Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon :
- d'annuler la décision du 11 décembre 2019 par laquelle le président de l'université de Franche-Comté a rompu son contrat d'engagement de doctorant contractuel de façon anticipée ;
- d'enjoindre au président de l'université de Franche-Comté, à titre principal, de le réintégrer afin de lui permettre d'achever sa thèse et son cursus de doctorant ou, à titre subsidiaire, de lui restituer ses travaux de thèse pour lui permettre de s'inscrire auprès d'une autre école doctorale ;
- en cas d'annulation de la décision de rupture anticipée de son contrat de doctorant contractuel, de condamner l'université de Franche-Comté à lui verser la somme de 10 305,65 euros en réparation des préjudices subis du fait de cette rupture anticipée illégale ;
- en l'absence d'annulation de la décision de rupture anticipée de son contrat de doctorant contractuel, de condamner l'université de Franche-Comté à lui verser la somme de 43 874,20 euros en réparation des préjudices subis du fait de cette rupture anticipée.
Par un jugement n° 2000260 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire, un mémoire et un mémoire ampliatif, enregistrés le 21 novembre 2021, le 5 décembre 2021 et le 23 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Moussalem, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 septembre 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 11 décembre 2019 par laquelle le président de l'université de Franche-Comté a rompu son contrat d'engagement de doctorant contractuel de façon anticipée ;
3°) d'enjoindre au président de l'université de Franche-Comté, à titre principal, de le réintégrer afin de lui permettre d'achever sa thèse et son cursus de doctorant ou, à titre subsidiaire, de lui restituer ses travaux de thèse pour lui permettre de s'inscrire auprès d'une autre école doctorale ;
4°) en cas d'annulation de la décision de rupture anticipée de son contrat de doctorant contractuel, de condamner l'université de Franche-Comté à lui verser la somme de 10 305,65 euros, en réparation des préjudices subis du fait de cette rupture anticipée illégale ;
5°) en l'absence d'annulation de la décision de rupture anticipée de son contrat de doctorant contractuel, de condamner l'université de Franche-Comté à lui verser la somme de 43 874,20 euros en réparation des préjudices subis du fait de cette rupture anticipée ;
6°) de mettre à la charge de l'université de Franche-Comté la somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée rompant son contrat d'engagement de doctorant contractuel est entachée d'incompétence, d'erreur de motivation et d'erreur de droit dès lors que son auteur s'est cru, à tort, en situation de compétence liée ;
- la décision de refus d'inscription en thèse a été prise par une autorité incompétente et, en tout état de cause, son auteur s'est, à tort, cru en situation de compétence liée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision contestée est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- sa perte du salaire jusqu'au terme de son contrat se chiffre à la somme de 5 305,65 euros ;
- son préjudice moral, en raison de la brutalité de son éviction, doit être évalué à la somme de 5 000 euros ;
- son préjudice lié à l'absence de préavis se chiffre à la somme de 1 768,55 euros ;
- la somme de 31 800 euros devra lui être accordée au titre de la rupture de son contrat de travail.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2022, l'université de Franche-Comté, représentée par la SCP Themis avocats et associés, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de l'exception d'illégalité du courrier du 20 novembre 2019 est inopérant dès lors que ce courrier ne contient aucune décision ;
- ses demandes indemnitaires reposent en réalité uniquement sur la prétendue illégalité de la décision du 11 décembre 2019 ;
- M. B... ne justifiant en rien des montants sollicités qui sont, au demeurant, manifestement disproportionnés, ses demandes indemnitaires ne pourront qu'être rejetées ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat ;
- le décret n° 2009-464 du 23 avril 2009 relatif aux doctorants contractuels des établissements publics d'enseignement supérieur ou de recherche ;
- le décret n° 2015-280 du 11 mars 2015 portant création de la communauté d'universités et établissements " université Bourgogne - Franche-Comté " et approbation de ses statuts ;
- l'arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthou,
- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,
- et les observations de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été inscrit, le 13 mars 2017, en doctorat à l'école doctorale de sciences pour l'ingénieur et de microtechniques de la communauté d'universités et d'établissements de Bourgogne-Franche-Comté (UBFC). Il a alors été engagé par l'université de Franche-Comté, en qualité de doctorant contractuel, pour une durée de trois ans du 1er mars 2017 au 29 février 2020. Il a formulé, le 7 novembre 2019, une demande de réinscription au titre de l'année 2019-2020 qui lui a été refusée par une décision de l'administrateur provisoire de la communauté d'universités et d'établissements du 18 novembre 2019. En conséquence, le président de l'université de Franche-Comté a mis fin, par un courrier du 11 décembre 2019, à son contrat d'engagement de doctorant contractuel à compter du 20 novembre 2019. M. B... demande l'annulation du jugement du 21 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision et ses conclusions indemnitaires.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions à fins d'annulation de la décision du 11 décembre 2019 :
2. En premier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article 3 du décret du 23 avril 2009 alors en vigueur : " Si l'inscription en doctorat n'est pas renouvelée, il est mis fin de plein droit au contrat de doctorant contractuel. Dans l'hypothèse où ce non-renouvellement est à l'initiative de l'établissement, la rupture du contrat s'effectue dans les conditions et avec les indemnités prévues au chapitre II du titre XI et au titre XII du décret du 17 janvier 1986 susvisé. ". Aux termes de l'article 7 de l'annexe au décret du 11 mars 2015 : " A la date de sa création, UBFC assure les missions suivantes. / (...) 2° Au titre de la formation et de l'insertion professionnelle :/ a) Compétences transférées : / (...) - l'inscription des doctorants (...) / - la répartition entre les écoles doctorales de la COMUE des contrats doctoraux d'Etat, dont les titulaires restent gérés par les établissements membres ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le président de l'université de Franche-Comté, constatant que l'administrateur provisoire de l'UBFC avait refusé la réinscription en doctorat de M. B... par une décision du 18 novembre 2019, avait compétence liée pour mettre fin à son contrat de doctorant contractuel de manière anticipée. Le moyen tiré de ce qu'il s'est cru à tort en situation de compétence liée doit donc être écarté.
4. En deuxième lieu, M. B... doit être regardé comme soulevant l'exception d'illégalité de la décision lui refusant la réinscription en doctorat.
5. Si l'appelant soutient, tout d'abord, que le refus de réinscription en doctorat a été décidé par la directrice de l'école doctorale qui était incompétente pour ce faire, il ressort des pièces du dossier que cette décision a été prise le 18 novembre 2019 par l'administrateur provisoire de l'UBFC qui, en application des dispositions précitées de l'annexe au décret du 11 mars 2015, en avait la compétence. Le moyen d'incompétence doit donc être écarté.
6. D'autre part, aux termes de l'article 11 de l'arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat : " (...) L'inscription est renouvelée au début de chaque année universitaire par le chef d'établissement, sur proposition du directeur de l'école doctorale, après avis du directeur de thèse et, à partir de la troisième inscription, du comité de suivi individuel du doctorant. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administrateur provisoire de l'UBFC était tenu, en l'absence de proposition de renouvellement d'inscription par la directrice de l'école doctorale, de refuser la réinscription de l'intéressé à la préparation du doctorat et avait ainsi compétence liée. Le moyen tiré de ce qu'il se serait cru à tort en situation de compétence liée doit donc être écarté.
7. Il ressort enfin des pièces du dossier que M. B... a rencontré des difficultés dès le début de sa thèse, évoquées en mars 2018 en comité de suivi de thèse, son coencadrant faisant déjà valoir l'ampleur du travail d'adaptation de l'intéressé au travail de recherche. Constatant des difficultés persistantes en deuxième année, son directeur de thèse a demandé la mise en œuvre d'une médiation par l'école doctorale qui s'est concrétisée le 26 avril 2019 par une réunion de médiation en présence de M. B..., de l'équipe d'encadrement et d'un représentant de l'école doctorale au terme de laquelle ce dernier estimait, de son point de vue et au regard des importantes difficultés rencontrées par l'intéressé qu' " une fin de thèse en respectant les délais n'est pas possible ". L'université de Franche-Comté produit de plus en défense des échanges de messages électroniques datant de mai 2019 montrant une réelle réflexion de l'équipe d'encadrement de M. B..., celle-ci arrivant à la conclusion que l'arrêt de la thèse s'avérait être la seule option réaliste au vu de ses compétences et de son manque d'autonomie. M. B... se borne à faire valoir que certaines de ses recherches auraient pu faire l'objet de propositions de publication et n'établit pas ses allégations selon lesquelles il n'aurait pas obtenu de soutien adapté de la part de l'équipe d'encadrement. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'avis défavorable de la directrice de l'école doctorale n'est, en tout état de cause, pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision du 18 novembre 2019 doit être écarté.
9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal a rejeté ses conclusions à fins d'annulation et à fins d'injonction.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
11. En premier lieu, la décision du 11 décembre 2019 mettant fin à son contrat d'engagement de doctorant contractuel au 20 novembre 2019 n'étant entachée d'aucune illégalité, les conclusions indemnitaires formulées par M. B... sur le fondement de la responsabilité pour faute doivent être rejetées.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 51 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat : " En cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, une indemnité de licenciement est versée à l'agent recruté pour une durée indéterminée ou à l'agent recruté pour une déterminée et licencié avant le terme de son contrat. ". Aux termes de l'article 53 de ce même décret : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. " et aux termes de son article 54 : " L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. Elle est réduite de moitié en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle. / En cas de rupture avant son terme d'un contrat à durée déterminée, le nombre d'années pris en compte ne peut excéder le nombre de mois qui restait à couvrir jusqu'au terme normal de l'engagement. / (...) Pour l'application de cet article, toute fraction de services supérieure ou égale à six mois sera comptée pour un an ; toute fraction de services inférieure à six mois sera négligée. ".
13. M. B... demande également à être indemnisé de la rupture anticipée de son contrat de travail sur le fondement de ces dispositions. Il résulte du présent arrêt que ladite rupture a été anticipée d'une durée correspondant à la période du 20 novembre 2019 au 29 février 2020 et qu'elle doit être assimilée à un licenciement pour insuffisance professionnelle. M. B... est ainsi fondé à se voir indemnisé d'un montant correspondant à la rémunération de base définie à l'article 53 précitée multipliée par trois puis divisée par deux, soit en l'espèce 1'326,35 euros.
14. En troisième lieu, le préjudice allégué à titre de préavis et celui tiré des trois mois de traitement dus ne sont pas assortis des précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé.
15. En dernier lieu, si M. B... soutient avoir subi un préjudice moral causé par la brutalité de la rupture sans préavis de son contrat, l'intéressé a fait l'objet de nombreuses mesures qui montraient clairement la possibilité d'une telle rupture depuis de nombreux mois, ainsi qu'il a été rappelé au point 7. Il a également participé, le 12 juillet 2019, à une réunion organisée dans les locaux de son département de rattachement au cours de laquelle il a formellement pris connaissance des motifs conduisant l'école doctorale et son directeur de thèse à émettre un avis défavorable à sa réinscription. Il résulte ainsi de l'instruction que le préjudice moral allégué n'est en tout état de cause pas établi.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à ce que lui soient versées des indemnités de licenciement à hauteur de 1'326,35 euros. Il y a ainsi lieu d'annuler le jugement du 21 septembre 2021 en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires présentées par M. B... présentées sur ce fondement et de condamner l'université de Franche-Comté à lui verser la somme de 1'326,35 euros au titre des indemnités de rupture anticipée.
Sur les frais de l'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'université de Franche-Comté au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'université de Franche-Comté la somme de 1 500 euros au même titre, au profit de M. B....
D E C I D E :
Article 1 : L'université de Franche-Comté est condamnée à verser à M. B... la somme de 1 '326,35 euros au titre des indemnités de rupture anticipée de son contrat de doctorant.
Article 2 : L'université de Franche-Comté versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le jugement n° 2000260 du 21 septembre 2021 du tribunal administratif de Besançon est réformé en tant qu'il est contraire au présent dispositif.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'université
de Franche-Comté.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULe président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 21NC03013 2