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27/06/2025 | FRANCE | N°24PA03376

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 27 juin 2025, 24PA03376


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) France Industrie a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 27 juin 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a mise en demeure de procéder à l'envoi des batteries de trottinettes modèle " Barooder 3 Pro " dans un laboratoire accrédité COFRAC en France, dans un délai de cinq jours sur un échantillon de douze à quatorze trottinettes, et de transmettre le rapport d'essai sous quatre semaines

à compter de la notification de cet arrêté, ensemble la décision implicite de rejet de son...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) France Industrie a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 27 juin 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a mise en demeure de procéder à l'envoi des batteries de trottinettes modèle " Barooder 3 Pro " dans un laboratoire accrédité COFRAC en France, dans un délai de cinq jours sur un échantillon de douze à quatorze trottinettes, et de transmettre le rapport d'essai sous quatre semaines à compter de la notification de cet arrêté, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 640 980,25 euros au titre de l'ensemble de ses préjudices et de juger qu'elle peut reprendre la commercialisation des produits " Suprem3 " et " Barooder 3 Pro ".

Par un jugement n° 2218417 du 27 mai 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la SARL France Industrie.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 juillet 2024 et 3 mars 2025, la SARL France Industrie, représentée par la société d'avocats Marg Egyg et Co, demande à la Cour :

1°) d' annuler le jugement n° 2218417 du tribunal administratif de Montreuil en date du 27 mai 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 juin 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a mise en demeure de procéder à l'envoi des batteries de trottinettes modèle " Barooder 3 Pro " dans un laboratoire accrédité COFRAC en France, dans un délai de cinq jours sur un échantillon de douze à quatorze trottinettes, et de transmettre le rapport d'essai sous quatre semaines à compter de la notification de cet arrêté, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 2 540 980,25 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

4°) de reconnaître qu'elle peut commercialiser ses produits sans être reconnue de manquement à ses devoirs de prudence et de vigilance ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 524 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions indemnitaires sont recevables, une réclamation préalable ayant été régulièrement présentée ;

- l'arrêté attaqué, qui vise des dispositions inapplicables et se fonde sur des éléments non établis ou sans lien direct avec son objet, est insuffisamment motivé ;

- le procès-verbal de constatation du 22 juin 2022 et l'arrêté attaqué ont été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas justifié que les agents ayant établi le procès-verbal, qui ne disposaient d'aucune compétence technique pour se livrer à des analyses scientifiques, étaient dûment habilités et mandatés pour réaliser le contrôle ;

- elle n'est pas responsable de la première mise sur le marché dans l'Union des trottinettes " Barooder 3 Pro " de la marque Wegoboard, au sens de l'article 3 du règlement (UE) 2019/1020 du Parlement et du Conseil du 20 juin 2019 et du décret n° 2015-1083 du 27 août 2015 ; elle est uniquement distributeur, au sens de l'article L. 421-1 du code de la consommation, et elle n'est donc pas tenue de prouver la réalisation de tests de conformité des produits ;

- la société TAAG Accessories lui a remis la preuve de la réalisation par un laboratoire italien des tests de conformité des trottinettes " Barooder 3 Pro " de la marque Wegoboard, les documents ayant été communiqués à l'administration par courrier électronique du 23 mai 2022 ; elle a par ailleurs réalisé elle-même des tests aléatoires ;

- la société TAAG Accessories distribue le même produit sous ses propres marques mais n'a jamais été contrainte de suspendre sa commercialisation ou de réaliser un signalement de rappel de produits ;

- elle a satisfait aux obligations imposées par l'article 8 du décret n° 2015-1083 du 27 août 2015 ;

- les injonctions qui lui ont été faites sont discriminantes et disproportionnées ;

- le procès-verbal et les tests réalisés par l'administration sont fondés sur les dispositions de la directive 2014/35/UE et du décret n° 2015-1083 du 27 août 2015, qui ne sont pas applicables compte tenu de la tension nominale de 48 volts des trottinettes " Barooder 3 Pro " de la marque Wegoboard ;

- les résultats de tests réalisés par l'administration ne présentent pas la méthode et contiennent une conclusion lacunaire ;

- il n'est pas établi qu'elle a trompé ou tenté de tromper le consommateur, au sens de l'article L. 441-1 du code de la consommation ;

- elle n'a pas bénéficié d'un délai raisonnable pour faire réaliser des tests de conformité par un laboratoire agréé COFRAC, en méconnaissance de l'article L. 521-1 du code de la consommation, et n'a pas été mise en mesure de faire réaliser ces tests ;

- elle était dans l'impossibilité matérielle et financière de faire tester douze à quatorze trottinettes ; il était d'ailleurs disproportionné de lui demander d'en faire analyser autant, ce nombre n'étant pas justifié ; le laboratoire missionné par l'administration s'est rangé derrière les préconisations de la norme NF 62133-2 (2017), sans les décrire, ni les produire, cette norme n'étant pas accessible gratuitement et n'étant ainsi pas opposable ;

- l'arrêté attaqué a été pris sur la base d'un procès-verbal pris sur le fondement de l'article R. 4312-1 du code du travail, qui n'était pas applicable ;

- l'administration a ordonné la suspension de la commercialisation du modèle de trottinette " Barooder 3 Pro " au-delà de la période de rappel des produits et alors qu'aucun test n'avait été communiqué et qu'aucun arrêté n'avait été pris en ce sens ;

- elle a subi d'importants préjudices en termes de réputation commerciale et d'image de marque, son chiffre d'affaires ayant considérablement chuté à compter d'août 2022.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 janvier 2025 et 24 mars 2025, le second n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables, en l'absence de réclamation préalable ;

- les moyens soulevés par la SARL France Industrie ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/42/CE du Parlement et du Conseil du 17 mai 2006 ;

- le règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 ;

- le code de la consommation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le décret n° 2015-1083 du 27 août 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemaire,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- les observations de Me Gouachon, avocat de la SARL France Industrie,

- et les observations de M. A..., gérant de la SARL France Industrie.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) France Industrie a notamment pour activité la commercialisation de trottinettes électroniques de la marque Wegoboard. A la suite d'un signalement des services de police concernant une trottinette modèle " Suprem3 " de cette marque, qui aurait été à l'origine d'un incendie mortel, et de signalements sur le site internet www.signal.conso.gouv.fr à propos d'un autre modèle de la même marque, le modèle " Barooder ", les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont diligenté un contrôle en mai et juin 2022, à l'issue duquel ils ont considéré que la SARL France Industrie, responsable de la première mise sur le marché de la trottinette modèle " Barooder 3 Pro ", n'avait pas préalablement vérifié la conformité de la batterie de ce produit à la réglementation. En conséquence, par un arrêté du 27 juin 2022, pris sur le fondement des articles L. 411-1 et L. 521-1 du code de la consommation, le préfet de la Seine-Saint-Denis a imposé à la SARL France Industrie, d'une part, d'envoyer un échantillon de douze à quatorze batteries incorporées de trottinettes de ce modèle dans un laboratoire accrédité par le comité français d'accréditation, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de cet arrêté, afin que soient réalisés à ses frais des contrôles sur la sécurité électrique de ces produits et, d'autre part, de lui communiquer le rapport d'essai dans un délai de quatre semaines. Par le même arrêté, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a informée qu'à défaut de réalisation de ces contrôles, la mise sur le marché de ce modèle de trottinette électrique pourrait être suspendue sur le fondement de l'article L. 521-12 du code de la consommation. La SARL France Industrie relève appel du jugement en date du 27 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite rejetant son recours gracieux et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Sur les conclusions à fins d'annulation et d'injonction :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 27 juin 2022 mentionne les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Les circonstances, à les supposer établies, que cet arrêté viserait certaines dispositions inapplicables et mentionnerait des faits non établis ou dépourvus de lien direct avec son objet sont par elles-mêmes sans incidence sur l'existence et la régularité de la motivation. La SARL France Industrie n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé, en méconnaissance des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-11 du code de la consommation, les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes " sont habilités à rechercher et constater les infractions aux dispositions du livre IV (...) ", lesquelles sont relatives à la conformité et à la sécurité des produits et services.

5. Il est constant que le procès-verbal de constatations du 22 juin 2022 a été établi et signé par deux agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui étaient habilités, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 511-11 du code de la consommation, à rechercher et à constater, notamment, les infractions aux dispositions de l'article L. 411-1 de ce code, constituées par l'absence de réalisation de contrôles de conformité aux prescriptions relatives à la sécurité des batteries de trottinettes électriques. La circonstance, dont se prévaut la SARL France Industrie, que ces agents ne disposaient pas des compétences techniques pour pouvoir apprécier eux-mêmes cette conformité et se livrer à des analyses scientifiques est par elle-même sans incidence.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de la consommation : " Dès la première mise sur le marché, les produits et les services doivent répondre aux prescriptions en vigueur relatives à la sécurité et à la santé des personnes, à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs. / Le responsable de la première mise sur le marché d'un produit ou d'un service vérifie que celui-ci est conforme aux prescriptions en vigueur. / A la demande des agents habilités, il justifie des vérifications et contrôles effectués ". Aux termes de l'article L. 521-12 de ce code : " Lorsqu'il existe des éléments de nature à mettre en doute la conformité du produit aux prescriptions en vigueur relatives à la sécurité et à la santé des consommateurs (...) et que le responsable de la mise sur le marché national n'est pas en mesure de justifier des contrôles et vérifications effectués, notamment ceux mentionnés à l'article L. 411-1, afin de vérifier le respect de ces obligations, l'autorité administrative peut lui enjoindre par arrêté de faire procéder, dans un délai qu'elle fixe, à des contrôles à ses frais par un organisme présentant des garanties d'indépendance, de compétence et d'impartialité. / L'autorité administrative peut suspendre par arrêté la mise sur le marché du produit dans l'attente de la réalisation des contrôles. / (...) ". En vertu de l'article 3 (Définitions) du règlement (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 susvisé, sur la surveillance du marché et la conformité des produits, la mise sur le marché s'entend de la première mise à disposition d'un produit sur le marché de l'Union et la mise à disposition sur le marché s'entend de toute fourniture d'un produit destiné à être distribué, consommé ou utilisé sur ce marché, dans le cadre d'une activité commerciale, à titre onéreux ou gratuit.

7. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 421-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Pour l'application du présent titre, on entend par : / 1° Producteur : / a) Le fabricant du produit, lorsqu'il est établi dans l'Union européenne et toute autre personne qui se présente comme fabricant en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif, ou celui qui procède à la remise en état du produit ; / b) Le représentant du fabricant, lorsque celui-ci n'est pas établi dans l'Union européenne ou, en l'absence de représentant établi dans l'Union européenne, l'importateur du produit ; / c) Les autres professionnels de la chaîne de commercialisation, dans la mesure où leurs activités peuvent affecter les caractéristiques de sécurité d'un produit ; / 2° Distributeur : tout professionnel de la chaîne de commercialisation dont l'activité n'a pas d'incidence sur les caractéristiques de sécurité du produit ". Aux termes de l'article L. 421-3 de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les produits et les services doivent présenter, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes ". Aux termes de l'article L. 421-4 du même code, alors en vigueur : " Les producteurs et les distributeurs prennent toutes mesures utiles pour contribuer au respect de l'ensemble des obligations de sécurité prévues au présent titre ".

8. D'une part, la SARL France Industrie soutient qu'elle n'était pas responsable de la première mise sur le marché des trottinettes modèle " Barooder 3 Pro " de la marque Wegoboard, au sens des dispositions précitées de l'article L. 411-1 du code de la consommation, dès lors que ces produits, fabriqués en Chine, étaient importés en France par la société par actions simplifiée (SAS) TAAG Accessories, qui les lui avait vendus, et, par suite, qu'elle n'était pas tenue de vérifier la conformité de ces produits aux prescriptions en vigueur. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle exploite la marque Wegoboard, déposée par ses associés à l'Institut national de la propriété industrielle. La notice d'utilisation du modèle " Barooder 3 Pro " de trottinette électrique de cette marque et l'étiquette de marquage apposée sur ce produit la mentionnent comme étant responsable de sa conception, de son " design " et de son importation. Alors que le site internet de la marque Wegoboard indique qu'elle choisit elle-même les " composants internes " de ses produits, dont les batteries des trottinettes électriques, la SARL France Industrie a souscrit la déclaration de conformité du modèle " Barooder 3 Pro " à la législation d'harmonisation de l'Union européenne le 1er août 2021. Enfin, si la société requérante se prévaut de factures d'achat de produits auprès de la société TAAG Accessories établies à son nom et de factures établies par la société chinoise Yongkang Zhimingyuntong Technology Co., ces documents, qui ne mentionnent que des numéros de conteneurs et des produits désignés sous les appellations " 8inc Electric scooter " et " I22 8inch Electric scooter ", ne permettent pas d'établir qu'ainsi qu'elle le soutient, la première mise sur le marché des trottinettes modèle " Barooder 3 Pro " a été effectuée par la SAS TAAG Accessories. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a regardée, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 411-1 du code de la consommation, comme responsable de la première mise sur le marché de ces produits. A la supposer établie, la circonstance, dont elle se prévaut, qu'elle ne pourrait pas être regardée comme producteur de ces produits, au sens des dispositions précitées de l'article L. 421-1 de ce code, est par elle-même sans incidence alors, au demeurant et en tout état de cause, qu'en vertu de l'article L. 421-4 du même code, tant le producteur que le distributeur étaient tenus de contribuer au respect des obligations de sécurité prévues au titre II de son Livre IV.

9. D'autre part, la SARL France Industrie soutient qu'en tout état de cause, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 411-1 du code de la consommation, elle s'est effectivement assurée de la conformité aux prescriptions en vigueur des trottinettes modèle " Barooder 3 Pro " de la marque Wegoboard. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle a elle-même réalisé des contrôles de sécurité, et non de simples contrôles à la livraison de conformité des produits importés de Chine aux commandes qu'elle avait passées. En outre, si elle fait valoir l'existence de tests réalisés par un laboratoire italien, elle se borne à verser au dossier la traduction libre d'un rapport établi par une société chinoise à propos de tests réalisés en Chine sur un modèle " Electric Scooter modèle YF-005 " et " ses variantes ", sans établir que ces tests, dont il est au demeurant constant qu'ils n'ont pas porté sur la sécurité des batteries, ont bien concerné les trottinettes " Barooder 3 Pro ". Enfin, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir de tests réalisés sur un autre modèle de trottinette électrique, et notamment sur le modèle " Suprem3 ", ou postérieurement à l'arrêté en litige, dont la légalité doit s'apprécier à la date de son édiction.

10. Enfin, la SARL France Industrie soutient que les injonctions qui lui ont été faites en application des dispositions précitées de l'article L. 521-12 du code de la consommation, sont discriminantes et disproportionnées. Elle n'apporte toutefois aucun élément de nature à l'établir. Si elle fait valoir que le nombre d'exemplaires de trottinettes que le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a imposé de faire analyser, à savoir de douze à quatorze, est disproportionné, les tests demandés portent sur l'analyse de la conformité des batteries, au nombre requis de douze à quatorze, utilisées sur les trottinettes " Barooder 3 Pro ", et il ressort d'un rapport d'appui établi le 6 septembre 2022 par le service commun des laboratoires de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et la direction générale des douanes et droits indirects que ce test est à la fois statistique et destructif et qu'il nécessite au moins dix exemplaires du produit. A cet égard, la circonstance, à la supposer établie, que la société requérante ne disposait pas en stock de trottinettes en nombre suffisant à la date de l'arrêté attaqué est par elle-même sans incidence. Par ailleurs, alors qu'elle n'a ni contesté les délais qui lui avaient été impartis pour demander la réalisation de tests à un laboratoire et obtenir les résultats, ni sollicité des délais supplémentaires, elle n'établit pas l'impossibilité alléguée de les respecter. Au demeurant, alors qu'elle a été informée dès le 13 juin 2022 de la nécessité de faire réaliser de tels tests et qu'elle a obtenu de l'administration, le 16 juin suivant, une liste de laboratoires agréés susceptibles de les réaliser, elle n'a contacté seize laboratoires à cette fin que par courrier électronique du 6 juillet 2022, après l'expiration du délai de cinq jours qui lui avait été imparti par l'arrêté contesté, qui lui a été notifié le 28 juin 2022.

11. En dernier lieu, pour contester l'arrêté en date du 27 juin 2022, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a enjoint de faire réaliser des tests de conformité aux prescriptions en vigueur des batteries des trottinettes modèle " Barooder 3 Pro " de la marque Wegoboard et l'a informée qu'à défaut de réalisation de ces tests, la commercialisation de ce modèle pourrait être suspendue, la SARL France Industrie ne saurait utilement faire valoir que d'autres sociétés commercialisent le même modèle sous leurs propres marques sans avoir été contraintes de suspendre leur commercialisation ou de réaliser des signalements de rappel des produits, que les rapports des tests réalisés par l'administration ne présentent pas de façon suffisante et exhaustive la méthode suivie et leurs conclusions, que le laboratoire ayant réalisé ces tests a appliqué les préconisations relatives à la norme NF 62133-2 (2017) sans les décrire, ni les produire, alors que cette norme n'est pas accessible gratuitement, qu'elle n'a pas eu l'intention de tromper le consommateur, qu'elle a respecté les obligations imposées par les dispositions du décret du 27 août 2015 susvisé, relatif à la mise à disposition sur le marché du matériel électrique destiné à être employé dans certaines limites de tension, que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait pas légalement ordonner la suspension des produits en cause, ce qu'il n'a pas fait par l'arrêté attaqué, et qu'elle a subi un préjudice financier et un préjudice de réputation. En outre, la circonstance que l'arrêté attaqué, qui a été pris sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 411-1 et L. 521-12 du code de la consommation, vise également, de façon surabondante, des dispositions inapplicables, telles que celles de l'article R. 4312-1 du code du travail, est sans incidence sur sa légalité.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL France Industrie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 27 juin 2022. Ses conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence et en tout état de cause, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de l'autoriser à commercialiser ses produits " sans être reconnue de manquement à ses devoirs de prudence et de vigilance " doivent dès lors être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 11 que la SARL France Industrie n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir qu'en lui faisant injonction, par l'arrêté attaqué en date du 27 juin 2022, de faire réaliser des tests de conformité aux prescriptions en vigueur des batteries des trottinettes modèle " Barooder 3 Pro " de la marque Wegoboard et en l'informant qu'à défaut de réalisation de ces tests, la commercialisation de ce modèle pourrait être suspendue, le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis des fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre et la recevabilité des conclusions indemnitaires de sa demande, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil les a rejetées. Ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 2 540 980,25 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis doivent dès lors être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la SARL France Industrie de la somme qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL France Industrie est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée France Industrie et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Lemaire, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 27 juin 2025.

Le rapporteur,

O. LEMAIRE

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N °24PA03376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03376
Date de la décision : 27/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Olivier LEMAIRE
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : MARG EGYG & CO

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-27;24pa03376 ?
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