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23/03/2023 | FRANCE | N°21LY02015

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 23 mars 2023, 21LY02015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel le préfet de l'Yonne lui a ordonné de se dessaisir de toutes les armes de toute catégorie dont il est en possession, lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes de toute catégorie et a retiré la validité de son permis de chasser.

Par un jugement n° 2000701 du 15 avril 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enreg

istrés le 17 juin 2021, le 16 septembre 2021 et le 13 juillet 2022, M. A..., représenté par la S...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel le préfet de l'Yonne lui a ordonné de se dessaisir de toutes les armes de toute catégorie dont il est en possession, lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes de toute catégorie et a retiré la validité de son permis de chasser.

Par un jugement n° 2000701 du 15 avril 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 17 juin 2021, le 16 septembre 2021 et le 13 juillet 2022, M. A..., représenté par la SCP Avocats Vignet associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'ordonner la restitution de ses armes ainsi que son droit à validation de son permis de chasser ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal, le préfet ne justifie pas que l'agent qui a consulté le traitement automatisé des antécédents judiciaires disposait d'une habilitation régulière ;

- aucune disposition ne prévoit l'accès au traitement automatisé des antécédents judiciaires pour une enquête administrative diligentée à l'occasion d'une déclaration d'une arme de catégorie C ;

- en méconnaissance de l'article 10 de la loi du 6 janvier 1978, l'arrêté préfectoral a été pris sur le seul fondement des mentions portées sur le traitement automatisé des antécédents judiciaires ;

- le préfet s'est fondé sur des faits qui sont matériellement inexacts ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation en estimant que son comportement laissait craindre une utilisation des armes dangereuse pour lui-même ou pour autrui.

Par des mémoires enregistrés le 19 juillet 2021 et le 8 juillet 2022, le préfet de l'Yonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- si la cour devait retenir que certains éléments sur lesquels il s'est fondé sont matériellement inexacts, elle pourrait neutraliser ces motifs de fait ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 10 janvier 2020 le préfet de l'Yonne a ordonné à M. A... de se dessaisir de toutes les armes de toute catégorie dont il est en possession, lui a interdit d'acquérir ou des détenir des armes de toute catégorie et a retiré la validité de son permis de chasser. M. A... relève appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure : " L'autorité administrative peut interdire l'acquisition et la détention des armes, munitions et de leurs éléments des catégories A, B et C aux personnes dont le comportement laisse craindre une utilisation dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui ". Aux termes de l'article L. 312-11 de ce code : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme des catégories B, C et D de s'en dessaisir (...) Sauf urgence, la procédure est contradictoire. Le représentant de l'Etat dans le département fixe le délai au terme duquel le détenteur doit s'être dessaisi de son arme ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale dans sa version résultant du décret du 10 juin 2015 : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues (...) aux articles L. 114-1, L. 234-1 et L. 234-2 du code de la sécurité intérieure, les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires (...) peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par les personnels de la police et de la gendarmerie habilités selon les modalités prévues au 1° et au 2° du I de l'article R. 40-28. / Cette consultation peut également être effectuée par (...) des personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure : " Les décisions administratives (...) d'autorisation (...) prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant (...) l'utilisation de matériels ou produits présentant un caractère dangereux, peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques (...) intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées ". Selon les dispositions combinées des articles R. 114-1 et R. 114-5 de ce code, peuvent donner lieu à de telles enquêtes : " les autorisations ou agréments suivants relatifs à des matériels, produits ou activités présentant un danger pour la sécurité publique : 1° (...) acquisition, détention (...) de matériels de guerre, armes et munitions ". Enfin, aux termes de l'article R. 312-67 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme ou de ses éléments dans les conditions prévues aux articles L. 312-7 ou L 312-11 lorsque : (...) 3° Il résulte de l'enquête diligentée par le préfet que le comportement du demandeur ou du déclarant est incompatible avec la détention d'une arme ; cette enquête peut donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 (...) ". Aux termes de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 dans sa rédaction à laquelle renvoie l'article R. 312-67 précité : " I. - Sont autorisés (...) les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat (...) qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l'exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté ".

4. En premier lieu, il résulte de la lecture combinée de ces dispositions que le préfet pouvait, alors que M. A... venait de déposer une déclaration d'acquisition d'une arme de catégorie C, diligenter une enquête administrative et consulter le traitement automatisé des antécédents judiciaires afin de déterminer si son comportement était compatible avec la détention d'une arme et, en fonction des résultats de l'enquête, ordonner le dessaisissement de ses armes. Par suite, le moyen tiré de ce qu'aucune disposition n'autorisait le préfet, à la suite du dépôt d'une simple déclaration, à accéder au traitement automatisé des antécédents judiciaires doit être écarté.

5. En deuxième lieu, dès lors que les dispositions citées ci-dessus prévoient la possibilité que certains traitements automatisés de données à caractère personnel soient consultés au cours de l'enquête conduite par l'administration dans le cadre de ses pouvoirs de police, préalablement à la décision portant remise ou dessaisissement des armes, la circonstance que l'agent ayant procédé à cette consultation n'aurait pas été, en application des dispositions également citées ci-dessus du code de procédure pénale, individuellement désigné et régulièrement habilité à cette fin, si elle est susceptible de donner lieu aux procédures de contrôle de l'accès à ces traitements, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la décision prise.

6. En troisième lieu, M. A... soutient que l'arrêté litigieux méconnait l'article 10 de la loi du 6 janvier 1978, dans sa rédaction applicable avant le 1er juin 2019, selon lequel : " Aucune décision produisant des effets juridiques à l'égard d'une personne ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l'intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité ". A la date à laquelle l'arrêté a été adopté, ces dispositions avaient été modifiées et reprises, en substance, à l'article 47 de cette loi pour les traitements automatisés relevant du champ d'application du droit de l'Union européenne, à l'article 95 pour les traitements relatifs à des activités entrant dans le champ de la directive 2016/680 Police-justice, comme c'est le cas en l'espèce dès lors que la mesure litigieuse vise notamment à prévenir des infractions pénales, et à l'article 120 pour les traitements intéressant la sûreté de l'État et la défense.

7. Il ressort des pièces du dossier que si l'enquête diligentée par la gendarmerie s'est bornée à la seule consultation du TAJ, les services préfectoraux ont pris attache du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Sens afin de vérifier l'exactitude des mentions figurant sur ce fichier et les suites données aux procédures pénales. Par ailleurs, le préfet a mis en œuvre la procédure contradictoire préalable prévue par l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure permettant à M. A... de faire valoir ses observations concernant la mesure projetée et de produire toutes les pièces utiles. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Yonne se serait fondé sur la seule consultation du TAJ pour prendre sa décision doit être écarté.

8. En quatrième lieu, il ressort du bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. A... que celui-ci a été condamné une première fois par une ordonnance notifiée en février 2016 à une amende de 300 euros sur composition pénale en raison d'un refus le 17 janvier 2016 de se soumettre aux vérifications tendant à établir un état alcoolique. Il a été condamné une seconde fois le 6 septembre 2017 à un mois de prison avec sursis, 100 euros d'amende et suspension du permis de conduire pendant six mois pour conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique le 3 juin 2017. Il a enfin été condamné une troisième fois le 14 septembre 2018 à huit mois d'emprisonnement dont six avec sursis, peine assortie d'une mise à l'épreuve pendant deux ans, d'une annulation du permis de conduire et d'une confiscation du véhicule, en raison de faits de " récidive de conduite d'un véhicule en état d'ivresse manifeste " le 19 avril 2018, ces faits ayant entrainé la révocation du sursis prononcé le 6 septembre 2017, et en raison de faits de " rébellion ", d' " outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique " et de " menace de mort ou d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique ". Si M. A... fait valoir qu'il a traversé des difficultés personnelles temporaires expliquant son comportement d'alors, mais qu'il a entrepris des démarches afin de bénéficier d'un accompagnement personnel, qu'il a retrouvé une stabilité familiale et professionnelle et qu'ainsi son comportement a changé, ces faits demeurent récents à la date de la décision préfectorale et révèlent un manque de maîtrise de soi. Ainsi, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées en estimant que le comportement de l'intéressé était incompatible avec la détention d'une arme.

9. Dans ces conditions, quand bien même, ainsi que l'a indiqué le tribunal, les faits de " violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité " ont donné lieu à un classement sans suite, et que la mention de la " conduite malgré la suspension judiciaire du permis de conduire le 14 avril 2018 à Joigny " s'avère entachée d'erreur de fait, la suspension du permis de conduire prononcée le 6 septembre 2017 ayant pris fin le 6 mars 2018, il résulte de l'instruction que la même décision aurait été prononcée si l'appréciation du préfet n'avait été fondée que sur les seuls faits relevés au point précédent.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.

La rapporteure,

A. C...Le président,

Ph. Arbarétaz

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 21LY02015


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure consultative.

Police - Polices spéciales.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SCP AVOCATS VIGNET et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 23/03/2023
Date de l'import : 14/04/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21LY02015
Numéro NOR : CETATEXT000047341892 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-23;21ly02015 ?
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