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10/11/2005 | FRANCE | N°01NC00201

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3eme chambre - formation a 3, 10 novembre 2005, 01NC00201


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 février 2001 sous le n° 01NC00201, et complétée par mémoires en date des 19 juin et 12 juillet 2001 et 19 décembre 2002, présentée pour M. Patrick X, élisant domicile ..., par Me Grimbert, avocat ;

M. X demande à la Cour d'annuler le jugement no 991156 en date du 14 décembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a, à la demande de la société Fromagerie de Clerval , annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 11 mars 1999, ensemble la décision du ministre du travail, de l'emploi et de l

a fonction professionnelle en date du 11 septembre 1999 refusant d'autori...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 février 2001 sous le n° 01NC00201, et complétée par mémoires en date des 19 juin et 12 juillet 2001 et 19 décembre 2002, présentée pour M. Patrick X, élisant domicile ..., par Me Grimbert, avocat ;

M. X demande à la Cour d'annuler le jugement no 991156 en date du 14 décembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a, à la demande de la société Fromagerie de Clerval , annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 11 mars 1999, ensemble la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la fonction professionnelle en date du 11 septembre 1999 refusant d'autoriser son licenciement en tant qu'agent de maîtrise de ladite société, délégué du personnel et membre du comité d'entreprise ;

M. X soutient que :

- contrairement aux affirmations de la société Fromagerie de Clerval , il n'a pas pris l'initiative, lors de l'incident du 7 février 1999, d'ajouter du lactosérum au lot de lait et n'est intervenu que pour faire compléter l'adjonction afin d'ajuster et de standardiser la cryoscopie de ce lot de lait ;

- il n'a, à aucun moment, tenté de dissimuler l'incident et a le lendemain rédigé une fiche de non-conformité et averti son supérieur hiérarchique ;

- le ministre de l'emploi n'a donc commis aucune erreur manifeste d'appréciation en confirmant le refus d'autorisation ;

- faute d'instructions claires, le ministre de l'emploi n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en confirmant le refus d'autorisation sur le second grief lié aux adjonctions révélées lors du comité d'entreprise ;

- le lot incriminé a été utilisé à la fabrication de fromages sur une décision de la direction prise en connaissance de cause ;

- lors de la réunion du comité d'entreprise, il a fait remarquer que s'il avait ordonné des adjonctions de lactosérum, cela était limité à des crèmes destinées à certains clients ;

- les instructions de 1996 ont été annulées par la nouvelle direction le 2 février 1999 avec l'annonce de la prochaine révision des documents pour leur mise en conformité ;

- il y a une contradiction à soutenir que M. X a commis une faute grave et à lui avoir proposé les fonctions de chef de production de lait UHT ;

- il a été licencié le 5 mars 2000 pour les faits survenus en 1999 ;

Vu, enregistrés les 15 mai 2001 et 1er mars 2005, les mémoires en défense présentés pour la société Fromagerie de Clerval par la SCP Kopf et Barbaut, avocats, tendant au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat et de M. X à lui verser chacun une somme de 10 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la société Fromagerie de Clerval soutient que :

- l'adjonction de lactosérum concentré dans le lait, loin d'éviter la perte définitive du lait, le rend impropre à la vente sous forme de lait de consommation et l'abîme dangereusement pour sa transformation en fromage ;

- il est établi que M. X a volontairement et à plusieurs reprises incorporé du lactosérum dans des lots de lait et de crème et en a donné l'ordre à l'un de ses subordonnés ;

- l'adjonction de lactosérum, de par ses conséquences en matière de santé publique, est interdite par la réglementation française et européenne en vigueur, ce que M. X n'ignorait pas ;

- la note de service du 11 avril 1996 concerne explicitement toutes les productions de la société ;

- l'employeur pouvait prendre en compte les aveux du salarié lors du premier entretien préalable, dès lors que la procédure a été reprise et a comporté un nouvel entretien préalable ;

- la proposition de reclassement n'a été faite que parce que depuis le 25 février 1999, M. X était payé sans effectuer aucun travail ;

- M. X a, à la suite de la décision du tribunal administratif, été licencié ;

Vu, enregistré le 1er août 2001, le mémoire présenté par le ministre de l'emploi et de la solidarité, tendant à l'annulation du jugement précité du 14 décembre 2000 ;

Le ministre de l'emploi et de la solidarité soutient que :

- la demande initiale de l'employeur ne visant que la décision ministérielle, c'est à tort que le tribunal, qui a statué ultra petita, a annulé la décision initiale de l'inspecteur du travail refusant le licenciement ;

- le tribunal a annulé une décision du 11 septembre 1999 alors que c'est une décision du 2 septembre qui faisait grief aux parties ;

- le jugement vise un arrêt du 17 décembre 1999 de la Cour d'appel de Besançon qui ne peut avoir aucune incidence sur la légalité de la décision querellée ;

- la gravité de la faute commise retenue par le tribunal est contestable dans la mesure où l'intéressé a, en l'absence d'instructions claires, tenté de pallier les conséquences de la rupture de la vanne ;

- le premier ajout de lactosérum ne lui est pas imputable ;

- le salarié a été normalement prudent quant à l'utilisation du lot de lait en demandant des instructions à sa direction ;

- son comportement ne révèle aucune intention de nuire ;

- le reclassement proposé en octobre 2000 apparaît comme l'indice que l'employeur ne considère pas ladite faute comme étant d'une gravité suffisante ;

II - Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour les 28 février et 5 mars 2001 sous le n° 01NC00217, présenté par le MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE ;

Le MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE demande à la Cour d'annuler le jugement no 991156 en date du 14 décembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a, à la demande de la société Fromagerie de Clerval , annulé ensemble sa décision en date du 11 septembre 1999 et la décision de l'inspecteur du travail en date du 11 mars 1999 refusant d'autoriser le licenciement de M. Y, agent de maîtrise de ladite société, délégué du personnel et membre du comité d'entreprise ;

Le MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE soutient que :

- la demande initiale de l'employeur ne visant que la décision ministérielle, c'est à tort que le tribunal, qui a statué ultra petita, a annulé la décision initiale de l'inspecteur du travail refusant le licenciement ;

- le tribunal a annulé une décision du 11 septembre 1999 alors que c'est une décision du 2 septembre qui faisait grief aux parties ;

- le jugement vise un arrêt du 17 décembre 1999 de la Cour d'appel de Besançon qui ne peut avoir aucune incidence sur la légalité de la décision querellée ;

- la gravité de la faute commise retenue par le tribunal est contestable dans la mesure où l'intéressé a, en l'absence d'instructions claires, tenté de pallier les conséquences de la rupture de la vanne ;

- le premier ajout de lactosérum ne lui est pas imputable ;

- le salarié a été normalement prudent quant à l'utilisation du lot de lait en demandant des instructions à sa direction ;

- son comportement ne révèle aucune intention de nuire ;

- le reclassement proposé en octobre 2000 apparaît comme l'indice que l'employeur ne considère pas ladite faute comme étant d'une gravité suffisante ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistrés les 15 mai 2001 et 1er mars 2005, les mémoires en défense présentés pour la société Fromagerie de Clerval par la SCP Kopf et Barbaut, avocats, tendant au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat et de M. X à lui verser chacun une somme de 10 000 francs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les mêmes moyens que ceux analysés sous la précédente requête n° 01NC00201 ;

Vu, enregistrés les 19 juin et 12 juillet 2001 et 19 décembre 2002, les mémoires, présentés pour M. X par Me Grimbert, avocat tendant aux mêmes fins que le reours par les mêmes moyens que ceux analysés sous la précédente requête n° 01NC00201 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2005 :

- le rapport de Mme Monchambert, président ,

- les observations de Me Barbaut, avocat de la société Fromagerie de Clerval SA,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête de M. X, enregistrée sous le n° 00NC00201, et le recours du MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE, enregistré sous le n° 00NC00217, sont dirigés contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués du personnel, des membres du comité d'entreprise et des salariés exerçant les fonctions de conseiller prud'homme qui bénéficient dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, alors responsable du département pasteurisation - réception - préparation du lait à la Fromagerie de Clerval, n'a pas pris l'initiative, à la suite de la rupture d'une vanne ayant provoqué, le samedi 6 février 1999, une arrivée d'eau dans un lot de lait de 89 120 litres de lait destiné à un traitement par stérilisation UHT, d'ajouter 1 200 litres de lactosérum et 8 580 litres de lait entier au lot endommagé ; qu'il s'est borné le lendemain même de l'incident, à donner pour instruction à un autre opérateur de son service de compléter l'adjonction de lactosérum de 300 litres supplémentaires et à faire isoler le lot dans l'attente d'une décision de la direction de la laiterie ; que son attitude a permis une nouvelle affectation de ce lot et évité sa perte ; que s'il ressort des pièces du dossier que M. X a reconnu avoir procédé à des adjonctions de lactosérum dans plusieurs lots de crème UHT, il n'est pas contesté par la société Fromagerie de Clerval que cette pratique, dont il n'est pas établi qu'elle était clairement prohibée par les instructions internes données au personnel, est intervenue à la demande spécifique d'un client de la laiterie ; que, dans ces conditions, l'attitude de M. X n'a pas, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, constitué un comportement fautif d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement ; que, par suite, tant M. X que le MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE sont fondés à soutenir, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 11 mars 1999 de l'inspecteur du travail et la décision du 2 septembre 1999 du MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE refusant à la société Fromagerie de Clerval l'autorisation de licencier M. X ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que la société Fromagerie de Clerval , partie perdante, puisse se voir allouer les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 14 décembre 2000 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Fromagerie de Clerval devant le Tribunal administratif de Besançon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Fromagerie de Clerval tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrick X, au MINISTRE DE L'EMPLOI, DE LA COHESION SOCIALE ET DU LOGEMENT et à la société Fromagerie de Clerval.

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N° 01NC00201 ...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01NC00201
Date de la décision : 10/11/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LEDUCQ
Rapporteur ?: Mme Sabine MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: M. TREAND
Avocat(s) : GRIMBERT ; GRIMBERT ; GRIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-11-10;01nc00201 ?
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