Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2012, présentée pour la SOCIETE SOCADIF, dont le siège social est au 26 quai de la Rapée, à Paris (75012), par Me Moulin, avocat ;
La SOCIETE SOCADIF demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n°1106782 du 8 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en décharge des cotisations minimales de taxe professionnelle, ainsi que des pénalités qui s'y rapportent auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 et 2006 ;
2° de prononcer la décharge de ces impositions pour un montant total de 299 609 euros ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
la SOCIETE SOCADIF soutient, en premier lieu, qu'elle investit dans des participations pour une durée de 5 à 6 ans en moyenne et accompagne des entreprises dans leur développement ; qu'elle n'a pas pour activité la cession répétée de valeurs mobilières, qu'il ne s'agit pas d'une activité professionnelle au sens de dispositions de l'article 1447 du code général des impôts ; qu'elle n'a, en outre, pas exercé son activité pour le compte de tiers mais dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé ; en deuxième lieu, que son chiffre d'affaires n'entre pas dans les prescriptions de l'article 1647 E du code général des impôts puisqu'il est inférieur à 7 600 000 euros ; qu'il ne pouvait pas comprendre les produits des plus-values ; que le rescrit n°2005/43 publié le 6 septembre 2005 du ministère du budget prévoit qu'il n'est pas tenu compte des produits financiers pour déterminer le seuil d'assujettissement à la cotisation minimale ; que la nouvelle loi sur la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises et la jurisprudence dite " Algeco " permettent de préciser l'application de ces dispositions à la cotisation minimale de taxe professionnelle ; que les plus-values réalisées sur la cession des titres de portefeuille sont à bon droit enregistrées, en comptabilité, en produits exceptionnels ; que, par suite, elle était imposable seulement en 2006 et que si on prend en compte les produits exceptionnels et les ventes hors-taxe elle n'était pas imposable ; que la lettre en date du 10 avril 2000 du secrétaire d'Etat au budget considère que le chiffre d'affaires à retenir ne comprend pas les produits sur opérations financières au sens du plan comptable des OPCVM ; que ce rescrit ne s'applique pas seulement aux SICAV mais aussi aux SCR (sociétés de capital risque) ; que s'agissant, en troisième lieu, du calcul de la cotisation minimale, elle doit être assise sur la valeur ajoutée produite et notamment sur les plus-values réalisées ; que cette valeur ajoutée était nulle car elle n'avait enregistré aucun produit d'exploitation bancaire ; que, par ailleurs, dans un courrier adressé à la fédération bancaire française en date du 12 mai 2003, la direction de la législation fiscale indique que les plus-values de cessions de titres enregistrées ne constituent pas des éléments à retenir pour le calcul de la valeur ajoutée ; que ce rescrit initial a été confirmé au profit des entreprises qui, bien qu'ayant une activité financière, ne sont pas soumises au plan comptable des établissements de crédit (PCEC) comme c'est le cas des sociétés de capital risque ; que dans un rescrit n°2009/02 publié le 20 janvier 2009 l'administration fiscale confirme cette non inclusion dans la valeur ajoutée à prendre en compte ; qu'en application de la doctrine il s'agissait d'une gestion patrimoniale privée qui doit être exclue en application de la doctrine D. adm 6 E 433 § 21 ; qu'en quatrième lieu, même si on devait prendre en compte ces plus-values dans l'activité professionnelle taxable, aucune imposition ne serait due ; que selon le paragraphe 22 de la même instruction, en ce qui concerne le portefeuille de titres détenu par la société en cas de plus-values, ces dernières doivent être passées en compte de la classe 77 ; qu'il s'agit de profits exceptionnels exclus du calcul de la valeur ajoutée ; qu'il ne s'agit pas de produits courants de l'entreprise ; qu'à titre très subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour considérerait que la requérante est redevable de la cotisation minimale à la taxe professionnelle, en application des principes applicables à la cotisation de valeur ajoutée des entreprises, il faudrait recalculer ces cotisations en réduction à 7 601 509 euros en 2005 et 3 684 266 euros en 2006 ;
......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n°85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 22 octobre 2013 :
- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,
- et les observations de Me Moulin, pour la SOCIETE SOCADIF ;
1. Considérant que la SOCIETE SOCADIF, société de capital-risque dont l'activité est la gestion de valeurs mobilières, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité et d'une imposition en conséquence à la cotisation minimale de taxe professionnelle pour les années 2005 et 2006 ; qu'elle relève régulièrement appel du jugement susvisé qui a rejeté sa demande en décharge de ces impositions en faisant valoir que les plus-values de cessions de ses valeurs mobilières ne devaient pas être prises en compte dans son chiffre d'affaires et qu'elle n'est donc pas passible de cette imposition ;
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1-1 de la loi du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier dans sa rédaction alors applicable, les sociétés de capital-risque sont des sociétés par action ayant pour objet social " la gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières " ; qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I. La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...)" ; qu'aux termes de l'article 1647 E du même code applicable au litige " I. La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies (...) " ; qu'aux termes du II de l'article 1647 B sexies du même code applicable au litige : " 3. La production des établissements de crédit, des entreprises ayant pour activité exclusive la gestion des valeurs mobilières est égale à la différence entre : / d'une part , les produits d'exploitation bancaires et produits accessoires : / et, d'autre part, les charges d'exploitation bancaires (...) "; qu'eu égard à l'objet de ces dispositions, qui est de tenir compte de la capacité contributive des entreprises en fonction de leur activité, les entreprises ayant pour activité exclusive la gestion des valeurs mobilières ne s'entendent, pour leur application, que des seules entreprises qui exercent cette activité pour leur propre compte ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une société de capital-risque doit être regardée comme exerçant, à titre habituel, une activité de gestion de portefeuille de valeurs mobilières pour son propre compte et que le chiffre d'affaires qui en découle est imposable à la cotisation prévue à l'article 1647 E précité, dans les conditions prévues au 3 du II de l'article 1647 B sexies précité ; qu'il est constant que la SOCIETE SOCADIF a le statut de société de capital-risque en application des dispositions de la loi de 1985 précitées dont l'objet social est la gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières et qui exerce une métier d'investisseur en capital dans le cadre de projets d'entreprise ; qu'elle se présente ainsi dans des publicités internet à l'adresse de ses clients ; qu'elle ne peut donc sérieusement soutenir que cette gestion ne serait pas son activité professionnelle exercée pour son propre compte au sens et pour l'application du code général des impôts et que ces opérations ne seraient que la résultante de la gestion de son patrimoine privé ; que son chiffre d'affaires était nécessairement constitué des produits de la gestion de ces valeurs mobilières, qui constituaient les produits de l'activité habituelle de la société pris en compte pour le calcul de sa valeur ajoutée, et ce alors même qu'il s'agirait de la cession à titre habituel d'éléments de son actif immobilisé, soit les plus-values de cession liées à ses participations et les dividendes qui en résultent ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que, dès lors qu'elle avait inscrit dans sa comptabilité la majeure partie de ces produits en " produits exceptionnels ", les services fiscaux ne pouvaient opérer les rectifications en litige sur ces montants qui ne revêtaient aucun caractère exceptionnel mais présentaient, en réalité, le caractère de produits de gestion courante du coeur de son activité ; que, par suite, lesdites rectifications sont fondées en droit en application de la loi fiscale en vigueur à la date du litige, sans que la requérante puisse utilement faire valoir les dispositions législatives postérieurement modifiées, qui ont supprimé la contribution minimale à la taxe professionnelle pour créer une nouvelle contribution locale sur la valeur ajoutée à la charge des entreprises et qui, selon ses dires, lui permettraient de calculer son imposition plus favorablement ;
Sur le bénéfice de la doctrine :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ; Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration fiscale avait fait connaître, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ; que si les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration, qui permet aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, c'est à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations ;
5. Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE SOCADIF soutient que le rescrit du ministre du budget n°2005/43 publié le 6 septembre 2005 prévoit la non prise en compte des produits financiers pour déterminer le seuil d'assujettissement à la cotisation minimale à la taxe professionnelle ; que, toutefois, ce rescrit précise que ces produits doivent avoir un caractère exceptionnel ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, en l'espèce, ces produits reflétaient l'activité professionnelle habituelle de la SOCIETE SOCADIF ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle entrerait dans les prévisions de la doctrine qu'elle invoque ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que la SOCIETE SOCADIF se prévaut de la lettre en date du 10 avril 2000 du secrétaire d'Etat au budget qui concerne les SICAV et qui mentionne que le chiffre d'affaires à retenir ne comprend pas les produits sur opérations financières au sens du plan comptable des OPCVM ; que, toutefois, ce rescrit ne vise que les SICAV et non les sociétés de capital-risque lesquelles n'appliquent pas, en tout état de cause, le plan comptable des OPCVM ;
7. Considérant, en troisième lieu, que la SOCIETE SOCADIF soutient que dans un courrier adressé à la fédération bancaire française en date du 12 mai 2003, la direction de la législation fiscale indique que les plus-values de cessions de titres réalisées par les établissements de crédits pour des titres conservés à long terme par ceux-ci, ne constituent pas des éléments à retenir pour le calcul de la valeur ajoutée ; que la SOCIETE SOCADIF, qui n'est pas un établissement de crédit, n'entre pas dans les prévisions de la doctrine qu'elle invoque ; qu'elle se prévaut également de ce que ce rescrit initial a été confirmé au profit des entreprises qui, bien qu'ayant une activité financière, ne sont pas soumises au plan comptable des établissements de crédit (PCEC), comme c'est le cas des sociétés de capital-risque, par l'effet d'un rescrit n°2009/02 publié le 20 janvier 2009 dans lequel l'administration fiscale confirme cette non inclusion dans la valeur ajoutée ; que, toutefois, ce rescrit, qui ne concerne en outre que les sociétés qui entreprennent une opération unique, n'a été publié que le 20 janvier 2009, soit postérieurement aux impositions en litige ;
8. Considérant, enfin, que la SOCIETE SOCADIF se prévaut de l'application des § 21et 22 de la doctrine référencée D. adm 6 E 433 pour soutenir que les profits issus du portefeuille de titres détenus par une société en cas de plus-values sont des profits exceptionnels exclus du calcul de la valeur ajoutée et non des produits courants de l'entreprise ; que, toutefois, si le § 21 de cette doctrine prévoit que les recettes issues d'activités placées hors du champ de la taxe professionnelle ne doivent pas être prises en compte pour le calcul de la valeur ajoutée, il résulte de tout ce qui précède que les recettes en cause des sociétés de capital-risque ne sont pas placées hors-champ de la taxe professionnelle dès lors qu'elles sont le fruit de l'activité essentielle d'une telle société ; que, dès lors, la société SOCIETE SOCADIF n'entre pas davantage dans les prévisions de la doctrine qu'elle invoque ; ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE SOCADIF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la SOCIETE SOCADIF tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SOCIETE SOCADIF demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE SOCADIF est rejetée.
''
''
''
''
12VE00103 2