Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 février 2024 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 2405999/8 du 22 mai 2024, le tribunal administratif de Paris, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 juin 2024 et 5 novembre 2024, M. B..., représenté par Me Musolino, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2405999/8 du 22 mai 2024 en tant que le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 2 février 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de le convoquer à un rendez-vous au consulat de France à Ankara (Turquie) en vue de la remise de ce récépissé ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant du jugement attaqué :
- il est entaché d'erreurs de fait en ce que le tribunal a considéré à tort qu'il ne possédait pas un titre de séjour en cours de validité lors de sa demande de délivrance d'un nouveau titre de séjour, qu'il ne disposait pas d'une assurance maladie, qu'il n'avait aucun projet professionnel et qu'il n'a pas noué de liens particuliers en France ;
- les premiers juges ont statué ultra petita en lui opposant des motifs que le préfet de police n'a pas retenus à son encontre ;
S'agissant de l'arrêté attaqué :
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction est intervenue, en dernier lieu, le 19 novembre 2024.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que, d'une part, le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges ont prononcé à tort un non-lieu à statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de M. B..., alors que le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a statué sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle du requérant avant que ce dernier n'introduise sa demande devant le tribunal administratif de Paris, et de ce que, d'autre part, la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. B... devant le tribunal est irrecevable compte tenu de ce qui vient d'être dit.
Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2025, qui a été communiqué, M. B..., représenté par Me Musolino, a répondu au moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les observations de Me Musolino, avocat de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 22 février 2023, M. B..., ressortissant turc né en 1991, a sollicité le 22 janvier 2023 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 février 2024, le préfet de police a rejeté la demande de M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. B... fait appel du jugement du 22 mai 2024 en tant que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif de Paris a considéré que la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. B... était devenue sans objet, alors qu'il ressort des pièces de la procédure suivie devant le tribunal que le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris avait statué sur sa demande d'admission à l'aide juridictionnelle le 5 mars 2024, soit avant l'introduction de sa demande qui a été enregistrée au greffe du tribunal le 13 mars 2024. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle dont ils étaient saisis était devenue sans objet et ont constaté qu'il n'y avait plus lieu d'y statuer. Il y a lieu pour la cour d'annuler, dans cette mesure, le jugement attaqué, puis d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. B... devant les premiers juges.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée en première instance :
3. Il ressort des pièces du dossier qu'avant l'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Paris, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a statué sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle de M. B.... Par suite, sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle, qui est sans objet, doit être rejetée comme irrecevable.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 422-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " autorise l'étranger à exercer une activité professionnelle salariée jusqu'à la conclusion de son contrat ou l'immatriculation de son entreprise ". Aux termes de l'article L. 422-10 de ce code : " L'étranger titulaire d'une assurance maladie qui justifie (...) avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 422-1, L. 422-2 ou L. 422-6 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret (...), se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an dans les cas suivants : / 1° Il entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur / 2° Il justifie d'un projet de création d'entreprise dans un domaine correspondant à sa formation ou à ses recherches ".
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ". Selon le point 26 de l'annexe 10 au même code, dans sa rédaction issue de l'arrêté interministériel du 4 mai 2022 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant ", doit présenter à l'appui de sa demande tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", notamment, " [un] diplôme de grade au moins équivalent au master (...) obtenu dans l'année dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national ou [une] attestation de réussite définitive au diplôme ". Depuis le 1er mai 2021 et l'abrogation des dispositions de l'ancien article R. 313-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est plus exigé par aucun texte législatif ou réglementaire que l'étranger dépose sa demande de carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " dans un délai d'un an suivant l'obtention de son diplôme. Le point 26 précité de l'annexe 10 à ce code a pour seul objet de récapituler les pièces justificatives à fournir selon les catégories de titre de séjour et, par suite, ne saurait ajouter une condition supplémentaire à l'octroi du titre sollicité. Par suite, l'autorité administrative qui refuse le titre de séjour prévu par l'article L. 422-10 au motif que l'étranger a obtenu son diplôme depuis plus d'un an fait une inexacte application de ces dispositions.
6. Compte tenu de ce qui est jugé au point précédent, M. B..., qui est titulaire d'un diplôme de master de droit, portant la mention " droit international ", depuis le 14 décembre 2020, est fondé à soutenir que pour refuser de lui délivrer le titre de séjour prévu par les dispositions citées au point 4, le préfet de police ne pouvait pas légalement lui opposer l'unique motif tiré de ce que son diplôme n'a pas été obtenu dans l'année précédant sa demande de titre de séjour et que, par suite, le préfet a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, la décision du 2 février 2024 par laquelle le préfet de police a rejeté la demande de titre de séjour de M. B... ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour par lesquelles le même préfet l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné, doivent être annulées.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution / (...) ". Aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".
9. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de droit ou de fait de M. B..., que le préfet de police ou tout autre préfet devenu territorialement compétent délivre à celui-ci une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par M. B....
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2405999/8 du 22 mai 2024 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 2 février 2024 sont annulés.
Article 2 : La demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police ou à tout autre préfet devenu territorialement compétent de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions d'appel de M. B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au préfet de police et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
Le rapporteur,
M. Desvigne-RepusseauLa présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. Buot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA02649