Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C..., Mme D... E..., épouse C..., et Mme F... C..., leur fille, ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la commune de Narbonne, la communauté du Grand Narbonne et la société en commandite par actions Veolia Eau - Compagnie générale des eaux à réparer les préjudices subis par leurs biens immeubles situés à Narbonne qu'ils imputent à la rupture d'une canalisation d'eau potable.
Par un courrier du 25 mars 2021, reçu le 26 mars suivant, M. C... a informé le tribunal précité du décès de son épouse, Mme E..., le 15 novembre 2020, soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 20 janvier 2020, à 12 heures, par une ordonnance du 19 décembre 2019.
Par un jugement n° 1800236 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux à verser, d'une part, à M. C... une somme de 92 708 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts au taux légal capitalisés, d'autre part, à Mme F... C... une somme de 42 177,60 euros toutes taxes comprises indexée sur l'indice national du bâtiment tous corps d'état BT 01 actualisé au jour du dépôt du rapport d'expertise, a mis les frais de l'expertise, pour un montant de 28 516,17 euros toutes taxes comprises à la charge définitive de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 1er septembre 2021, sous le n° 21MA03821, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, sous le n° 21TL03821, et trois mémoires, enregistrés les 13 janvier et 27 septembre 2022 et le 25 août 2023, et des pièces, enregistrées le 1er septembre 2023, Mme F... C..., représentée par la SCP Cabée-Biver-Spanghero, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de prendre acte de ce qu'elle est devenue la pleine propriétaire des biens situés au n° 1 avenue du général Leclerc et au n° 4 place des Pyrénées à Narbonne par l'effet de l'acte de renonciation unilatérale d'usufruit souscrit à son bénéfice par son père, M. B... C... ;
2°) d'annuler le jugement du 1er juillet 2021 du tribunal administratif de Montpellier, premièrement, en ce qu'il a limité le montant des indemnités accordées au titre du désordre référencé C, correspondant à l'affaissement de la façade de l'immeuble situé avenue général Leclerc à Narbonne, et de ses troubles dans ses conditions d'existence aux sommes respectives de 42 177,60 euros toutes taxes comprises et 1 000 euros, deuxièmement, en tant qu'il a rejeté la demande d'indemnisation des préjudices liés au coût de reprise des désordres référencés A, B et D, correspondant respectivement à la fissuration du balcon et du garde-corps situés en façade au premier étage de l'immeuble donnant sur l'avenue du général Leclerc, à l'affaissement du plancher de l'appartement situé au premier étage du n° 4, place des Pyrénées et, enfin, aux fissures affectant la façade de l'immeuble donnant sur la place des Pyrénées, ainsi que la demande d'indemnisation de la perte de loyers afférente à la location de l'appartement sis au n°1, avenue Général Leclerc et, enfin, troisièmement, en tant qu'il a limité la dévolution des frais et honoraires de l'expertise à la somme de 28 516,17 euros toutes taxes comprises ;
3°) à titre principal, de condamner la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux et, si la cour le décide, la commune de Narbonne et la communauté d'agglomération du Grand Narbonne, à lui verser la somme globale de 433 812 euros incluant une somme de 198 546 euros toutes taxes comprises, indexée sur l'indice actualisé BT01 du coût de la construction, au titre des travaux de reprise des désordres référencés A, B, C et D, une somme de 62 595 euros, à parfaire, au titre de la perte de loyers afférente à l'appartement situé au n° 1 avenue général Leclerc, une somme de somme de 124 218 euros, à parfaire, au titre de sa quote-part de perte de loyers afférente au local commercial situé au rez-de-chaussée de l'immeuble, une somme de 8 453 euros au titre de la perte de loyers afférente à l'appartement situé au n° 4 place des Pyrénées, une somme de 30 000 euros au titre de la moins-value résultant de la démolition du balcon de l'immeuble ou, en tout état de cause, au titre des travaux de reconstruction de ce balcon et, enfin, une somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral et, à titre subsidiaire, si la cour devait retenir un coefficient de vétusté, de le limiter à une part qui ne saurait excéder 10 % ;
4°) de mettre solidairement à la charge de toute partie perdante une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de la première instance en ce compris les frais et honoraires de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 35 645,22 euros toutes taxes comprises ;
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- elle dispose d'une qualité lui donnant intérêt pour agir dès lors qu'en vertu d'un acte de donation-partage du 11 juin 1981, elle est, d'une part, nue-propriétaire de la portion d'immeuble située au n° 4 place des Pyrénées à Narbonne dont son père, M. B... C..., a conservé l'usufruit et, a, d'autre part, acquis la pleine propriété de la partie d'immeuble situé au n° 1 avenue du général Leclerc à Narbonne à la suite du décès de sa mère, survenu le 15 novembre 2020, soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 20 janvier 2010 par le tribunal ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté l'existence d'un lien de causalité entre les désordres relevés et la fuite litigieuse alors qu'aucun désordre n'était à déplorer avant la rupture de la canalisation d'eau potable en litige et l'effondrement de la chaussée et qu'un faible laps de temps s'est écoulé entre cet incident et l'apparition de ces désordres ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il existe un lien de causalité direct entre l'aggravation de la fissuration du balcon situé au premier étage de la façade de l'immeuble situé avenue du général Leclerc, répertorié en désordre A par l'expert, et les fuites de la canalisation d'eau potable alimentant cet immeuble, l'expert ayant relevé que si la vétusté de l'immeuble peut entrer en ligne de compte, ce désordre a été aggravé par la décompression de l'assise du mur de façade due à ces fuites ;
- le désordre référencé A doit être indemnisé, y compris en faisant application d'un coefficient de vétusté ainsi que l'a fait le tribunal s'agissant du désordre référencé C ;
- le désordre référencé B, qui porte sur l'affaissement du plancher de l'appartement du premier étage de l'immeuble situé 4 place des Pyrénées et les fissurations des cloisons séparatives doit être indemnisé, y compris en appliquant un coefficient de vétusté, dès lors que ce désordre a été aggravé par l'affaissement de la façade de l'immeuble situé au n° 1 avenue du général Leclerc en 2012 et 2013 et présente, par suite, un lien de causalité direct avec le désordre référencé A, lui-même lié à la fuite de la canalisation d'alimentation en eau potable de l'immeuble ;
- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le désordre référencé C, qui porte sur l'affaissement de la façade donnant sur l'avenue du général Leclerc, présente un lien de causalité direct avec la fuite de la canalisation correspondant au branchement de l'immeuble situé à droite de l'entrée de l'agence bancaire ;
- le désordre référencé D, qui concerne les fissures extérieures importantes présentes sur le pignon de l'immeuble donnant sur la place des Pyrénées doit être indemnisé, au besoin en appliquant une décote, dès lors qu'il est lié à l'affaissement de la façade de l'immeuble donnant sur l'avenue du général Leclerc et présente, par suite, un lien direct avec la fuite de la canalisation située sur cette avenue, la fuite de la vanne située sous la voirie de la rue Mazagran n'ayant joué qu'un rôle aggravant ;
- dûment informé du décès de sa mère, le tribunal n'en a pas tiré toutes les conséquences sur son droit à indemnisation alors qu'elle est fondée à obtenir une indemnisation tant au titre des travaux propres à remédier aux désordres qu'au titre de la perte de loyers inhérente aux locaux dont elle est désormais propriétaire ;
- c'est à tort que le tribunal a appliqué un coefficient de vétusté sur l'indemnité à laquelle la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux a été condamnée au titre du désordre référencé C alors que les travaux préconisés par l'expert sont seulement propres à remédier aux désordres et ne constituent ni des travaux d'amélioration ni des travaux de remise à neuf de l'immeuble de nature à apporter une plus-value à celui-ci ;
- elle est fondée à demander la condamnation de la communauté d'agglomération du Grand Narbonne, en qualité de propriétaire de la canalisation litigieuse, de la commune de Narbonne en qualité de " collectivité publique responsable " des chaussées dans le tréfonds desquelles se sont produites les deux fuites d'eau et de la société Veolia - Compagnie générale des eaux en qualité de concessionnaire des ouvrages en cause sur le fondement du régime de responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics ;
- elle s'en remet à la cour s'agissant de la mise hors de cause de la commune de Narbonne et/ou de la communauté d'agglomération du Grand Narbonne ;
- elle est fondée à obtenir l'indemnisation de ses préjudices dans les conditions suivantes sans qu'il soit besoin d'appliquer un coefficient de vétusté :
* 32 175 euros hors taxes au titre du désordre référencé A ;
* 69 345 euros hors taxes au titre du désordre référencé B ;
* 43 935 euros hors taxes au titre du désordre référencé C ;
* 20 000 euros hors taxes au titre du désordre référencé D ;
* 62 595 euros à parfaire au titre de la perte de loyers résultant de la location de l'appartement situé au n° 1 avenue du général Leclerc, pour la période comprise entre le mois de janvier 2014 et le 30 septembre 2023, à parfaire selon la date effective de son indemnisation et 535 euros par mois à compter du 1er octobre 2023 jusqu'à la date de réception des travaux de remise en état de ce bien ou jusqu'à la date de son indemnisation effective, sur la base du dernier loyer mensuel de 530 euros vraisemblablement appliqué par les usufruitiers ;
* 108 090 euros à parfaire au titre de la perte de loyers liés à la location du local commercial situé au rez-de-chaussée du n° 1 avenue du général Leclerc, pour la période comprise entre le mois de février 2014 et le 6 juin 2022, 34 128 euros pour la période comprise entre le 7 juin 2022 et le 30 septembre 2023, à parfaire en fonction de la date de son indemnisation effective et 2 160 euros par mois à compter du 1er octobre 2023 jusqu'à la date de réception des travaux de remise en état de ce bien ou jusqu'à la date de son indemnisation effective, sur la base du dernier loyer mensuel de 2 160 euros pratiqué par les usufruitiers ;
* 8 453 euros au titre de la perte de loyers liés à la location de l'appartement situé au n° 4 place des Pyrénées pour la période comprise entre le 7 juin 2022 et le 30 septembre 2023 et 553 euros par mois à compter du 1er octobre 2023 jusqu'à la date de réception des travaux de remise en état de ce bien ou la date de son indemnisation effective ;
* 30 000 euros au titre de la perte de valeur vénale de l'appartement situé au n° 1 avenue du général Leclerc dont le balcon, qui donne un accès sur l'extérieur, a été démoli en vertu d'un arrêté municipal d'exécution d'office de travaux de démolition du 13 novembre 2018 ; à titre subsidiaire, si la reconstruction de ce balcon devait être envisagée, une indemnité d'un même montant devra lui être accordée au titre des travaux de reconstruction de cet ouvrage, l'expert ayant seulement chiffré le coût des travaux de reprise ;
* 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;
- à titre subsidiaire, si la cour estimait nécessaire d'appliquer un coefficient de vétusté sur l'indemnité due au titre de la reprise des désordres affectant les immeubles en litige, la décote en résultant ne saurait excéder 10 % du préjudice indemnisable ;
- le tribunal a entaché sa décision d'une erreur de calcul s'agissant de l'indemnisation du désordre référencé C en lui allouant une indemnité hors taxes de 43 935 euros supérieure au montant toutes taxes comprises de cette indemnité fixé à 42 517,60 euros de sorte qu'il y a lieu de rétablir, en tout état de cause, son indemnité à ce premier montant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2021, la commune de Narbonne, représentée par Me Garidou, conclut au rejet de la requête de Mme C... et des conclusions à fin d'appel en garantie présentées à son encontre et au versement, par Mme C..., d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'elle doit être mise hors de cause du fait du transfert de la compétence en matière d'eau et d'assainissement à la communauté d'agglomération du Grand Narbonne ;
- seule la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, délégataire de la gestion du service de l'eau et de l'assainissement en vertu d'un contrat de délégation de service public conclu le 4 juillet 2006 avec effet au 1er janvier 2007, est susceptible de voir sa responsabilité engagée en qualité de responsable des désordres liés à l'entretien de ce réseau ;
- à titre subsidiaire, sa responsabilité ne peut être engagée dès lors que les désordres ne lui sont pas imputables ;
- elle a été contrainte d'exposer des frais d'avocat alors même qu'elle n'a eu de cesse d'affirmer, tout au long de l'expertise, qu'elle n'est en rien responsable des dommages survenus ce qui justifie qu'une somme soit mise à la charge de Mme F... C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 novembre 2021 et 31 août 2023, la communauté d'agglomération du Grand Narbonne, représentée par Me Montepini, conclut au rejet de la requête de Mme C... et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions supplémentaires de Mme C... présentent le caractère de demandes nouvelles en appel, ce qui les rend irrecevables ;
- c'est à bon droit que le tribunal l'a mise hors de cause dès lors que, chargée de la compétence en matière d'eau, elle a confié, par un contrat d'affermage, l'exploitation et l'entretien du réseau d'eau potable à la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, à compter du 1er janvier 2007 ;
- en cas de délégation limitée à la seule exploitation d'un ouvrage public comme c'est le cas en matière d'affermage, si la responsabilité des dommages imputables à son fonctionnement relève du délégataire, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et à son dimensionnement relève, sauf stipulations contractuelles contraires, de la personne publique délégante ;
- seule la responsabilité de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux est susceptible d'être engagée dès lors qu'en application de l'article 31 du contrat d'affermage avec cette société, le fermier est responsable, tant envers la collectivité que les usagers et les tiers des dommages occasionnés par le fonctionnement du service affermé.
Par un mémoire, enregistré le 16 décembre 2021, M. C..., représenté par Me Lambert, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er juillet 2021 du tribunal administratif de Montpellier en tant, d'une part, qu'il a limité à 80 % la part de responsabilité de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux dans la survenance des désordres et limité l'indemnisation des pertes de loyers et de son préjudice moral aux sommes respectives de 92 708 euros et 1 000 euros, d'autre part, qu'il a rejeté ses demandes d'indemnisation de la perte de loyers au titre de la location de l'appartement du premier étage de l'immeuble situé n° 1 avenue du général Leclerc et des frais de sondage du plancher et d'étaiement du balcon de ce dernier appartement et, enfin, qu'il a limité les frais d'expertise mis à la charge définitive de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux à la somme de 28 516,17 euros toutes taxes comprises alors qu'une somme de 35 645,22 euros a été engagée par les consorts C... à ce titre ;
2°) de condamner la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux à lui verser une indemnité globale de 264 341,20 euros incluant les sommes suivantes : 253 330 euros, à actualiser, au titre de la perte de loyers qu'il a subie, 1 011,20 euros au titre des travaux de mise en sécurité réglés par ses soins et 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de la première instance en ce compris les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 35 645,22 euros.
Il soutient que :
- la cour ne pourra que confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a écarté la fin de non-recevoir opposée par la société Veolia France - Compagnie générale des eaux tirée du défaut de qualité pour agir des consorts C... ;
- la responsabilité de cette société est pleinement engagée dans la survenance du désordre référencé A dès lors que la dégradation des balcons du premier étage de l'immeuble situé au n° 1 avenue du général Leclerc présente un lien direct et certain avec la fuite de la canalisation d'alimentation en eau potable de l'immeuble ;
- le désordre référencé B présente un lien direct avec les désordres A et C et, partant, avec les fuites en litige, tandis que le tribunal a retenu l'existence d'un lien de causalité entre ces deux désordres et ces fuites ;
- c'est à juste titre que le tribunal a jugé que le désordre C, qui porte sur l'affaissement de la façade de l'immeuble situé au n° 1 avenue du général Leclerc, présente un lien direct avec la fuite de la canalisation correspondant au branchement en eau potable de l'immeuble situé à droite de l'entrée de l'agence bancaire tandis que la fuite sur la vanne d'eau potable de la rue Mazagran n'a fait qu'aggraver ces fissures ;
- en revanche, c'est à tort que le tribunal a jugé que la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux n'était responsable qu'à hauteur de 80 % dans la survenance du désordre C ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté la responsabilité de cette société dans la survenance du désordre D alors que les fuites en litige ont eu un rôle direct et certain dans l'aggravation de ce désordre caractérisé par la présence de fissures importantes sur la façade de l'immeuble situé place des Pyrénées ;
- c'est à tort que le tribunal a limité la période servant de référence au calcul de la perte de loyers du 27 février 2014, date de l'arrêté de péril, au 11 août 2017, date du dépôt du rapport de l'expert alors que son préjudice n'a pas cessé à la date de remise de ce rapport eu égard à l'ampleur des désordres, au montant conséquent des travaux de reprise et à l'absence d'indemnisation effective des usufruitiers et de la nue-propriétaire de sorte que son indemnisation doit être actualisée à la date de la condamnation effective de la société intimée ;
- Mme F... C... ayant reçu la pleine propriété de l'immeuble situé avenue du général Leclerc du fait du décès de son épouse, il ne dispose d'aucun droit sur cet immeuble ; en revanche, il est fondé, en qualité d'usufruitier de l'immeuble situé au n° 4 place des Pyrénées, à engager la responsabilité de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux sur le fondement de la responsabilité sans faute pour dommage de travaux publics et à obtenir l'indemnisation de ses préjudices actualisés dans les conditions suivantes :
* 50 290 euros, à parfaire, au titre de la perte de loyers liée à la location de l'appartement situé au n° 4 place des Pyrénées à compter du mois de février 2014 jusqu'à son indemnisation effective, sur la base d'un loyer mensuel de 530 euros sur 94 mois ;
* 203 040 euros, à parfaire, au titre de la perte de loyers liés à la location du local commercial situé au rez-de-chaussée du n° 1 avenue du général Leclerc, à compter du mois de février 2014 jusqu'à son indemnisation effective, sur la base d'un loyer mensuel de 2 160 euros sur 94 mois ;
* 1 011,20 euros en remboursement des frais de sondage par dépose du faux plafond afin de visualiser le plancher et des frais d'étaiement du balcon qu'il a engagés ;
* 10 000 euros au titre de son préjudice moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2022, la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, représentée par la SCP de Angelis - Semidei - Vuillquez - Habart Melki-Bardon- de Angelis, demande à la cour :
1°) de rejeter les requêtes de Mme C... et de M. C... ;
2°) de condamner la commune de Narbonne et la communauté d'agglomération du Grand Narbonne à la relever et à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) par la voie de l'appel incident, à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er juillet 2021 en tant qu'il a retenu l'engagement de sa responsabilité au titre du désordre référencé C et fixé sa part de responsabilité dans la survenance de ce désordre à 80 % et de rejeter les demandes présentées par Mme C... devant le tribunal et, à titre subsidiaire, d'une part, de limiter sa part de responsabilité dans la survenance du désordre référencé C à 30 %, d'autre part, de réduire le montant des condamnations prononcées à son encontre au titre des travaux de reprise de ce désordre, de la perte de loyers afférents au local commercial et de l'appartement du premier étage de l'immeuble situé au n° 4 place des Pyrénées aux sommes respectives de 13 180,50 euros hors taxes, 27 864 euros et 6 901,50 euros et, en tout état de cause, de limiter le quantum total des condamnations prononcées à son encontre à 30 % de la valeur vénale des biens immobiliers évaluée par l'expert à 395 000 euros, soit 118 500 euros.
4°) de condamner toute partie perdante à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions de Mme C... portant sur la perte de loyers afférents à la mise en location de l'appartement situé au n °1 avenue du général Leclerc et du local commercial au rez-de-chaussée sont irrecevables dès lors, d'une part, qu'elles sont nouvelles en appel et, d'autre part, que l'appelante ne dispose pas d'un intérêt à agir au titre de la période antérieure au 15 novembre 2020, date du décès de sa mère ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu l'engagement de sa responsabilité alors que ni la fuite sur branchement survenue au droit des deux fonds, avenue du général Leclerc en 2013, ni la rupture de la vanne située au n° 2 rue Mazagran, survenue en 2014 ne sont à l'origine des désordres affectant les fonds des consorts C... ;
- l'impossibilité d'occuper les immeubles en litige ne présente aucun lien avec les réseaux d'eau enterrés mais résulte de leur état intrinsèque, l'expert ayant relevé que les désordres préexistaient aux faits qui lui sont reprochés ;
- les désordres en litige ont des causes multiples et complexes au rang desquelles figurent la médiocrité intrinsèque des fondations et des sols d'assise, les défauts intrinsèques à l'ouvrage, et la vétusté des fonds appartenant aux consorts C... à l'exclusion de toute autre cause ;
- les immeubles en litige, qui datent de 1870, ont subi de multiples transformations structurelles dont les conditions de réalisation restent inconnues mais qui ont conduit à des assemblages constructifs, réalisés à partir de matériaux de diverses natures, dont la stabilité d'ensemble reste incertaine ;
- l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les désordres et les préjudices allégués n'est pas démontrée et il y a lieu de tenir compte tant de la vétusté des immeubles que de la médiocrité des sols d'assise ;
- s'agissant du désordre référencé C portant sur l'affaissement de l'immeuble situé avenue du général Leclerc, seul l'affaissement du dallage près de l'entrée et des ensembles vitrés pourrait avoir un lien avec la fuite d'eau survenue en 2013 laquelle a été très limitée et rapidement réparée de sorte que seule une partie de ce désordre pourrait lui être imputée ;
- s'agissant du désordre D portant sur les fissures en façade de l'immeuble donnant sur la place des Pyrénées, les réseaux d'eau extérieurs ne sont pas en cause, l'ancienneté de ces fissures pouvant provenir des travaux d'importance réalisés lors de la création de la piste intérieure de la station-service et de la présence de cuves à proximité du mur mal remblayées lors de leur neutralisation ;
- Mme C... devra être déboutée de ses conclusions à fin d'indemnisation des pertes de loyers couvrant la période antérieure au 20 novembre 2020, date du décès de l'usufruitière ;
- en tout état de cause, les indemnités allouées ne peuvent excéder la valeur vénale de l'immeuble fixée à 395 000 euros par l'expert ;
- à titre subsidiaire, si la cour estimait que sa responsabilité est engagée dans la survenance des désordres, il y aurait lieu, compte tenu de la présence d'autres facteurs à l'origine de ceux-ci et de la vétusté des immeubles, de limiter l'engagement de sa responsabilité au titre du seul désordre C, de limiter sa part de responsabilité à 30 % et de n'indemniser que les seuls préjudices en lien direct et certain avec la reprise des désordres qui lui sont imputables, soit la somme de 13 180,50 euros hors taxes ;
- la perte des loyers afférents à la mise en location du local commercial ne présente pas un lien direct et certain avec la fuite sur branchement survenue en 2013, l'agence bancaire n'ayant été ni empêchée d'occuper les locaux ni privée de la fourniture d'eau de sorte qu'elle n'a pris congé de son bail qu'en raison de la vétusté intrinsèque de l'immeuble ;
- c'est à bon droit que le tribunal a fixé la période de référence servant de calcul aux pertes de loyers du 27 février 2014 au 11 août 2017, date du dépôt du rapport d'expertise correspondant à la date à laquelle le propriétaire est regardé comme ayant eu connaissance de l'étendue du dommage ;
- à titre subsidiaire, la condamnation prononcée à son encontre au titre de la perte des loyers commerciaux et des loyers afférents à la mise en location de l'appartement situé au premier étage du n° 4 place des Pyrénées, devra être limitée à 30 %, soit aux sommes respectives de 27 864 euros et 6 901,50 euros, compte tenu de la vétusté des lieux et des défauts intrinsèques de l'ouvrage et de l'absence de preuve quant au bon entretien et à la bonne conservation des lieux loués ;
- le jugement attaqué sera confirmé en tant qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice portant sur la perte de revenus locatifs liés à l'appartement situé au premier étage du n° 1 de l'avenue du général Leclerc qui était inoccupé et en cours de rénovation tandis que seul l'accès à son balcon a été interdit par l'expert ;
- les frais engagés au titre des travaux de mise en sécurité des balcons ne présentent aucun lien direct et certain avec les désordres qui lui sont imputés ;
- le préjudice moral allégué n'est pas établi.
Par une ordonnance du 17 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 8 septembre 2023 à 12 heures.
Par un courrier du 12 septembre 2023, les parties ont été informées de ce que, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par M. C... en raison de leur tardiveté.
Une réponse à ce moyen d'ordre public, présentée pour la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux a été enregistrée, le 15 septembre 2023.
Vu les autres pièces de ces deux dossiers.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
-les observations de Me Bequain de Coninck, représentant la communauté d'agglomération du Grand Narbonne et de Me Garidou, représentant la commune de Narbonne.
Considérant ce qui suit :
1. Les époux C..., mariés sous le régime de la séparation de biens, étaient propriétaires, en propre, d'immeubles de rapport contigus situés à Narbonne (Aude). Un premier ensemble, situé au n° 1 avenue du général Leclerc, se compose, au rez-de-chaussée, d'un local commercial, anciennement occupé par une station-service, donné à bail à une agence bancaire depuis 1994 jusqu'au départ de celle-ci le 31 janvier 2014 et, à l'étage, d'un appartement, en cours de rénovation à la suite d'un incendie causé par un chauffe-eau, disposant d'un balcon filant implanté en saillie doté d'une largeur de 60 centimètres et d'un garde-corps maçonné dont l'entrée s'effectue à la même adresse. En vertu d'un acte de donation-partage entre vifs avec réserve d'usufruit du 11 juin 1981, Mme D... E..., épouse C..., née le 22 décembre 1933, a conservé l'usufruit de ce bien propre jusqu'à son décès, le 15 novembre 2020, et sa fille aînée, F... C..., née le 26 avril 1958, en a acquis la nue-propriété. Sur le mur pignon de cet immeuble se trouve également, au premier étage, un autre appartement, dont l'entrée s'effectue au n° 4 place des Pyrénées, que M. B... C..., né le 9 novembre 1928, possédait en propre. En vertu de l'acte de donation-partage précité par lequel les époux C... ont procédé à un partage anticipé avec réserve d'usufruit de leurs biens propres en faveur de leurs enfants, M. C... a conservé l'usufruit de ce dernier appartement, donné en location jusqu'à son évacuation en vertu d'un arrêté du maire de Narbonne du 27 février 2014, pris dans le cadre d'une procédure de péril, et sa fille, F... C..., en est devenue la nue-propriétaire.
2. Le 23 décembre 2012, la chaussée s'est effondrée sous le passage d'un autocar à l'angle de la place des Pyrénées et de l'avenue du général Leclerc, à la suite d'un affouillement provoqué par l'effondrement d'un collecteur unitaire, destiné au recueil des eaux pluviales et des eaux usées, situé droit des immeubles appartenant aux consorts C..., lesquels ont mandaté un huissier de justice afin de répertorier les fissures en façade de l'immeuble situé au n° 4 place des Pyrénées.
3. En janvier 2013, une fuite d'eau sur le branchement en eau potable desservant le n° 1 avenue du général Leclerc a également été identifiée, donnant lieu à une nouvelle intervention de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux en charge de la gestion et de l'exploitation du service public d'eau potable en vertu d'un contrat de délégation par affermage conclu avec la communauté d'agglomération du Grand Narbonne, venant aux droits de la communauté d'agglomération de La Narbonnaise, avec effet au 1er janvier 2007. À la demande de la commune de Narbonne, saisie par l'un des locataires, le tribunal administratif de Montpellier a, par une ordonnance du 23 janvier 2014, désigné un expert chargé d'examiner les immeubles situés au n° 4 place des Pyrénées et au n° 1 avenue du général Leclerc et de préciser s'ils présentent un péril grave et imminent pour la sécurité publique. L'expert a remis son rapport le 25 février 2014. Par un premier arrêté du 27 février 2014, le maire de Narbonne a, dans le cadre d'une procédure de péril imminent, ordonné aux occupants de l'appartement situé au n° 4 place des Pyrénées de quitter les lieux sans délai et interdit ces locaux à l'habitation ainsi qu'à tout usage commercial, industriel ou artisanal, ordonné aux consorts C... de procéder au relogement des occupants de ce bien, interdit l'accès au seul balcon en saillie de l'appartement situé au n° 1 de l'avenue du général Leclerc, lequel n'est pas interdit d'occupation et, enfin, mis en demeure les consorts C... d'exécuter, sous sept jours, les mesures provisoires d'étaiement des planchers et du balcon de l'immeuble situé au n° 1 avenue du général Leclerc préconisées par l'expert désigné par le tribunal. Par un autre arrêté du 13 novembre 2018, cette même autorité a ordonné l'exécution d'office, aux frais de la commune, des travaux de démolition du balcon de l'immeuble situé au n° 1 avenue du général Leclerc, devenu instable et menaçant de s'effondrer sur les passants.
4. Constatant la présence de fissures sur les murs de leurs immeubles, les consorts C... ont également saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande d'expertise. Par une ordonnance n°s 1402310-1402311 du 22 juillet 2014, le juge des référés a, après avoir étendu l'expertise par une ordonnance n° 1404595, désigné un expert lequel a remis son rapport, le 10 août 2017. Par un jugement du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier, après avoir mis hors de cause la commune de Narbonne et la communauté d'agglomération du Grand Narbonne a, d'une part, condamné la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux à verser à M. C... une somme de 92 708 euros toutes taxes comprises assortie des intérêts au taux légal capitalisés, d'autre part, condamné cette même société à verser à Mme F... C... une somme de 42 177,60 euros toutes taxes comprises indexée sur l'indice national du bâtiment tous corps d'état BT 01 actualisé au jour du dépôt du rapport d'expertise au titre des frais de remise en état du désordre C et une somme de 1 000 euros au titre de ses troubles dans les conditions d'existence. Par ce même jugement, le tribunal a mis les frais de l'expertise à la charge définitive de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux pour un montant de 28 516,17 euros toutes taxes comprises et rejeté le surplus des conclusions des parties.
5. Mme C... relève appel de ce jugement, premièrement, en tant qu'il a limité le montant des indemnités accordées au titre du désordre référencé C, correspondant à l'affaissement de la façade de l'immeuble situé avenue général Leclerc à Narbonne, et de ses troubles dans ses conditions d'existence aux sommes respectives de 42 177,60 euros toutes taxes comprises et 1 000 euros, deuxièmement, en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices liés au coût de reprise des désordres référencés A, B et D, correspondant respectivement à la fissuration du balcon et du garde-corps situés en façade au premier étage de l'immeuble donnant sur l'avenue du général Leclerc, à l'affaissement du plancher de l'appartement situé au premier étage du n° 4, place des Pyrénées et, enfin, aux fissures affectant la façade de l'immeuble donnant sur la place des Pyrénées, ainsi que la demande d'indemnisation de la perte de loyers afférente à la location des appartements sis au n°1, avenue général Leclerc et au n° 4 place des Pyrénées et, enfin, troisièmement, en tant qu'il a limité la dévolution des frais et honoraires de l'expertise à la somme de 28 516,17 euros toutes taxes comprises.
6. M. C..., qui doit être regardé comme ayant présenté un appel principal dès lors qu'il avait la qualité de demandeur en première instance, demande à la cour d'annuler ce même jugement en tant, d'une part, qu'il a limité à 80 % la part de responsabilité de de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux dans la survenance des désordres et limité l'indemnisation des pertes de loyers subies et de son préjudice moral aux sommes respectives de 92 708 euros et 1 000 euros, d'autre part, qu'il a rejeté ses demandes d'indemnisation de la perte de loyers au titre de l'appartement du premier étage de l'immeuble situé n° 1 avenue du général Leclerc et des frais de sondage du plancher et d'étaiement du balcon de ce dernier appartement et, enfin, qu'il a limité les frais d'expertise mis à la charge définitive de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux à la somme de 28 516,17 euros toutes taxes comprises alors qu'une somme de 35 645,22 euros a été mise à la charge des consorts C... à ce titre.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
7. Une requête indemnitaire émanant de plusieurs requérants est recevable si les conclusions qu'elle comporte présentent entre elles un lien suffisant. Dès lors, la circonstance que de telles conclusions soient soumises à des conditions de recevabilité différentes n'est pas de nature à faire obstacle à l'examen, dans une même instance, de leur recevabilité respective.
8. Il résulte des pièces de la procédure que M. C... et Mme C..., sa fille, doivent être regardés comme ayant saisi la cour d'une requête d'appel indemnitaire collective fondée sur le régime de responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics en invoquant le même fait générateur, soit les fuites sur le réseau d'eau potable survenues en 2012 et en 2013, et en se prévalant pour l'un, de sa qualité d'usufruitier de l'immeuble situé au n° 4 place des Pyrénées et, pour l'une, tant de sa qualité de nue-propriétaire de cet immeuble et de celui situé au n° 1 avenue du général Leclerc que de sa qualité d'héritière de sa mère usufruitière de ce dernier immeuble. S'il n'existe aucun obstacle à ce que la recevabilité des conclusions dont ils ont saisi la cour soit examinée dans le cadre de la même instance, cet examen doit, toutefois, s'opérer de manière autonome pour chaque appelant au regard des règles de recevabilité qui lui sont propres.
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions présentées par M. C... :
9. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ". L'article R. 751-3 du même code précise que : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice (...) ".
10. Eu égard à sa qualité de demandeur de première instance et à la double circonstance, d'une part, que ses conclusions d'appel sont dirigées contre des articles distincts du jugement attaqué de ceux contestés par la voie de l'appel par Mme C... et, d'autre part, qu'aucune conclusion d'appel n'est, au principal, dirigée contre lui, la requête de M. C... doit, dès lors, être regardée comme présentant le caractère d'un appel principal. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal que l'intéressé a reçu notification du jugement attaqué le 6 juillet 2021, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à son domicile réel. Son mémoire n'a toutefois été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel que le 16 décembre 2021, soit après l'expiration du délai imparti par les dispositions précitées. Par suite, il a été présenté tardivement et, dès lors, l'appel principal qu'il comporte est irrecevable.
11. Il résulte de l'instruction, en particulier des pièces produites en dernier lieu par Mme C..., que cette dernière a acquis la pleine propriété du bien situé au n° 4 place des Pyrénées par l'effet d'une renonciation unilatérale à usufruit dressée, devant notaire, le 7 juin 2022, à l'initiative de son père, renonçant. Toutefois, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point précédent, la requête d'appel présentée par M. C... est tardive, Mme C... n'est, par voie de conséquence, pas recevable à reprendre l'instance d'appel initiée par son père tendant à la condamnation de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux à lui verser une indemnité au titre des pertes de loyers liées à la location de l'appartement situé au n° 4 place des Pyrénées en se prévalant de la qualité de nue-propriétaire de ce bien par l'effet de la renonciation abdicative de son père à l'usufruit qu'il détenait sur celui-ci par un acte notarié en date du 7 juin 2022.
En ce qui concerne la recevabilité de la requête de Mme C... en ce qu'elle tend à poursuivre l'instance engagée par sa mère au titre de l'usufruit détenu par cette dernière sur certains biens immobiliers en litige :
12. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 724 du code civil : " Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ". Le droit à réparation d'un dommage est, en principe, transmis aux héritiers même si la victime décède avant d'avoir introduit une action en réparation.
13. D'autre part, aux termes de l'article 578 code civil : " L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance ", l'usufruit pouvant être " établi par la loi, ou par la volonté de l'homme " selon les dispositions de l'article 579 du même code.
14. Aux termes de l'article 582 du même code : " L'usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l'objet dont il a l'usufruit ". L'article 584 de ce code précise que : " Les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes (...) ". L'article 586 de ce code dispose que : " Les fruits civils sont réputés s'acquérir jour par jour et appartiennent à l'usufruitier à proportion de la durée de son usufruit. Cette règle s'applique aux prix des baux à ferme comme aux loyers des maisons et autres fruits civils ". L'article 617 du même code prévoit que : " L'usufruit s'éteint : / Par la mort de l'usufruitier ; (...) / Par la consolidation ou la réunion sur la même tête, des deux qualités d'usufruitier et de propriétaire ; (...) ".
15. Si le propriétaire peut consentir, sous réserve des règles d'ordre public, un droit réel conférant le bénéfice d'une jouissance spéciale de son bien, ce droit ne peut être perpétuel et s'éteint, s'il n'est pas limité dans le temps par la volonté des parties, dans les conditions prévues à l'article 617 du code civil.
16. Par ailleurs, en vertu de l'article 617 du code civil, l'usufruit s'éteignant par la mort de l'usufruitier, il ne peut y avoir transmission à cause de mort de ce droit ni d'une action qui en est l'accessoire.
17. Il résulte de l'instruction, éclairée par l'acte de donation-partage entre vifs avec réserve d'usufruit du 11 juin 1981, que de l'union, sous le régime de la séparation de biens, de M. C... et de Mme E..., sont nés trois enfants, F... en 1958, Anne en 1959 et Irénée en 1961 et que le couple a entendu faire à une donation entre vifs, à titre de partage anticipé, de ses biens propres qui ont été divisés en trois lots pour en transmettre la nue-propriété à leurs enfants. Après le décès, survenu le 15 novembre 2020, de Mme E... épouse C..., l'usufruit qu'elle détenait sur l'ensemble situé au n° 1 avenue du général Leclerc s'est éteint et sa fille, F... C... en a acquis, en vertu des dispositions précitées de l'article 617 du code civil, la pleine propriété. Il résulte également de l'instruction et des informations portées, à ce jour, à la connaissance de la cour, que M. C... était usufruitier du bien immobilier situé au n° 4 place des Pyrénées dont sa fille F... C... est nue-propriétaire, jusqu'à ce qu'il renonce unilatéralement à cet usufruit par un acte notarié du 7 juin 2022. Dans ces circonstances, la créance née des dommages de travaux publics dont est susceptible de se prévaloir l'appelante dans le cadre de la présente instance doit être circonscrite tant en ce qui concerne son assiette immobilière que dans le temps.
18. Ainsi, en application des principes et dispositions rappelés aux points 12 à 16, dès lors que Mme E... épouse C... n'avait que la qualité d'usufruitière des biens immobiliers situés au n° 1 avenue du général Leclerc, et que son droit présente, en l'espèce, un caractère viager, son décès, survenu le 15 novembre 2020, a eu pour effet d'éteindre cet usufruit ainsi que, par voie de conséquence, les droits et actions qui en sont l'accessoire au rang desquels figure la créance indemnitaire née du dommage de travaux publics affectant ces biens, laquelle ne peut, dès lors, faire l'objet d'une transmission, par voie de dévolution successorale, à ses ayants droit. Dans ces conditions, l'instance introduite par Mme E... avant son décès devant le tribunal administratif de Montpellier fondée sur l'existence d'une créance de dommage de travaux publics composée de la perte de revenus locatifs s'est éteinte à son décès de sorte que Mme C..., sa fille, ne dispose pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir en appel. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux et par la communauté d'agglomération du Grand Narbonne, tirées du caractère nouveau en appel des conclusions de Mme C... tendant à l'indemnisation de la perte des revenus locatifs, la requête de cette dernière est irrecevable, en tant qu'elle tend à poursuivre l'instance introduite par sa défunte mère devant le tribunal et doit, dès lors, être rejetée, dans cette mesure.
Sur la régularité du jugement attaqué :
19. Un tribunal qui omet de se prononcer sur la dévolution des frais d'expertise méconnaît la règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel.
20. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif ne s'est pas intégralement prononcé sur la dévolution des frais de l'expertise ordonnée par le tribunal, taxés et liquidés à la somme de 35 645,22 euros toutes taxes comprises par une ordonnance du président de ce tribunal du 22 août 2017, et a ainsi méconnu la règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel. Dès lors, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en tant qu'il omet de se prononcer sur la dévolution de la totalité des frais d'expertise.
21. Par suite, il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, de statuer sur la charge des frais d'expertise par la voie de l'évocation et de statuer, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions des parties restant en litige lequel se limite à la seule indemnisation des préjudices subis par Mme C... en qualité de nue-propriétaire des biens immobiliers situés au n° 1 avenue du général Leclerc et au n° 4 place des Pyrénées à Narbonne.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la demande de Mme C... dirigée contre la commune de Narbonne et la communauté d'agglomération du Grand Narbonne :
22. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'introduction de la demande devant le tribunal administratif : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".
23. L'article L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Au sens du présent code et sauf disposition contraire de celui-ci, on entend par : / 1° Administration : les administrations de l'État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ; / (...) ". L'article L. 2224-11 du code général des collectivités territoriales précise que : " Les services publics d'eau et d'assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial ".
24. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 421-1 du code de justice administrative que la condition tenant à l'existence d'une décision de l'administration doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l'administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle, régularisant ce faisant la requête.
25. D'autre part, il résulte de la modification apportée à ce même article par le décret du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative que, depuis l'entrée en vigueur de ce décret le 1er janvier 2017, l'exigence résultant de cet article, tenant à la nécessité, pour saisir le juge administratif, de former recours dans les deux mois contre une décision préalable, est en principe applicable aux recours relatifs à une créance en matière de travaux publics. Toutefois, si les dispositions de l'article R. 421-1 n'excluent pas qu'elles s'appliquent à des décisions prises par des personnes privées, dès lors que ces décisions revêtent un caractère administratif, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune règle générale de procédure ne détermine les effets du silence gardé sur une demande par une personne morale de droit privé qui n'est pas chargée d'une mission de service public administratif. Dans ces conditions, en l'absence de disposition déterminant les effets du silence gardé par une telle personne privée sur une demande qui lui a été adressée, les conclusions, relatives à une créance née de travaux publics, dirigées contre une telle personne privée ne sauraient être rejetées comme irrecevables faute de la décision préalable prévue par l'article R. 421-1 du code de justice administrative.
26. Ainsi qu'il a été dit aux points 7 et 8, une requête indemnitaire émanant de plusieurs requérants est recevable si les conclusions qu'elle comporte présentent entre elles un lien suffisant. Toutefois, cette circonstance ne dispense par le tribunal, notamment lorsque de telles conclusions soient soumises à des conditions de recevabilité différentes, d'examiner, dans une même instance, de leur recevabilité respective.
27. Dès lors que le service public de gestion de l'eau potable et de l'assainissement affermé à la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux par la communauté d'agglomération du Grand Narbonne, venant aux droits de la communauté d'agglomération de La Narbonnaise, constitue, de par la loi, un service public à caractère industriel et commercial, Mme C... n'était pas tenue de saisir cette société d'une demande préalable destinée à lier le contentieux avant de présenter sa demande devant le tribunal. En revanche, dès lors que la commune de Narbonne et la communauté d'agglomération du Grand Narbonne constituent des administrations au sens et pour l'application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, l'intéressée était tenue, en vertu de ce même article, de faire naître une décision prise par ces autorités avant de saisir le tribunal d'une demande indemnitaire. En l'absence, au jour du jugement attaqué de toute décision de ces deux personnes publiques rejetant la demande indemnitaire de Mme C..., c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a regardé la demande de cette dernière en tant qu'elle tendait à la condamnation de la commune de Narbonne et de la communauté d'agglomération du Grand Narbonne comme recevable et l'a rejetée sur le fond, sans réserver la question de la recevabilité de ces conclusions. Toutefois, ainsi qu'il vient d'être dit, eu égard à l'irrecevabilité de ces conclusions à fin d'indemnisation, Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en tant qu'elle est dirigée contre la commune de Narbonne et la communauté d'agglomération du Grand Narbonne.
En ce qui concerne la demande de Mme C... dirigée contre la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux :
S'agissant du cadre juridique applicable :
28. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.
29. Dans l'hypothèse d'une délégation de service public limitée à l'exploitation de l'ouvrage public en cause, comme c'est le cas en matière d'affermage, si la responsabilité des dommages imputables à son fonctionnement relève en principe du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et à son dimensionnement, appartient à la personne publique propriétaire et délégante.
S'agissant de la nature des désordres et de leur lien de causalité avec l'existence d'un ouvrage public :
30. La qualification d'ouvrage public peut être déterminée par la loi. Présentent aussi le caractère d'ouvrage public notamment les biens immeubles résultant d'un aménagement, qui sont directement affectés à un service public.
31. Le 23 décembre 2012, lors de son passage à proximité du mur pignon de l'immeuble donnant sur le n° 4 place des Pyrénées, un autocar s'est enfoncé dans la chaussée, à la suite d'un affouillement causé par l'effondrement d'un collecteur unitaire d'eaux usées et d'eau de pluie situé à une profondeur de 3,50 mètres et longeant cet immeuble, ce qui a créé un trou de quatre mètres de profondeur sur trois mètres de diamètre. Les consorts C... ont fait dresser un procès-verbal de constat par un huissier de justice le lendemain. Le 16 janvier 2013, la société Veolia est intervenue au niveau du n° 1 avenue du général Leclerc en vue de réparer une fuite d'eau sur le branchement en eau potable de l'immeuble qui y est situé. Eu égard à leur utilité, ces deux ouvrages présentent le caractère d'ouvrages publics.
Quant aux fissurations du balcon et du garde-corps maçonné de l'appartement situé au premier étage du n° 1 avenue du général Leclerc :
32. Il résulte de l'instruction que le balcon filant en saillie de l'appartement situé au premier étage au-dessus de l'agence bancaire au n° 1 avenue du général Leclerc présentait un équilibre instable et accusait d'importantes fissurations en sous-face et au niveau de son garde-corps maçonné en raison d'une corrosion importante des profilés métalliques transversaux porteurs, composés de I à profil européen, dits " A... ", lesquels ont été scellés dans le mur de façade sans enduit de protection. L'angle de balcon était également très endommagé. Il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport d'expertise, que ce désordre, répertorié en désordre A par l'expert, était de nature structurelle dès lors que la section des profilés métalliques transversaux scellés dans le mur de façade s'était amoindrie sous l'effet de la corrosion provoquée par la rétention des eaux pluviales dans le balcon dont les exutoires sont insuffisants. Ces profilés métalliques étaient devenus insuffisants pour supporter la charge en porte-à-faux tandis que les éléments porteurs du balcon avaient été partiellement scellés dans l'épaisseur du mur, sans liaisonnement avec le plancher, ce qui en affectait la portance. En outre, il résulte de l'instruction, éclairée par les constatations de l'expert, que l'appartement desservi par ce balcon avait subi un incendie, ce qui avait fragilisé cet ouvrage. Eu égard à leur importance et à la présence d'agrafes sur le garde-corps du balcon, ces désordres étaient antérieurs à l'affaissement de la chaussée consécutif à l'effondrement du collecteur unitaire survenu le 23 décembre 2012 et n'avaient été qu'aggravés par l'affaissement du mur de façade supportant le balcon. Dans ces conditions, dès lors que les désordres affectant le balcon et les garde-corps en litige étaient imputables, avant tout, à la vétusté de l'ouvrage, c'est à bon droit que le tribunal a jugé qu'ils n'avaient pas été de nature à engager la responsabilité de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux.
Quant à l'affaissement du plancher de l'appartement situé au premier étage du n° 4 place des Pyrénées :
33. Il résulte de l'instruction que le plancher de l'appartement situé au premier étage du n° 4 place des Pyrénées est fortement affaissé, laissant apparaître un décollement de l'ordre de deux centimètres sous la plinthe et des fissurations importantes au niveau des cloisons séparatives. Il résulte également de l'instruction, éclairée par le rapport d'expertise, que cet affaissement centimétrique du plancher, référencé désordre B, est d'origine structurelle, des sondages ayant permis de constater, d'une part, une flexion des poutres porteuses en bois qui assurent une portée équivalente à la largeur du bâtiment et, d'autre part, une insuffisance des anciens moisages réalisés en sous-œuvre destinés à reconstituer les appuis des poutres situées sur le mur de façade côté de l'avenue du général Leclerc. Sur ce point, il résulte de l'instruction que la réalisation de structures en sous-œuvre lors de l'aménagement d'une station-service, à travers la création d'une poutre cintrée en partie centrale, puis lors de la transformation du local en agence bancaire, à travers la création d'un ensemble métallique transversal au-dessus du hall d'accueil, a conduit à modifier le système d'appui des poutres porteuses et, partant, à causer l'affaissement du plancher de cet appartement. Par suite, ce désordre, qui est avant tout imputable aux différents choix constructifs opérés sur l'immeuble en litige au gré de ses différentes transformations sans tenir compte de la portance de sa structure, ne peut engager la responsabilité de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le désordre B affectant le plancher du premier étage de l'appartement situé place des Pyrénées n'est pas de nature à engager la responsabilité de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux.
Quant à l'affaissement généralisé de la façade donnant sur l'avenue du général Leclerc :
34. Il résulte de l'instruction que la façade située du côté de l'avenue du général Leclerc présente un affaissement généralisé, référencé désordre C par l'expert, liée à un tassement différentiel des structures. D'une part, le plancher technique du rez-de-chaussée situé le long des vitrines de l'agence bancaire s'est affaissé, ce qui a provoqué une fracture de l'ancien carrelage supportant les vérins, elle-même à l'origine d'un dévers du sol conséquent, la vitre à droite du sas d'entrée s'est brisée tandis que le sas d'entrée et la sous-face du linteau à l'angle du sas se sont décaissés en raison d'un flambement anormal de ces éléments sous l'effet des contraintes provenant de l'étage supérieur. De même, les murs porteurs et des façades présentent un tassement visible à travers la rupture des carrelages et il est impossible de fermer la porte d'accès des toilettes.
35. D'autre part, les appartements situés au premier étage du n° 1 avenue du général Leclerc et le logement situé au n° 4 place des Pyrénées présentent d'importantes fissures qui affectent la structure de l'immeuble, en particulier les fondations du mur de façade donnant sur l'avenue du général Leclerc, le mur de façade, les vitrines, le rez-de-chaussée de l'agence bancaire et les menuiseries à l'étage. Il est constant que le fléchissement du balcon et de son garde-corps situé au premier étage a pu engendrer des efforts sur le mur de façade et que le tassement des immeubles situés dans la rue Mazagran en 2013 et 2014, mitoyens par le mur de refend arrière, a pu également provoquer un mouvement généralisé du bâtiment. Toutefois, il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport d'expertise, que les investigations géotechniques ont permis d'objectiver une forte décompression des sols au niveau de la façade donnant sur l'avenue du général Leclerc correspondant à l'endroit où la fuite du branchement en eau potable a été réparée au mois de janvier 2013. Dès lors que cette fuite peut être regardée comme la cause déterminante de l'affaissement généralisé de la façade donnant sur l'avenue du général Leclerc, la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu l'engagement de sa responsabilité au titre du désordre C.
Quant aux fissures situées sur la façade donnant sur la place des Pyrénées :
36. Il est constant que le pignon de l'immeuble donnant sur la place des Pyrénées présente des fissures à la fois verticales et horizontales, référencées désordre D par l'expert. Toutefois, il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport d'expertise et les photographies qu'il comporte, que ces fissures présentent, au niveau de leurs balèvres, des traces de salissure et de coloration brunâtre permettant d'objectiver leur caractère ancien, l'expert ayant seulement émis l'hypothèse, sans la corroborer, qu'elles pouvaient être la conséquence de l'aménagement, par le passé, de grandes ouvertures en sous-œuvre au rez-de-chaussée lors de la création de la piste intérieure d'une station-service ou d'un mouvement de sol dû à la présence, à proximité du mur, de cuves mal remblayées lors de leur neutralisation ou, éventuellement, des effets indirects des désordres ayant affecté les immeubles situés aux n° 2 et 4 de la rue Mazagran, lesquels pourraient avoir exercé une traction sur les immeubles en litige. Par suite, dès lors que le lien de causalité entre les désordres en litige et l'effondrement du collecteur d'eau sous la chaussée de la place des Pyrénées n'est pas établi, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la responsabilité de la société Veolia ne pouvait être engagée au titre du désordre en litige.
S'agissant de l'existence de causes exonératoires de responsabilité :
37. La société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux soutient que sa responsabilité ne peut être engagée au titre de l'affaissement du dallage près de l'entrée de l'agence bancaire et des ensembles vitrés, sous-désordre relevant du désordre C, dès lors que la fuite survenue avenue du général Leclerc en 2013 a été très limitée et rapidement réparée. Elle se prévaut, en outre, de la vétusté de l'immeuble en litige et de la médiocrité de ses fondations et de ses sols d'assise. Toutefois, par ces éléments, cette société ne conteste pas être en charge de la gestion de la canalisation d'eau potable desservant le n° 1 avenue du général Leclerc et n'établit pas en quoi seule une partie des désordres susceptibles d'être causés par son fonctionnement lui serait imputable.
38. À l'inverse, il résulte de l'instruction que le désordre C comprend trois sous-désordres, d'une part, l'affaissement du dallage du local commercial, d'autre part, la dégradation des ensembles vitrés et, enfin, les fissurations de la façade au niveau des linteaux des fenêtres du premier étage et des trumeaux entre les ouvertures, tous directement imputables à la fuite d'eau survenue en 2013, laquelle a provoqué une forte décompression des sols selon les investigations géotechniques. S'il est constant que l'expert a estimé que le dernier sous-désordre présente une causalité multiple, pouvant être liée à la fois au tassement différentiel des structures du rez-de-chaussée, aux efforts parasites exercé par le balcon maçonné dont la portance n'est plus assurée correctement en raison de la fragilité de ses profilés métalliques et, enfin, aux désordres affectant un immeuble mitoyen, ces deux derniers facteurs n'ont joué qu'un rôle aggravant du désordre C lequel est, avant tout et pris dans son ensemble, imputable de manière déterminante à la fuite d'eau survenue en 2013. En outre, la circonstance selon laquelle l'immeuble en litige présente un état de vétusté n'est pas, à elle seule, de nature à écarter la responsabilité de cette société. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a limité à 80 % la responsabilité de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux dans la survenance des désordres.
39. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a jugé que sa responsabilité était susceptible d'être engagée à l'égard de Mme C... du fait des désordres référencés C causés par la rupture de la canalisation en eau potable desservant le n° 1 avenue du général Leclerc, ouvrage public qu'elle exploite, dont elle devait assurer le bon fonctionnement et au regard duquel l'appelante a la qualité de tiers quand bien même sa propriété serait desservie par cette canalisation et, d'autre part, que Mme C... est fondée à soutenir que cette société est intégralement responsable de la survenance de ces désordres.
S'agissant des préjudices indemnisables :
40. D'une part, aux termes de l'article 605 du code civil : " L'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien. / Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu'elles n'aient été occasionnées par le défaut de réparations d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit ; auquel cas l'usufruitier en est aussi tenu ".
41. D'autre part, lorsqu'un dommage causé à un immeuble engage la responsabilité d'une collectivité publique, le propriétaire peut prétendre à une indemnité couvrant, d'une part, les troubles qu'il a pu subir, du fait notamment de pertes de loyers, jusqu'à la date à laquelle la cause des dommages ayant pris fin et leur étendue étant connue, il a été en mesure d'y remédier et, d'autre part, une indemnité correspondant au coût des travaux de réfection. Ce coût doit être évalué à cette date, sans pouvoir excéder la valeur vénale, à la même date, de l'immeuble exempt des dommages imputables à la collectivité.
42. En premier lieu, l'expert désigné par le tribunal a chiffré à 43 935 euros hors taxes, le montant des travaux nécessaires pour remédier aux désordres référencés C de sorte que le montant de base retenu par le tribunal est, en tout état de cause, erroné. Il résulte des pièces produites par les parties que l'immeuble donnant sur l'avenue du général Leclerc, constitué d'un appartement à l'étage, en travaux lors du sinistre en litige, et d'un local commercial donné à bail à une agence bancaire faisait l'objet d'une exploitation économique le rendant productif de revenus uniquement au bénéfice de Mme E..., épouse C..., jusqu'à son décès tandis qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme C... en tirerait des revenus. Dès lors que les travaux préconisés par l'expert sont strictement nécessaires à la remise en état de l'immeuble suivant le procédé le moins onéreux possible et qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces ouvrages étaient mal entretenus ou faisaient l'objet d'une exploitation économique les rendant productifs de revenus au bénéfice de l'appelante, il n'y a pas lieu d'appliquer un coefficient de vétusté. Par suite, il sera fait une juste appréciation du préjudice lié à la remise en état du désordre C portant sur les dallages du local commercial occupé par l'agence bancaire, les ensembles vitrés et les fissures en façade de l'immeuble donnant sur l'avenue du général Leclerc en condamnant la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux à verser une somme de 43 935 euros hors taxes, soit une somme inférieure à la valeur vénale de l'ensemble immobilier en litige estimée à 395 000 euros par l'expert.
43. En second lieu, le tribunal a fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme C... en condamnant la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux à lui verser une somme de 1 000 euros.
44. Par suite, il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi par Mme C... en portant de 42 177,60 euros toutes taxes comprises à 43 935 euros hors taxes, soit 52 722 euros toutes taxes comprises, la condamnation prononcée à l'encontre de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux par les premiers juges au titre des frais de remise en état de l'ensemble immobilier situé au n° 1 avenue du général Leclerc à Narbonne et en confirmant l'indemnité de 1 000 euros allouée par le tribunal au titre de ses troubles dans les conditions d'existence.
En ce qui concerne l'indexation sur l'indice du coût de la construction :
45. L'évaluation des dommages subis par Mme C... doit être faite à la date où leur cause ayant pris fin et où leur étendue étant connue, elle pouvait procéder aux travaux destinés à y remédier, soit, au plus tard, à la date où l'expert désigné par le tribunal administratif a déposé son rapport. Si Mme C... demande que l'indemnité qui lui est accordée en réparation des désordres soit indexée sur l'indice BT01 du coût de la construction, elle n'établit pas avoir été dans l'impossibilité financière et technique de réaliser les travaux de reprise des désordres référencés C dès la date de dépôt du rapport d'expertise alors qu'il résulte, en tout état de cause, de l'instruction, que le balcon de l'appartement situé au n° 1 avenue du général Leclerc fait l'objet d'une procédure de péril assortie d'une interdiction d'occupation du balcon, que l'appartement desservi par ce balcon était inoccupé et en cours de rénovation et, enfin, que l'agence bancaire qui a pris à bail le local commercial a décidé de fermer son agence le 31 janvier 2014 au soir et a, par une lettre du 5 février suivant, donné congé de son bail. Par suite, c'est à tort que le jugement attaqué a accueilli la demande d'indexation présentée par l'appelante et il n'y a pas lieu d'indexer la condamnation prononcée au point 44 sur l'indice BT01 du coût de la construction.
Sur les appels en garantie :
46. Il résulte de l'instruction que la communauté d'agglomération de la Narbonnaise, aux droits de laquelle vient la communauté d'agglomération du Grand Narbonne, et qui exerce la compétence en matière d'eau potable et d'assainissement, en lieu et place de la commune de Narbonne a, par une délibération du 21 novembre 2005, décidé de déléguer par affermage le service de production, de transport et de distribution publique d'eau potable. Par une délibération du 26 juin 2006, la communauté d'agglomération de la Narbonnaise a délégué la gestion du service public d'eau potable à la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux à compter du 1er janvier 2007. Aux termes de l'article 2 de la convention de délégation de service public : " (...) La gestion du service inclut l'exploitation, dont notamment l'entretien et la surveillance des installations, la réalisation des travaux mis à la charge du fermier par le présent contrat (...) ". L'article 25.4 de ce même contrat stipule que : " Le fermier est chargé à titre exclusif d'assurer la maintenance des branchements. Ces opérations incluent : / a) la maintenance courante des branchements qui comporte : - la surveillance de la partie des branchements située sous le domaine public et la recherche de fuites jusqu'aux compteurs d'entrée dans les immeubles ; (...) / l'élimination des fuites (...) ; / b) le renouvellement et les grosses réparations des branchements (...) ". Aux termes de l'article 31 de cette convention : " Le fermier est responsable, tant vis-à-vis de la collectivité que vis-à-vis des usagers et des tiers des dommages causés par le fonctionnement du service affermé. (...) ".
47. Dès lors que l'obligation d'entretien des ouvrages de distribution d'eau potable pèse sur le fermier du service et que la fuite de la canalisation servant de branchement à l'immeuble situé au n° 1 avenue du général Leclerc résulte du mauvais entretien de l'ouvrage, cette fuite doit être regardée comme liée au fonctionnement et non à l'existence, à la nature ou au dimensionnement de cet ouvrage, conformément au principe rappelé au point 29 du présent arrêt. Par suite, les désordres occasionnés par la fuite en litige relèvent de la responsabilité du fermier. Dans ces conditions la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté son appel en garantie formé contre la communauté d'agglomération du Grand Narbonne et, en tout état de cause, la commune de Narbonne.
Sur les dépens :
48. Compte tenu de l'annulation prononcée au point 21, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés par une ordonnance du président du tribunal administratif de Montpellier du 22 août 2017 à la somme de 35 645,22 euros toutes taxes comprises, à la charge définitive de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux.
49. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que les frais et honoraires de l'expertise doivent être mis, dans leur intégralité, à la charge définitive de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux et, d'autre part, que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a limité la condamnation de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux au titre de l'indemnisation des désordres C à la somme de 42 177,60 euros toutes taxes comprises au lieu de celle de 52 722 euros toutes taxes comprises.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
50. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, la communauté d'agglomération du Grand Narbonne et la commune de Narbonne demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
51. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux une somme de 1 500 euros à verser tant à Mme C..., qu'à la communauté d'agglomération du Grand Narbonne et à la commune de Narbonne au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
52. L'appel incident de M. C... étant rejeté en raison de son irrecevabilité, les conclusions présentées par l'intéressé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à l'encontre de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE:
Article 1 : Le jugement n° 1800236 du tribunal administratif de Montpellier du 1er juillet 2021 est annulé en tant qu'il a omis de se prononcer intégralement sur la dévolution de la charge des frais d'expertise.
Article 2 : La somme de 42 177,60 euros toutes taxes comprises que la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux a été condamnée à payer à Mme C... à l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er juillet 2021 est portée à la somme de 52 722 euros toutes taxes comprises.
Article 3 : Le jugement n° 1800236 du 1er juillet 2021 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les frais et honoraires de l'expertise taxés et liquidés par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Montpellier du 22 août 2017 sont mis à la charge définitive de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux.
Article 5 : La société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux versera tant à Mme C..., qu'à la communauté d'agglomération du Grand Narbonne et à la commune de Narbonne une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme F... C..., à la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, à la communauté d'agglomération du Grand Narbonne et à la commune de Narbonne.
Copie en sera adressée pour information à l'expert.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2023.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL03821