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30/04/2025 | FRANCE | N°23BX01453

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 30 avril 2025, 23BX01453


Vu les autres pièces des dossiers.



Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.





Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evelyne Balzamo,

- les conclusions de M. Mickaël Kauffmann, rapporteur public,

- et les observations de Me Laporte, représentant la société Orthez Distribution.
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Considérant ce qui suit :



1. La société Orthez Distribution qui exploite un hypermarché Leclerc route de Bayonne à Orthe...

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evelyne Balzamo,

- les conclusions de M. Mickaël Kauffmann, rapporteur public,

- et les observations de Me Laporte, représentant la société Orthez Distribution.

Considérant ce qui suit :

1. La société Orthez Distribution qui exploite un hypermarché Leclerc route de Bayonne à Orthez, a sollicité le 14 juin 2022 un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour le déplacement et l'extension d'un point de retrait de marchandises (drive) dans un bâtiment commercial désaffecté sur un terrain situé 19, avenue du Huit mai à Orthez. Le 29 septembre 2022, la Commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) des Pyrénées-Atlantiques a émis un avis favorable au projet. Deux sociétés concurrentes ont saisi la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), qui a émis un avis défavorable au projet le 6 mars 2023. Le 3 avril 2023, le maire de la commune d'Orthez a refusé d'accorder le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, sollicité. Par deux requêtes distinctes, la société Orthez Distribution demande à la cour d'annuler le refus tacite de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale né le 2 avril 2023 et l'avis défavorable opposé par la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) ainsi que l'arrêté du maire du 3 avril 2023 refusant le permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les n° 23BX01453 et 23BX01537 sont dirigées contre les décisions refusant un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale relatives au même projet. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'avis de la CNAC :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I.- Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l'absence d'avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est réputé confirmé. / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire (...)".

4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial a le caractère d'un acte préparatoire à la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, seule décision susceptible de recours contentieux. Il suit de là, ainsi que le fait d'ailleurs valoir la CNAC, que l'avis défavorable rendu par celle-ci le 6 mars 2023 sur le projet de la société Orthez distribution n'est pas susceptible de recours direct. Il s'ensuit que les conclusions tendant à l'annulation de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus de permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale :

5. Les conclusions de la requête dirigées contre la décision implicite de rejet qui serait née le 2 avril 2023 du silence gardé par le maire d'Orthez sur la demande de permis de construire présentée par la société Orthez Distribution doivent être regardées comme dirigées contre l'arrêté du 3 avril 2023, qui s'y est substitué, par laquelle le maire a expressément rejeté cette demande.

Sur le respect de l'article L. 752-6 du code de commerce :

6. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre (...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés écoresponsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales (...) /3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; (...) d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752- 6 du code de commerce. Le recours formé devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre une décision d'une commission départementale d'aménagement commercial constitue un recours préalable obligatoire. En conséquence, il appartient à la Commission nationale de se prononcer sur le projet d'aménagement commercial qui lui est soumis en fonction des circonstances de droit et de fait à la date de sa décision.

8. Pour émettre un avis défavorable au projet, la CNAC a considéré que le projet ne permettait pas de répondre à une évolution démographique importante du secteur d'implantation, qu'il était de nature à porter atteinte à la préservation et à la revitalisation du tissu commercial du centre -ville d'Orthez et des communes limitrophes, eu égard au taux de vacance commerciale d'Orthez, commune bénéficiaire de l'opération " Petites villes de demain " et d'un périmètre " opération de revitalisation du territoire ", et en l'absence de complémentarité avec l'animation du centre-ville. Enfin, la CNAC a considéré que le pétitionnaire ne démontrait pas que les difficultés de gestion des flux de clientèle du drive existant ne pourraient être résolues par une meilleure organisation des créneaux ouverts à la commande.

9. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige a pour objet la suppression du " drive " existant de 5 pistes, accolé à l'hypermarché Leclerc exploité par la société Orthez Distribution, et son transfert sur le site d'une ancienne concession automobile désaffectée distante d'un kilomètre et située à 1,2 kilomètre du centre-ville en bordure de la route départementale 817 et de l'avenue du 8 mai 1945, dans un secteur déjà urbanisé mixte, comprenant des habitations et des commerces. Sur ce site d'une surface de 5 500 m2, sera aménagé un point de retrait de marchandises comprenant huit pistes de ravitaillement, le bâtiment commercial vacant étant réhabilité, étendu et affecté au stockage des marchandises et à la préparation des commandes. Ce projet de transfert du drive existant est motivé par la volonté du pétitionnaire d'améliorer ses conditions de fonctionnement et d'accès en prévoyant la création de trois pistes supplémentaires, dont l'une dédiée aux personnes à mobilité réduite, adossées à un bâtiment de stockage plus important, compte tenu de l'essor de ce type de service et de la saturation du drive existant. Au regard de la nature d'un tel projet de transfert de l'activité d'un drive déjà existant sur un nouveau site, la CNAC n'est pas fondée à invoquer, en tout état de cause, le fait que, compte tenu de la baisse démographique constatée de 2010 à 2020 de 4,70 % à Orthez mais de seulement 0,84 %dans la zone de chalandise, laquelle au demeurant est très faible, le projet ne permet pas de répondre à une évolution démographique importante du secteur dans lequel il s'implante. De même, s'il est relevé dans l'avis de la CNAC un taux de vacance commerciale brut de 18 % à Orthez et dans les communes limitrophes, le projet concerne le transfert dans un local commercial vacant, d'un drive existant, afin d'améliorer ses conditions de fonctionnement et de satisfaire la demande d'un tel service par la clientèle, projet entrainant la réhabilitation d'un site désaffecté. Au surplus, si dans son avis, la CNAC note que la commune d'Orthez est bénéficiaire de l'opération " Petite ville de demain " depuis avril 2021 et qu'une opération de revitalisation du territoire (ORT) a été définie le 4 octobre 2022, et considère que le projet, situé en limite du périmètre de l'ORT, est de nature à fragiliser la revitalisation du tissu commercial de son centre-ville, il n'est pas contesté que les actions mises en œuvre dans le cadre de l'ORT poursuivent essentiellement des objectifs de valorisation et de rénovation du logement, de stimulation de l'économie locale et la transition numérique, de modification des déplacements sur Orthez et de renforcement de la qualité de vie et du bien-être des habitants et du lien social, et comporte notamment un objectif de réaménagement et de résorption des friches commerciales, objectifs qui ne sont pas remis en cause par le projet qui vise essentiellement à améliorer le fonctionnement du drive existant en le déplaçant sur une friche commerciale qui sera réhabilitée, permettant un accès plus aisé pour les clients et une amélioration du stockage des produits et de l'accès aux réserves pour les employés et alors qu'un tel projet n'est pas compatible avec une implantation en centre-ville. Si la CNAC relève que le projet est susceptible d'avoir un effet négatif sur l'animation de la vie urbaine et de porter atteinte à la préservation du tissu commercial du centre-ville dès lors qu'il existe des commerces proposant les mêmes produits, il ressort des pièces du dossier que le transfert du drive n'augmentera pas le nombre de références de produits déjà proposées par ce service et qui est inférieur à ce qui est proposé dans un hypermarché, qu'il ne propose pas de produits frais, de produits à la coupe ni de service traiteur contrairement aux commerces de détail du centre-ville et que la vente de pain et de pâtisseries est marginale et représente moins de 1 % du chiffre d'affaires. Ainsi le projet de drive en litige, situé en périphérie du centre-ville et en bordure de voies de circulation importantes, ne parait pas de nature à porter atteinte à la préservation et à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville. Enfin, il ressort des pièces produites par la société Orthez distribution, notamment des plans produits à la CNAC, que le drive existant de cinq pistes, malgré l'amplitude de ses horaires d'ouverture, ne suffit plus à accueillir de façon satisfaisante les clients compte tenu du succès de ce type de service auprès des consommateurs, que la configuration du site de l'hypermarché Leclerc ne permet pas d'améliorer l'accueil des clients et l'accès aux réserves et que le projet de transfert sur le site d'une ancienne concession automobile permet de fluidifier le retrait des commandes par l'augmentation du nombre de pistes ainsi que la gestion des stocks de marchandises et de traitement des commandes. Par suite, et alors qu'il ressort des pièces produites que le drive existant accolé à l'hypermarché destiné à être transformé en quai de chargement des objets lourds achetés dans l'hypermarché sera supprimé, contrairement à ce qu'a estimé la CNAC, la société justifie du confort d'achat supplémentaire engendré par le projet.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 3 avril 2023 par lequel le maire de la commune d'Orthez a refusé le permis de construire sollicité en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement d'une part, que la CNAC émette un nouvel avis sur le dossier de demande d'autorisation de la société Orthez distribution dont elle se trouve à nouveau saisie, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, d'autre part, que le maire d'Orthez statue de nouveau, au vu des dispositions de l'article L 600-2 du code de l'urbanisme, sur la demande de permis de construire de la société Orthez distribution, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la CNAC aura rendu son nouvel avis.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Orthez distribution, qui n'est pas partie perdante dans cette instance, verse une quelconque somme à la CNAC au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Orthez distribution présentées sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du 3 avril 2023 par lequel le maire de la commune d'Orthez a refusé de délivrer à la société Orthez distribution le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale est annulé.

Article 2 : Il est enjoint, d'une part, à la Commission nationale d'aménagement commercial, qui se trouve à nouveau saisie de ce dossier, de rendre un nouvel avis sur le projet de la société Orthez distribution, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, d'autre part, au maire d'Orthez, de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société requérante, dans un délai de deux mois suivant le nouvel avis de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Orthez, à la société Orthez distribution, à la Commission nationale d'aménagement commercial, à la SARL Madele 64 et à la SNC Lidl.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2025.

La présidente-assesseure,

Béatrice Molina-AndreoLa présidente, rapporteure,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX01453, 23BX01537 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01453
Date de la décision : 30/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : MANDILE;SCP COURRECH & ASSOCIES;MANDILE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-30;23bx01453 ?
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