Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2024 par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et l'a interdit de retour sur le territoire pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2409028 du 13 décembre 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a intégralement fait droit à la demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2024, sous le n° 24NC03093, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Il soutient que :
- c'est à tort que le jugement a estimé que la décision ne reposait pas sur un examen particulier de la situation de l'intéressé au regard de son statut de réfugié alors qu'au contraire, il s'était exprimé, à la demande des services, sur les risques qu'il pensait courir en cas de retour en Russie et que cette situation a bien été prise en compte ;
- les autres moyens invoqués à l'appui de la demande ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 11 avril 2025, M. A..., représenté par Me Duss, conclut, sous le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros toutes taxes comprises (TTC) sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens invoqués par le préfet Bas-Rhin ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2024, sous le n° 24NC03094, le préfet du Bas-Rhin demande à la cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution du jugement du 13 décembre 2024.
Par un mémoire, enregistré le 11 avril 2025, M. A..., représenté par Me Duss, conclut, sous le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros toutes taxes comprises (TTC) sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens invoqués par le préfet Bas-Rhin ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
Le rapport de M. Agnel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant russe, né en 2006 en Belgique, affirme être entré en France avec ses parents au cours de l'année de sa naissance. A la suite de son placement en garde à vue le 26 novembre 2024, dans le cadre d'une procédure pénale du chef de plusieurs infractions, le préfet du Bas-Rhin a pris à son encontre, par arrêté du 26 novembre 2024, une obligation de quitter le territoire à destination du pays dont il a la nationalité assortie d'une interdiction de retour sur le territoire. Le préfet du Bas-Rhin, par les deux requêtes ci-dessus visées qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, relève appel et demande le sursis à exécution du jugement du 13 décembre 2024 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. A... n'a pas déposé de demande d'aide juridictionnelle pour les besoins de ces deux instances. Par suite, il n'est pas fondé à demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
3. Aux termes de l'article 32 de la convention de Genève : " 1. Les Etats contractants n'expulseront un réfugié se trouvant régulièrement sur leur territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d'ordre public. / 2. L'expulsion de ce réfugié n'aura lieu qu'en exécution d'une décision rendue conformément à la procédure prévue par la loi ". Aux termes de l'article 33 de la même convention : " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ". Aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire en application du présent livre se voit délivrer un titre de séjour dans les conditions et selon les modalités prévues au chapitre IV du titre de II du livre IV ". Aux termes de l'article L. 424-1 du même code : " L'étranger auquel la qualité de réfugié a été reconnue en application du livre V se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans. ". Aux termes dudit code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides met fin, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié lorsque la personne concernée relève de l'une des clauses de cessation prévues à la section C de l'article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951. Pour l'application des 5 et 6 de la même section C, le changement dans les circonstances ayant justifié la reconnaissance de la qualité de réfugié doit être suffisamment significatif et durable pour que les craintes du réfugié d'être persécuté ne puissent plus être considérées comme fondées ".
4. Il résulte de l'article L. 511-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) cesse de reconnaître la qualité de réfugié et met fin par voie de conséquence au statut de réfugié d'une personne dans les cas énumérés à cet article, notamment lorsque, conformément au 5 de la section C de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, les circonstances à la suite desquelles cette personne a été reconnue réfugiée ont cessé d'exister, de sorte qu'elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité. Il appartient à l'OFPRA puis, le cas échéant, à la Cour nationale du droit d'asile, d'apprécier, au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, si une personne dont la qualité de réfugiée lui a été accordée à la suite de l'obtention de cette qualité par ses parents, doit continuer à bénéficier de la protection qui lui avait ainsi été accordée lorsqu'il a atteint sa majorité.
5. M. A... justifie que la qualité de réfugié lui a été attribuée en 2010, alors qu'il était mineur, à la suite de l'obtention de ce statut par ses parents. L'OFPRA n'ayant pris à l'occasion de sa majorité aucune décision mettant fin à ce statut, M. A... doit être regardé comme ayant conservé la qualité de réfugié. En conséquence, cette situation faisait obstacle à ce que l'autorité préfectorale prenne à l'encontre de l'intéressé les décisions attaquées en l'absence de toute décision prise par l'OFPRA concernant la qualité de réfugié de M. A... depuis sa majorité. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que les décisions attaquées sont entachées d'erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné a annulé son arrêté du 26 novembre 2024.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
7. Le présent arrêt se prononçant sur l'appel du préfet du Bas-Rhin, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête ci-dessus visée sous le n° 24NC03094.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. M. A... n'étant pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat ne saurait prétendre au bénéfice de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête ci-dessus visée sous le n° 24NC03094.
Article 2 : La requête du préfet du Bas-Rhin ci-dessus visée sous le n° 24NC03093 est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Duss et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera transmise au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Martinez, président,
- M. Agnel, président assesseur,
- Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.
Le rapporteur
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 24NC03093 et 24NC03094 2