC horaire brut augmenté des charges sociales au cours de la période en cause, la demande de M. D... tendant à ce qu'elle soit portée à une somme supérieure ne peut être accueillie. Par suite, l'indemnisation due au titre de l'assistance par tierce personne temporaire doit être fixée à la somme de 48 996,40 euros (412/365 x 13 x 3 339), somme qui sera mise à la charge de l'ONIAM.
12. M. D... demande l'indemnisation de la perte de gains professionnels actuels en l'évaluant à la somme de 632 353 euros. D'une part, s'il résulte de l'instruction qu'il a bénéficié d'arrêts de travail liés à sa contamination par le VHC du 13 décembre 2004 au 14 juin 2007, du 22 novembre 2007 au 9 janvier 2008, du 24 juin 2008 au 24 juillet 2008, du 21 janvier 2010 au 13 mars 2010, du 29 avril 2010 au 6 juin 2010 et du 15 juillet 2010 au 5 septembre 2010, il résulte des écritures mêmes du requérant qu'il a bénéficié d'un maintien de salaire durant ses arrêts maladie outre les indemnités journalières versées. D'autre part, s'il soutient avoir dû renoncer à exercer une activité professionnelle à temps complet et que, compte tenu de son niveau d'étude et du diplômes d'ingénieur obtenu à l'école de Mines en 1995, il aurait pu prétendre à une rémunération mensuelle nette de 6 175 euros s'il n'avait pas subi les conséquences des complications hépatiques liées à la contamination par le VHC, il ne l'établit pas, alors, notamment, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait déjà perçu un tel niveau de rémunération hors les périodes durant lesquelles il a effectivement subi les effets de telles complications et qu'il en résulte, par ailleurs, que son déficit fonctionnel temporaire a été évalué, hors les périodes d'hospitalisation, à 25 %. D'autre part, si M. D... soutient qu'il a subi une perte de revenus professionnels à compter du 1er septembre 2010, date à partir de laquelle la caisse d'assurance maladie des Alpes-Maritimes lui a attribué une pension d'invalidité de catégorie 2, en le reconnaissant comme " invalide incapable d'exercer une activité rémunérée quelconque ", il ne résulte pas de l'instruction que son inaptitude professionnelle puisse être regardée comme la conséquence directe de sa contamination au VHC. Dans ces conditions, les premiers juges ont, à bon droit, rejeté la demande d'indemnisation présentée par M. D... au titre de sa perte de gains professionnels actuels.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :
13. Le rapport d'expertise du 3 décembre 2020 a fixé le taux de déficit fonctionnel permanent dont M. D... est atteint à compter de la consolidation de son état de santé à 25 % après avoir constaté d'une part que l'état fonctionnel hépatique de l'intéressé était normal " avec un fibroscan montrant un score de fibrose F0/F1 ", d'autre part que ce dernier restait sous traitement anti-rejet par Ciclosporine et enfin qu'il présentait une insuffisance rénale modérée " avec un débit de filtration glomérulaire à 47 ml/min/1,73m2 (normale )60) ". La consolidation de l'état de santé du requérant a été constatée " avec éradication du VHC persistante huit mois après la fin du traitement et toujours présente avec un recul de cinq ans ". L'expert tient en outre compte de la contrainte que représente la prise d'un traitement ainsi que la surveillance de son état de santé. Si le requérant soutient que l'évaluation du taux de son déficit fonctionnel permanent devrait être fixée à 50 %, d'une part il n'est pas fondé à se prévaloir du barème d'évaluation des taux d'incapacité des victimes d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiales mentionné à l'article D. 1142-2, en annexe 11-2 du code de la santé publique concernant les hépatites virales en cas d'insuffisance hépatique, n'étant pas atteint d'une telle pathologie, d'autre part, les complications qui résulteraient de l'amylose génétique dont été porteur le donneur du foie qui lui a été transplanté demeurent hypothétiques et ne peuvent être prises en compte au titre du déficit fonctionnel permanent constaté par l'expert. L'évaluation de ce déficit au taux de 25 % n'est donc pas utilement critiquée. Ainsi, compte-tenu de l'âge de M. D... à la date de la consolidation de son état de santé, la somme de 41 000 euros octroyée à celui-ci par les premiers juges n'est pas insuffisante.
14. Le rapport d'expertise n'a identifié l'existence d'aucun préjudice sexuel permanent. Les difficultés dont M. D... fait état au titre d'un tel préjudice, liées à un état dépressif et aux conséquences des traitements qu'il a dû supporter ne sont étayées par aucune pièce. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeter la demande d'indemnisation de ce préjudice.
15. Les premiers juges n'ont pas insuffisamment évalué le préjudice esthétique définitif de M. D..., estimé à 1 sur une échelle allant de 1 à 7 compte tenu de la cicatrice d'hépatectomie, en fixant le montant de sa réparation à la somme de 1 000 euros.
16. Dès lors que M. D... est marié et a des enfants, il ne peut prétendre à une indemnisation au titre d'un préjudice d'établissement, qui vise à réparer la perte de chance de réaliser normalement un projet de vie familiale. C'est, par suite, à bon droit que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à une indemnisation à ce titre.
17. Le préjudice spécifique de contamination, lié aux inquiétudes légitimes nées de la contamination et des conséquences graves pouvant en résulter pour la personne contaminée par le virus de l'hépatite C, est distinct de celui correspondant aux souffrances physiques et morales endurées et est susceptible d'être indemnisé par le juge administratif. De la date de la révélation de sa contamination par le VHC, en 1990, jusqu'à l'éradication de celui-ci, le 12 décembre 2015, et eu égard au développement de la complication hépatique ayant conduit à une transplantation de foie en mars 2008, M. D... a pu légitiment éprouver des inquiétudes du fait de sa contamination par la maladie qui avait été diagnostiquée et des conséquences qui pouvaient en résulter. Il sera fait une juste appréciation du préjudice qu'il a subi de ce fait durant une période particulièrement longue, en lui allouant une somme de 20 000 euros à ce titre.
18. L'expert n'a identifié l'existence d'aucun préjudice d'agrément. Et il ne résulte pas de l'instruction que M. D... aurait dû renoncer à des activités distractives, que les contraintes diététiques auxquelles il est astreint compte tenu de son insuffisance rénale modérée et son état dépressif purement allégué le priveraient de telles activités ou d'une vie sociale normale. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à demander l'indemnisation d'un préjudice d'agrément, ni, pour les mêmes motifs, d'un préjudice distinct correspondant à ses troubles dans les conditions d'existence.
S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :
19. Il résulte de l'instruction que M. D... a dû s'acquitter de la somme de 6 021 euros, correspondant au reste à charge pour les soins dentaires directement liés aux traitements qu'il a dû suivre en raison de sa contamination au VHC. S'il demande l'indemnisation du montant d'un devis pour la pose d'implants dentaires supplémentaires, ce seul document ne permet pas d'identifier le reste à charge pour l'intéressé. Dans ces conditions, l'indemnisation des dépenses de santé à laquelle M. D... a droit s'élève à la somme de 6 021 euros.
20. M. D... soutient que son état de santé rend nécessaire l'assistance d'une tierce personne à vie à raison d'1 heure par jour et demande l'indemnisation de ce préjudice à hauteur de 239 249,11 euros. Toutefois, l'expertise judiciaire, qui n'a retenu l'existence d'aucune aide nécessaire après la date de consolidation de son état de santé, n'est contredite par aucune pièce. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande indemnitaire de M. D... présentée à ce titre.
21. M. D... évalue sa perte de gains professionnels futurs à 2 167 774,60 euros et l'incidence professionnelle à 200 000 euros. S'il est bénéficiaire d'une pension d'invalidité de catégorie 2 depuis le 1er septembre 2010 en raison de son incapacité à exercer " une activité rémunérée quelconque ", il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 12 du présent arrêt, que son inaptitude professionnelle serait la conséquence directe de sa contamination au VHC. C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont rejetés les demandes indemnitaires à ces deux titres.
En ce qui concerne les préjudices des consorts D..., victimes indirectes :
22. Il résulte de l'instruction que Mme F... D..., épouse de M. A... D... depuis 2016, le connait depuis 2010. Le rapport d'expertise retient que si les traitements dont a bénéficié M. D... ont permis l'éradication définitive du VHC, il existe cependant un risque potentiel d'aggravation de la fonction rénale de M. D..., un risque de rejet de greffe et un risque d'apparition tardive d'une neuropathie amyloïde pouvant intervenir entre 10 et 30 ans après la transplantation. Mme D... vit donc dans la crainte que l'état de santé de son époux ne s'aggrave. Ainsi, les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice moral d'affection et d'accompagnement subi par Mme F... D... en lui accordant la somme de 5 000 euros.
23. M. C... D... et Mme B... D..., parents de M. A... D..., ont subi un préjudice moral en raison de l'état de santé de leur fils résultant de sa contamination au VHC, diagnostiquée à l'âge de 19 ans, âge auquel il n'est pas contesté que l'intéressé résidait à leur domicile. Ils vivent également dans la crainte d'une dégradation de l'état de santé de leur fils. Dans ces conditions, les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice moral subi par M. C... D... et Mme B... D... en leur accordant la somme de 5 000 euros chacun.
24. Dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice moral subi par Mme E... D..., sœur de M. D..., en lui accordant la somme de 4 000 euros.
25. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... D... a droit à la somme de 166 817,40 euros, sous réserve de la déduction de la provision éventuellement versée, inférieure à celle de 190 750,44 euros qui lui a été allouée en première instance. Toutefois, sa situation ne pouvant être aggravée sur son seul appel, il y a lieu de confirmer le montant accordé par les premiers juges. Les requérants ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Nice du 5 avril 2022.
Sur la charge des frais d'expertise :
26. Il y a lieu de laisser à la charge définitive de l'ONIAM les frais et honoraires de l'expertise du professeur G..., liquidés et taxés à la somme de 2 589,73 euros par l'ordonnance de la présidente du tribunal administratif du 1er mars 2021.
Sur les frais liés au litige :
27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts D... est rejetée.
Article 2 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 2 589,73 euros par l'ordonnance de la présidente du tribunal du 1er mars 2021 sont mis à la charge définitive de l'ONIAM.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., représentant unique des requérants, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Cécile Fedi, présidente ;
- Mme Lison Rigaud, présidente-assesseure ;
- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.
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N° 22MA01573
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