LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 février 2010), qu'en 1993, la Société d'Economie Mixte de Construction du Département de l'Ain (la Semcoda) a entrepris la construction d'un groupe d'immeubles comprenant quatre bâtiments collectifs et quinze pavillons individuels ; que, le 3 novembre 1993, la Semcoda a conclu un marché de maîtrise d'oeuvre avec un groupement de cinq co-traitants composé des sociétés Sud Architectes, Cubic, Cervantes Bet, Y... David, Bureau Régional d'Etudes et d'Aménagement (Brea), solidaires et représentés par la société Sud Architectes ; que, le 28 mars 1994, la Semcoda a conclu un marché de travaux avec un groupement d'entreprises représenté par la société Redland Route Centre, pour la réalisation des lots VRD et terrassements ; que, le 8 juin 1994, un glissement de terrain a affecté les travaux de terrassement en cours et s'est accentué par la suite, nécessitant la réalisation de travaux confortatifs qui ont été achevés le 8 juillet suivant ; qu'une ordonnance de référé du 4 juillet 1995 a ordonné une expertise ; qu'une ordonnance de référé du 6 février 1996 a étendu la mission de l'expert ; qu'une ordonnance rendue par le juge chargé du contrôle des expertises le 23 avril 1996 a ordonné une nouvelle extension de la mission ; que, par actes des 16, 23 et 24 mars 2006, la Semcoda a assigné la SA Sud Architectes, la SA Cubic, la SA Bureau Veritas (venue aux droits de la société CEP), la Sarl Brea et la SA Axima Centre anciennement dénommée Redland Route Centre, devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en indemnisation de ses préjudices ;
Sur le second moyen :
Attendu que la Semcoda fait grief à l'arrêt de constater la prescription de son action contractuelle et de déclarer irrecevables ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties, y compris celles appelées uniquement à la procédure initiale ; qu'en déclarant qu'une telle décision ne faisait courir un nouveau délai de prescription qu'à la condition qu'elle eût été précédée d'une citation, ajoutant ainsi une condition non prévue par le régime de l'interruption de la prescription extinctive, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil ;
2°/ que l'ordonnance modifiant la mission d'expertise ordonnée par une précédente décision a la même nature juridique que celle à laquelle elle succède, étant considérée comme une décision judiciaire faisant courir un nouveau délai de prescription ; qu'en affirmant qu'une telle décision s'analysait en un acte d'administration judiciaire parce qu'elle n'avait pas été précédée d'une citation, pour en déduire qu'elle ne pouvait pas avoir fait courir un nouveau délai de prescription, la cour d'appel a derechef violé l'article 2244 ancien du code civil ;
3°/ qu'une ordonnance modifiant la mission d'expertise ordonnée par une précédente décision est nécessairement précédée d'une citation puisqu'elle est la conséquence de l'assignation en référé-expertise et en constitue le dénouement ; qu'en retenant néanmoins que l'ordonnance du 23 avril 1996 n'avait pas pu faire courir un nouveau délai de prescription parce qu'elle n'était pas intervenue à la suite d'une citation mais seulement d'un courrier de l'expert demandant l'extension de sa mission, quand cette ordonnance était intervenue à la suite d'une assignation en référé-expertise qui n'avait trouvé sa solution que par la modification de la mission de l'expert, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constations, violant encore l'article 2244 ancien du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, à bon droit, que, selon l'article 2244 ancien du code civil, applicable au cas d'espèce, l'interruption de la prescription ne pouvait découler que d'une citation en justice, même en référé, d'un commandement, d'une saisie ou de conclusions dans le cadre d'une instance en cours, signifiées à celui qu'on veut empêcher de prescrire, que l'effet interruptif des actes susvisés cessait au jour où le litige trouvait sa solution et donc, en matière de référé-expertise, à la date à laquelle l'ordonnance de référé était rendue, et qu'une fois celle-ci intervenue, toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise préalablement ordonnée faisait courir un nouveau délai de prescription, si elle avait été précédée d'une citation, la cour d'appel, qui a constaté que l'ordonnance rendue par le juge chargé du contrôle des expertises le 23 avril 1996 n'était pas intervenue à la suite d'une citation mais seulement à la suite d'un simple courrier de l'expert demandant l'extension de sa mission, en a exactement déduit, abstraction faite d'un motif surabondant, que cette ordonnance n'avait pu faire courir un nouveau délai de prescription ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Semcoda aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Semcoda à payer à la société Les souscripteurs du Lloyd's de Londres, à la société Bureau régional d'études et d'aménagements (Brea) et à M. X..., ès qualités, la somme globale de 2 500 euros, à la société Sud Architectes la somme de 2 500 euros et à la société Axima la somme de 2 500 euros, rejette la demande de la société Semcoda ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour la société Semcoda.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la prescription de l'action contractuelle exercée par le maître d'un ouvrage (la société SEMCODA, l'exposante) à l'encontre des locateurs ;
AUX MOTIFS QUE, en l'espèce, l'ordonnance rendue par le juge chargé du contrôle des expertises le 23 avril 1996, dont la SEMCODA se prévalait sans la produire, n'était pas intervenue à la suite d'une citation mais seulement à la suite d'un simple courrier de l'expert demandant l'extension de sa mission ;
ALORS QUE le juge ne saurait relever l'absence au dossier d'une pièce qui figurait au bordereau des pièces annexée aux dernières conclusions et dont la communication n'a pas été contestée, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur cette absence ; qu'en affirmant néanmoins que l'exposante n'avait pas produit l'ordonnance du 23 avril 1996 sans l'inviter à s'expliquer sur cette absence de pièce, quand ladite ordonnance figurait au bordereau de pièces annexé à ses dernières conclusions et que sa communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la prescription de l'action contractuelle exercée par le maître d'un ouvrage (la société SEMCODA, l'exposante) à l'encontre des locateurs ;
AUX MOTIFS QUE, s'agissant de la fin de nonrecevoir relative à la prescription de l'action en responsabilité contractuelle de la SEMCODA, il devait être rappelé que l'ancien article 2244 du code civil, applicable au cas d'espèce, énonçait limitativement les actes interruptifs de prescription ; que l'interruption de la prescription ne pouvait donc découler que d'une citation en justice, même en référé, d'un commandement, d'une saisie ou de conclusions dans le cadre d'une instance en cours signifiées à celui qu'on voulait empêcher de prescrire ; que l'effet interruptif des actes susvisés cessait au jour où le litige trouvait sa solution et donc, en matière de référé « expertise », à la date à laquelle l'ordonnance de référé était rendue ; qu'une fois celle-ci intervenue, toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise préalablement ordonnée faisait courir un nouveau délai de prescription si elle avait été précédée d'une citation ; qu'en l'espèce, l'ordonnance rendue par le juge chargé du contrôle des expertises le 23 avril 1996, dont la SEMCODA se prévalait sans la produire, n'était pas intervenue à la suite d'une citation mais seulement à la suite d'un simple courrier de l'expert demandant l'extension de sa mission ; que, dès lors, cette dernière ordonnance, qui s'analysait en un acte d'administration judiciaire, n'avait pu faire courir un nouveau délai de prescription ; qu'il convenait en conséquence de déclarer l'action de la SEMCODA irrecevable, car prescrite dans la mesure où plus de dix ans s'étaient écoulés entre l'ordonnance du 6 février 1996, ayant fait courir le dernier délai de prescription, et la délivrance des exploits introductifs d'instance les 16, 23 et 24 mars 2006 ;
ALORS QUE, d'une part, toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties, y compris celles appelées uniquement à la procédure initiale ; qu'en déclarant qu'une telle décision ne faisait courir un nouveau délai de prescription qu'à la condition qu'elle eût été précédée d'une citation, ajoutant ainsi une condition non prévue par le régime de l'interruption de la prescription extinctive, la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, l'ordonnance modifiant la mission d'expertise ordonnée par une précédente décision a la même nature juridique que celle à laquelle elle succède, étant considérée comme une décision judiciaire faisant courir un nouveau délai de prescription ; qu'en affirmant qu'une telle décision s'analysait en un acte d'administration judiciaire parce qu'elle n'avait pas été précédée d'une citation, pour en déduire qu'elle ne pouvait pas avoir fait courir un nouveau délai de prescription, la cour d'appel a derechef violé l'article 2244 ancien du code civil ;
ALORS QUE, subsidiairement, une ordonnance modifiant la mission d'expertise ordonnée par une précédente décision est nécessairement précédée d'une citation puisqu'elle est la conséquence de l'assignation en référé-expertise et en constitue le dénouement ; qu'en retenant néanmoins que l'ordonnance du 23 avril 1996 n'avait pas pu faire courir un nouveau délai de prescription parce qu'elle n'était pas intervenue à la suite d'une citation mais seulement d'un courrier de l'expert demandant l'extension de sa mission, quand cette ordonnance était intervenue à la suite d'une assignation en référé-expertise qui n'avait trouvé sa solution que par la modification de la mission de l'expert, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constations, violant encore l'article 2244 ancien du code civil.