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21/06/2024 | FRANCE | N°22NT01281

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 21 juin 2024, 22NT01281


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Ateliers Normand a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique l'a mise en demeure de remettre en état le site qu'elle exploitait sur un terrain situé 41, quai de Versailles à Nantes, ainsi que la décision du 21 octobre 2019 portant rejet de recours gracieux.



Par un jugement n° 1913817 du 3 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
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Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 26 avril 2022, la société...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ateliers Normand a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique l'a mise en demeure de remettre en état le site qu'elle exploitait sur un terrain situé 41, quai de Versailles à Nantes, ainsi que la décision du 21 octobre 2019 portant rejet de recours gracieux.

Par un jugement n° 1913817 du 3 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 avril 2022, la société Ateliers Normand, représentée par la SELARL HB Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 et la décision du 21 octobre 2019 du préfet de la Loire-Atlantique.

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Ateliers Normand soutient que :

- le signataire de l'arrêté contesté est incompétent ; la délégation de signature qui lui a été consentie par le préfet n'est pas suffisamment précise ;

- elle n'est pas débitrice de l'obligation de remise en état du site ; la pollution par hydrocarbures n'a pas été causée par l'activité qu'elle a déclarée ;

- la pollution constatée au droit du point de sondage S11 est antérieure à la déclaration de son activité au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement.

Par une ordonnance du 31 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mars 2023.

Un mémoire enregistré le 21 mai 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, a été présenté par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dias,

- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. La société Ateliers Normand, entreprise spécialisée dans l'agencement de points de vente, de locaux de prestige et de navires exerçait, jusqu'au 21 mars 2016, sur un terrain dont elle était locataire, situé 41, quai de Versailles à Nantes, des activités de travail du bois ainsi que d'application, de cuisson, et de séchage de vernis, de peinture, d'apprêt, de colle ou d'enduit, correspondant, respectivement, aux rubriques 2410 et 2940 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, déclarée le 13 mars 2001 au titre de cette législation. Elle a notifié à la préfète de la Loire-Atlantique la cessation de ces activités, le 4 mai 2018. Au vu d'une étude de sols réalisée, le 19 mars 2019, à la demande de cette société, et relevant la présence, sur le site, notamment, de deux zones de pollution des sols par hydrocarbures, l'inspecteur des installations classées a constaté, dans un rapport du 21 mai 2019, que la société Ateliers Normand n'avait pas respecté les prescriptions de remise en état du site imposées par l'article R. 512-66-1 du code de l'environnement. Après avoir mis en œuvre une procédure contradictoire, le préfet de la Loire-Atlantique a notifié à la société Ateliers Normand un arrêté du 20 juin 2019 portant mise en demeure, sur le fondement de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, de respecter les dispositions de l'article R. 512-66-1 du même code, en remettant le site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et qu'il permette un usage futur du site comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation. La société Ateliers Normand relève appel du jugement du 3 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2019 du préfet de la Loire-Atlantique ainsi que de la décision du 21 octobre 2019 par laquelle cette autorité a rejeté le recours gracieux formé contre cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes du I de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " I. Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 512-12-1 du code de l'environnement : " Lorsque l'installation soumise à déclaration est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant place le site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur comparable à la dernière période d'activité de l'installation. Il en informe le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation ainsi que le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme. ". Aux termes de l'article R. 512-66-1 du même code : " I. - Lorsqu'une installation classée soumise à déclaration est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant notifie au préfet la date de cet arrêt un mois au moins avant celui-ci. Il est donné récépissé sans frais de cette notification. Un arrêté du ministre chargé des installations classées fixe le modèle national de cette notification et précise les conditions dans lesquelles elle est transmise par voie électronique. (...) / II. - La notification prévue au I indique les mesures prises ou prévues pour assurer, dès l'arrêt de l'exploitation, la mise en sécurité du site. (...) / III. - En outre, l'exploitant doit placer le site de l'installation dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation. Il en informe par écrit le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation ainsi que le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme. ".

4. L'obligation de remise en état du site pèse sur l'ancien exploitant ou, si celui-ci a disparu, sur son ayant droit. Lorsque l'exploitant ou son ayant droit a cédé le site à un tiers, cette cession ne l'exonère de ses obligations que si le cessionnaire s'est substitué à lui en qualité d'exploitant. Il incombe ainsi à l'exploitant d'une installation classée, à son ayant droit ou à celui qui s'est substitué à lui, de mettre en œuvre les mesures permettant la remise en état du site qui a été le siège de l'exploitation dans l'intérêt, notamment, de la santé ou de la sécurité publique et de la protection de l'environnement. L'autorité administrative peut contraindre les personnes en cause à prendre ces mesures et, en cas de défaillance de celles-ci, y faire procéder d'office et à leurs frais, en tenant compte, le cas échéant, d'exploitations ultérieures sur le même site par d'autres personnes.

5. Il résulte de l'instruction que, pour prononcer la mise en demeure litigieuse, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé sur le rapport du 21 mai 2019 de l'inspection des installations classées relevant la présence sur le terrain qui constituait le siège de l'installation exploitée par la société Ateliers Normand, notamment, d'hydrocarbures au droit des points des sondages S4 et S11 réalisés par la société ECR Environnement.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport de l'expert désigné par le tribunal de commerce, à la demande de la société propriétaire du site loué par la société Ateliers Normand, que la zone de pollution en hydrocarbures constatée au droit du point de sondage S4 résulte d'une fuite accidentelle, survenue le 8 août 2012, à l'occasion du percement de " la conduite de refoulement de fuel provenant de la chaudière du bâtiment abritant les bureaux " de la société Ateliers Normand, entraînant le déversement de 3 000 litres de fuel domestique notamment sur la parcelle n°78, siège de l'exploitation. Il résulte de ce même rapport d'expertise que le dommage a été causé par des travaux de sondage des sols effectués par l'entreprise chargée de réaliser une étude géotechnique, à la demande d'une société de promotion immobilière qui envisageait de se porter acquéreur du site, pour y édifier un immeuble à usage d'habitation. Toutefois, la pollution qui en est résultée se rattachant directement à l'activité de l'installation des Ateliers Normand dès lors qu'elle concerne un équipement nécessaire à son activité, l'obligation de remise en état du site au regard de cette pollution incombe à la société Ateliers Normand, en sa qualité de dernier exploitant de l'installation.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et notamment du résumé non technique du rapport rédigé au mois de mars 2019 par la société ECR environnement, chargée par la société requérante de réaliser un diagnostic de la qualité des sols du site de l'entreprise, que les sondages effectués au droit du point S11 ont révélé la présence d'hydrocarbures, d'une part, C10-C40, d'autre part, BTEX et HAP. La société Ateliers Normand se borne à soutenir que, selon le rapport établi par la société ECR Environnement, les seules pollutions susceptibles d'être engendrées par son activité sont relatives aux " COHV " et au " BTEX " présents dans les vernis et les peintures " sans toutefois faire le lien entre son activité et ces pollutions " et que cette pollution est probablement en lien avec le remplissage d'une cuve présente sur le site mais qui n'est plus utilisée depuis une trentaine d'années et, à tout le moins depuis que l'activité a été déclarée, le 13 mars 2001. Ce faisant, toutefois, elle n'établit pas que cette pollution serait étrangère à son activité alors qu'il ressort du rapport établi par la société ECR Environnement que la société Ateliers Normand, créée en 1930, a exercé sur la parcelle litigieuse " depuis près d'un siècle, une " activité de travail du bois concomitante à un emploi varié de vernis, peintures et colle ". Par suite, l'obligation de remise en état du site au regard de cette pollution incombe également à la société Ateliers Normand en sa qualité de dernier exploitant de l'installation.

8. Compte tenu des pollutions constatées sur le site de l'exploitation de la société Ateliers Normand et de ce que celles-ci se rattachent directement à l'activité déclarée par cette société au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, le préfet de la Loire-Atlantique était tenu, en application de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, de mettre en demeure la société Ateliers Normand de prendre les mesures propres à remédier à cette pollution. Le moyen tiré de ce qu'en prononçant cette mise en demeure, le préfet de la Loire-Atlantique a méconnu les dispositions de cet article ainsi que celles de l'article R. 512-66-1 du code de l'environnement doit donc être écarté.

9. En troisième lieu, le préfet se trouvant dans une situation de compétence liée pour prononcer la mise en demeure contestée, la société Ateliers Normand ne peut utilement soutenir que l'arrêté litigieux aurait été signé par une autorité incompétente. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 29 mars 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, le préfet de la Loire-Atlantique a donné à M. Boulanger, secrétaire général de la préfecture, délégation à l'effet de signer, en toutes matières, tous les actes relevant des attributions du préfet à l'exclusion de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les arrêtés d'autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. Cette délégation de signature n'est ni trop générale ni trop imprécise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. Boulanger, signataire de l'arrêté contesté ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ateliers Normand n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande la société Ateliers Normand au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de la société Ateliers Normand est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ateliers Normand et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01281
Date de la décision : 21/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : HB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-21;22nt01281 ?
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