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19/12/2024 | FRANCE | N°22DA01631

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 19 décembre 2024, 22DA01631


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



Par une requête enregistrée sous le n° 1907870, l'association " les compagnons de la paix " a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 11 juillet 2019 par laquelle le vice-président de la métropole européenne de Lille a délégué à la société Vilogia l'exercice du droit de préemption en ce qui concerne le bien cadastré section ES n° 327 situé 43, rue Mermoz à Lille.



Par une requête enregistrée sous le n° 1907979, ladite asso

ciation a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler :

- la décision du 16 juillet 2019 par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1907870, l'association " les compagnons de la paix " a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 11 juillet 2019 par laquelle le vice-président de la métropole européenne de Lille a délégué à la société Vilogia l'exercice du droit de préemption en ce qui concerne le bien cadastré section ES n° 327 situé 43, rue Mermoz à Lille.

Par une requête enregistrée sous le n° 1907979, ladite association a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler :

- la décision du 16 juillet 2019 par laquelle le président du directoire de la société Vilogia a exercé son droit de préemption sur le bien cadastré section ES n° 327 situé 43, rue Mermoz à Lille

- la vente de l'immeuble susvisé au profit de la société Vilogia ;

- tout acte de disposition portant sur cet immeuble au profit de la société Vilogia ou consenti par elle.

Par un jugement nos 1907870-1907979 du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a joint les deux requêtes, a annulé les décisions des 11 et 16 juillet 2019, a mis à la charge de la métropole européenne de Lille la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 juillet 2022 et le 11 octobre 2024 sous le n°22DA01631, la société Vilogia, représentée par Me Balaÿ et Me Roels, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2022 ;

2°) de rejeter les demandes de l'association " les compagnons de la paix " ;

3°) de mettre à la charge de l'association " les compagnons de la paix " une somme de

3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Vilogia soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 11 juillet 2019,

- le moyen tiré de la méconnaissance du délai de transmission au contrôle de légalité de la décision de préemption du 16 juillet 2019 n'est pas fondé.

Par des mémoires, enregistrés les 24 mai 2023, 22 juin 2023 et 23 octobre 2024, la métropole européenne (MEL) de Lille, représentée par la SCP Bignon Lebray, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, d'admettre son intervention et de faire droit aux conclusions présentées par la société Vilogia.

Elle soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 11 juillet 2019.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2023, l'association " les compagnons de la paix ", représentée par Me Noury, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel de la société Vilogia ;

2°) de confirmer le jugement du 30 mai 2022 ;

3°) de mettre à la charge de la société Vilogia une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les éléments retenus par le tribunal administratif de Lille justifient l'annulation de la décision du 11 juillet 2019 pour incompétence et ainsi, par voie de conséquence, celle de la décision du 16 juillet suivant ;

- la décision contestée du 16 juillet 2019 méconnaît les dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme dès lors qu'elle n'a pas été transmise au contrôle de légalité dans un délai de deux mois suivant la réception de la déclaration d'intention d'aliéner ;

-la délibération du 28 juin 2019 par laquelle le conseil métropolitain a accordé une délégation à son président en matière de droit de préemption ne définit pas les conditions dans lesquelles, à l'occasion de l'aliénation d'un bien, le droit de préemption pouvait être délégué à un bailleur social, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales, de sorte que la décision en litige du 11 juillet 2019 est dépourvue de base légale ;

- le projet d'action ou d'opération envisagé par le titulaire du droit de préemption urbain n'est pas de nature à justifier en l'espèce légalement l'exercice de ce droit ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par une ordonnance du 15 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 4 novembre 2024.

Par un courrier en date du 17 octobre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office et tiré de ce que les conclusions d'appel de la MEL à l'encontre du jugement du 30 mai 2022 en tant qu'il annule la décision de préemption du 16 juillet 2019 sont irrecevables dès lors qu'elle n'avait pas la qualité de partie dans l'instance n°1907979.

Mme B... A..., à qui la présente procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

Des mémoires ont été présentés les 3 et 22 novembre 2024 pour l'association " les compagnons de la paix " par Me Noury et n'ont pas été communiqués.

Une note en délibéré produite par l'association " les compagnons de la paix " représentée par Me Noury a été enregistrée le 2 décembre 2024.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2022 et le 22 juin 2023 sous le n°22DA01642, la métropole européenne de Lille, représentée par la SCP Bignon Lebray, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2022 ;

2°) de rejeter les demandes de l'association " les compagnons de la paix " ;

3°) de mettre à la charge de l'association " les compagnons de la paix " une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 11 juillet 2019.

Par un mémoire, enregistré le 12 mai 2023, la société Vilogia, représentée par Me Balaÿ et Me Roels, demande à la cour ;

1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2022 ;

2°) de rejeter les demandes de l'associations " les compagnons de la paix ".

Elle soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 11 juillet 2019.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 mai 2023 et le 13 octobre 2024, l'association " les compagnons de la paix ", représentée par Me Noury, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel de la métropole européenne de Lille ;

2°) de mettre à la charge de la métropole européenne de Lille une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions d'appel de la MEL à l'encontre du jugement du 30 mai 2022 en tant qu'il annule la décision de préemption du 16 juillet 2019 sont irrecevables dès lors qu'elle n'avait pas la qualité de partie dans l'instance n°1907979 ;

- les éléments retenus par le tribunal administratif de Lille justifient l'annulation de la décision du 11 juillet 2019 pour incompétence ;

- elle s'approprie les termes de sa requête introductive de première instance et se réserve la possibilité de développer dans des écritures ultérieures les moyens tirés de l'erreur de droit quant au choix du bénéficiaire de la délégation du droit de préemption urbain et du détournement de pouvoir.

Par un mémoire, enregistré le 23 octobre 2024, la métropole européenne de Lille, représentée par la SCP Bignon Lebray, déclare se désister de ses conclusions à fin d'annulation du jugement du 30 mai 2022 en tant qu'il prononce en son article 2 l'annulation de la décision du 16 juillet 2019.

Par une ordonnance du 15 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 4 novembre 2024.

Mme B... A..., à qui la présente procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thulard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Eustache, rapporteur public,

- et les observations de Me Roels pour la société Vilogia, de Me Sule de la SCP Bignon, Lebray et Associés pour la métropole européenne de Lille, et de Me Noury pour l'association " les compagnons de la paix ".

Considérant ce qui suit :

1. Par acte sous seing privé en date du 19 mars 2019, l'association " les compagnons de la paix " s'est portée acquéreur auprès de Mme B... A... d'une parcelle située 43, rue Mermoz à Lille, cadastrée section ES n° 327, pour un montant de 180 000 euros. Par un courrier du 24 juin 2019, la société HLM Vilogia a fait part à la métropole européenne de Lille de son souhait de se porter acquéreur de ce terrain au prix fixé par la déclaration d'intention d'aliéner afin d'y réaliser un projet de logements locatifs sociaux ou de logements en accession à la propriété. Par une décision du 11 juillet 2019, M. Geenens, vice-président de la métropole européenne de Lille (MEL), a délégué à la société Vilogia l'exercice du droit de préemption pour l'acquisition du bien cadastré section ES n° 327 situé 43, rue Mermoz à Lille. La société Vilogia a ensuite exercé le droit de préemption sur la parcelle par une décision du président de son directoire du 16 juillet 2019. Par deux requêtes enregistrées au greffe du tribunal administratif de Lille sous les n°s 1907870 et 1907979, l'association " les compagnons de la paix " a demandé l'annulation de la décision du 11 juillet 2019 du vice-président de la MEL déléguant le droit de préemption à la société Vilogia ainsi que de la décision de préemption du 16 juillet 2019 du président du directoire de la société Vilogia. Par un jugement du 30 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé en son article 1er la décision du 11 juillet 2019, a annulé en son article 2 la décision du 16 juillet 2019, a condamné la MEL et la société Vilogia à verser solidairement la somme de 2 000 euros à l'association " les compagnons de la paix " et a rejeté en son article 4 le surplus des conclusions des parties.

2. Par deux requêtes enregistrées dans les délais d'appel sous les n°s 22DA01631 et 22DA01642, qu'il y a lieu de joindre, la société Vilogia et la MEL font respectivement appel de ce jugement.

Sur l'"intervention " de la MEL dans l'instance n° 22DA01631 :

3. La MEL a qualité pour faire appel de l'article 1er du jugement du 30 mai 2022 qui annule la décision du 11 juillet 2019 de son vice-président. Il en résulte que ses mémoires en "intervention" devant la cour dans l'instance n°22DA01631, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient été présentés après l'expiration des délais d'appel, doivent être regardés comme un appel à l'encontre de cet article 1er du jugement contesté.

4. Il ressort en revanche des pièces du dossier que la MEL n'a pas été partie dans l'instance n°1907979 introduite devant le tribunal administratif de Lille à l'encontre de la décision du 16 juillet 2019 par laquelle le président du directoire de la société Vilogia a préempté la parcelle cadastrée section ES n° 327 situé 43, rue Mermoz à Lille. Par suite, même si elle avait la qualité de partie dans l'instance n°1907870, dirigée contre la décision distincte du 11 juillet 2019, et que le tribunal administratif a joint les deux instances n°s 1907870 et 1907979 pour y statuer par un même jugement, elle n'avait pas qualité pour faire appel de ce jugement en tant qu'en son article 2, le tribunal administratif a annulé la décision du 16 juillet 2019. Dans ces conditions et alors que par ailleurs la MEL justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions de la requête de la société Vilogia tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du 30 mai 2022 portant annulation de la décision du 16 juillet 2019, son intervention est, dans cette mesure, recevable.

Sur le désistement partiel de la MEL dans l'instance n°22DA01642 :

5. Par un mémoire enregistré le 23 octobre 2024, la MEL déclare se désister des conclusions de sa requête n°22DA01642 tendant à l'annulation du jugement du 30 mai 2022 en tant qu'il prononce en son article 2 l'annulation de la décision du 16 juillet 2019. Ce désistement est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il lui en soit donné acte.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens d'annulation retenus par le tribunal administratif de Lille :

6. Pour prononcer l'annulation des décisions contestées devant lui, le tribunal a jugé qu'était fondé à l'encontre de la décision du 11 juillet 2019 le seul moyen tiré de l'incompétence de son auteur dès lors que M. Geenens n'était pas compétent, en sa qualité de vice-président de la MEL, pour déléguer l'exercice du droit de préemption urbain à la société Vilogia, puis a jugé que la décision du président du directoire de la société Vilogia en date du 16 juillet 2019 était illégale au seul motif de l'exception d'illégalité entachant la décision du 11 juillet 2019 compte tenu de l'incompétence de son auteur.

S'agissant des textes applicables :

7. Le troisième alinéa de l'article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales permet au président de l'établissement public de coopération intercommunale de déléguer par arrêté, sous sa surveillance et sa responsabilité, l'exercice d'une partie de ses fonctions aux vice-présidents. Aux termes de l'avant-dernier alinéa de ce même article : " Le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut, par délégation de son organe délibérant, être chargé d'exercer, au nom de l'établissement, les droits de préemption (...) dont celui-ci est titulaire ou délégataire en application du code de l'urbanisme. Il peut également déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien, dans les conditions que fixe l'organe délibérant de l'établissement. (...) " L'article L. 5211-10 du même code prévoit que le président, les vice-présidents ayant reçu délégation ou le bureau dans son ensemble peuvent recevoir délégation d'une partie des attributions de l'organe délibérant, à l'exception d'un certain nombre de matières énumérées par cet article, parmi lesquelles ne figurent pas le droit de préemption. Enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 2122-23 du même code, rendues applicables aux établissements publics de coopération intercommunale par l'article L. 5211-2 de ce code, que, sauf disposition contraire dans la délibération de l'organe délibérant portant délégation, les décisions prises en application de celle-ci peuvent être signées par un vice-président agissant par délégation du maire dans les conditions fixées à l'article L. 5211-9.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) ". Aux termes de l'article L. 5211-3 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Les dispositions du chapitre premier du titre III du livre premier de la deuxième partie relatives au contrôle de légalité et au caractère exécutoire des actes des communes sont applicables aux établissements publics de coopération intercommunale (...) ". Enfin, aux termes de son article L. 5211-47 alors applicable : " Dans les établissements publics de coopération intercommunale comprenant au moins une commune de 3 500 habitants et plus, le dispositif des actes réglementaires pris par l'organe délibérant ou l'organe exécutif est transmis dans le mois, pour affichage, aux communes membres ou est publié dans un recueil des actes administratifs dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ".

S'agissant des faits de l'espèce :

9. En l'espèce, d'une part, par une délibération du 28 juin 2019, l'assemblée délibérante de la MEL a délégué à son président l'exercice du droit de préemption ainsi que le pouvoir de déléguer l'exercice de ce droit à l'occasion de l'aliénation d'un bien au profit des organismes d'habitation à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation. D'autre part, par un arrêté du 11 juillet 2019, le président de la métropole européenne de Lille a donné délégation à M. Geenens, vice-président, pour signer les décisions relatives à l'exercice du droit de préemption et à la délégation de l'exercice de ce droit à l'occasion de l'aliénation d'un bien au profit des organismes d'habitation à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation. Enfin, par une décision du 11 juillet 2019, M. Geenens a, pour le président de la métropole européenne de Lille, délégué à la société Vilogia l'exercice du droit de préemption pour l'acquisition du bien situé 43, rue Mermoz à Lille, cadastré section ES n° 327. La société Vilogia a ensuite exercé le droit de préemption sur cette parcelle par une décision du président de son directoire en date du 16 juillet suivant.

10. Pour retenir que la décision du 11 juillet 2019 serait entachée d'incompétence, le tribunal a estimé que M. Geenens n'était pas compétent pour déléguer l'exercice du droit de préemption urbain à la société Vilogia à l'occasion de l'aliénation de la parcelle située 43, rue Mermoz à Lille, cadastrée section ES n° 327, ce pouvoir étant réservé au seul président de la MEL.

11. Toutefois, il résulte de l'ensemble des dispositions citées au point 7 qu'il est loisible au président d'un établissement public de coopération intercommunale de subdéléguer à un des vice-présidents dudit établissement les pouvoirs en matière de préemption qui lui ont été délégués par l'organe délibérant, y compris en matière de délégation du droit de préemption urbain à un des organismes tiers listés à l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme. Par suite, la décision du 11 juillet 2019 litigieuse n'est pas entachée d'incompétence en tant qu'elle a été signée par M. Geenens.

12. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur l'incompétence du vice-président de la MEL pour annuler d'une part, la décision du 11 juillet 2019 et, d'autre part, par exception d'illégalité, la décision du 16 juillet suivant prise par le président du directoire de Vilogia.

13. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour.

En ce qui concerne la décision du 11 juillet 2019 :

14. En premier lieu, l'association " les compagnons de la paix " invoque d'autres branches à l'appui de son moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 11 juillet 2019 et fait valoir notamment à ce titre que la délibération du 28 juin 2019 serait irrégulière en ce qu'elle ne fixerait pas de manière suffisamment précise les conditions dans lesquelles l'assemblée délibérante de la MEL a délégué à son président le pouvoir de déléguer à un autre organisme le droit de préemption urbain à l'occasion de l'aliénation d'un bien.

15. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la délibération du 28 juin 2019 de l'assemblée délibérante de la MEL a explicitement délégué au président de la métropole l'édiction des décisions visant à " déléguer l'exercice [du droit de préemption défini par le code de l'urbanisme], à l'occasion de l'aliénation d'un bien ou sur une ou plusieurs parties de zones concernées conformément à l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme " au profit de certains organismes qu'il a précisément listés. Cette délibération y a inclus notamment les " organismes d'habitation à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 [du code de l'urbanisme], dont les sociétés anonymes d'habitations à loyer modéré ". L'assemblée délibérante de la MEL a, ainsi qu'il lui était loisible, décidé de déléguer à son président le pouvoir de subdéléguer le droit de préemption urbain à une telle société à l'occasion de l'aliénation de tout bien et sur l'ensemble de son territoire. Il en résulte que cette délibération, qui a défini les conditions dans lesquelles le droit de préemption urbain de la MEL pouvait être délégué à un organisme tiers par son président, est suffisamment précise et n'a donc pas méconnu les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 5211-9 du code général des collectivités territoriales

16. Si l'association " les compagnons de la paix " fait également valoir que la délibération du 28 juin 2019 ne serait pas entrée en vigueur, il ressort des mentions portées sur celle-ci, notamment d'un certificat établi pour le président de la MEL par le directeur des Assemblées qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, preuve non rapportée en l'espèce, que ladite délibération avait fait l'objet de l'ensemble des mesures prévues à l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales le 5 juillet 2019, date à laquelle elle est devenue exécutoire par l'effet de la double formalité d'affichage et de transmission au préfet. N'y font pas obstacle les dispositions de l'article L. 5211-47 du code général des collectivités territoriales citées au point 8 dès lors que leur respect conditionne uniquement le point de départ du délai de recours des actes réglementaires des établissements publics de coopération intercommunale concernés. Il suit de là que le président de la MEL était compétent à compter du 5 juillet 2019, en application de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme, pour exercer au nom de la métropole le droit de préemption urbain ainsi que pour en déléguer, le cas échéant, l'exercice, notamment à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Par ailleurs, l'arrêté du président de la MEL en date du 11 juillet 2019 portant délégation à M. Geenens, en sa qualité de vice-président, comporte les mentions suivantes : " signé le 11 juillet 2019 ", " affiché le 11 juillet 2019 " et " envoi en préfecture le 11 juillet 2019 ". Son caractère exécutoire a par ailleurs été certifié par un agent de la Métropole agissant pour le compte de son président. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que l'acte donnant délégation à M. Geenens pour déléguer le droit de préemption urbain à certains organismes est devenu exécutoire le 11 juillet 2019.

17. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 11 juillet 2019 par laquelle la métropole européenne de Lille a délégué à la société Vilogia le droit de préemption urbain pour l'acquisition du bien cadastré section ES n° 327 situé 43, rue Mermoz à Lille doit être écarté dans toutes ses branches.

18. En deuxième lieu, aux termes du 3ème alinéa de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme dans ses dispositions alors applicables : " Le titulaire du droit de préemption urbain peut déléguer son droit (...) à l'un des organismes d'habitations à loyer modéré prévus à l'article L. 411-2 du code [de la construction et de l'habitation (...). Leur organe délibérant peut déléguer l'exercice de ce droit, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Par dérogation à l'article L. 213-11 du présent code, les biens acquis par exercice du droit de préemption en application du présent alinéa ne peuvent être utilisés qu'en vue de la réalisation d'opérations d'aménagement ou de construction permettant la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de l'habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation. "

19. Il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que la délibération par laquelle le titulaire du droit de préemption urbain décide de déléguer le droit de préemption dont un établissement public de coopération intercommunale est titulaire doive être motivée. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 11 juillet 2019 du vice-président de la MEL, notamment en ce qu'elle ne mentionnerait pas le prix fixé par la déclaration d'intention d'aliéner, est par suite inopérant.

20. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 211-5 du code de l'urbanisme dans ses dispositions alors applicables : " L'exercice du droit de préemption urbain peut être délégué au président-directeur général, au président du directoire, au directeur général ou à l'un des directeurs par le conseil d'administration, le conseil de surveillance ou le directoire des sociétés ou organismes mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 211-2. Cette délégation fait l'objet d'une publication de nature à la rendre opposable aux tiers. / Lorsqu'il exerce ce droit par délégation, le président-directeur général, le président du directoire, le directeur général ou le directeur rend compte, au moins une fois par an, de son action au conseil d'administration, au directoire ou au conseil de surveillance. ".

21. La circonstance que la décision du 11 juillet 2019 ne mentionne pas l'existence d'une délégation de l'exercice du droit de préemption consentie par le directoire de la SA HLM Vilogia au président dudit directoire en vertu des dispositions précitées est sans incidence sur sa légalité.

22. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que la société Vilogia est une SA d'HLM et non une société civile immobilière (SCI), contrairement à qui était soutenu en première instance par l'association " les compagnons de la paix ". Elle relève donc d'une des catégories d'organismes d'habitations à loyer modéré mentionnées à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation et, par suite, du champ d'application des dispositions précitées du 3ème alinéa de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme relatives à la délégation à certains organismes du droit de préemption urbain.

23. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'acquisition par la société Vilogia de la parcelle située 43, rue Mermoz à Lille, cadastrée section ES n° 327 était justifiée par le projet de celle-ci d'édifier six logements sociaux dans le cadre de la requalification plus globale du secteur C... et de la démolition à venir de trois barres situées à proximité immédiate de ce terrain. L'acquisition de cette parcelle visait ainsi bien à son utilisation en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou de construction, dont il n'est pas contesté qu'elle contribue à la réalisation d'objectifs fixés dans le programme local de l'habitat. La circonstance que cette parcelle supportait à la date de la décision contestée un hangar est à cet égard sans incidence sur le respect des dispositions précitées du 3ème alinéa de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme relatives à l'utilisation du bien acquis par l'organisme auquel le droit de préemption urbain a été délégué.

24. En sixième et dernier lieu, alors que l'association " les compagnons de la paix " soutient que la décision du vice-président de la MEL en date du 11 juillet 2019 aurait pour seul but d'empêcher la réalisation de son projet de construction d'une mosquée, elle ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations, alors même que de nombreuses pièces du dossier démontrent l'intention de la MEL et de la ville de Lille de requalifier le secteur dit C... en procédant à une démolition de certains logements et d'accompagner les résidents concernés en leur proposant des solutions de relogement.

25. Il résulte de ce qui précède que la société Vilogia et la métropole européenne de Lille sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 11 juillet 2019 par laquelle le vice-président de la métropole européenne de Lille a délégué à la société Vilogia l'exercice du droit de préemption en ce qui concerne le bien cadastré section ES n° 327 situé 43, rue Mermoz à Lille.

En ce qui concerne la décision de préemption du 16 juillet 2019 :

26. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au-dessus que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision du 11 juillet 2019 du vice-président de la MEL du fait de l'incompétence de ce dernier, à l'encontre de la décision du président du directoire de la société Vilogia en date du 16 juillet 2019 ne peut être qu'écarté.

27. En deuxième lieu, contrairement à ce que fait valoir l'association intimée, la décision du vice-président de la MEL du 11 juillet 2019 a suffisamment défini les conditions dans lesquelles il entendait déléguer l'exercice du droit de préemption urbain à la société Vilogia, en indiquant notamment précisément le bien qui fait l'objet de cette délégation. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'association intimée, il ressort des mentions portées sur la décision du 11 juillet 2019 du vice-président de la MEL, notamment d'un certificat établi pour le président de la MEL qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, preuve non rapportée en l'espèce, que celle-ci avait fait l'objet de l'ensemble des mesures prévues à l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales le 11 juillet 2019 et qu'elle était donc devenue exécutoire le 16 juillet 2019 par l'effet de la double formalité de son affichage et de sa transmission au préfet. Compte tenu de ces éléments et de ce qui a été dit au point 16, l'association " les compagnons de la paix " n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée du 16 juillet 2019 serait entachée d'incompétence en ce que l'exercice du droit de préemption n'aurait pas été régulièrement délégué à la société Vilogia à cette date.

28. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. / (...) / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. ".

29. Il résulte de ces dispositions que les exigences résultant de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme doivent être regardées comme remplies lorsque la décision de préemption se réfère à une délibération fixant le contenu ou les modalités de mise en œuvre du programme local de l'habitat, et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener au moyen de cette préemption. A cette fin, la collectivité peut soit indiquer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement du programme local de l'habitat à laquelle la décision de préemption participe, soit se borner à renvoyer à la délibération si celle-ci permet d'identifier la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement poursuivie, eu égard notamment aux caractéristiques du bien préempté et au secteur géographique dans lequel il se situe.

30. En l'espèce, la décision du 16 juillet 2019 indique que la préemption du bien en cause participe à la réalisation des objectifs fixés par le programme local de l'habitat de la métropole européenne de Lille et mentionne que le bien se situe en quartier de veille dans lequel le taux de logements locatifs sociaux est inférieur à 35%, qu'il est nécessaire de reconstituer une offre de logements dans le cadre de la requalification et du réaménagement du site C... prévus par le Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain et qu'une étude de faisabilité et de capacité démontre la faculté de développer sur le site une offre d'environ 6 logements locatifs sociaux pour une surface de plancher de 327 m². Dans ces conditions, le moyen tiré par l'association intimée d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme précitées doit être écarté.

31. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l'article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques. / (...). ".

32. L'avis du service des domaines, dont il ressort des pièces du dossier qu'il a été émis le 20 juin 2019 et qu'il précisait que la " valeur vénale " du bien avait été déterminée par " la méthode de comparaison ", sans tenir compte des éventuels coûts liés à " des risques (...) de pollution des sols ", ne méconnaît pas ces dispositions, contrairement à ce que fait valoir l'association " les compagnons de la paix ". Par ailleurs, celle-ci n'apporte aucun élément pertinent au soutien de son moyen selon lequel l'appréciation du prix de l'immeuble serait manifestement erronée, dès lors notamment qu'elle ne précise en tout état de cause pas l'existence et a fortiori l'étendue d'une éventuelle pollution touchant la parcelle préemptée. Enfin, il ne résulte pas des dispositions de l'article R. 213-21 précitées que l'avis du service des domaines aurait dû être transmis par ce dernier à un autre organisme que la métropole européenne de Lille, laquelle avait la qualité de titulaire du droit de préemption à la date de son émission. En toute hypothèse, la décision litigieuse de la société Vilogia vise l'avis du service des domaines du 20 juin 2019 et il en résulte que cette dernière a bien été prise au regard de l'avis requis par l'article R. 231-21 du code de l'urbanisme.

33. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " (...) / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / (...). "

34. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'intention d'aliéner la parcelle située 43, rue Mermoz à Lille, cadastrée section ES n° 327, a été réceptionnée en mairie le 8 avril 2019 et qu'une demande de visite de ce bien par les services de la métropole européenne de Lille a été notifiée par huissier le 6 juin 2019, avant expiration du délai de deux mois ayant commencé à courir le 8 avril 2019. Une visite des lieux a été organisée le 19 juin 2019, ce qui permettait, conformément aux dispositions précitées, l'intervention d'une décision de préemption jusqu'au 19 juillet 2019. Dans ces conditions, l'association intimée n'est pas fondée à soutenir que la décision de la société Vilogia du 16 juillet 2019 serait intervenue après expiration des délais légaux fixés à l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme précité.

35. En sixième lieu, aux termes des quatrième et cinquième alinéa de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / (...). "

36. Il résulte de ces dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme des délais impartis par celles-ci au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise.

37. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales dans ses dispositions alors applicables : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé (...) à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) ".

38. Les dispositions citées aux points 35 et 37 imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai de deux mois, c'est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé et transmise au représentant de l'Etat. La réception de la décision par le propriétaire intéressé et le représentant de l'Etat dans le délai de deux mois, à la suite respectivement de sa notification et de sa transmission, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption.

39. Enfin, aux termes de l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales : " Sont soumis aux dispositions de l'article L. 2131-1 les actes suivants : / 1° Les délibérations du conseil municipal ou les décisions prises par délégation du conseil municipal en application de l'article L. 2122-22 (...) ". Aux termes de l'article L. 5211-3 de ce code : " Les dispositions du chapitre premier du titre III du livre premier de la deuxième partie relatives au contrôle de légalité et au caractère exécutoire des actes des communes sont applicables aux établissements publics de coopération intercommunale. (...) ".

40. Les décisions de préemption prises par une société anonyme d'habitations à loyer modéré suite à une décision de délégation en vertu de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme prise par une commune ou un établissement public de coopération intercommunale titulaire du droit de préemption urbain doivent être regardées comme pris par délégation du conseil municipal ou communautaire et comme entrant ainsi dans le champ d'application du 1° de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales.

41. En l'espèce, si l'association " les compagnons de la paix " fait valoir, pour la première fois en appel, que la décision du 16 juillet 2019 par laquelle le président du directoire de la société Vilogia a exercé son droit de préemption sur le bien cadastré section ES n° 327 situé 43, rue Mermoz à Lille n'aurait fait l'objet d'aucune transmission au contrôle de légalité, la société Vilogia a communiqué le 11 octobre 2024 à la cour un courrier daté du 16 juillet 2019 accompagnant la transmission de sa décision de préemption au contrôle de légalité. S'il est vrai que les liasses postales qu'elle a également communiquées à la cour ne permettent pas d'établir la date de notification de ce courrier par voie postale, elle justifie que la décision de préemption a été directement réceptionnée par le préfet du Nord le 17 juillet 2019, en en produisant une copie revêtue sur plusieurs de ses pages d'un tampon humide comportant les mentions " PREFECTURE DU NORD 17 JUILLET 2019 ". Cette décision constitue un document administratif dont aucune disposition législative ne prévoit qu'il ferait foi jusqu'à inscription de faux, si bien qu'il appartient à la seule cour d'apprécier, dans le cadre de son office, l'exactitude des mentions qui y sont portées. Or, en l'espèce, aucun élément au dossier ne permet de remettre en cause sérieusement l'authenticité de cette pièce. Il en résulte qu'il y a lieu de considérer que, comme le fait valoir à raison la société Vilogia, la décision de préemption litigieuse a été réceptionnée par le préfet compétent au titre du contrôle de légalité le 17 juillet 2019, soit dans le délai légal qui expirait en l'espèce le 19 juillet suivant, ainsi qu'il l'a été dit au point 34.

42. En septième lieu, aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, auquel renvoie son article L. 210-1, dans ses dispositions alors applicables : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. "

43. Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

44. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

45. D'une part, l'objet de la décision de préemption en cause répond aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, notamment la politique locale de l'habitat et le renouvellement urbain, contrairement à ce que soutiennent les intimés.

46. D'autre part, en ce qui concerne l'intérêt général suffisant du projet, il ressort des pièces du dossier que le programme local de l'habitat de la MEL a identifié la parcelle préemptée par la société Vilogia comme relevant de la zone dite " critère 2 " qui est propice à la construction de nouveaux logements. La circonstance qu'une petite partie seulement des résidents de certains immeubles voisins de la parcelle préemptée ayant vocation à être démolis dans le cadre du NPNRU puisse y être relogée à terme ne permet pas de caractériser une illégalité de la décision en cause dès lors que celle-ci participe bien aux objectifs plus globaux d'une requalification de l'ensemble du secteur C... et du développement de l'offre de logements sur le territoire de la MEL. Par ailleurs, si l'association intimée fait valoir le coût excessif du projet de constructions ayant justifié la décision de préemption du 16 juillet 2019 pour en contester l'intérêt général, la parcelle en cause a été préemptée à un prix conforme à l'avis du service des domaines et l'association ne fournit aucune estimation du coût des travaux de démolition et de dépollution dont elle fait pourtant valoir la nécessité.

47. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mise en œuvre du droit de préemption par la décision du 16 juillet 2019 ne répondrait pas à un intérêt général suffisant.

48. En huitième lieu, les conditions de signature de l'acte authentique de vente du bien préempté par le représentant de la société Vilogia sont en toute hypothèse sans incidence sur la légalité de la décision de préemption du 16 juillet 2019 attaquée.

49. En neuvième et dernier lieu et compte tenu notamment des éléments mentionnés au point 24, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du 16 juillet 2019 serait entachée d'un détournement de pouvoir.

50. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Vilogia est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 16 juillet 2019 par laquelle le président du directoire de la société anonyme d'HLM Vilogia a exercé son droit de préemption sur le bien cadastré ES n° 237 situé 43, rue Mermoz à Lille.

Sur les frais des instances :

51. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par l'association " les compagnons de la paix ". Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a par ailleurs pas lieu de mettre à sa charge une somme au titre des frais engagés par la société Vilogia et par la MEL et qui ne sont pas compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la métropole européenne de Lille à l'appui des conclusions présentées par la société Vilogia dans l'instance n°22DA01631 et tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 30 mai 2020, est admise.

Article 2 : Il est donné acte à la métropole européenne de Lille du désistement de ses conclusions présentées dans l'instance n°22DA01642 et tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 30 mai 2020.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille n°s 1907870-1907979 du 30 mai 2022 est annulé.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vilogia, à la métropole européenne de Lille, à l'association " les compagnons de la paix " et à Mme B... A....

Copie en sera envoyée pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : V. Thulard

La présidente de la 1ère chambre

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°22DA01631, 22DA01642


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01631
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Vincent Thulard
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : SCP BIGNON LEBRAY & ASSOCIES;SCP BIGNON LEBRAY & ASSOCIES;SCP BIGNON LEBRAY & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;22da01631 ?
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