LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que suivie par M. X..., gynécologue-obstétricien, Mme Y..., a été hospitalisée à la Polyclinique des Longues Allées (la clinique) où exerce ce praticien ; que, le 3 juin 2002, se plaignant de douleurs elle a été admise au bloc obstétrical à 15 h 30 ; que M. Z..., médecin de garde à la clinique, comme M. X..., qui consultait en ville à son propre cabinet, ont été informés de l'état de la patiente ; qu'apprenant, entre 17 h 10 et 17 h 30, que les résultats de l'examen, pratiqué par la sage-femme, montraient une amélioration de l'état de la patiente, M. Z..., n'est pas intervenu, persuadé qu'elle pouvait attendre l'arrivée de M. X..., qui devait selon M. Z... prendre sa garde à 18 h ; que M. X..., qui estimait n'avoir à prendre la relève qu'à 20 h rappelé par la sage-femme vers 18 h 30 puis vers 19 h n'est arrivé à la clinique qu'à 19 h 30, heure à laquelle il procéda, par césarienne, à l'accouchement de Mme Y..., qui mit au monde, à 19 h 50, un enfant, prénommé Abdelah, qui ayant souffert d'une encéphalopathie anoxique périnatale, est resté atteint de graves séquelles ; que les époux Y..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs six enfants mineurs, ainsi que les frères et la soeur majeurs du jeune Abdelah, Mohammed, Sofian et Karima Y..., ont recherché la responsabilité de MM. X... et Z... et de la clinique, en présence de la CPAM du Loiret ;
Attendu que la clinique fait grief à l'arrêt (Orléans, 12 mars 2007) d'avoir dit qu'elle-même et MM. X... et Z... avaient chacun commis des fautes, ayant contribué à priver l'enfant d'une chance de naître indemne de toute lésion, et de l'avoir condamnée in solidum avec MM. X... et Z... à indemniser les consorts Y... et la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret de leurs préjudices respectifs et d'avoir dit que, dans leurs rapports entre eux, la responsabilité incomberait à hauteur de 50 % à M. X..., 30 % à M. Z... et 20 % à la clinique, alors, selon le moyen :
1°/ que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce la cour d'appel a affirmé que M. X..., en s'abstenant d'assurer lui-même, ou de faire assurer par le médecin de garde, la prise en charge urgente que l'état de sa patiente nécessitait, ce qui impliquait qu'il prît contact personnellement avec M. Z... pour s'assurer qu'il pouvait intervenir, avait fait preuve d'une négligence grave et avait manqué aux devoirs de sa profession ; que s'agissant de M. Z..., la cour d'appel a estimé qu'il avait la possibilité d'intervenir à temps pour faire le diagnostic du décollement rétroplacentaire et d'intervenir suffisamment tôt pour éviter l'issue dramatique de cette grossesse et que la légèreté dont il avait fait preuve en pareille situation et les manquements graves aux devoirs de médecin qu'il avait commis avaient participé à la réalisation du dommage ; qu'il résultait de ces motifs qu'aucun des deux médecins n'était en droit de considérer qu'il appartenait à l'autre d'intervenir ; qu'en affirmant, alors ensuite, qu'un prétendu manque de rigueur dans l'organisation des gardes avait autorisé chacun des deux médecins en cause à considérer qu'il appartenait à l'autre d'intervenir et avait conduit à une vacance totale de la permanence pendant 1 h 30 au moins, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison du défaut d'un produit de santé, les établissements dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de tels actes qu'en cas de faute ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que la clinique avait imposé aux praticiens exerçant à titre libéral dans l'établissement l'obligation d'organiser un système de garde et d'assurer la continuité des soins, satisfaisant ainsi, en l'absence de pouvoir de direction de la clinique sur ces praticiens exerçant à titre libéral, à l'obligation de moyens qu'elle assumait à l'égard des patients ; qu'en condamnant néanmoins la clinique in solidum avec les médecins à réparer les préjudices subis par les consorts Y... en raison d'un prétendu manque de rigueur dans l'organisation des gardes, faute de dispositions précises et contraignantes quant aux horaires de garde, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
3°/ que hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison du défaut d'un produit de santé, les établissements dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de tels actes qu'en cas de faute en lien de causalité avec le préjudice subi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le médecin traitant de la patiente avait été alerté par le personnel soignant avant 17 h des symptômes alarmants que présentait celle-ci et a estimé qu'il aurait dû se rendre à la clinique ou s'assurer que le médecin de garde était en mesure de le faire ; qu'elle a en outre relevé que le médecin de garde présent à la clinique avait été informé dès 17 h 10 de ces mêmes symptômes et qu'il s'était également et fautivement abstenu d'intervenir à temps ; qu'elle a enfin relevé que les médecins étaient contractuellement tenus envers la clinique d'assurer la continuité des soins ; qu'il s'ensuivait que le désaccord entre ces deux médecins quant à l'heure de relève n'était pas la cause des préjudices subis par les consorts Y... ni, en conséquence, l'absence de dispositions contraignantes sur les horaires de garde ; qu'en condamnant néanmoins la clinique in solidum avec les médecins à réparer les préjudices subis par les consorts Y... en raison d'un prétendu manque de rigueur dans l'organisation des gardes, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ensemble l'article 1149 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, qu'en vertu du contrat d'hospitalisation et de soins le liant à son patient, un établissement de santé privé est tenu de lui procurer des soins qualifiés en mettant notamment à son service des médecins pouvant intervenir dans les délais imposés par son état ; que la cour d'appel a constaté que les dispositions du règlement intérieur étaient insuffisamment contraignantes et trop imprécises quant aux horaires, pour que soit garantie aux malades la continuité des soins ; que ce manque de rigueur dans l'organisation a permis à chacun des deux médecins en cause de considérer qu'il appartenait à l'autre d'intervenir et a conduit à une vacance totale de la permanence pendant une heure et demi au moins ; qu'elle a pu en déduire, sans se contredire, que la clinique avait commis dans son organisation une faute qui avait contribué au dommage ; qu'ensuite, la circonstance que les médecins exercent à titre libéral et engagent leur seule responsabilité au titre du contrat de soins n'était pas de nature à exonérer l'établissement de santé privé de la responsabilité née de cette faute ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Polyclinique des Longues Allées aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Polyclinique des Longues Allées à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille huit.