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10/06/2024 | FRANCE | N°23PA03625

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 10 juin 2024, 23PA03625


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une demande enregistrée sous le n° 2006648, la société Integral Security Province a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 27 mai 2020 par laquelle la ministre du travail a retiré sa décision implicite, née le 5 mars 2020, rejetant le recours hiérarchique formé par M. A..., a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 24 octobre 2019 autorisant le licenciement de M. A... et a refusé d'autoriser son licenciement.



Par une demande enregistrée sous le n° 2012664, la société Integral Security Province a demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 2006648, la société Integral Security Province a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 27 mai 2020 par laquelle la ministre du travail a retiré sa décision implicite, née le 5 mars 2020, rejetant le recours hiérarchique formé par M. A..., a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 24 octobre 2019 autorisant le licenciement de M. A... et a refusé d'autoriser son licenciement.

Par une demande enregistrée sous le n° 2012664, la société Integral Security Province a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours gracieux formé contre sa décision du 27 mai 2020.

Par un jugement n° 2006648, 2012664 du 14 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 23PA03625 les 8 août et 20 décembre 2023, la société Integral Security Province, représentée par Me Renaud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 juin 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler la décision du 27 mai 2020 de la ministre du travail ;

3°) d'annuler la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours gracieux formé contre sa décision du 27 mai 2020.

Elle soutient que :

-le tribunal a écarté sans les analyser les moyens dirigés contre la décision du 27 mai 2020 ;

- il a soulevé d'office et a retenu à tort le moyen tiré du vice substantiel de la procédure interne à l'entreprise ;

- Mme B... n'était pas compétente pour prendre la décision du 27 mai 2020 ;

- la décision contestée a en réalité été signée par la personne qui a traité le dossier alors qu'elle n'était pas compétente pour ce faire ;

- Mme B... ne pouvait pas notifier directement la décision contestée ;

- la signataire de la décision contestée a méconnu son obligation de neutralité et a fait preuve de déloyauté ;

- la décision contestée a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- la ministre du travail n'a pas démontré l'illégalité de la décision de l'inspecteur du travail, qui constitue une décision créatrice de droit à son égard, avant de mettre en œuvre les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- dans son recours hiérarchique, M. A... n'a pas soulevé le motif tiré de l'incompétence territoriale de l'inspecteur du travail de la Seine-Saint-Denis ;

- l'inspecteur du travail de la Seine-Saint-Denis était territorialement compétent dès lors que le salarié n'était plus affecté sur le site de la société des chantiers navals de Saint-Nazaire et qu'il devait dès lors être regardé comme rattaché au siège situé en Seine-Saint-Denis ; en tout état de cause, la notion de " lieu de travail principal " ne pouvait pas s'appliquer en l'espèce dans la mesure où le salarié pouvait, en exécution de son contrat de travail et de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, être affecté en tous lieux en métropole ;

- les dispositions de l'alinéa 4 de l'article L. 2421-3 du code du travail n'étant pas applicables en l'espèce, la décision du 27 mai 2020 est dépourvue de base légale ;

- M. A... n'a pas respecté les délais de recours ;

- le délai de cinq jours entre la présentation au salarié de la lettre de convocation à l'entretien individuel préalable au licenciement et la tenue de cet entretien a été respecté dès lors que les dispositions de l'article R. 1231-1 du code du travail ne s'appliquent pas en l'espèce du fait des particularités de l'activité de l'entreprise et alors que le salarié, qui ne s'est pas présenté à l'entretien, n'a pas contesté le délai qui lui a été accordé.

La requête a été communiquée à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et à M. A... qui n'ont pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 12 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 janvier 2024, à 12 heures.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 23PA03626 les 8 août et 20 décembre 2023, la société Integral Security Province, représentée par Me Renaud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 juin 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler la décision du 27 mai 2020 de la ministre du travail ;

3°) d'annuler la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours gracieux formé contre sa décision du 27 mai 2020.

Elle soulève les mêmes moyens dans l'instance n° 23PA03625.

La requête a été communiquée à la ministre du travail et à M. A... qui n'ont pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 12 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 janvier 2024, à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Integral Security Province, qui exerce son activité dans le domaine de la protection des personnes et des biens, a repris le contrat de travail de M. A..., recruté en qualité d'agent d'exploitation le 1er mai 2001 par la société La garde de Nuit Est. En dernier lieu, M. A... exerçait les fonctions de responsable sûreté sur le site des chantiers navals de Saint-Nazaire. Par ailleurs, il détenait les mandats de délégué syndical, délégué du personnel, membre du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Par une demande en date du 27 août 2019, reçue le 28 août suivant, la société Integral Security Province a sollicité de l'inspecteur du travail de la section 2 de l'unité de contrôle 2 de l'unité départementale de la Seine-Saint-Denis l'autorisation de procéder au licenciement pour inaptitude de M. A.... Par une décision du 24 octobre 2019, l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation sollicitée. Le 4 novembre 2019, M. A... a saisi la ministre du travail d'un recours hiérarchique contre cette décision. Une décision implicite de rejet de son recours est née le 5 mars 2020. Par une décision du 27 mai 2020, la ministre du travail a retiré sa décision implicite, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 24 octobre 2019 autorisant le licenciement de M. A... et a refusé d'autoriser son licenciement. Le 30 juin 2020, la société Integral Security Province a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été implicitement rejeté. Par un jugement du 14 juin 2023, dont la société Integral Security Province relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 27 mai 2020 de la ministre du travail et de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

2. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la décision du 27 mai 2020 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de la société Integral Security Province :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 2411-3 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 2411-5 du même code : " Le licenciement d'un membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 2411-13 du même code : " Le licenciement d'un représentant du personnel d'une entreprise extérieure désigné à la commission santé, sécurité et conditions de travail d'un établissement comprenant au moins une installation classée figurant sur la liste prévue à l'article L. 515-36 du code de l'environnement ou mentionnée à l'article L. 211-2 du code minier ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail./ Cette autorisation est également requise pour le salarié ayant siégé en qualité de représentant du personnel dans ce comité pendant les six premiers mois suivant l'expiration de son mandat ou la disparition de l'institution ".

4. Aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. /Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Le respect du caractère contradictoire de la procédure prévue par l'article L. 122-1 constitue une garantie pour la personne au profit de laquelle la décision dont l'administration envisage le retrait ou l'abrogation a créé des droits.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par un courriel du 20 mai 2020, dont il n'est pas contesté qu'il a été reçu par la société Integral Security Province le jour même, la ministre du travail a, d'une part, informé celle-ci qu'était envisagé le retrait de sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique de M. A... contre la décision de l'inspectrice du travail du 24 octobre 2019 autorisant son licenciement, et, d'autre part, l'a invitée à lui faire part de ses observations " pour le 28 mai 2020 dernier délai ". Dès lors qu'il ne pouvait être inféré de la réponse de la société du 22 mai 2020 qu'elle ne se réservait pas la possibilité de produire des observations complémentaires avant l'expiration du délai imparti, en retirant sa décision implicite dès le 27 mai 2020, avant l'expiration du délai courant jusqu'au 28 mai 2020 qu'elle avait elle-même fixé au titre de la procédure prévue par l'article L. 122-1 du code des relations entre le public, la ministre du travail a entaché la procédure d'irrégularité et privé, en l'espèce, la société Integral Security Province d'une garantie. Par suite, la décision du 27 mai 2020 est entachée d'illégalité et doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision implicite rejetant le recours gracieux formé par la société Integral Security Province contre cette dernière décision.

7. L'annulation, par le présent arrêt, de la décision du 27 mai 2020 de la ministre du travail et de sa décision implicite rejetant le recours gracieux formé par la société Integral Security Province, n'a pas pour effet, contrairement à ce que soutient la société requérante, de faire revivre la décision de l'inspecteur du travail accordant l'autorisation de licencier M. A.... Il appartient à la seule ministre de se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement, sous réserve qu'il y ait encore matière à statuer sur celle-ci.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, le moyen retenu par le présent arrêt étant le mieux à même de régler le litige à la date des décisions contestées, que la société Integral Security Province est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 27 mai 2020 de la ministre du travail et de la décision implicite rejetant son recours gracieux formé contre cette décision.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2006648, 2012664 du 14 juin 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La décision du 27 mai 2020 de la ministre du travail et sa décision implicite rejetant le recours gracieux formé par la société Integral Securiy Province contre cette décision sont annulées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Integral Securiy Province, à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2024.

La rapporteure,

V. Larsonnier La présidente,

A. Menasseyre

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 23PA03625, 23PA03626 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03625
Date de la décision : 10/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : RENAUD & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-10;23pa03625 ?
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