Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Dijon, d'annuler l'arrêté du 31 mars 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, ainsi que l'arrêté du 31 mars 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement nos°2200899, 2200900 du 8 avril 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du 31 mars 2022 portant assignation à résidence de M. B... sur la commune de Dijon pour une durée de quarante-cinq jours et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 mai 2022 ainsi que les 30 juillet et 3 septembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Lestrade, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 mars 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la compétence du signataire de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas établie ; cette décision est insuffisamment motivée ; il n'a pas bénéficié du droit d'être entendu prévu par les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son droit à une vie privée et familiale ; elle porte atteinte à la présomption d'innocence ;
- la compétence du signataire de la fixation du pays de renvoi n'est pas établie ; cette décision est insuffisamment motivée ; elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la compétence du signataire de l'interdiction de retour n'est pas établie ; cette décision est insuffisamment motivée ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son droit à une vie privée et familiale ; sa durée est disproportionnée ; elle porte atteinte à la présomption d'innocence.
Par un mémoire enregistré le 30 mars 2023, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant russe né le 5 juillet 1993, entré en France le 15 décembre 2007, à l'âge de quatorze ans, muni d'un passeport et accompagné d'un oncle, pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, s'est vu délivrer des cartes de séjour temporaires du 30 novembre 2010 au 25 novembre 2016 sans solliciter le renouvellement de son titre de séjour par la suite. Par un arrêté du 3 mars 2018, le préfet des Alpes-Maritimes a prononcé à son encontre, d'une part, une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une décision fixant le pays de renvoi et, d'autre part, une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Le recours formé par M. B... contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du 14 mai 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice au motif de sa tardiveté. Placé sous mandat de dépôt le 23 mai 2016, puis sous contrôle judiciaire à compter du 19 mai 2017, M. B... a été ensuite condamné à une peine de vingt-quatre mois d'emprisonnement, dont douze avec sursis, par jugement du tribunal correctionnel de Nice du 9 février 2021. Par un arrêté du 31 mars 2022, le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et, par un arrêté du même jour, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon, qui a annulé l'arrêté l'assignant à résidence, a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes d'annulation dirigées contre l'arrêté du 31 mars 2022.
Sur les moyens communs :
2. Les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté préfectoral du 31 mars 2022 et de l'insuffisante motivation des décisions contestées doivent être écartés par les motifs retenus par la première juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, il était loisible à M. B... de faire valoir, au cours de son audition du 30 mars 2022 par les gendarmes de Pouilly-en-Auxois, dans le cadre de son interpellation lors d'un contrôle routier et de sa retenue pour vérification de son droit au séjour, tous éléments pertinents tenant à sa situation personnelle susceptibles de faire obstacle à une mesure d'éloignement comme il avait été invité à le faire. Il suit de là que le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu résultant du principe général du droit de l'Union européenne de bonne administration ne peut qu'être écarté.
4. En second lieu, si M. B... se prévaut de la durée de sa présence sur le territoire français, il est célibataire et sans enfant et ne démontre pas entretenir des liens personnels ou familiaux intenses, anciens et stables en France alors qu'ainsi que l'a relevé le premier juge, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a, d'ailleurs, lors de son audition par les services de gendarmerie, déclaré s'être déjà rendu pour visiter ses proches et où résident notamment sa mère et sa sœur. Il ne justifie d'aucune insertion sociale particulière sur le territoire français où il a fait l'objet d'une condamnation pénale. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 1, il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Par suite et eu égard à ses conditions de séjour, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français en litige porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise, ni, par suite, qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En dernier lieu, pour les motifs exposés par la première juge, qu'il y a lieu d'adopter, le moyen tiré de ce que cette décision porterait atteinte à la présomption d'innocence doit être écarté.
Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :
6. M. B... fait valoir qu'il risque d'être enrôlé de force dans les troupes tchétchènes qui interviennent en Ukraine en cas de retour en Russie. Il produit à l'appui de ses écritures une convocation du commissaire militaire des régions d'Atchkhoï-Martan et Sernovodsk afin d'effectuer, du 18 au 20 janvier 2023, une formation militaire. Cette convocation précise : " envoyé travailler aux postes de personnels civils ". Ni ce document, à supposer même qu'il soit authentique, ni l'appartenance de M. B... à la minorité tchétchène ne suffisent à établir qu'il serait soumis à un risque d'enrôlement forcé dans les troupes combattantes russes. Ainsi, la réalité des risques auxquels M. B... affirme être exposé en cas de retour dans son pays d'origine, où il s'est rendu à plusieurs reprises selon ses propres déclarations depuis son arrivée en France, n'est pas avérée. Le moyen tiré d'une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
7. En premier lieu, le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré d'une atteinte à la présomption d'innocence, doit être écarté par le motif retenu par la première juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Selon l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
9. Il appartient au préfet, en vertu des dispositions précitées des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'assortir une obligation de quitter le territoire français sans délai d'une interdiction de retour sur le territoire français sauf dans l'hypothèse où des circonstances humanitaires justifieraient qu'il soit dérogé au principe. M. B... s'est vu refuser tout délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Les circonstances dont il fait état, en se prévalant de la durée de sa présence sur le territoire français, ne peuvent être regardées comme des circonstances humanitaires qui auraient pu justifier que l'autorité administrative ne prononçât pas d'interdiction de retour sur le territoire français. Au vu de la situation de M. B... rappelée au point 4, et malgré sa durée de séjour en France, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à trois ans la durée de l'interdiction de retour de l'intéressé en France.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mars 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme au titre des frais exposés par l'État.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet de la Côte-d'Or tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY01499
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