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16/05/2025 | FRANCE | N°24NT03240

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 4ème chambre, 16 mai 2025, 24NT03240


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2023 par lequel le préfet de l'Orne lui a retiré la carte de séjour pluriannuelle dont il était titulaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit de retourner sur le territoire pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2302826 du 4 octobre 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa requ

ête.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2023 par lequel le préfet de l'Orne lui a retiré la carte de séjour pluriannuelle dont il était titulaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit de retourner sur le territoire pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2302826 du 4 octobre 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 novembre 2024 et 4 mars 2025, M. E..., représenté par Me Marand-Gombar, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 octobre 2024 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2023 par lequel le préfet de l'Orne lui a retiré la carte de séjour pluriannuelle dont il était titulaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit de retourner sur le territoire pour une durée de deux ans ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est entaché d'erreur d'appréciation et d'erreur de fait, dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il porte atteinte à la présomption d'innocence.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2025, et un mémoire du 17 mars 2025 qui n'a pas été communiqué, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique du 17 octobre 2019 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chabernaud,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Leandri, substituant Me Marand-Gombar, pour M. E..., et de M. B... et M. D... représentant le préfet de l'Orne.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant qatari né le 1er mars 1981, a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2023 par lequel le préfet de l'Orne lui a retiré la carte de séjour pluriannuelle dont il était titulaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit de retourner sur le territoire pour une durée de deux ans. Par un jugement du 4 octobre 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa requête. M. E... fait appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 20 de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne : " 1. Le comportement des citoyens de l'Union ou des ressortissants du Royaume-Uni, des membres de leur famille et des autres personnes qui exercent des droits en vertu du présent titre, lorsque ce comportement s'est produit avant la fin de la période de transition, est examiné conformément au chapitre VI de la directive 2004/38/CE./ 2. Le comportement des citoyens de l'Union ou des ressortissants du Royaume-Uni, des membres de leur famille et des autres personnes qui exercent des droits en vertu du présent titre, lorsque ce comportement s'est produit après la fin de la période de transition, peut constituer un motif de restriction du droit de séjour dans l'État d'accueil ou du droit d'entrée dans l'État de travail conformément à la législation nationale ". Aux termes de l'article 126 de cet accord : " Une période de transition ou de mise en œuvre est fixée, laquelle commence à la date d'entrée en vigueur du présent accord et se termine le 31 décembre 2020. ". Aux termes de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. M. E..., ressortissant qatari né le 1er mars 1981 est entré régulièrement en France en 2018 avec son épouse, de nationalité britannique, puis a obtenu une carte de séjour pluriannuelle en qualité de membre de la famille d'un citoyen britannique. Aux termes de l'arrêté litigieux du 27 octobre 2023, le préfet de l'Orne, en application des dispositions précitées de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a retiré cette carte de séjour au motif que sa présence en France représentait une menace pour l'ordre public.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. E..., fils G... A... C..., a posté, le 2 mai 2023, par l'intermédiaire de son compte personnel, le message suivant sur le réseau social Twitter : " L'histoire ne s'écrit pas avec son encre, mais avec le sang des gens comme eux, leurs histoires et leurs exemples. Ces martyrs sont les artisans de l'histoire, les bâtisseurs de nations et les créateurs de gloire. Leur sang est l'eau de vie pour cette religion jusqu'au jour du jugement. Que la miséricorde et le pardon soient sur votre âme pure. Rappelant le martyr du père du leader jihadiste, G... A... C.... ". En outre, le compte Twitter de M. E... était assorti d'une bannière comportant la photographie de l'intéressé avec son père et, en arrière-plan, la représentation de l'effondrement des tours du World Trade Center le 11 septembre 2001 à New-York. Au regard de ces éléments, le préfet de l'Orne a effectué un signalement auprès de la Plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS), qui a estimé que les faits en cause constituaient le délit d'apologie de terrorisme et en a ainsi obtenu le retrait auprès du réseau social Twitter le 30 mai 2023. En outre, il ressort des termes circonstanciés du compte-rendu de l'entretien effectué le 4 octobre 2023 par les services de la préfecture de l'Orne avec M. E..., durant lequel ce dernier était assisté de son avocat et d'un interprète, que l'intéressé n'a alors contesté ni la réalité du message en cause, ni le fait qu'il ait été posté sur son compte personnel. M. E... se borne à soutenir qu'il a confié la gestion de son compte à un tiers demeurant au Yémen et n'est donc pas responsable de la publication litigieuse. Toutefois, il ne produit aucun élément probant en ce sens. En outre, à supposer même qu'il n'ait pas posté lui-même ce message, il n'établit pas avoir effectué une quelconque démarche afin de le supprimer, de le condamner publiquement ou de poursuivre son auteur, M. E... ayant d'ailleurs précisé à ce titre, lors de l'entretien précité du 4 octobre 2023, que " les tweets dans ce genre-là sont permis dans le monde arabe ". De surcroît, la circonstance que l'arrêté litigieux soit intervenu alors qu'une enquête judiciaire est toujours en cours n'est pas de nature à porter atteinte aux droits de M. E... ou au principe de la présomption d'innocence, dès lors que les faits reprochés à ce dernier sont suffisamment caractérisés par les pièces produites par le préfet, qui ont pu être utilement débattues tant en première instance que dans le cadre de la présente procédure d'appel. Ces faits, eu égard à leur caractère récent et à leur particulière gravité, établissent que la présence en France de l'intéressé représente une menace pour l'ordre public au sens des dispositions précitées de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, si M. E... résidait sur le territoire national depuis environ cinq ans à la date de l'arrêté contesté, il n'établit pas, cependant, avoir de fortes attaches familiales ou culturelles en France, dont il ne maîtrise d'ailleurs pas la langue, et il ressort du compte-rendu de l'entretien du 4 octobre 2023 que la cellule familiale qu'il forme avec son épouse peut être reconstituée au Qatar, pays dans lequel il dispose d'attaches familiales et où il peut bénéficier d'un suivi médical pour traiter la pathologie psychiatrique dont il souffre. Dans ces conditions, en lui retirant sa carte de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de l'Orne n'a commis aucune erreur d'appréciation ou erreur de fait quant à la menace qu'il représenterait pour l'ordre public, ni n'a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En second lieu, M. E... ne produit aucun élément probant de nature à établir qu'en cas de retour au Qatar, il serait soumis à un risque de traitement inhumain et dégradant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux du préfet de l'Orne du 27 octobre 2023. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- M. Chabernaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2025.

Le rapporteur,

B. CHABERNAUDLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT03240


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT03240
Date de la décision : 16/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Benjamin CHABERNAUD
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : MARAND-GOMBAR & MALGORN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-16;24nt03240 ?
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