Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... C... A..., M. E... A... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 juin 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 12 mars 2021 de l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal) refusant de délivrer à Mme D... B... et à M. F... C... A... des visas de long séjour au titre du regroupement familial.
Par un jugement n°s 2110001 et 2109906 du 21 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 24 juin 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle refuse de délivrer un visa de long séjour à Mme D... B..., a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme D... B... un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement à Mme D... B... de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mai 2022, M. F... C... A..., représenté par Me Bataille, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 24 juin 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle refuse de lui délivrer un visa de long séjour au titre du regroupement familial ;
2°) d'annuler la décision du 24 juin 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle refuse de lui délivrer un visa de long séjour au titre du regroupement familial ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa demandé ou de réexaminer la demande, dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur dans l'appréciation de son lien de filiation avec le regroupant, lien établi par les documents d'état-civil produits et par des éléments de possession d'état ;
- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et méconnaît les stipulations de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... A..., ressortissant sénégalais, a obtenu le 6 mai 2020 une autorisation de regroupement familial pour son épouse, Mme D... B..., et son fils, F... C... A..., né le 20 juillet 2003. Des visas de long séjour ont été demandés pour les intéressés. Par une décision du 12 mars 2021, l'autorité consulaire française à Dakar (Sénégal) a refusé de délivrer les visas demandés. Par une décision du 24 juin 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a également refusé la délivrance des visas demandés. Par un jugement du 21 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 24 juin 2021 de la commission de recours, en tant qu'elle refuse de délivrer un visa de long séjour à Mme D... B..., a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à l'intéressée un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement à Mme D... B... de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes. M. F... C... A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de lui délivrer le visa demandé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de délivrer à M. F... C... A... un visa de long séjour est fondée sur ce que son acte de naissance n'est pas conforme à la loi locale (article 255 du code de procédure civile sénégalais et article 51 du code de la famille sénégalais) et sur ce que ces irrégularités lui ôtent tout caractère probant et ne permettent pas d'établir l'identité du demandeur et partant son lien familial avec le bénéficiaire de l'autorisation de regroupement familial. En outre, la décision contestée fait référence aux articles L. 311-1 et L. 434-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : / 1° Un visa de long séjour ; (...). ". Aux termes de l'article L. 434-2 du même code : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : / (...) 2° Et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Si la venue en France d'un ressortissant étranger a été autorisée au titre du regroupement familial, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l'autorité consulaire use du pouvoir qui lui appartient de refuser leur entrée en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur des motifs d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère authentique des actes d'état civil produits ainsi que l'absence de lien de filiation entre le demandeur de visa et le membre de famille que celui-ci entend rejoindre.
5. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ", ce dernier disposant que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ".
6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Enfin, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
7. A l'appui de la demande de visa de M. F... C... A..., qui est né le 20 juillet 2003, a été produite une copie littérale d'acte de naissance dressé le 15 septembre 2003. Il ressort des pièces du dossier que l'article 51 du code de la famille sénégalais prévoit que toute naissance doit être déclarée à l'officier de l'état-civil dans le délai franc d'un mois et que lorsqu'un délai d'un mois et quinze jours s'est écoulé depuis la naissance sans qu'elle ait fait l'objet d'une déclaration, l'officier de l'état civil peut néanmoins en recevoir une déclaration tardive pendant le délai d'une année en ajoutant en tête de l'acte dressé tardivement la mention " inscription de déclaration tardive ". Il est constant que l'acte de naissance produit à l'appui de la demande de visa ne comprend pas cette mention, pas plus que l'acte de naissance adressé à l'autorité consulaire en réponse à une demande de levée d'acte. De plus, l'acte de naissance produit à l'appui de la demande de visa comprend des surcharges sur les dates de naissance des parents de l'intéressé, lesquelles sont en outre différentes de celles mentionnées dans l'acte de naissance adressé à l'autorité consulaire en réponse à la demande de levée d'acte. Par suite, l'acte de naissance de M. F... C... A... est falsifié et irrégulier et ne permet pas d'établir l'identité du demandeur de visa, ni son lien de filiation avec M. E... A.... Par ailleurs, si les requérants produisent un certificat d'accouchement, deux photographies non datées et des bordereaux de transfert d'argent entre M. E... A... et Mme D... B..., ces éléments ne suffisent toutefois pas à établir le lien de filiation entre M. F... C... A... et le bénéficiaire du regroupement familial par possession d'état.
8. En troisième lieu, l'identité du demandeur de visa et son lien de filiation avec le regroupant n'étant pas établis, ainsi qu'il a été dit au point 7, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent en tout de cause qu'être écartés.
9. Il résulte de ce qui précède que M. F... C... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Il suit de là que ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 janvier 2024.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER
La greffière,
S. PIERODÉ
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01619