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10/02/2022 | FRANCE | N°20LY02133

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 10 février 2022, 20LY02133


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 25 janvier 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de l'Isère de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne-Rhône-Alpes a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1901993 lu le 5 juin 2020, le tribunal a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés

le 31 juillet 2020 et le 16 mars 2021, la société Kéria représentée par Me Drujon D'Astros de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 25 janvier 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de l'Isère de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne-Rhône-Alpes a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1901993 lu le 5 juin 2020, le tribunal a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 juillet 2020 et le 16 mars 2021, la société Kéria représentée par Me Drujon D'Astros demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... et les conclusions présentées au titre des frais de l'instance en appel ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens tirés :

- de fraude au plan social ;

- de l'incompétence de l'inspection du travail en raison de la rupture de fait du contrat de travail ;

- de l'insuffisance de recherche de reclassement ;

- et de l'insuffisance de motivation de la décision ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 11 février 2021, Mme B..., représentée par Me Chalon, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société Kéria une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Kéria, spécialisée dans la vente de luminaires, exploite un ensemble de magasins situés sur le territoire français. Mme A... B... embauchée par la société Kéria en mars 2002 était affectée à Cormontreuil, dans la Marne, alors qu'elle bénéficiait du statut de salarié protégé. Par courrier du 28 novembre 2018, l'entreprise a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de la licencier pour motif économique. Par décision du 25 janvier 2019, l'inspectrice du travail de l'unité départementale de l'Isère a autorisé le licenciement de Mme B.... La société Kéria relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie (...), soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. (...) 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; / (...) / Les difficultés économiques (...) ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude. / (...) / Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article (...) ", tandis qu'aux termes de l'article L. 1233-61 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre (...) ".

3. Lorsqu'une entreprise est constituée de plusieurs établissements distincts, le critère du nombre de salariés licenciés dans une même période de trente jours ne doit pas s'appliquer distinctement à chaque établissement, mais au niveau de l'entreprise, en raison de la restructuration générale de ses activités et de ses services. Il résulte de l'instruction que la société Kéria, en raison d'une baisse de chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation de ces établissements depuis plusieurs années dans un contexte général ne permettant pas un rétablissement financier, a présenté lors du comité d'entreprise du 20 juin 2018 le projet de fermeture des magasins de Béthune et Buchelay qui impliquait le licenciement de six salariés, puis lors du comité d'entreprise du 11 juillet 2018, le projet de fermeture des magasins de Bourges et Cormontreuil en raison de la dénonciation du bail qui impliquait le licenciement de six autres salariés, projet formalisé lors du comité d'entreprise du 19 septembre 2018.

4. En conséquence, et dès lors que, par application du principe énoncé ci-dessus, le projet de licenciement économique devait être regardé comme concernant non pas les seuls salariés de Cormontreuil et Bourges mais plus de dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur était tenu, en vertu de l'article L. 1233-61 précité du code du travail, de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi avant d'envisager tout licenciement et l'administration ne pouvait que refuser d'autoriser le licenciement de Mme B... comme ne s'inscrivant pas dans les modalités homologuées de reclassement et, le cas échéant, de licenciement des salariés.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Kéria n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 25 janvier 2019 autorisant le licenciement économique de Mme B..., motif pris de l'absence de plan de sauvegarde de l'emploi, et que les conclusions de sa requête doivent être rejetées.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les conclusions de la société Kéria, partie perdante, contre Mme B... doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Kéria une somme de 1 200 euros à verser à Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Kéria est rejetée.

Article 2 : La société Kéria versera à Mme B... une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Kéria, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.

N° 20LY02133 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02133
Date de la décision : 10/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : DRUJON D'ASTROS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-02-10;20ly02133 ?
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