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12/05/2022 | FRANCE | N°21LY01842

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 12 mai 2022, 21LY01842


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2002142 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une

requête, enregistrée le 7 juin 2021, Mme C..., représentée par Me Gonultas, demande à la cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2020 par lequel la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2002142 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2021, Mme C..., représentée par Me Gonultas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2020 de la préfète de l'Allier ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt et, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- la préfète n'a pas procédé à un examen de sa situation ;

- la préfète a procédé à une instruction de sa demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français sans lui opposer la question de la recevabilité de son dossier au regard de l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit tiré de ce que la préfète lui a opposé l'absence de vie commune entre le père et la mère des enfants français, condition non prévue par le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le père des enfants français participe à leur entretien et à leur éducation peu important qu'il n'y ait pas de communauté de vie ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 6 de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée à la préfète de l'Allier qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme B... ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... C..., ressortissante comorienne née le 26 janvier 1987, est entrée en France le 19 janvier 2019 selon ses déclarations. En septembre 2019, elle a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant que parent d'enfant français. Par un arrêté du 10 novembre 2020, la préfète de l'Allier a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 11 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. La décision comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent et est suffisamment motivée.

3. Il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que la préfète de l'Allier n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée avant de lui opposer un refus de délivrance d'un titre de séjour.

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable aux demandes de titres déposées à compter du 1er mars 2019, " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; ".

5. Le titulaire d'une carte de séjour, comme tout étranger séjournant régulièrement sur le territoire, peut en principe, ainsi que l'énonce l'article R. 321-1 du code, circuler librement " en France ", c'est à dire, conformément à ce qui résulte de l'article L. 111-3, en France métropolitaine, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Mayotte.

6. Toutefois, l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile limite la validité territoriale des titres de séjour délivrés à Mayotte, en disposant que " les titres de séjour délivrés par le représentant de l'Etat à Mayotte, à l'exception des titres délivrés en application des dispositions des articles L. 121-3, L. 313-4-1, L. 313-8, du 6° de l'article L. 313-10, de l'article L. 313-13 et du chapitre IV du titre Ier du livre III, n'autorisent le séjour que sur le territoire de Mayotte ".

7. En vertu du deuxième alinéa de cet article L. 832-2, " les ressortissants de pays figurant sur la liste (...) des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres, qui résident régulièrement à Mayotte sous couvert d'un titre de séjour n'autorisant que le séjour à Mayotte et qui souhaitent se rendre dans un autre département doivent obtenir un visa. Ce visa est délivré, pour une durée et dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, par le représentant de l'Etat à Mayotte après avis du représentant de l'Etat dans le département où ils se rendent, en tenant compte notamment du risque de maintien irrégulier des intéressés hors du territoire de Mayotte et des considérations d'ordre public ". L'article R. 832-2 du même code précise que : " L'étranger qui sollicite le visa prévu à l'article L. 832-2 présente son document de voyage, le titre sous couvert duquel il est autorisé à séjourner à Mayotte, les documents permettant d'établir les conditions de son séjour dans le département de destination, les moyens d'existence lui permettant de faire face à ses frais de séjour ainsi que les garanties de son retour à Mayotte. / Sauf circonstances exceptionnelles, ce visa ne peut lui être délivré pour une durée de séjour excédant trois mois (...) ".

8. Sous la qualification de " visa ", ces dispositions instituent une autorisation spéciale, délivrée par le représentant de l'Etat à Mayotte, que doit obtenir l'étranger titulaire d'un titre de séjour délivré à Mayotte dont la validité est limitée à ce département, lorsqu'il entend se rendre dans un autre département. La délivrance de cette autorisation spéciale, sous conditions que l'étranger établisse les moyens d'existence lui permettant de faire face à ses frais de séjour et les garanties de son retour à Mayotte, revient à étendre la validité territoriale du titre de séjour qui a été délivré à Mayotte, pour une durée qui ne peut en principe excéder trois mois.

9. Les dispositions de l'article L. 832-2, qui subordonnent ainsi l'accès aux autres départements de l'étranger titulaire d'un titre de séjour délivré à Mayotte à l'obtention de cette autorisation spéciale, font obstacle à ce que cet étranger, s'il gagne un autre département sans avoir obtenu cette autorisation, puisse prétendre dans cet autre département à la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions de droit commun et en particulier de plein droit de la carte de séjour temporaire telle que prévue à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il est constant que Mme C... n'a ni obtenu ni même sollicité l'autorisation spéciale prévue par les dispositions précitées. Elle ne pouvait donc prétendre à obtenir le bénéfice de plein droit d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la préfète de l'Allier pouvait se fonder sur ce seul motif pour refuser de délivrer à Mme C... le titre de séjour sollicité sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

11. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté contesté précise que Mme C... n'est pas fondée à s'installer en France métropolitaine sans au préalable demander le visa mentionné à l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux autorités compétentes à Mayotte. Dès lors, le moyen tiré de ce que la préfète aurait procédé à une instruction de sa demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français sans lui opposer la méconnaissance de la condition prévue à l'article L. 832-2 ne peut qu'être écarté comme inopérant.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

12. Aux termes du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ".

13. Il est constant que Mme C... est mère de trois enfants de nationalité française qui résident en France et dont la requérante établit par ailleurs assumer l'entretien et l'éducation. Dans ces conditions, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, la préfète de l'Allier a méconnu les dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination.

15. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, qu'il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 11 mai 2021 en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C... à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et, d'autre part, qu'il y a lieu d'annuler l'arrêté contesté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

16. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

17. Eu égard au motif de l'annulation prononcée, le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance à Mme C... d'un titre de séjour. L'annulation de l'obligation faite à la requérante de quitter le territoire implique en revanche nécessairement qu'elle soit munie d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur sa situation. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Allier de réexaminer la situation de Mme C... au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen, dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme C... sur le fondement des disposions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 11 mai 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées par Mme C... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination.

Article 2 : L'arrêté de la préfète de l'Allier du 10 novembre 2020 est annulé en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Allier de procéder au réexamen de la situation de Mme C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Allier et au procureur près le tribunal judiciaire de Moulins.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mai 2022.

La rapporteure,

R. B...

La présidente,

A. EvrardLa greffière,

M.-A.... Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01842


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01842
Date de la décision : 12/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : GONULTAS OMER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-12;21ly01842 ?
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