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13/12/2024 | FRANCE | N°23PA02551

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 13 décembre 2024, 23PA02551


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003 et 2004 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 à 2007.



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Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003 et 2004 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 à 2007.

Par un jugement n° 1910460 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. A... B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 juin 2023 et 23 octobre 2023, M. A... B..., représenté par Me Descotte, avocat, demande à la Cour :

1°) d' annuler le jugement n° 1910460 du tribunal administratif de Montreuil en date du 11 avril 2023 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003 et 2004 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 à 2007, ainsi que des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les avis d'imposition lui ont été envoyés avant la notification régulière du constat d'accord entre les administrations fiscales française et espagnole et de la clôture de la procédure amiable et, dès lors, au cours de la période de suspension de la mise en recouvrement prévue par l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales ; le service a méconnu les stipulations de la convention fiscale bilatérale franco-espagnole ;

- la lettre du 14 mars 2017 n'a pas ouvert un droit de réponse dans un délai raisonnable et il n'a pas bénéficié de la possibilité de formuler des observations sur les termes de l'accord intervenu entre les administrations fiscales française et espagnole à partir d'informations erronées ;

- la société Transordizia a commis une erreur quant à ses obligations déclaratives en France, sans intention de se soustraire à l'impôt, et elle a déposé l'ensemble de ses déclarations fiscales en Espagne, pays dont le niveau d'imposition est similaire au niveau d'imposition français et où elle s'est acquittée de l'impôt sur les sociétés dû à raison de ses résultats, les bénéfices provenant de son activité en France étant compris ; c'est dès lors à tort que l'administration a infligé des pénalités de 80 % pour activité occulte ; elle ne saurait par ailleurs se prévaloir du délai de reprise spécial prévu par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés ;

- à supposer que le service ait méconnu les dispositions de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales, cette circonstance est sans incidence sur les intérêts de retard et les pénalités infligées ;

- à titre subsidiaire, conformément à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due lorsqu'un procès-verbal de flagrance fiscale a été dressé ; en l'espèce, un procès-verbal de flagrance a été dressé le 27 avril 2011 à l'encontre de la société Transordizia.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible de procéder d'office à la substitution aux pénalités de 80 % infligées sur le fondement du c. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts de pénalités de 10 % sur le fondement du a. du 1 de cet article.

Des observations, enregistrées le 30 octobre 2024, ont été présentées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le moyen susceptible d'être relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention du 10 octobre 1995 entre la France et l'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 ;

- la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;

- la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemaire,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit espagnol Transordizia SL, dont le siège social est situé à Irun en Espagne et qui exerce une activité de transport routier, de stockage et de maintenance de moyens de transport, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à raison de l'établissement exploité à Hendaye dans les Pyrénées-Atlantiques. A l'issue de ce contrôle, le service a considéré que ses résultats étaient imposables en France, à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, entre les mains de son unique administrateur et unique associé, M. A... B.... A l'issue d'une procédure de rectification contradictoire, M. A... B... a, en conséquence, été assujetti à des cotisations primitives d'impôt sur le revenu au titre des années 2003 et 2004 et à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2005 à 2007, ces impositions ayant été majorées des intérêts de retard et de pénalités de 80 % pour activité occulte sur le fondement des dispositions du c. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. L'intéressé relève régulièrement appel du jugement en date du 11 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, ainsi que des majorations correspondantes.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article 26 de la convention susvisée conclue entre la France et l'Espagne le 10 octobre 1995 : " 1. Lorsqu'une personne estime que les mesures prises par un Etat contractant ou par les deux Etats contractants entraînent ou entraîneront pour elle une imposition non conforme aux dispositions de la présente Convention, elle peut, indépendamment des recours prévus par le droit interne de ces Etats, soumettre son cas à l'autorité compétente de l'Etat contractant dont elle est un résident ou, si son cas relève du paragraphe 1 de l'article 25, à celle de l'Etat contractant dont elle possède la nationalité. Le cas doit être soumis dans les trois ans qui suivent la première notification de la mesure qui entraîne une imposition non conforme aux dispositions de la Convention. / 2. L'autorité compétente s'efforce, si la réclamation lui paraît fondée et si elle n'est pas elle-même en mesure d'y apporter une solution satisfaisante, de résoudre le cas par voie d'accord amiable avec l'autorité compétente de l'autre Etat contractant, en vue d'éviter une imposition non conforme à la Convention. L'accord est appliqué quels que soient les délais prévus par le droit interne des Etats contractants. / 3. Les autorités compétentes des Etats contractants s'efforcent par voie d'accord amiable, de résoudre les difficultés ou de dissiper les doutes auxquels peuvent donner lieu l'interprétation ou l'application de la Convention. Elles peuvent aussi se concerter en vue d'éliminer la double imposition dans les cas non prévus par la Convention. / 4. Les autorités compétentes des Etats contractants peuvent communiquer directement entre elles en vue de parvenir à un accord comme il est indiqué aux paragraphes précédents. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que, le 20 décembre 2012, au cours de la procédure de rectification, l'avocat de la société Transordizia SL, faisant valoir un risque de double imposition des résultats de cette société en cas de taxation en France, a sollicité l'ouverture d'une procédure amiable entre les administrations fiscales française et espagnole sur le fondement des stipulations précitées de l'article 26 de la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995. Par une lettre du 4 septembre 2013, le chef de la mission d'expertise juridique et économique internationale du service juridique de la fiscalité de la direction générale des finances publiques a accusé réception de cette demande et, par une lettre du 14 mars 2017, il a informé cet avocat que les administrations fiscales française et espagnole étaient parvenues à un accord assurant l'élimination de la double imposition, l'administration espagnole ayant reconnu à la France le droit d'imposer les résultats de la société Transordizia SL, et que, cette société n'ayant pas fait part à cette administration de son acceptation des termes de l'accord, la procédure amiable était close.

4. Les circonstances que M. A... B... n'ait pas été invité à faire valoir ses observations dans le cadre de la procédure amiable mentionnée au point précédent, que le contenu de l'accord n'ait pas été porté à sa connaissance et que le courrier du 14 mars 2017 mentionné au point 3 ait été adressé à son avocat sont par elles-mêmes sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition dont il a fait l'objet et à l'issue de laquelle les impositions en litige ont été mises à sa charge, la procédure d'imposition étant distincte de la procédure amiable. En tout état de cause, ni les stipulations précitées de la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995, ni aucune autre stipulation ou disposition, ni aucun principe n'imposaient aux administrations fiscales française et espagnole de l'informer de l'accord envisagé et de lui ouvrir un délai de réponse afin de le mettre en mesure de présenter utilement ses observations sur cet accord.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales, abrogé par la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 mais applicable aux procédures amiables ouvertes avant le 1er janvier 2014 en vertu de l'article 101 de cette loi : " Lorsqu'à la suite d'une proposition de rectification, une procédure amiable en vue d'éliminer la double imposition est ouverte entre la France et un autre Etat ou territoire sur le fondement d'une convention fiscale bilatérale (...), le cours du délai d'établissement de l'imposition correspondante est suspendu de la date d'ouverture de la procédure amiable au terme du troisième mois qui suit la date de la notification au contribuable de l'accord ou du constat de désaccord intervenu entre les autorités compétentes (...) ".

6. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales, éclairées par leurs travaux préparatoires, qu'en prévoyant que le cours du délai d'établissement de l'imposition est suspendu de la date d'ouverture de la procédure amiable jusqu'au terme du troisième mois qui suit la date de la notification au contribuable de l'accord ou du constat de désaccord intervenu entre les autorités compétentes, le législateur a entendu prévenir les cas de double imposition d'un contribuable sur les bénéfices et prévoir également à cette fin que, sauf lorsque l'administration fait état d'éléments justifiant une mise en recouvrement immédiate de l'imposition, la mise en recouvrement des sommes litigieuses soit suspendue jusqu'à l'issue de cette procédure.

7. Il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, par une lettre du 14 mars 2017, le chef de la mission d'expertise juridique et économique internationale du service juridique de la fiscalité de la direction générale des finances publiques a informé l'avocat de la société Transordizia SL que les administrations fiscales française et espagnole étaient parvenues à un accord assurant l'élimination de la double imposition, l'administration espagnole ayant reconnu à la France le droit d'imposer les résultats de cette société, et que, celle-ci n'ayant pas fait part à cette administration de son acceptation des termes de l'accord, la procédure amiable était close. Sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle n'ait pas ouvert au requérant un délai pour présenter ses observations, cette lettre doit dès lors être regardée comme la notification au contribuable de l'accord auquel étaient parvenues les administrations fiscales française et espagnole, au sens des dispositions précitées de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales. Il est par ailleurs constant que l'avocat de la société Transordizia SL, qui avait saisi l'administration fiscale française pour le compte de cette société de la demande d'ouverture d'une procédure amiable sur le fondement de l'article 26 de la convention fiscale susvisée conclue entre la France et l'Espagne le 10 octobre 1995 et qui a dès lors été rendu destinataire de la notification de l'accord intervenu au terme de cette procédure, ainsi que M. A... B... lui-même, ont reçu cette lettre plus de trois mois avant la mise en recouvrement des impositions en litige. Par suite et en tout état de cause, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir qu'en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales, les impositions en litige ont été mises en recouvrement avant l'issue de la procédure amiable mentionnée au point 3.

8. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu (...), le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) ". Aux termes de l'article L. 189 de ce livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ".

9. D'autre part, en vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur du I de l'article 52 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, le droit de reprise de l'administration s'exerçait jusqu'à la fin de la sixième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition était due lorsque le contribuable n'avait pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'avait pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Ce délai de six ans a été porté à dix ans par le I de cet article 52, dont le VI prévoit qu'il s'applique aux délais venant à expiration postérieurement au 31 décembre 2008.

10. Il résulte des dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales mentionnées au point précédent que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du niveau d'imposition dans cet autre Etat et des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.

11. En outre, le IX de l'article 15 de la loi du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, entré en vigueur le 29 décembre 2007, a inséré à l'article L. 169 un alinéa ainsi rédigé : " Le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA, au titre d'une année postérieure ". Ce délai a été porté à dix ans par les dispositions du I de l'article 52 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, dont le VI a prévu son application aux délais venant à expiration postérieurement au 31 décembre 2008.

12. Enfin, lorsqu'une loi nouvelle allonge le délai de prescription d'un droit, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, le délai nouveau est immédiatement applicable aux délais en cours, compte tenu du délai déjà écoulé.

13. Il n'est pas contesté que la société Transordizia SL, dont les résultats étaient imposables en France entre les mains de M. A... B..., en sa qualité d'associé unique, en l'absence d'option pour l'impôt sur les sociétés, n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. M. A... B... soutient toutefois qu'une erreur a été commise, justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ses obligations déclaratives.

14. Il résulte de l'instruction qu'au titre des exercices clos de 2003 à 2007, la société Transordizia SL, qui exerçait en Espagne, depuis son siège à Irun et à partir d'un établissement secondaire situé en Catalogne, une activité de transport routier par camion ou autobus, a régulièrement souscrit en Espagne ses déclarations de résultats et que les résultats comptables retenus par l'administration fiscale française pour déterminer les bénéfices industriels et commerciaux imposables à l'impôt sur le revenu entre les mains de M. A... B... à raison de l'exercice de son activité correspondent aux résultats comptables déclarés en Espagne. La société Transordizia SL a été assujettie en Espagne à des cotisations d'impôt sur les sociétés à raison de bases imposables équivalentes à celles retenues pour liquider les impositions en litige. Si les impositions mises à la charge de M. A... B... à raison de la taxation des résultats de cette société sont supérieures à celles auxquelles celle-ci a été assujettie en Espagne au titre des exercices 2003 à 2007, la taxation de ces résultats à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, résulte du défaut d'option de la société Transordizia SL pour son assujettissement en France à l'impôt sur les sociétés, dont le taux est équivalent au taux de l'impôt sur les sociétés en Espagne. En outre, l'article 27 de la convention susvisée conclue entre la France et l'Espagne le 10 octobre 1995 prévoit l'échange, entre les administrations fiscales de ces Etats, des informations nécessaires à l'application des stipulations de cette convention, ainsi que des dispositions des législations internes de ces Etats relatives aux impôts entrant dans le champ de ladite convention. Enfin, il résulte de l'instruction que la société Transordizia SL a disposé d'un terrain destiné au chargement et au déchargement des camions ou autobus constituant sa flotte, installé à Hendaye sur un site suffisamment grand et adapté à son activité, à proximité de son siège social, qui était situé à 2,1 kilomètres, à Irun, où le requérant résidait lui-même. Si ce terrain, propriété de la SCI Denor constituée en 1996 par le requérant et son épouse, était pris en location par la société Transordizia SL auprès de la société française Man Guipuzcoa, filiale du groupe allemand de transport Man, également gérée par le requérant, à laquelle la société Transordizia SL facturait ses prestations de transport, il résulte de l'instruction que la société Transordizia SL disposait depuis 1992 de son siège à Irun, pourvu d'une dizaine de salariés sur les quelque soixante-dix salariés dont elle disposait en Espagne, ainsi que de locaux dans la région de Barcelone, loués auprès de la société allemande Man, où elle avait installé un réservoir de carburant en 2005 afin de faciliter la réalisation de ses opérations sur le territoire espagnol, où se trouvaient une partie de ses clients. M. A... B... fait également valoir sans être contesté que les constats réalisés par l'administration fiscale espagnole, sur demande de l'administration française, lors de sa visite des locaux espagnols de la société Transordizia SL en 2011, ne reflètent pas les conditions d'exercice de l'activité de cette société au cours des années 2003 à 2007, en raison d'un changement des locaux et conditions d'exploitation entre 2007 et 2011, marqué notamment par la création d'un bureau à Hendaye. Dans ces circonstances, M. A... B... doit être regardé comme établissant l'existence d'une erreur justifiant que la société Transordizia SL ne se soit acquittée en France d'aucune de ses obligations déclaratives. Le ministre n'est dès lors pas fondé à se prévaloir du délai de prescription du droit de reprise mentionné au point 9.

15. Si le ministre se prévaut, à titre subsidiaire, de ce qu'un procès-verbal de flagrance fiscale a été dressé à l'encontre de la société Transordizia SL le 27 avril 2011, ainsi qu'il résulte de la proposition de rectification adressée à cette société le 29 mai 2012, cette circonstance est par elle-même dépourvue de toute incidence s'agissant de l'année 2003 dès lors que le délai de prescription prévu par les dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales citées au point 8 avait expiré à la date d'entrée en vigueur des dispositions de cet article allongeant ce délai issues du IX de l'article 15 de la loi du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007. Alors que les propositions de rectification adressées à la société Transordizia SL et à M. A... B... ont été notifiées en 2012, le requérant est dès lors fondé à soutenir, s'agissant de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu en litige établie au titre de l'année 2003, que le délai de prescription du droit de reprise avait expiré le 30 septembre 2017, date de mise en recouvrement de cette imposition.

16. En revanche, s'agissant des années 2004 à 2007, il résulte de l'instruction que les propositions de rectification adressées les 26 et 29 mai 2012 à la société Transordizia SL et à M. A... B..., qui mentionnaient les motifs et les montants des rectifications envisagées, leur fondement légal, les impositions et les années d'imposition concernées, étaient suffisamment motivées au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, elles ont été régulièrement notifiées en 2012, M. A... B... ayant présenté des observations sur les rectifications le 19 juillet 2012. Elles ont ainsi été régulièrement notifiées avant l'expiration du délai de reprise, qui expirait les 31 décembre des années 2014 à 2017 dès lors que la société Transordizia SL avait fait l'objet d'un procès-verbal de flagrance fiscale dressé le 27 avril 2011, compte tenu de l'allongement du délai de prescription mentionné au point 11. Ces propositions de rectification ont dès lors eu pour effet d'interrompre ce délai, conformément aux dispositions de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales. Les impositions mises à la charge du requérant au titre des années 2004 à 2007 ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2017, soit avant l'expiration du délai de reprise. Par suite, en tant qu'il est soulevé au soutien des conclusions tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu établies au titre de ces années, le moyen tiré de l'expiration du délai de prescription du droit de reprise doit être écarté.

En ce qui concerne les pénalités :

17. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ".

18. Il résulte des dispositions précitées du c. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi dont elles sont issues, que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

19. Il résulte de ce qui a été dit au point 14 que M. A... B... doit être regardé comme établissant l'existence d'une erreur justifiant que la société Transordizia SL ne se soit acquittée en France d'aucune de ses obligations déclaratives. Le requérant est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le service lui a infligé des pénalités de 80 % sur le fondement des dispositions précitées du c. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.

20. Toutefois, les dispositions du a. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts prévoient une pénalité de 10 % lorsque la déclaration contenant les éléments d'assiette de l'impôt n'a pas été déposée en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à la produire dans ce délai. Lorsque les éléments invoqués par l'administration ne permettent pas de justifier l'application de la majoration prévue par le c. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts mais permettent de justifier l'application de la majoration prévue par le a. du 1 de cet article, il appartient au juge, alors même qu'il n'aurait pas été saisi d'une demande en ce sens, de substituer le taux de 10 % au taux de 80 %.

21. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification qui lui a été adressée le 29 mai 2012, que la société Transordizia SL a été mise en demeure le 16 janvier 2012 de souscrire ses déclarations de résultats au titre des exercices 2004 à 2007, que cette mise en demeure a été reçue le 23 janvier 2012 et que les déclarations en cause ont été déposées le 17 février 2012, soit dans le délai qui avait été imparti à la société. Les pénalités infligées à M. A... B... étant notamment fondées sur la circonstance que cette société s'était abstenue de produire ses déclarations dans le délai légal, il y a lieu, par suite, de substituer des majorations de 10 % sur le fondement du a. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts aux majorations de 80 % infligées sur le fondement du c. du 1 de cet article, cette substitution ne privant le contribuable d'aucune garantie.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions de sa demande tendant, d'une part, à la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2003, ainsi que des majorations correspondantes, et, d'autre part, à la réduction du surplus des pénalités de 80 % qui lui ont été infligées sur le fondement du c. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts à concurrence des montants correspondant à la réduction de 80 % à 10 % du taux de ces pénalités.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... B... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : M. A... B... est déchargé de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2003, ainsi que des majorations correspondantes.

Article 2 : Les pénalités au taux de 10 % prévu par les dispositions du a. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts sont substituées aux pénalités au taux de 80 % dont ont été assorties la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle M. A... B... a été assujetti au titre de l'année 2004 et les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 à 2007.

Article 3 : M. A... B... est déchargé de la différence entre les pénalités au taux de 80 % dont ont été assorties la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2004 et les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005 à 2007 et celles qui leur sont substituées par l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le jugement n° 1910460 du tribunal administratif de Montreuil en date du 11 avril 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à M. A... B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... B... est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de la chambre,

- M. Lemaire, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 13 décembre 2024.

Le rapporteur,

O. LEMAIRE

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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No 23PA02551


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02551
Date de la décision : 13/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Olivier LEMAIRE
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : DESCOTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-13;23pa02551 ?
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