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04/06/2024 | FRANCE | N°22BX02264

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 04 juin 2024, 22BX02264


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Grand garage auscitain a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période courant du 1er janvier 2013 au 30 juin 2016.

Par un jugement n° 1902608 du 15 juin 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête et

un mémoire, enregistrés le 12 août 2022 et 1er décembre 2023, la société Grand garage Auscitain, représentée par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Grand garage auscitain a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période courant du 1er janvier 2013 au 30 juin 2016.

Par un jugement n° 1902608 du 15 juin 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 août 2022 et 1er décembre 2023, la société Grand garage Auscitain, représentée par Me Franc-Valluet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 15 juin 2022 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes courant du 1er janvier 2013 au 30 juin 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- en l'absence de contestation du caractère régulier, sincère et probant de sa comptabilité, la méthode utilisée par l'administration en vue de déterminer les insuffisances de déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, consistant à examiner globalement les seuls comptes n° 46740000 et n° 46750000 pour la Sarl 3B Autos, et le compte n° 46780000 pour la Sarl MG Autos, sans pointer les encaissements effectifs, est imprécise et conduit à une exagération des bases d'impositions rectifiées ;

- la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée implique nécessairement la décharge des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré y afférents ;

- s'agissant de la majoration de 40 %, l'administration ne démontre pas le caractère intentionnel d'éluder l'impôt.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 février 2023 et le 12 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 mars 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier

Vu :

- le code général des impôts et livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pauline Reynaud,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,

- et les observations de Me Franc-Valluet, représentant la société à responsabilité limitée Grand garage auscitain.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée Grand garage auscitain exerce à titre principal une activité d'achat, vente et réparation de véhicules automobiles neufs et d'occasion. En outre, elle exerce des activités de prestations de services consécutives à la conclusion de baux de sous-location conclus le 1er octobre 2010 avec la Sarl 3B Autos et la Sarl MG Autos, dont les loyers, facturés mensuellement, ainsi que la refacturation des mises à disposition du personnel à la société MG Autos, sont soumis à taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la TVA au titre de la période courant du 1er janvier 2013 au 30 juin 2016, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a informé la société, par proposition de rectification du 19 décembre 2016, qu'elle envisageait de procéder à des rappels de TVA au titre de la TVA collectée non déclarée sur les prestations de services facturées aux sociétés 3B Autos et MG Autos. La réclamation formée le 27 mars 2019 ayant été rejetée par une décision de l'administration du 20 septembre 2019, la société Grand garage auscitain a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de ces rappels de TVA, ou, à titre subsidiaire, d'en opérer la compensation avec d'autres sommes à son crédit. La société Grand garage auscitain relève appel du jugement n° 1902608 du 10 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ".

3. Il résulte des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales (LPF) que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées, de façon à permettre à l'intéressé de formuler ses observations de façon entièrement utile.

4. La proposition de rectification du 19 décembre 2016 adressée à la société Grand garage auscitain précise la nature des impositions, les années concernées, et énonce précisément les considérations de droit et de fait sur lesquelles l'administration s'est fondée pour justifier les rectifications envisagées, tenant à ce que la TVA collectée sur les factures de prestations de services réglées par les clients 3B Autos et MG Autos n'a pas été déclarée sur les déclarations CA3 souscrites sur la période vérifiée. Ainsi, cette motivation a permis à la société appelante d'engager utilement, comme elle l'a fait, une discussion sur les rectifications notifiées. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

En ce qui concerne le bien fondé des impositions :

5. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I.- Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) ". Aux termes de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée : / a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers (...) ". L'article 269 de ce code dispose que : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) / 2. La taxe est exigible : a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b et d du même 1, lors de la réalisation du fait générateur ; (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. En cas d'escompte d'effet de commerce ou de transmission de créance, l'exigibilité intervient respectivement à la date du paiement de l'effet par le client ou à celle du paiement de la dette transmise entre les mains du bénéficiaire de la transmission. (...) ".

6. Ainsi qu'il a été rappelé au point 1, la société Grand garage auscitain exerce des activités de prestations de services consécutives à la conclusion de baux de sous-location conclus le 1er octobre 2010 avec la Sarl 3B Autos et la Sarl MG Autos, dont les loyers, facturés mensuellement, ainsi que la refacturation des mises à disposition du personnel à la société MG Autos, sont soumis à TVA. Par ailleurs, en matière de prestations de service, la TVA est inscrite au crédit du compte 4457 " TVA collectée " et devient exigible au moment des encaissements. Après déduction de la TVA non encore exigible pour les factures non encaissées, le solde de ce compte correspond alors au montant de la taxe collectée à déclarer. Lors des opérations de déclaration, le montant de la TVA déductible enregistré au compte 4456 est imputé au débit du compte 4457 et le solde de ce dernier compte constitue le montant de la dette envers le Trésor en matière de TVA.

7. Il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 19 décembre 2016, que dans le cadre de la vérification de comptabilité engagée par l'administration, celle-ci est intervenue dans les locaux de la société Grand garage auscitain les 6, 19 et 26 septembre 2016, le 7 octobre et le 2 décembre 2016. Lors de ces interventions, l'administration a bien procédé à l'analyse de l'ensemble des factures émises par la société appelante, ainsi que des pièces se rapportant aux encaissements, afin de déterminer le montant de la TVA devenue exigible ainsi que celui de la TVA éludée. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration ne s'est pas bornée à constater des soldes de comptes en début et fin de période vérifiée mais a procédé à l'analyse des encaissements qui y étaient retracés afin de déterminer si les factures émises à l'encontre de la société 3B Autos et de la société MG Autos avaient fait l'objet d'encaissements lors de la période vérifiée, rendant la TVA afférente exigible. Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Pau, qui n'a pas inversé la charge de preuve, la société Grand garage auscitain n'est pas fondée à soutenir que la méthode employée par l'administration serait une méthode globale ne permettant pas d'atteindre une précision suffisante, conduisant à une exagération artificielle des bases d'imposition rectifiées.

En ce qui concerne les pénalités et majorations :

S'agissant des pénalités :

8. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. / (...) / III. - Le taux de l'intérêt de retard est de 0,40 % par mois. Il s'applique sur le montant des créances de nature fiscale mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. (...) ".

9. L'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales. Si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié.

10. Il résulte de ce qui précède que, dès lors que la société Grand garage auscitain n'est pas fondée à demander la décharge des rappels de TVA mis à sa charge au titre de la période courant du 1er janvier 2013 au 30 juin 2016, elle n'est pas fondée, pour ce motif, à demander la décharge des intérêts de retard afférents à ces rappels.

S'agissant de la majoration pour manquement délibéré :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour objet de sanctionner la méconnaissance délibérée par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir de tels manquements, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations, et, d'autre part, de l'intention du contribuable d'éluder l'impôt. Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt.

13. Il résulte de l'instruction que pour justifier de l'application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a relevé que sur la période vérifiée, la société Grand garage auscitain n'a pas reversé la TVA collectée auprès des sociétés 3B Autos et MG Autos, pourtant exigible. Compte tenu du caractère répété et de l'importance des minorations de TVA déclarée dans les déclarations CA3 de la société, l'administration apporte la preuve qui lui incombe que la société Grand garage auscitain a délibérément cherché à éluder l'impôt en litige. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à demander la décharge de la majoration de 40 % appliquée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Grand garage auscitain n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période courant du 1er janvier 2013 au 30 juin 2016.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Grand garage auscitain au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Grand garage auscitain est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Grand garage auscitain et au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024

La rapporteure,

Pauline ReynaudLa présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02264


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02264
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : HOPPEN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;22bx02264 ?
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