Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille :
- d'annuler l'arrêté du 13 août 2020 par lequel le maire d'Hénin-Beaumont a refusé de lui délivrer le permis de construire une habitation individuelle sur un terrain situé 876 boulevard des frères Leterme sur le territoire communal ;
- d'enjoindre, sous astreinte, au maire d'Hénin-Beaumont de lui délivrer le permis de construire sollicité ;
- de mettre à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2007468 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 13 août 2020, enjoint au maire d'Hénin-Beaumont de délivrer à Mme B... le permis de construire sollicité et mis à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont la somme de 1 500 euros à verser à Me Robiquet au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédures devant la cour :
I - Sous le n° 23DA01516, par une requête, enregistrée le 27 juillet 2023, et des mémoires enregistrés les 30 mai 2024 et 23 août 2024, ce dernier non communiqué, la commune d'Hénin-Beaumont, représentée par Me Frédéric-Pierre Vos, puis par Me Thomas Laval, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2023 ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, dans la mesure où le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa décision, en ne démontrant pas en quoi le terrain d'assiette du projet serait situé en dehors du secteur du patrimoine bâti à préserver et ne serait pas soumis aux dispositions protectrices du règlement du PLU ;
- le motif de refus fondé sur la méconnaissance de l'article UD10 du règlement du PLU relatif aux règles de hauteur est fondé dans la mesure où le projet est situé dans la zone tampon autour du bien inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO (bassin minier, Nord Pas-de-Calais) dont la valeur doit être préservée ;
- le motif de refus tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UD11 du règlement du PLU relatives aux clôtures est fondé ;
- les premiers juges auraient dû faire droit à sa demande de substitution de motif tirée de ce qu'en application de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article UD11 du règlement du PLU, le projet porte atteinte aux lieux avoisinants ;
- il y a lieu de procéder à une substitution de motif au titre de la méconnaissance par le projet de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article UD3 du règlement du PLU en raison de l'insuffisance de l'accès et de la desserte du terrain d'assiette ;
- elle n'a pas fondé son refus sur la procédure pénale en cours.
Par des mémoires enregistrés les 24 novembre 2023 et 12 juillet 2024, Mme A... B..., représentée par Me Camille Robiquet, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à la commune d'Hénin-Beaumont de lui délivrer le permis de construire sollicité et, dans le dernier état de ses écritures, à la mise à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont de la somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens de la requête portant sur la régularité et le bien-fondé du jugement ne sont pas fondés.
Mme B... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 9 novembre 2023.
II - Sous le n° 23DA01548, par une requête, enregistrée le 31 juillet 2023 et des mémoires enregistrés les 30 mai 2024 et 23 août 2024, ce dernier non communiqué, la commune d'Hénin-Beaumont, représentée par Me Frédéric-Pierre Vos, puis par Me Thomas Laval, demande à la cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du 30 mai 2023 ;
2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens qu'elle invoque sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... en première instance.
Par mémoires enregistrés les 24 novembre 2023 et 12 juillet 2024, Mme B..., représentée par Me Camille Robiquet, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont de la somme de 2 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas sérieux.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 9 novembre 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel adoptée par la 17ème conférence générale de l'organisation des Nations-Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) du 16 novembre 1972 ;
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,
- et les observations de Me Laval, représentant la commune d'Hénin-Beaumont.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... est propriétaire, sur le territoire de la commune d'Hénin-Beaumont (62110), de deux parcelles cadastrées BC 673 et BC 675. Le 6 février 2020, elle a déposé une demande de permis de construire une habitation individuelle en R + 1 + combles sur ces parcelles. Par un arrêté du 13 août 2020, le maire d'Hénin-Beaumont a refusé de lui délivrer le permis de construire sollicité aux motifs que, d'une part, le projet, situé dans la zone tampon définie autour du bassin minier inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'organisation des Nations-Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), est de nature à porter atteinte à la qualité de l'environnement et aux perspectives sur le paysage du bassin minier, d'autre part, qu'il ne respecte pas les dispositions de l'article UD10 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) d'Hénin-Beaumont relatives à la hauteur, enfin qu'il ne respecte pas les dispositions de l'article UD11 du même règlement relatives aux clôtures. Par les deux requêtes visées ci-dessus, qu'il convient de joindre, la commune d'Hénin-Beaumont, demande à la cour, d'une part, d'annuler le jugement du 30 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a, à la demande de Mme B..., annulé l'arrêté du 13 août 2020, d'autre part, de surseoir à son exécution.
Sur la requête n°23DA01516 :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Si la commune fait reproche aux premiers juges de n'avoir pas suffisamment motivé en quoi le terrain d'assiette du projet serait situé en dehors du secteur du patrimoine bâti à préserver et ne serait pas soumis aux dispositions protectrices afférentes du règlement du PLU, il résulte du jugement attaqué que les premiers juges ont notamment relevé que " le quartier ne bénéficie d'aucune protection particulière " et que " la "zone tampon" définie autour du bassin minier classé au patrimoine de l'UNESCO, dans laquelle se situerait le terrain d'assiette (...), n'est pas définie au règlement du plan local d'urbanisme et n'a fait l'objet d'aucune délimitation ". Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur chacun des arguments avancés par les parties, ont ainsi répondu de manière suffisamment précise au moyen tiré de ce que le projet se situerait dans le secteur de patrimoine bâti à préserver. En tout état de cause, la justification du rattachement ou non du terrain d'assiette du projet à une zone patrimoniale protégée ou à préserver ne ressortit pas à la régularité du jugement mais à son bien-fondé. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit donc être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
S'agissant des moyens d'annulation accueillis par le tribunal :
4. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptible de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". Saisi d'un jugement ayant annulé une décision refusant une autorisation d'urbanisme, il appartient au juge d'appel, pour confirmer cette annulation, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation que les premiers juges ont retenus, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui.
Quant au motif tiré de l'atteinte à la qualité de l'environnement et aux perspectives sur le paysage minier :
5. D'une part, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".
6. Il résulte de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d'urbanisme de la commune. Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations.
7. D'autre part, aux termes de l'article UD 11 du règlement du PLU d'Hénin-Beaumont : " Ainsi qu'il est prévu à l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, la situation des constructions, leur architecture, leurs dimensions, leur aspect extérieur doivent être adapté au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
8. Dès lors que les dispositions du règlement du PLU invoquées par la commune ont le même objet que celles, également invoquées, d'un article du code de l'urbanisme posant les règles nationales d'urbanisme et prévoient des exigences qui ne sont pas moindres, c'est par rapport aux dispositions du règlement du PLU que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée. En conséquence, le juge exerce un contrôle normal sur la conformité à ces dispositions de la décision attaquée.
9. Enfin, aux termes de l'article 4 de la convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel adoptée par la 17ème conférence générale de l'UNESCO du 16 novembre 1972 et dont l'approbation a été autorisée par la loi du 20 mai 1975 : " Chacun des Etats parties à la présente Convention reconnaît que l'obligation d'assurer l'identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la transmission aux générations futures du patrimoine culturel et naturel visé aux articles 1 et 2 et situé sur son territoire, lui incombe en premier chef " et aux termes de l'article 5 de la même convention, " afin d'assurer une protection et une conservation aussi efficaces et une mise en valeur aussi active que possible du patrimoine culturel et naturel situé sur leur territoire et dans les conditions appropriées à chaque pays, les Etats parties à la présente Convention s'efforceront dans la mesure du possible : (...) d) de prendre les mesures juridiques, scientifiques, techniques, administratives et financières adéquates pour l'identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la réanimation de ce patrimoine ". L'article L. 612-1 du code du patrimoine, dans sa rédaction issue de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dispose que : " L'Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements assurent, au titre de leurs compétences dans les domaines du patrimoine, de l'environnement et de l'urbanisme, la protection, la conservation et la mise en valeur du bien reconnu en tant que bien du patrimoine mondial en application de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, adoptée par la Conférence générale de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, le 16 novembre 1972, lors de sa XVIIe session. / Pour assurer la protection du bien, une zone, dite " zone tampon ", incluant son environnement immédiat, les perspectives visuelles importantes et d'autres aires ou attributs ayant un rôle fonctionnel important en tant que soutien apporté au bien et à sa protection est, sauf s'il est justifié qu'elle n'est pas nécessaire, délimitée autour de celui-ci en concertation avec les collectivités territoriales concernées puis arrêtée par l'autorité administrative. / Pour assurer la préservation de la valeur universelle exceptionnelle du bien, un plan de gestion comprenant les mesures de protection, de conservation et de mise en valeur à mettre en œuvre est élaboré conjointement par l'Etat et les collectivités territoriales concernées, pour le périmètre de ce bien et, le cas échéant, de sa zone tampon, puis arrêté par l'autorité administrative. / Lorsque l'autorité compétente en matière de schéma de cohérence territoriale ou de plan local d'urbanisme engage l'élaboration ou la révision d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un plan local d'urbanisme, le représentant de l'Etat dans le département porte à sa connaissance les dispositions du plan de gestion du bien afin d'assurer la protection, la conservation et la mise en valeur du bien et la préservation de sa valeur exceptionnelle. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Pour assurer la préservation de la valeur universelle exceptionnelle des biens reconnus en tant que biens du patrimoine mondial, l'Etat et les collectivités territoriales ou leurs groupements protègent ces biens et, le cas échéant, tout ou partie de leur zone tampon par l'application des dispositions du présent livre, du livre III du code de l'environnement ou du livre Ier du code de l'urbanisme ".
10. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que lorsqu'un bien est inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO, il appartient à l'Etat et ses établissements, ainsi qu'aux collectivités territoriales concernées et leurs groupements, de mettre en œuvre les compétences dont ils disposent en application du code du patrimoine, du livre III du code de l'environnement et du livre Ier du code de l'urbanisme afin d'assurer la protection de la valeur universelle exceptionnelle de ce bien ainsi que, le cas échéant, celle de sa zone tampon et, d'autre part, qu'un plan de gestion comprenant les mesures de protection, de conservation et de mise en valeur à mettre en œuvre pour le périmètre du bien et, le cas échéant, de sa zone tampon, est élaboré conjointement par l'Etat et les collectivités territoriales concernées.
11. Il ressort des pièces du dossier que le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais a été inscrit par l'UNESCO sur la liste du patrimoine mondial en 2012. Dans la commune d'Hénin-Beaumont ont notamment été inscrits le terril 205 dit " 1 de Drocourt " et le terril 101 dit " lavoir de Drocourt ", ainsi que la " cité ouvrière Darcy ", qui a également été incluse dans un secteur à patrimoine bâti à préserver par le règlement graphique du PLU d'Hénin-Beaumont. La cité ouvrière Darcy abrite des bâtiments à deux logements ouvriers de type R+1 construits en moellons de calcaire enduit, couverts de toits à longs pans en tuile mécanique, présentant une homogénéité de taille, style et forme architecturale. Pour assurer la protection de ces biens, une zone, dite " zone tampon ", au sens de l'article L. 612-1 du code du patrimoine, a été délimitée, notamment entre la cité ouvrière Darcy et les terrils. Cette zone tampon est une zone résidentielle composée de maisons d'habitation de taille et de hauteur différentes, allant de la maison de plain-pied à la maison en R+2, aux façades tantôt en briques ou parements de briques de couleur rouge ou ocre, tantôt enduites de couleur beige ou rouge, recouvertes de toits en tuile rouge ou brune et même d'ardoises. Le terrain d'assiette du projet se situe à l'intérieur de cette " zone tampon ", laquelle ne fait l'objet d'aucune servitude particulière ou prescriptions réglementaires spéciales au sein du PLU communal, mais dont il convient de tenir compte pour apprécier le caractère des lieux avoisinants.
12. Le projet en litige consiste en la construction, en deuxième rang par rapport à l'alignement du boulevard des frères Leterme, d'une maison en R+1+combles, qui est certes plus imposante que la plupart des maisons alentour mais ne dépare pas la hauteur de la maison de premier rang en R+2 implantée à l'alignement et le style des autres maisons dont elle copie la façade enduite, en l'occurrence de couleur rouge, et les toits en tuiles, en l'occurrence de couleur sombre. En outre, sa construction en deuxième rang derrière un immeuble de même hauteur la dissimule du boulevard. Apprécié depuis le boulevard des frères Leterme, le projet ne méconnaît ainsi pas les dispositions de l'article UD11 du règlement du PLU.
13. Certes, la commune produit une photographie prise en avril 2022 depuis la rue Charles Demuynck desservant le cité Darcy qui démontre la covisibilité de la construction projetée, en partie édifiée, avec un bâtiment de la cité. Cependant, d'une part, cette construction ne s'implante pas sur la parcelle immédiatement située derrière la cité mais sur la parcelle suivante, créant ainsi un éloignement la rendant peu perceptible, d'autre part, elle est largement masquée par le bâti et des arbres touffus et de grande taille. Ensuite, la circonstance qu'elle soit visible depuis le jardin de la parcelle qui la jouxte, qui ne fait pas partie de la cité Darcy, est sans influence sur l'appréciation de son insertion dans le paysage du bassin minier. Enfin, si l'architecte des bâtiments de France a relevé dans son avis du 13 mars 2020 que " ce projet est, par son architecture, son volume et ses matériaux, de nature à porter atteinte à la qualité de l'environnement et aux perspectives sur le paysage du bassin minier ", aucune photographie n'accrédite une covisibilité avec les terrils qui sont encore davantage éloignés du projet que ne l'est la cité Darcy. Dans ces conditions, le projet n'apparaît pas de nature à nuire à l'intérêt et au caractère du paysage du bassin minier inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Par suite, le motif de refus tiré de l'atteinte portée à la qualité de l'environnement et aux perspectives sur le paysage du bassin minier est entaché d'une erreur d'appréciation.
Quant au motif tiré de la méconnaissance de l'article UD10 du règlement du PLU d'Hénin-Beaumont :
14. Aux termes de l'article UD 10 " Hauteur des constructions " du règlement du PLU d'Hénin-Beaumont : " La hauteur absolue des constructions nouvelles à usage d'habitation ne peut excéder un maximum de 12 mètres (R+2+C) mesurés du sol ambiant au faîtage des toitures. / Dans les secteurs de patrimoine bâti à préserver identifiés au plan de zonage (...), la hauteur des nouvelles constructions principales, mesurée à l'égout de la toiture comme au faîtage, doit être sensiblement similaire à celle de la construction voisine (...) ". Aux termes de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration. (...). ". Aux termes de l'article R. 151-53 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Figurent également en annexe au plan local d'urbanisme, s'il y a lieu, les éléments suivants : (...) / 12° Les périmètres des biens inscrits au patrimoine mondial et de leur zone tampon mentionnés à l'article L. 612-1 du code du patrimoine ".
15. Pour fonder le refus de permis de construire, le maire a considéré que les hauteurs voisines du projet étaient " nettement moins élevées " que la hauteur du projet de Mme B..., évaluée à 9,16 mètres.
16. Il est vrai qu'il ressort des photographies jointes par l'intimée que la construction projetée en R+1+ combles dépasse d'un étage la plupart des constructions avoisinantes qui sont des maisons d'habitation de plain-pied surmontées de combles. Toutefois, il ne ressort pas, d'une part, du PLU que les périmètres des biens inscrits au patrimoine mondial et de leur zone tampon lui aient été annexés, d'autre part, du plan de zonage annexé au règlement du PLU que le terrain d'assiette du projet serait situé au sein du " secteur de patrimoine bâti à préserver au titre de l'article L. 151-19 de l'urbanisme ", enfin, du règlement du PLU que des prescriptions particulières aient été imposées pour les périmètres des biens inscrits au patrimoine mondial et de leur zone tampon. Dès lors que les parcelles d'assiette du projet ne sont pas incluses dans " les secteurs de patrimoine bâti à préserver identifiés au plan de zonage ", la hauteur du projet ne devait pas être appréciée par rapport à celle de la construction voisine. Par suite, le maire ne pouvait légalement fonder son refus sur la méconnaissance des dispositions de l'article UD 10 du règlement du PLU propres aux constructions situées dans des secteurs de patrimoine bâti à préserver identifiés au plan de zonage.
Quant au motif tiré de la méconnaissance de l'article UD11 du règlement du PLU d'Hénin-Beaumont :
17. Aux termes de l'article UD 11 " Aspect extérieur des constructions et aménagement de leurs abords " du règlement du PLU d'Hénin-Beaumont : " A. Dans toute la zone UD : / Clôtures / a) Clôtures implantées à la limite de la voie et sur la profondeur des marges de recul : / Les clôtures doivent être constituées soit de haies vives, soit de grilles, grillages ou tout autre dispositif à claire-voie comportant ou non un mur bahut. / La hauteur totale de la clôture ne peut excéder 2 mètres, hors pilastres, dont 1,00 mètre pour la partie pleine à compter du terrain naturel avant aménagement. (...) / b) Sur cour et jardin : / Les clôtures ne pourront excéder 2,20 mètres de hauteur (...) / B. Dans les secteurs de patrimoine bâti à préserver identifiés au plan de zonage (...) 4) Les clôtures : (...) Elles devront être de type végétalisées, doublées éventuellement d'un grillage. Les lisses béton basses sont également autorisées. / En façade et sur les marges de recul, les clôtures sont limitées à 1, 20 mètres, dont 0,5 mètres pour la partie pleine. / Sur cour et jardin, la hauteur est limitée à 2 mètres maximum (...) ".
18. Pour fonder le refus de permis de construire, le maire a relevé que le projet était constitué d'une clôture végétalisée d'une hauteur de 2 mètres, doublée d'un mur bahut enduit ton pierre et sous-bassement gris d'une hauteur de 1 mètre surmonté d'une grille de teinte noire de 1 mètre de hauteur.
19. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit le terrain d'assiette du projet est situé en dehors du " secteur de patrimoine bâti à préserver " tel que délimité par le plan de zonage annexé au règlement du PLU, les dispositions du B. de l'article UD11 du règlement du PLU ne lui étaient pas applicables. Dans la mesure où les caractéristiques des clôtures projetées correspondent aux prévisions applicables dans toute la zone UD en termes de matériaux, d'aspect et de hauteur, le maire ne pouvait légalement fonder son refus sur la méconnaissance des dispositions de l'article UD 11 du règlement du PLU.
S'agissant de la demande de substitution de motifs présentée en appel :
20. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
21. La commune de Hénin-Beaumont soutient que le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article UD3 du règlement du PLU.
22. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Aux termes de l'article UD3 " Conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées et d'accès aux voies ouvertes au public " du règlement du PLU d'Hénin-Beaumont : " Le permis de construire peut être refusé si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers, des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Les accès et voiries doivent présenter les caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la circulation (...), de la défense contre l'incendie et de la protection civile et aux besoins des constructions et installations envisagées. (...) / 1° Accès : / - Tout terrain enclavé est inconstructible, à moins que son propriétaire n'obtienne un passage aménagé sur les fonds voisins dans les conditions fixées par la réglementation en vigueur, dans ce cas, les accès nécessaires aux constructions doivent présenter des caractéristiques permettant de satisfaire aux exigences de la sécurité, de la défense contre l'incendie et de la protection civile. / (...) 2° Voirie : (...) - Les parties de voie en impasse à créer ou à prolonger doivent permettre le demi-tour des véhicules de collecte des ordures ménagères et des divers véhicules utilitaires. (...) / - Les voies doivent présenter des caractéristiques suffisantes et optimales pour la circulation des véhicules et des piétons (...) ".
23. Il ressort de la page 18 de l'acte du 8 mars 2013 de vente à M. et Mme B... du terrain destiné à la construction d'une maison à usage d'habitation individuelle sur les parcelles cadastrées BC 673 et BC 675 qu'une servitude de passage a été accordée au profit de ces parcelles ainsi qu'au profit des parcelles BC 674 et BC 676 afin de permettre leur accès au boulevard des frères Leterme à pied ou en véhicule léger à moteur et que ce droit de passage s'exerce sur une bande de terrain de 4,5 mètres de largeur effectivement libre de construction. La circonstance que le plan de masse joint à la demande de permis de construire déposée par les époux B... mentionne, sans légende, une largeur de deux fois 2,52 mètres en front de boulevard n'est pas de nature à remettre en cause la consistance de la servitude de passage ainsi consentie aux époux B.... Si la commune soutient que les caractéristiques de cette voie d'accès ne permettent pas le croisement des véhicules ni leur retournement, il ressort des pièces du dossier et notamment du plan cadastral que cette voie d'accès, qui a été dédoublée, ne dessert que deux maisons individuelles et que les véhicules légers y circuleront aisément sans se croiser et sans manœuvres particulières. Il n'est, en outre, pas établi que les véhicules de collecte des ordures ménagères devraient s'engager dans cette voie et auraient ainsi besoin d'y faire demi-tour, ni que les engins de secours et d'incendie ne pourraient pas s'y engager.
24. Par suite, le motif tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article UD3 du règlement du PLU ne peut légalement fonder le refus de permis de construire en litige.
25. Dès lors qu'aucun motif, initial ou substitué ne justifie le refus de permis de construire opposé par le maire de Hénin-Beaumont à M. et Mme B..., la commune de Hénin-Beaumont n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 13 août 2020, enjoint au maire d'Hénin-Beaumont de délivrer à Mme B... le permis de construire sollicité et mis à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont la somme de 1 500 euros à verser à Me Robiquet au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
En ce qui concerne les frais de l'instance d'appel :
26. Partie perdante à la présente instance la commune de Hénin-Beaumont ne peut voir accueillies ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
27. En revanche, Mme B... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Robiquet, avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 2 000 euros.
Sur la requête n°23DA01548 :
28. En premier lieu, le présent arrêt statuant au fond sur la requête en annulation présentée contre le jugement du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Lille, la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement devient sans objet.
29. En second lieu, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 23DA01516 est rejetée.
Article 2 : La commune d'Hénin-Beaumont versera à Me Robiquet la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, dans les conditions définies au point 26 des motifs du présent arrêt.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par la commune d'Hénin-Beaumont dans la requête n° 23DA01548.
Article 4 : Les conclusions présentées par les parties en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, dans le cadre de la requête n°23DA01548, sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Hénin-Beaumont, à Mme A... B... et à Me Camille Robiquet.
Délibéré après l'audience publique du 11 juin 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Damien Vérisson, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°23DA01516, 23DA01548 2