Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Opas a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période 1er juin 2014 au 30 septembre 2015 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mai 2013, 31 mai 2014 et 31 mai 2015.
M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.
Par un jugement n° 1906201, 1906212 du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a, après les avoir jointes, rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2022, et un mémoire, enregistré le 22 novembre 2022, non communiqué, la SARL Opas et M. et Mme C..., représentés par Me Mazurek, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 19,60 euros à verser à M. et Mme C... et la somme de 7,45 euros à verser à la SARL Opas au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser respectivement à M. et Mme C... et à la SARL Opas au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'omissions à statuer ;
- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve de l'insuffisance des prix exprimés dès lors que les termes de comparaison retenus ne sont pas pertinents au regard des caractéristiques spécifiques des biens concernés ;
- la cession, qui n'a pas été réalisée à un prix minoré, a été effectuée dans le seul intérêt de la SARL Opas de sorte qu'il n'a pas été commis d'acte anormal de gestion ;
- la preuve d'une intention de la SARL Opas d'octroyer une libéralité et pour M. et Mme C... de la recevoir n'est pas rapportée de sorte que la distribution alléguée, qui n'est pas occulte, ne relève pas du champ d'application du c. de l'article 111 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Opas et par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Opas, qui exerçait une activité de marchand de biens et avait pour gérant puis liquidateur M. C..., lequel détenait avec son épouse la moitié de son capital social, l'autre moitié étant détenue par M. et Mme B..., a acquis le 11 septembre 2012 un ensemble immobilier situé 20-22 rue du Sud à Dunkerque pour lequel des travaux de restructuration complète ont été entrepris. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 9 juillet 2012 au 30 septembre 2015 à l'issue de laquelle le service vérificateur a considéré, notamment, que plusieurs lots de cet ensemble immobilier avaient été cédés les 9 septembre 2014 et 22 octobre 2014 respectivement à la société civile immobilière (SCI) Stanislas, détenue par M. et Mme B..., et à M. et Mme C..., pour un prix délibérément minoré par les parties dissimulant une libéralité consentie par la société à ses associés a, en conséquence, réintégré la somme de 126 286 euros au résultat imposable de la SARL Opas au titre de l'exercice clos le 31 mai 2015. A la suite de l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 5 décembre 2016, la valeur vénale du bien immobilier retenue par l'administration a été ramenée à un prix de 1 918 euros au mètre carré et le rehaussement des résultats de la société a été limité à due concurrence. L'administration a assujetti la SARL Opas, selon la procédure contradictoire, à un complément d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 mai 2015 résultant de la réintégration dans son résultat imposable de cette renonciation à recettes ainsi que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui en ont résulté, et a assorti ces impositions d'une majoration pour manquement délibéré. En conséquence de ces rectifications, l'administration a réintégré la somme de 60 049 euros dans les revenus imposables de M. et Mme C... au titre de l'année 2014 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 1° et du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. La SARL Opas et M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 26 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a, après les avoir jointes, rejeté leurs demandes tendant respectivement à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'une part, et d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, d'autre part, auxquels ils ont été assujettis en conséquence de ces réintégrations ainsi que des majorations correspondantes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lille a expressément répondu à l'ensemble des moyens invoqués par les requérants. En particulier, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur chacun des arguments articulés devant eux, ont suffisamment répondu, aux points 8 à 11 du jugement, au moyen soulevé par la SARL Opas et par M. et Mme C..., tiré de ce que l'administration s'est fondée sur des termes de comparaison non pertinents pour déterminer la valeur vénale du bien immobilier en litige et n'a pas justifié d'une minoration du prix de cession.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les impositions supplémentaires mises à la charge de la SARL Opas :
S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
3. Aux termes de l'article 257 du code général des impôts : " I. - Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (...) ". Aux termes du 2. de l'article 266 du même code : " En ce qui concerne les opérations mentionnées au I de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise : (...) b. Pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société sur : Le prix de la cession, le montant de l'indemnité ou la valeur des droits sociaux rémunérant l'apport, augmenté des charges qui s'y ajoutent ; La valeur vénale réelle des biens, établie dans les conditions prévues à l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, si cette valeur vénale est supérieure au prix, au montant de l'indemnité ou à la valeur des droits sociaux, augmenté des charges. (...) ". Aux termes de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations. La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations ".
4. En application de ces dispositions, l'administration est en droit de substituer, pour la détermination de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, la valeur vénale réelle du bien cédé au prix de cession stipulé dans l'acte lorsque, à la date de la vente, cette valeur vénale est supérieure au prix de cession augmenté des charges. Conformément toutefois à l'article 80 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, aux termes duquel " Afin de prévenir la fraude ou l'évasion fiscale, les Etats membres peuvent prendre des mesures pour que, pour les livraisons de biens (...) à des bénéficiaires avec lesquels il existe des liens familiaux ou d'autres liens personnels étroits, des liens organisationnels, de propriété, d'affiliation, financiers ou juridiques tels que définis par l'Etat membre, la base normale de l'opération soit constituée par la valeur normale de l'opération (...) ", il ne peut être recouru à ce mécanisme de substitution que dans le cas de livraisons d'immeubles et dans le but de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale. Dès lors que l'administration relève, d'une part, que les prix de locaux faisant l'objet de mutations ont été minorés et, d'autre part, que le vendeur et l'acheteur sont étroitement liés, elle peut, en application de l'article 80 de la directive 2006/112 CE et du b du 2 de l'article 266 du code général des impôts, substituer la valeur vénale des immeubles aux prix déclarés pour l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée à condition de rapporter la preuve que l'insuffisance du prix de vente des locaux résulte d'une volonté d'évasion fiscale au sens et pour l'application de l'article 80 de la directive 2006/112/CE, l'importance de l'insuffisance de prix n'étant pas, à elle seule, de nature à établir une telle volonté. Celle-ci, toutefois, se présume du seul fait de l'insuffisance significative du prix, lorsque les parties sont en relation d'intérêt, sauf preuve contraire apportée par le contribuable.
5. Le 9 septembre 2014, la SARL Opas a vendu à la SCI Stanislas, détenue par M. et Mme B..., associés chacun à hauteur de 25 % des parts de la société requérante, un appartement de type T4 d'une surface de 76,88 m², situé au deuxième étage de l'immeuble situé 20 rue du Sud à Dunkerque, et une place de parking au prix de 111 360 euros TTC, soit un prix de vente au mètre carré de 1 442 euros. Le 22 octobre 2014, cette même société a vendu à M. C..., gérant et associé à hauteur de 25 % des parts, et à son épouse, elle-même associée à hauteur de 25 %, dans le même immeuble, au premier étage, un appartement de mêmes caractéristiques, de type T4, d'une superficie de 123,92 m², doté qu'un garage, au prix de 189 640 euros TTC soit 1 530 euros au m². Ces deux appartements faisaient partie d'un programme de réhabilitation d'un immeuble, réalisé par la SARL Opas. Pour établir l'existence d'une minoration du prix de cession de ces deux appartements de quatre pièces à la SCI Stanislas et à M. et Mme C... par rapport à leur valeur vénale, l'administration s'était initialement référée au prix de vente moyen pondéré au mètre carré, s'établissant à 2 250 euros, résultant de cessions intervenues entre le 28 novembre 2013 et le 5 mai 2014 de trois appartements de superficie comparable situés dans un rayon de moins d'un kilomètre et d'un appartement d'une surface équivalente situé au sein du même immeuble cédé par la SARL Opas le 26 mai 2014, avant de ne retenir, à la suite de l'avis du 5 décembre 2016 de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires, ce seul dernier bien comme terme de comparaison et de ramener ainsi le prix moyen au même carré à 1 918 euros.
6. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point précédent, l'administration n'a retenu, à titre de comparaison pour établir l'imposition contestée, que le seul appartement cédé le 26 mai 2014 dans le même immeuble que les biens en litige. Dès lors, la SARL Opas ne peut utilement soutenir que les trois autres appartements initialement retenus comme termes de comparaison par le vérificateur seraient dénués de pertinence.
7. D'autre part, pour rapporter la preuve de l'insuffisance du prix de vente des appartements en litige, respectivement de 24 % et de 20 %, le service a pu légalement prendre comme terme de comparaison le prix auquel a été cédé, quelques mois seulement auparavant, un autre logement situé dans le même immeuble, présentant des caractéristiques similaires aux logements litigieux, compte tenu notamment de leur localisation, du nombre de pièces, et de la circonstance qu'ils ont fait l'objet d'une même opération de rénovation et sont dotés des mêmes matériaux et équipements. Il ne résulte pas de l'instruction que les appartements en litige, situés au premier et second étage de l'immeuble qui en compte deux, seraient moins lumineux que l'appartement utilisé comme terme de comparaison, lui-même situé au premier étage. Alors même que cet appartement présenterait un caractère spécifique lié à la présence d'une ancienne cheminée, la société requérante n'apporte pas d'élément de nature à contester valablement le terme de comparaison retenu par l'administration. Il résulte de ce qui précède que compte tenu de l'insuffisance significative de prix des appartements vendus dans l'ensemble immobilier en cause et de la relation d'intérêts nouée entre la société requérante et les acquéreurs, la SARL Opas est présumée avoir livré les biens en litige pour une valeur inférieure à leur valeur vénale. Elle n'apporte pas la preuve que la valeur de cession des appartements correspondrait bien, en réalité, à leur valeur vénale. Dès lors, l'administration fiscale a pu, à bon droit, faire application de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales et de l'article 266 du code général des impôts pour rehausser l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée due à raison des mutations litigieuses.
S'agissant de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 mai 2015 :
8. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ".
9. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.
10. Le service a calculé un prix moyen du mètre carré à 1 918 euros résultant, ainsi qu'il a été dit au point 5, de la comparaison avec un appartement aux caractéristiques similaires, situé dans le même immeuble et vendu par la SARL Opas le 26 mai 2014. En conséquence, le vérificateur a estimé que le prix de cession de ces appartements, s'élevant respectivement à 111 360 euros et 189 640 euros, soit un prix de vente au mètre carré respectivement de 1 442 euros et de 1 530 euros avait été minoré. En outre, le vérificateur a relevé qu'il existait une communauté d'intérêt entre les parties à chacune de ces cessions, M. C... étant le gérant et associé de la SARL Opas et son épouse également associée de cette société, d'une part, et la SCI Stanislas étant détenue par M. et B..., associés de la société requérante, d'autre part. Le service en a déduit qu'en renonçant à des recettes équivalentes à la différence entre la valeur vénale des appartements en cause, estimés au vu d'un prix au mètre carré ramené à 1 918 euros à la date de leur cession à la suite de l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, et le prix de 1 442 euros et de 1 530 euros au mètre carré auquel la société les a vendus à ses associés, la SARL Opas avait opéré un acte anormal de gestion, dans une situation de communauté d'intérêt entre la société cédante et les cessionnaires.
11. Pour contester l'évaluation ainsi retenue par l'administration, la SARL Opas fait valoir que la valeur retenue par le service a été déterminée à partir d'une comparaison avec des biens non intrinsèquement similaires et corroborée par des données issues du marché local. Toutefois, il résulte des circonstances de fait énoncées aux points 6 et 7 que l'administration fiscale a pu, à bon droit, retenir comme terme de comparaison le prix du bien vendu par la SARL Opas à une date proche de la cession des deux appartements en cause, non valablement contredit par des données générales sur l'état du marché local de l'immobilier. Dans ces conditions, l'administration établit, comme elle en a la charge, l'existence d'un écart significatif respectivement de 20 % et 24 % entre le prix convenu et la valeur réelle des biens concernés.
12. Pour apporter la preuve de ce que les cessions en cause sont intervenues dans des conditions étrangères à une gestion commerciale normale, l'administration fiscale relève, outre l'écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale, que les acquéreurs étaient associés de la SARL Opas, ce qui laisse présumer l'intention libérale du cédant à l'égard des cessionnaires. La société requérante, pour contester cette présomption de libéralité, fait valoir qu'en dépit de plusieurs mandats confiés à des professionnels de l'immobilier dès la fin de l'année 2012, elle n'est pas parvenue à vendre les biens en cause et qu'elle a été contrainte de les céder rapidement en raison d'importants frais financiers susceptibles d'être mis à sa charge à l'échéance de l'autorisation de découvert bancaire dont elle disposait jusqu'au 28 août 2014. Toutefois, la SARL Opas, par ses seules allégations, ne justifie pas avoir vainement proposé à la vente les biens en litige, alors qu'elle a cédé trois autres appartements situés dans ce même immeuble les 9 janvier et 26 mai 2014. En outre, alors d'ailleurs qu'elle avait cédé ces trois appartements pour un montant total de 392 500 euros, la SARL Opas, qui ne produit pas sa comptabilité, ne justifie pas avoir été dans une situation débitrice au 28 août 2014, date à laquelle prenait fin l'autorisation de découvert d'un montant maximum de 480 000 euros qu'elle avait contractée auprès d'un établissement bancaire, telle qu'elle aurait été exposée à cette date à des frais financiers, dont au demeurant elle ne précise pas le montant. Dans ces conditions, la SARL Opas ne justifie pas que l'appauvrissement qui est résulté de la cession des biens immobiliers en cause à un prix significativement minoré a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise. Dès lors, en l'absence de contrepartie, l'administration doit être regardée comme démontrant que la SARL Opas s'est délibérément appauvrie à des fins étrangères à son intérêt en procédant à la vente, à ses associés, d'appartements à un prix significativement minoré, témoignant ainsi de l'existence d'un acte anormal de gestion. C'est, par suite, à juste titre, en application des règles ci-dessus rappelées que l'administration a réintégré, dans le bénéfice imposable de la SARL Opas au titre de l'exercice clos le 31 mai 2015, le montant de la libéralité correspondante et l'a assujettie, en conséquence, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2015.
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme C... ont été assujettis au titre de l'année 2014 :
13. Le ministre qui, dans ses écritures d'appel, défend la rectification en litige sur le seul fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, doit être regardé comme sollicitant que soient substituées aux dispositions du 1° et du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, celles du c. de l'article 111 du même code. Une telle substitution pouvant être demandée à tout moment de la procédure contentieuse, il y a lieu d'y faire droit, dès lors qu'elle n'a privé la M. et Mme C..., qui ont été imposés au terme de la procédure contradictoire, et dont le litige ne relève pas de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, d'aucune garantie.
14. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, et d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la cession.
15. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la cession le 22 octobre 2014 par la SARL Opas à M. et Mme C... d'un appartement de 123,92 m², effectuée au prix de 189 640 euros, soit 1 530 euros au m², alors que sa valeur vénale s'élevait à 1 918 euros au m², soit 237 678 euros, soit un écart de 20 %, a été réalisée à un prix significativement minoré par les parties. Il est constant que cette minoration n'a été justifiée par l'existence d'aucune contrepartie, ce que ne contestent pas M. et Mme C.... Compte tenu des relations d'intérêt existant entre la SARL Opas, dont M. C... est le gérant et détient, avec son épouse, la moitié des parts, l'intention d'octroyer une libéralité de la part de la société et de la recevoir de la part de M. et Mme C... doit être présumée. L'administration doit ainsi être regardée comme apportant la preuve de l'intention des parties respectivement de consentir et de recevoir une libéralité. C'est dès lors à bon droit que la libéralité de 48 038 euros constitutive d'un avantage occulte a été imposée entre les mains des intéressés sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Par suite, en application du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, l'administration était fondée à réintégrer aux revenus déclarés par M. et Mme C... au titre de l'années 2014, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, la somme de 60 049 euros.
16. Il résulte de ce qui précède que la SARL Opas et M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article R. 761-1 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Opas et de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Opas, à M. et Mme C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,
M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : F.-X. Pin
La présidente de la cour,
Signé : N. MassiasLa greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°22DA00170