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29/09/2020 | FRANCE | N°18NC02723

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 29 septembre 2020, 18NC02723


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2017 par lequel le maire de Saint-Julien-les-Metz l'a licenciée à l'issue de sa période d'essai.

Par un jugement no 1801408 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 octobre 2018 et le 18 mai 2020, la commune de Saint-Julien-les-Metz, représentée par Me B..., demande

à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 septembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2017 par lequel le maire de Saint-Julien-les-Metz l'a licenciée à l'issue de sa période d'essai.

Par un jugement no 1801408 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 octobre 2018 et le 18 mai 2020, la commune de Saint-Julien-les-Metz, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 septembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de Mme D... ;

3°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme D... a été recrutée sur le fondement du 1° de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 en raison d'un accroissement temporaire d'activité ; elle n'a pas conclu un contrat de recrutement d'un travailleur handicapé ;

- Mme D... ne s'est jamais prévalue de sa qualité de travailleur handicapé avant décembre 2017 ;

- le médecin du travail a seulement indiqué que l'état de santé de Mme D... n'était pas incompatible avec l'emploi proposé ;

- elle n'avait pas à motiver le licenciement au terme de la période d'essai ; elle n'a commis aucune erreur de droit ;

- elle n'a commis aucune erreur d'appréciation ; les manquements reprochés à Mme D... ne peuvent être justifiés par sa situation attestée par des certificats médicaux anciens ;

- la période d'essai de 60 jours est justifiée eu égard à la durée d'un an du contrat ;

- elle a respecté le préavis prévu par l'article 40 du décret du 15 février 1988.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 mars 2010 et le 20 mai 2020, Mme E... D..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande, dans le dernier état de ses écritures, que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Julien-les-Metz en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en violation de l'article 4 du décret du 15 février 1988 ;

- il n'existe aucune obligation d'informer l'employeur de la qualité de travailleur handicapé au moment de son embauche ; en outre, l'employeur en a été informé avant le licenciement ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors que son contrat ne pouvait pas comporter de période d'essai en vertu de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 10 du décret n° 96-1087 du 10 décembre 1996 ;

- la commune n'a pris aucune disposition en application de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 pour lui permettre de conserver son emploi alors qu'elle connaissait avant le licenciement sa qualité de travailleur handicapé ;

- elle ne pouvait pas licencier Mme D... pour un motif non inhérent à sa personne.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 8 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.

1. Mme D..., affectée d'un handicap pour lequel la qualité de travailleur handicapé lui a été reconnue à compter du 1er juin 2016, a été recrutée, par un contrat à durée déterminée du 6 novembre 2017 au 5 novembre 2018, en qualité d'agent d'entretien dans les services de la commune de Saint-Julien-les-Metz, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 relatives à l'accroissement temporaire d'activité. Par un courrier du 15 décembre 2017, la commune l'a convoquée à un entretien préalable à un licenciement. Après l'entretien qui s'est tenu le 27 décembre 2017, la commune lui a notifié une décision de licenciement du 28 décembre 2017 avec effet à compter du 6 janvier 2018. Par un jugement du 20 septembre 2018, dont la commune de Saint-Julien-les-Metz fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicables aux agents non-titulaires en vertu du II de l'article 32 de cette loi : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs visés à l'article 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 323-3 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en oeuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie des dépenses supportées à ce titre par l'employeur ".

3. Ces dispositions imposent à l'autorité administrative de prendre les mesures appropriées au cas par cas pour permettre à chaque personne handicapée d'accéder ou de conserver un emploi sous réserve, d'une part, que ce handicap n'ait pas été déclaré incompatible avec l'emploi en cause et, d'autre part, que ces mesures ne constituent pas une charge disproportionnée pour le service.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'emploi d'agent d'entretien occupé par Mme D... comportait des fonctions de nettoyage de locaux communaux et de restauration scolaire. Pour justifier le licenciement de Mme D..., la commune de Saint-Julien-les-Metz se prévaut de sa mauvaise gestion du temps, notamment en raison de pauses ou d'appels téléphoniques, lors des périodes d'activité intense, de son manque d'autonomie dans l'accomplissement de ses tâches et également d'être à l'origine d'une mauvaise ambiance de travail.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment d'un certificat médical du 17 juin 2011, que Mme D... présente un retard mental et des difficultés d'apprentissage, nécessitant notamment des répétitions et un encadrement, pour lesquels elle a été reconnue travailleur handicapé par une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) du 8 octobre 2015. L'intéressée appartient ainsi à la catégorie des travailleurs mentionnés au 1° de l'article L. 5212-13 du code du travail. S'il est vrai que le contrat à durée déterminée de Mme D..., eu égard à son objet et à son fondement, ne saurait être regardé comme entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 et de celles du décret du 10 décembre 1996 pris pour son application, dont l'objectif est de favoriser le recrutement de travailleurs handicapés dans la fonction publique territoriale, il n'en demeure pas moins que sa situation entrait dans le champ d'application des dispositions de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983, applicables aux agents contractuels, en vertu du II de l'article 32 de cette loi.

6. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, le 14 décembre 2016, soit antérieurement à la convocation à un entretien préalable à son licenciement, Mme D... avait informé la commune de Saint-Julien-les-Metz de sa situation de handicap en lui adressant la décision de la CDAPH. Il incombait ainsi à la commune de Saint-Julien-les-Metz de prendre les mesures appropriées pour permettre à Mme D... de conserver son emploi d'agent d'entretien que le médecin du travail avait déclaré, dans un certificat médical du 27 octobre 2017, compatible avec son état de santé. Il est constant qu'aucune mesure n'a été prise par la commune de Saint-Julien-les-Metz pour permettre à l'intéressée de justifier de son aptitude professionnelle avant son licenciement alors que les manquements que la commune reproche à Mme D... sont en rapport avec son état de santé. Il s'ensuit qu'en licenciant Mme D... pour insuffisance professionnelle, la commune de Saint-Julien-les-Metz a méconnu les dispositions de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Julien-les-Metz n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les dépens :

8. La présente instance n'a pas donné lieu à des dépens. Par suite, les conclusions présentées par Mme D... sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

9. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Saint-Julien-les-Metz demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

10. D'autre part, Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 8 septembre 2020. Elle n'allègue pas avoir engagé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre. L'avocat de Mme D... n'a pas demandé que lui soit versée par commune de Saint-Julien-les-Metz la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Julien-les-Metz le remboursement à Mme D... de la part des frais exposés par elle, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Julien-les-Metz est rejetée.

Article 2 : La commune de Saint-Julien-les-Metz versera à Mme D... la part des frais exposés par elle, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Julien-lès-Metz et à Mme E... D....

N° 18NC02723 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02723
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Exécution du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : GUY REISS et PARTENAIRES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-09-29;18nc02723 ?
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