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17/03/2010 | FRANCE | N°09-11271

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 mars 2010, 09-11271


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 473, alinéa 2, du code civil, applicable aux majeurs en tutelle par renvoi de l'article 495 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-308 du 7 mars 2007 ;
Attendu qu'il résulte de ce texte, que l'Etat est seul responsable à l'égard du pupille, sauf son recours s'il y a lieu, du dommage résultant d'une faute quelconque qui aurait été commise dans le fonctionnement de la tutelle par l'administrateur public chargé d'une tutelle vacante en

vertu de l'article 433 ;
Attendu qu'Armand X... a souscrit différents contra...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 473, alinéa 2, du code civil, applicable aux majeurs en tutelle par renvoi de l'article 495 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-308 du 7 mars 2007 ;
Attendu qu'il résulte de ce texte, que l'Etat est seul responsable à l'égard du pupille, sauf son recours s'il y a lieu, du dommage résultant d'une faute quelconque qui aurait été commise dans le fonctionnement de la tutelle par l'administrateur public chargé d'une tutelle vacante en vertu de l'article 433 ;
Attendu qu'Armand X... a souscrit différents contrats d'assurance-vie auprès de la société l'Epargne de France, devenue Aviva vie, et désigné, en dernier lieu, ses deux nièces, Mmes Michèle et Laurence Y..., en qualité de bénéficiaires ; que, par jugement du 22 janvier 1998, Armand X... a été placé sous tutelle, M. Z... étant désigné en qualité de gérant de tutelle ; que ce dernier a été autorisé, par ordonnance du juge des tutelles du 2 mars 1998, à procéder au rachat des contrats d'assurance-vie et à placer le produit de la vente sur un autre produit financier pour faire face aux frais d'hébergement du majeur protégé en maison de retraite ; que la société Aviva vie a soldé les contrats et versé une somme à M. Z..., qui a souscrit un nouveau contrat, comportant une clause bénéficiaire au profit des héritiers de la personne protégée ; qu'au décès d'Armand X..., survenu le 26 décembre 2003, les nièces du majeur protégé, voulant obtenir l'exécution des contrats d'assurance-vie souscrits à leur profit par leur oncle, ont eu connaissance du rachat des contrats et du changement de la clause bénéficiaire ; que, par actes des 2 et 3 août 2004, elles ont fait assigner en responsabilité M. Z..., l'agent judiciaire du Trésor et la société Aviva vie ; que, par jugement du 2 mai 2007, le tribunal de grande instance de Perpignan a déclaré irrecevable l'action diligentée, sur le fondement de l'article 473 du code civil, par Mmes Y... contre l'Etat français en raison du fonctionnement de la tutelle d'Armand X... ;
Attendu que pour déclarer recevable l'action de Mmes Y... et condamner l'Etat français à payer à chacune d'elles une somme à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel retient que, par les dispositions de l'article 473, alinéa 2, du code civil, transposables à la tutelle des majeurs, le législateur a entendu instaurer un régime de responsabilité spécifique qui permet à la victime d'un dommage résultant d'une faute quelconque dans le fonctionnement de la tutelle d'en demander réparation à l'Etat ;
Qu'en statuant ainsi alors que l'action de l'article 473, alinéa 2, du code civil est réservée au majeur protégé, à son représentant légal ou à ses ayants droit, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour l'agent judiciaire du Trésor.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable l'action engagée par Mme Michèle Y... épouse A... et par Mme Laurence Y... épouse B... à l'encontre de l'Etat et d'avoir condamné ce dernier à leur payer à chacune d'elles la somme de 45.735 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE par les dispositions de l'article 473, alinéa 2 du Code civil transposables à la tutelle des majeurs, le législateur a entendu instaurer un régime de responsabilité spécifique qui permet à la victime d'un dommage résultant d'une faute quelconque dans le fonctionnement de la tutelle d'en demander réparation à l'Etat ;
Qu'en l'espèce, le préjudice invoqué par les dames Y... consiste en la perte du bénéfice des contrats d'assurance vie souscrits à leur profit par leur oncle, du fait que son gérant de tutelle a procédé au rachat de ces contrats pour réaliser un autre placement ;
Que s'agissant d'un dommage résultant directement du fonctionnement de la tutelle d'Armand X..., elles sont recevables à en demander réparation à l'Etat, même alors qu'elles agissent en leur nom propre et non en qualité d'ayants droits de la personne protégée ;
ALORS QUE seule la personne objet de la mesure de protection, ses représentants légaux ou ses ayants droits peuvent demander réparation à l'Etat d'un dommage résultant d'une faute quelconque, commise dans le fonctionnement de la tutelle, sur le fondement de l'article 473 du Code civil, alinéa 2, applicable aux majeurs protégés par renvoi de l'article 495 du même Code, dans sa rédaction applicable au présent litige ;
De sorte qu'en jugeant que les nièces de l'incapable, agissant en leur nom propre et non en leur qualité d'ayants droit de la personne protégée, étaient recevables à demander réparation à l'Etat du dommage personnel prétendument subi dans le fonctionnement de la tutelle, la Cour d'appel a violé les textes susvisés.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable l'action engagée par Mme Michèle Y... épouse A... et par Mme Laurence Y... épouse B... à l'encontre de l'Etat et d'avoir condamné ce dernier à leur payer à chacune d'elles la somme de 45.735 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'Etat ne peut valablement invoquer l'application de la prescription quadriennale édictée par l'article 1er de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 selon laquelle « sont prescrites au profit de l'Etat les créances non payées dans un délai de quatre ans à dater du 1er jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué » alors que cet article ne vise que la prescription, au profit de l'Etat, des créances qui n'ont pas été payées dans un délai de 4 ans, et que le droit à indemnisation d'un particulier dépend nécessairement de l'action qu'il doit engager pour faire consacrer l'existence et le montant de sa créance ;
Qu'ainsi, ce texte, qui ne concerne que l'action en recouvrement des créances à l'encontre de l'Etat et ne s'étend pas à l'action en responsabilité tendant à faire reconnaître la créance, ne peut trouver application qu'autant qu'une juridiction a retenu préalablement la responsabilité de l'Etat et prononcé à son égard une condamnation constituant un titre de créance, de sorte que la prescription de la demande ne peut être acquise que 4 ans après le premier jour de l'année suivant cette condamnation ;
ALORS QUE le point de départ de la prescription quadriennale court du premier jour de l'année au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage et non de la décision de justice constatant la créance ;
D'où il résulte qu'en décidant que le point de départ de la prescription était la date de la décision de justice portant condamnation de l'Etat et constatant la créance, la Cour d'appel a violé l'article 1er de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir déclaré l'action recevable, d'avoir condamné l'Etat français à payer à Michèle Y... épouse A... et Laurence Y... épouse B..., à chacune d'elles, la somme de 45.735 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE le rachat par le gérant de tutelle des contrats d'assurance-vie souscrits par Armand X... au bénéfice de ses nièces est intervenu en violation des dispositions de l'article L 132-9 du Code des assurances qui réserve au seul déclarant le droit de révoquer cette stipulation tant que son acceptation par les bénéficiaires n'a pas eu lieu, ce qui engage la responsabilité de l'Etat et l'oblige à indemniser le préjudice financier qui en est résulté pour les dames Y..., et qui correspond très exactement au capital d'assurance vie qu'elles auraient perçu chacune si cette faute n'avait pas été commise, soit un montant non discuté de 45.735 euros ;
ALORS QUE en application des dispositions de l'article 500, alinéa 2, du Code civil, dans sa rédaction applicable au litige, le gérant de la tutelle peut solliciter du juge des tutelles l'autorisation de procéder à la substitution du bénéficiaire d'une assurance-vie souscrite par le majeur devenu incapable ;
De sorte qu'en se bornant, pour retenir la responsabilité de l'Etat dans le fonctionnement de la tutelle, à relever, au visa de l'article L 132-9 du Code des assurances, dans sa rédaction applicable au présent litige, que seul le stipulant pouvait modifier la désignation du bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie souscrit avant la mise en place de la mesure de protection, s'agissant d'une prérogative personnelle, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé, ensemble les articles 473, alinéa 2, et 500, alinéa 2, du Code civil, dans leur rédaction applicable au litige ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-11271
Date de la décision : 17/03/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

MAJEUR PROTEGE - Tutelle - Fonctionnement - Faute - Responsabilité de l'Etat - Action en responsabilité - Personnes pouvant l'exercer - Détermination

ETAT - Responsabilité - Fonctionnement fautif de la tutelle ou de la curatelle - Action en responsabilité - Personnes pouvant l'exercer - Détermination

L'action de l'article 473, alinéa 2, du code civil, applicable aux majeurs en tutelle par renvoi de l'article 495 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-308 du 7 mars 2007, est réservée au majeur protégé, à son représentant légal ou à ses ayants droit


Références :

Cour d'appel de Montpellier, 25 novembre 2008, 07/3903, Publié par le Service de documentation et...
articles 473, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-308 du 7 mars 2007, et 495 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 25 novembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 17 mar. 2010, pourvoi n°09-11271, Bull. civ. 2010, I, n° 68
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, I, n° 68

Composition du Tribunal
Président : M. Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Mellottée (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Chaillou
Avocat(s) : Me Odent, SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Le Griel

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.11271
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