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18/09/2014 | FRANCE | N°13NT01116

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 septembre 2014, 13NT01116


Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2013, présentée pour M. B... C..., M. D... C... et Mme E... F..., demeurant via Cernaia 46, 35100Padova (Italie), élisant domicile..., par Me Lemétais d'Ormesson, avocat au barreau de Paris ; les consorts C...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 12-1829, 12-2330 en date du 14 février 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser, d'une part, la somme provisionnelle de 200 000 euros et, d'autre part, les sommes de 1 491 941,93 euros et 40 000 eu

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Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2013, présentée pour M. B... C..., M. D... C... et Mme E... F..., demeurant via Cernaia 46, 35100Padova (Italie), élisant domicile..., par Me Lemétais d'Ormesson, avocat au barreau de Paris ; les consorts C...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 12-1829, 12-2330 en date du 14 février 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser, d'une part, la somme provisionnelle de 200 000 euros et, d'autre part, les sommes de 1 491 941,93 euros et 40 000 euros en réparation des préjudices subis par M. B... C..., blessé le 23 août 2010 par la chute d'une branche sur les bords de la Loire ;

2°) de condamner l'Etat, au besoin après avoir ordonné une expertise, à verser à M. B... C... une indemnité de 1 491 941,93 euros augmentée des intérêts au taux légal capitalisés à compter de la demande préalable et à M. D... C... et Mme E... F...une indemnité de 20 000 euros chacun augmentée des intérêts au taux légal capitalisés à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... C...d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- le dommage résultant de la chute de branche survenue sur la berge de la Loire est imputable à l'Etat en sa qualité de propriétaire du domaine public fluvial et l'administration est responsable du dommage subi par M. C... car elle n'apporte pas la preuve de l'entretien normal de l'arbre concerné ;

- aucune faute de faute de nature à exonérer l'Etat de sa responsabilité n'est imputable à la victime ;

- M. B... C... a subi divers préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux : des frais divers ont été exposés pour un montant de 309 euros, il a besoin d'une assistance par une tierce personne durant sept heures par jour, dont le coût peut être évalué à 3 107,47 euros à la date de la consolidation de son état fixée au 20 mai 2011 par l'expert qu'il a mandaté pour l'examiner, puis à une rente trimestrielle de 6 720 euros à compter de cette date, ou à un capital de 829 248 euros, les frais exposés pour l'adaptation de son logement à son handicap s'élèvent à la somme de 32 621,60 euros, il a subi un préjudice universitaire et une incidence professionnelle future qui peuvent être évalués respectivement à 15 000 euros et à 50 000 euros, au titre de ses préjudices personnels, les souffrances endurées doivent être indemnisées à concurrence de 20 000 euros, le déficit fonctionnel temporaire subi jusqu'à la date de consolidation doit être évalué à 5 395 euros, le déficit fonctionnel permanent résultant de sa paraplégie complète doit être indemnisé à concurrence de 400 000 euros, il subit un préjudice esthétique estimé à 10 000 euros, un préjudice sexuel et un préjudice d'établissement qui peuvent être évalués respectivement à 30 000 euros et à 50 000 euros et enfin un préjudice d'agrément qui doit être indemnisé par une somme de 30 000 euros ;

- si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée une expertise peut être ordonnée aux fins de déterminer l'étendue de ces préjudices ;

- M. D... C... et Mme E... F... ont subi, en qualité de parents de la victime, des troubles dans leurs conditions d'existence qui justifient le versement d'une indemnité de 20 000 euros chacun ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2013, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée pour défaut d'entretien normal car la berge sur laquelle a eu lieu l'accident ne relevait pas de la catégorie des ouvrages publics et l'Etat n'avait pas à assurer l'entretien des berges ni des arbres qui s'y trouvent, ses obligations se limitant à assurer l'écoulement naturel des eaux de la Loire ;

- l'anomalie de l'arbre n'était ni apparente ni décelable au moment de l'accident, de sorte qu'aucun défaut d'entretien normal ne peut être opposé à l'administration ;

- l'accident a pour seule origine la négligence et l'imprudence de la victime de nature à exonérer, ou à tout le moins, à atténuer la responsabilité de l'Etat ;

- le montant des réparations demandées n'est pas justifié en l'absence d'expertise contradictoire ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 2 juin 2014, présenté pour les consortsC..., qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens et soutiennent en outre que :

- contrairement à ce que fait valoir le ministre, les berges litigieuses et les arbres qui y sont implantés constituent bien des ouvrages publics, la Loire, dans sa portion située dans le Loiret, ayant été aménagée pour permettre la pratique de divers sports tels que le kayak ou le canoë ;

- par ailleurs, alors que l'Etat, en sa qualité de propriétaire et gestionnaire du cours d'eau, avait une obligation d'entretien régulier et de sécurité à l'égard des pratiquants des sports nautiques, ses services n'établissent pas l'entretien normal de l'ouvrage ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret du 27 juillet 1957 portant radiation de la nomenclature des voies d'eau navigables ou flottables les lacs, étangs, canaux, rivières et sections de canaux et de rivières, y compris leurs dépendances, énumérés au tableau annexé au décret ;

Vu le décret n° 69-52 du 10 janvier 1969 relatif aux conditions de radiation des voies d'eau de la nomenclature des voies navigables et flottables ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2014 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public ;

- et les observations de Me Veillon-Delpech, substituant Me Lemétais d'Ormesson, avocat des consortsC... ;

1. Considérant que, le 23 août 2010 vers 20h20, M. C..., ressortissant italien âgé de 22 ans, qui effectuait avec un ami une randonnée en canoë sur la Loire, a été grièvement blessé au dos par la chute d'une branche alors qu'il s'était abrité sous une tente sur la berge du fleuve à la hauteur de Saint-Denis-de-l'Hôtel (Loiret) ; qu'à la suite de cet accident M. C... est resté atteint d'une paraplégie totale ; que la victime et ses parents relèvent appel du jugement du 14 février 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices consécutifs à cet accident ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. Considérant, d'une part, que la Loire appartient au domaine public fluvial de l'Etat mais est rayée, par effet du décret susvisé du 27 juillet 1957, de la nomenclature des voies navigables et flottables ; qu'il résulte de l'instruction que ni le fleuve ni ses berges n'avaient, sur la partie où est survenu l'accident et contrairement à ce que soutiennent les requérants, fait l'objet d'un quelconque aménagement, notamment en vue de la navigation ou des loisirs ; qu'en particulier les berges du fleuve au niveau de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel n'étaient pas destinées à recevoir du public ; que la circonstance que des parcours de kayak et de canoë étaient proposés par des associations sportives et que les pratiquants utilisaient le pont de Saint-Denis de l'Hôtel comme point d'accostage n'est pas de nature à faire regarder le fleuve et ses berges comme aménagés pour la navigation ; qu'ainsi ni le fleuve ni ses berges ne constituaient un ouvrage public ; qu'en conséquence, la responsabilité de l'Etat ne saurait en l'espèce être recherchée, sur le fondement des dommages de travaux publics, à raison du défaut d'entretien dont aurait été affecté un ouvrage dont il serait propriétaire ;

3. Considérant, d'autre part, que, s'agissant d'un cours d'eau non navigable du domaine public fluvial de l'Etat, ce dernier n'est propriétaire que du lit et des rives du fleuve jusqu'au niveau du " plenissimum flumen " et a pour seule obligation d'entretien celle de veiller, notamment par voie de curage, au bon écoulement des eaux ; que le peuplier qui est à l'origine de l'accident dont a été victime M. C... était implanté sur la berge et non sur le domaine public ainsi délimité de sorte que la présence d'une fracture longitudinale ancienne sur la branche qui a blessé celui-ci ne peut, en tout état de cause, être de nature à caractériser un quelconque manquement de l'Etat à son obligation d'entretien, de nature à engager sa responsabilité ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont, malgré la gravité particulière des conséquences dommageables de l'accident litigieux, pas fondés à mettre en cause la responsabilité de l'Etat et à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans, a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les consorts C...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par MM. C... etA... F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à M. D... C..., à Mme E... F... et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 septembre 2014.

Le rapporteur,

F. SPECHTLe président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT011162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01116
Date de la décision : 18/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LEMETAIS DORMESSON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-09-18;13nt01116 ?
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