Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... D... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision du 6 avril 2018 par laquelle le maire de la commune de Doissin s'est opposé à la déclaration préalable déposée en vue de la construction d'une piscine enterrée sur leur terrain, et, d'autre part, d'annuler la décision du 18 mai 2019 par laquelle le maire s'est opposé à la construction d'une piscine hors sol ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1906802 du 19 juillet 2021, le tribunal administratif a annulé la décision du 18 mai 2019 par laquelle le maire s'est opposé à la construction d'une piscine hors sol ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux et a rejeté le surplus des conclusions de M. D... et Mme A....
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 septembre 2021 et 20 janvier 2023, la commune de Doissin, représentée par Me La Rizza, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 juillet 2021 en ce qu'il a annulé la décision du 18 mai 2019 par laquelle le maire s'est opposé à la construction d'une piscine hors sol ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;
2°) de rejeter la requête de M. D... et Mme A... présentée devant le tribunal administratif ;
3°) enjoindre à M. D... et Mme A... de remettre le terrain en l'état sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de M. D... et Mme A... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions ne sont pas entachées d'incompétence ;
- le projet en litige méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en ce que le terrain d'assiette du projet est situé en zone BG2 sur la carte des aléas naturels et compte tenu de la présence au-dessus du terrain des requérants d'une route départementale et d'une habitation ; les requérants ont creusé le talus présent sur leur terrain afin de mettre à niveau le sol pour construire la piscine ce qui constitue un danger pour la sécurité publique ;
- l 'étude géotechnique produite à la demande de la commune ne porte que sur la stabilité externe du mur de soutènement et ne répond pas aux exigences fixées par la mairie afin de respecter la prévention des risques naturels et la sécurité publique ; le nouveau PLUi adopté le 13 janvier 2020 interdit les piscines sur le secteur BG2 qui est l'assiette du projet des requérants ;
- l'objet de la deuxième déclaration de travaux constitue une piscine enterrée et non une piscine hors sol dès lors que les pétitionnaires ont creusé le terrain afin de la déposer contre un mur de soutènement ;
- le fait que l'étude des sols ne répond pas à la problématique de la vérification du bon dimensionnement de l'ouvrage de rejet des eaux de vidange suffit à justifier l'arrêté d'opposition.
Par des mémoires enregistrés les 14 octobre 2021, 20 octobre 2021 et 31 janvier 2023, Mme B... A... et M. C... D..., représentés par Me Cheham, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Doissin le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête d'appel est irrecevable faute pour la commune de justifier d'une délégation du conseil municipal élu à l'issu des élections de mars 2020, au maire pour ester en justice et interjeter appel du jugement attaqué ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 30 janvier 2023 la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023.
Par un courrier du 14 juin 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de retenir l'incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur les conclusions présentées par la commune de Doissin tendant à ce qu'il soit enjoint à M. D... et Mme A... de remettre le terrain en l'état sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,
- et les conclusions de M. Laval, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 6 avril 2018, le maire de Doissin a fait opposition à la déclaration préalable déposée par Mme A... et M. D... pour un projet de construction d'une piscine enterrée de 8 mètres sur 4 mètres sur une parcelle cadastrée section A ... située ... route de Virieu à Doissin. Suite à une nouvelle déclaration préalable, portant sur l'implantation d'une piscine hors-sol sur le même tènement, le maire de Doissin, par un arrêté du 18 mai 2019, a de nouveau fait opposition à ce projet. Mme A... et M. D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler ces deux arrêtés. La commune de Doissin relève appel du jugement du 19 juillet 2021 du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il a annulé la décision du 18 mai 2019 portant opposition à la déclaration préalable pour la construction d'une piscine hors sol ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.
Sur la recevabilité de la requête de la commune de Doissin :
2. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales dans sa version applicable à la date de l'arrêté en litige : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) / 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2132-1 du même code : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune. ". Enfin, l'article L. 2132-2 de ce code dispose que : " Le maire, en vertu de la délibération du conseil municipal, représente la commune en justice. ". Il résulte de ces dispositions que le conseil municipal peut légalement donner au maire une délégation générale pour ester en justice au nom de la commune pendant la durée de son mandat.
3. Par une délibération du 18 juillet 2020, régulièrement publiée sur le site Internet de la commune de Doissin et librement accessible, le conseil municipal de Doissin a donné délégation au maire pour notamment, " intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle ". Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par Mme A... et M. D... doit être écartée.
Sur la légalité de la décision du 18 mai 2019 portant opposition à la déclaration préalable :
4. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
5. Pour s'opposer à la déclaration préalable déposée par Mme A... relative à l'installation d'une piscine hors-sol, située en zone d'aléa G2 (glissement de terrain), le maire de Doissin a retenu que l'étude géotechnique dont la commune avait demandé la production dans le cadre de l'instruction de la demande, réalisée par la société Fondasol et datée du 12 février 2019, n'a pas vérifié la stabilité interne du mur de soutènement et que la même étude géotechnique ne portant pas sur l'infiltration des eaux de vidange, ne s'est pas prononcée sur le bon dimensionnement de l'ouvrage de rejet desdites eaux.
6. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé en zone G2 (glissement de terrain) selon la carte des aléas sur fonds cadastral établie en mai 2008 et modifiée en décembre 2011, correspondant à un risque moyen. L'étude géotechnique produite à l'appui du dossier de déclaration porte sur la stabilité du mur réalisé dans le cadre de l'aménagement d'une piscine hors sol mais émet également un avis général sur la stabilité de la zone. Il en ressort que le site étudié est en aval d'une maison existante dans un versant en pente et qu'à l'aval du site, il est observé une pente rectiligne d'environ 10 degrés sur 50 mètres suivie d'une pente approchant les 20 degrés. Cette étude précise que l'ouvrage réalisé est un mur de soutènement en " T ", d'une épaisseur de 20 cm et d'une hauteur de 1,65 m, avec un patin situé 40 cm avant le radier de la piscine et un patin situé à l'arrière de 0,7 à 1 mètre, et qu'enfin, l'ouvrage a été drainé en amont par la mise en place de matériaux drainant, d'un géotextile ainsi que d'un drain. Enfin, cette étude précise, après analyse de la stabilité externe, qu'aucune surcharge n'a été considérée en amont du mur et que, s'agissant de la stabilité des terrains à l'aval de la construction, " compte tenu de la faible pente de l'ordre de 10 degrés observée jusqu'à 50 mètres en aval de la construction et en considérant le poids naturel des terres avant terrassement, la piscine n'engendrera pas, par son poids, une instabilité des terrains existants ". Compte tenu de ces éléments et au regard de la nature et du caractère modeste du projet, la commune de Doissin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'opposition à déclaration préalable était entachée d'erreur d'appréciation au regard du risque de glissement de terrain invoqué.
7. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit, l'opposition à déclaration préalable en litige est également fondée sur la circonstance que l'étude géotechnique précitée ne porte pas sur l'infiltration des eaux de vidange et ne s'est pas prononcée sur le bon dimensionnement de l'ouvrage de rejet desdites eaux. Si le terrain d'assiette du projet est en zone G2 (risque moyen de glissements de terrain) et non en zone G1n1 (risque faible pour les " glissements de terrain infiltrations déconseillées "), aucune pièce du dossier de déclaration ne précise les modalités d'infiltration des eaux et le dimensionnement de l'ouvrage de rejet de ces eaux ou encore sur les modalités alternatives de vidange, l'étude géotechnique se bornant à préciser que " l'infiltration des eaux est réalisée dans un puit perdu à proximité de la piscine soit dans la zone présentant une pente générale de 10°. Compte tenu de l'éloignement de la rupture de pente, dans le cas d'un ouvrage correctement dimensionné, la diffusion des eaux infiltrées ne recoupera pas la pente aval. Nota : Notre étude ne portant pas sur l'infiltration des eaux, nous ne pouvons pas nous prononcer sur le bon dimensionnement de l'ouvrage de rejet. ". Compte tenu de ces circonstances, en s'opposant à la déclaration préalable en litige pour ce motif, la commune de Doissin n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme précitées.
8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Doissin est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision du 18 mai 2019 portant opposition à la déclaration préalable pour la construction d'une piscine hors sol ainsi que la décision implicite de rejet du leur recours gracieux de Mme A... et M. D..., les premiers juges ont retenu que le motif lié à la protection de la sécurité publique n'étant pas établi, ne pouvait fonder l'opposition faite à la déclaration préalable.
9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme A... et M. D... tant en première instance qu'en appel.
10. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 18 mai 2019 portant opposition à la déclaration préalable pour la construction d'une piscine hors sol a été prise par le maire de Doissin, autorité compétente en vertu de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme.
11. Il résulte de ce qui précède que la commune de Doissin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui doit être annulé, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de Mme A... et M. D....
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Si la commune de Doissin demande au tribunal d'enjoindre à M. D... et à Mme A... de remettre le terrain dans son état naturel, de telles conclusions ne sont pas au nombre de celles susceptibles d'être présentées devant le juge administratif et doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Doissin présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Doissin, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à Mme A... et M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1906802 du 19 juillet 2021 du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 18 mai 2019 par laquelle le maire s'est opposé à la construction d'une piscine hors sol ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux présenté par Mme A... et M. D....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la commune de Doissin est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A... et M. D... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et M. C... D... et à la commune de Doissin.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Camille Vinet, présidente de la formation de jugement,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 août 2023.
La rapporteure,
C. BurnichonLa présidente,
C. Vinet
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY03085 2