Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 mai 2023 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2302905 du 7 juin 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français et a renvoyé à une formation collégiale les conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 décembre 2024 et 25 mars 2025, M. B... A..., représenté par Me Kermarrec, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 mai 2023 par lequel le préfet d'Ille-et Vilaine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trois jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;
4°) à titre subsidiaire, de réduire la durée de l'interdiction de retour qui lui a été imposée ;
5°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- ce jugement, qui répond de manière stéréotypée au moyen tiré de ce que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation, est insuffisamment motivé ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision a été prise en violation de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est le parent d'un enfant français et justifie contribuer à l'entretien et l'éducation de celui-ci ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision doit être annulée par voie de conséquence ;
En ce qui concerne la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire :
- elle sera annulée par voie de conséquence ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Par un mémoire enregistré le 24 février 2025, le préfet d'Ille-et Vilaine conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen né en 1988, a épousé en Guinée le 21 septembre 2017 une ressortissante française dont il a eu un enfant né le 21 juin 2018. Entré régulièrement en France le 11 avril 2018 pour rejoindre son épouse sous couvert d'un visa D de long séjour " portant la mention vie privée et familiale ", il a obtenu, en dernier lieu, un titre de séjour temporaire valable du 16 avril 2019 au 15 avril 2021 qui lui a été délivré sur le fondement de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et dont il a sollicité le renouvellement le 16 février 2021, en tant que parent d'enfant français, sur le fondement de l'article L. 423-7 du même code. Il a fait l'objet le 26 mai 2023 d'un arrêté par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine lui a refusé le titre de séjour qu'il sollicitait, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 12 juin 2024 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Pour écarter le moyen, invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré du défaut d'examen particulier de la situation du requérant, le magistrat désigné du tribunal a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier que le préfet avait procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé et qu'il ne pouvait être reproché à cette autorité de s'être abstenue de vérifier si l'intéressé n'était pas de nationalité française en raison d'une adoption plénière dès lors que, au cours de son audition du 24 mai 2023, il avait clairement et expressément déclaré être de nationalité guinéenne.
4. Il ressort des mentions du jugement attaqué que le magistrat désigné, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés par M. A..., a suffisamment motivé sa décision en énonçant les considérations de droit et de fait qui la fondent, y compris dans la réponse qu'il a apportée au moyen mentionné ci-dessus au point 3. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait irrégulier, faute d'une motivation suffisante.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
6. Si M. A... soutient qu'il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il est le père d'un enfant français mineur résidant en France et qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de celui-ci depuis sa naissance le 21 juin 2018 ou depuis au moins deux ans, il ne produit pas d'éléments suffisants permettant d'en justifier et notamment de nature à établir la persistance, au-delà du début de l'année 2021, de l'aide financière apportée sous la forme de virements et de la prise en charge des frais de crèche de l'enfant, ou l'impécuniosité qui aurait fait obstacle à toute contribution financière de sa part. Il ne démontre pas non plus l'existence d'une situation conflictuelle avec son ex-compagne qui l'aurait empêché, malgré lui, de s'occuper effectivement de son enfant.
7. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule que " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, de tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est séparé depuis plusieurs années de Mme C..., son épouse, et qu'une procédure de divorce est en cours. Les mêmes pièces révèlent que, si M. A... est le père d'un enfant français né le 21 juin 2018, comme indiqué au point 6, il n'établit pas avoir contribué effectivement à son entretien et à son éducation. Son intégration est limitée et disqualifiée par les condamnations figurant sur son casier judiciaire, qui, selon les termes de la décision rendue en dernier lieu le 25 avril 2023 par la juridiction d'application des peines du tribunal judiciaire de Rennes révoquant pour deux mois le sursis probatoire de deux ans dont il bénéficiait, porte mention de quatre condamnations : une composition pénale le 9 janvier 2020 pour des violences intrafamiliales commises en octobre 2019, une peine de 8 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans pour des faits de vols et de violences intrafamiliales commises entre le 1er juin et le 25 octobre 2019, une peine de 4 mois d'emprisonnement pour des violences intrafamiliales commises le 21 août 2021 et une peine de 8 mois d'emprisonnement dont 4 mois avec sursis probatoire pendant 2 ans pour des menaces de mort envers son ex-compagne du 20 au 21 février 2022, l'ensemble de ces faits ayant été commis à l'encontre de son ex-épouse et mère de son enfant. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale alors même que M. A... est entré en France le 11 avril 2018, qu'il y a résidé régulièrement jusqu'au 15 avril 2021, qu'y séjournent en situation régulière des personnes qu'il présente comme ses frères et sœurs, sans toutefois justifier de leur lien de parenté ni de l'existence entre elles et lui de liens d'une particulière intensité, et, enfin, qu'il serait entré une première fois en France où il aurait été adopté par une ressortissante française et aurait suivi une scolarité entre le CP et le CM1 avant de repartir en Guinée, circonstance qu'il a déclarée au cours de l'enquête de personnalité réalisée pour l'information des tribunaux judiciaires ayant statué pénalement sur sa situation, mais qui n'est corroborée par aucun élément probant. De même, il ne peut être considéré qu'en prenant la mesure d'éloignement litigieuse, le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait méconnu l'obligation s'imposant à lui d'attacher une considération primordiale à l'intérêt du fils de M. A.... Les moyens tirés de la violation des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
En ce qui concerne les décisions refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination :
9. M. A... n'est pas fondé, compte-tenu de ce qui a été dit ci-dessus, à demander que ces décisions soient annulées par voie de conséquence.
En ce qui concerne l'interdiction de retour :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. ". L'article L. 612-10 du même code dispose que " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.
Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
11. Eu égard à la menace pour l'ordre public que représente la présence en France de M. A..., condamné pénalement à de multiples reprises et jusque récemment par le juge judiciaire pour des faits répétés ou de même nature, il ne peut être considéré que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait fait une inexacte application des dispositions citées au point 10 en décidant d'interdire le retour en France de M. A... pendant 3 ans. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré par l'appelant d'une violation des stipulations figurant au paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête tendant à l'arrêté du 26 mai 2023 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans le délai le territoire français et a fixé le pays de destination. Ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et Vilaine.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2025.
Le rapporteur,
G-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT036242