Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mmes Q... et J... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2014 par lequel le maire de Cotignac a accordé, à M. et à Mme T... H..., et à M. et à Mme R... L..., un permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation avec garage et piscine.
Par un jugement n° 1902627 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté attaqué.
Procédure devant la Cour :
I°) Par une requête n° 20MA03106 et un mémoire complémentaire enregistrés le 25 août 2020 et le 12 mars 2021, M. R... L..., Mme F... C... épouse L..., M. T... H... et Mme U... G... épouse H..., représentés par Me Guenot, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 26 juin 2020 ;
2°) de rejeter la demande de Mmes Q... et J... ;
3°) de mettre à la charge de Mmes Q... et J... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal a, à tort, retenu l'illégalité du permis de construire pour violation de l'article II NB3 du plan d'occupation des sols (POS) de la commune de Cotignac en méconnaissance l'autorité de la chose jugée et en tout état de cause, il existe un accord de tous les copropriétaires riverains quant à l'élargissement à 4 mètres du chemin litigieux reliant le chemin d'Andriou au chemin de M... ;
- les plans et notamment le plan de masse sont conformes aux prescriptions de l'article R 431-9 du code de l'urbanisme ;
- le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article II NB4 du plan d'occupation des sols de la commune.
Par un mémoire distinct, enregistré le 26 août 2020, M. et Mme L..., et M. et Mme H..., représentés par Me Guenot, demandent au Tribunal de condamner Mmes Q... et J... à leur verser une indemnité de 15 000 euros en réparation des conséquences dommageables de leur recours, sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.
Ils soutiennent que :
- Mmes Q... et J... ont, depuis plusieurs années, multiplié les démarches pour faire échec à tout projet de construction sur leur terrain et cet acharnement procédural a dégénéré en abus ;
- cette situation leur cause un préjudice dans la mesure où ils souhaiteraient vendre leur terrain avec le permis de construire litigieux.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 27 octobre 2020 et un mémoire enregistré le 9 août 2021, Mmes Q... et J... concluent au rejet de la requête et de la demande indemnitaire et à la mise à la charge de la commune de Cotignac et des requérants la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les moyens de la requête sont infondés ;
- les plans ne sont pas conformes aux prescriptions de l'article R 431-9 du code de l'urbanisme ;
- l'avis du Service départemental d'incendie et de secours du 18 septembre 2014 est erroné, l'avis de défrichement n'est pas produit et la configuration du terrain et des voies d'accès s'opposent au projet au regard du risque incendie ;
- le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article II NB3 et 4 du plan d'occupation des sols de la commune ;
- La commune aurait dû opposer un sursis à statuer à la demande de permis de construire.
II°) Par une requête n° 20MA03111 et un mémoire complémentaire enregistrés le 25 août 2020 et le 15 avril 2022, la commune de Cotignac, représentée par Me Lopasso, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 26 juin 2020 ;
2°) de rejeter la demande de Mmes Q... et J... ;
3°) de mettre à la charge de Mmes Q... et J... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a, à tort, retenu l'illégalité du permis de construire pour violation de l'article II NB3 du plan d'occupation des sols de la commune de Cotignac en méconnaissance l'autorité de la chose jugée et en tout état de cause, il existe un accord de tous les copropriétaires riverains quant à l'élargissement à 4 mètres du chemin litigieux reliant le chemin d'Andriou au chemin de M... ;
- les plans et notamment le plan de masse sont conformes aux prescriptions de l'article R 431-9 du code de l'urbanisme ;
- le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article II NB4 du plan d'occupation des sols de la commune.
Par des mémoires en défenses enregistrés le 14 février 2022 et 9 mai 2022, Mmes Q... et J... concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Cotignac et des requérants la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les moyens sont infondés ;
- les plans ne sont pas conformes aux prescriptions de l'article R 431-9 du code de l'urbanisme ;
- l'avis du Service départemental d'incendie et de secours du 18 septembre 2014 est erroné, l'avis de défrichement n'est pas produit et la configuration du terrain et des voies d'accès s'opposent au projet au regard du risque incendie ;
- le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article II NB3 et 4 du plan d'occupation des sols de la commune ;
- La commune aurait dû opposer un sursis à statuer.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. N...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Stephan, substituant Me Lopasso, représentant la commune de Cotignac, Me Ghigo, substituant Me Guenot, représentant M. et Mme L..., et M. et Mme H..., et A... P... et E... B..., représentant Mme Q... et Mme J....
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes qui portent sur l'annulation d'un même jugement ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. Par un arrêté en date du 10 décembre 2014, le maire de Cotignac a délivré, à M. et à Mme H... et à M. et à Mme L..., un permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation d'une surface de plancher de 221 m², avec garage et piscine, sur des parcelles initialement cadastrées section E nos 2240, 2242 et 2244, puis section E nos 541, 584 et 1966, et situées lieu-dit M..., sur le territoire de la commune. La commune de Cotignac et les bénéficiaires du permis de construire relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 10 décembre 2014 ensemble la décision implicite portant rejet du recours gracieux de Mmes Q... et J... à l'encontre du permis de construire.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.
4. Le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 10 décembre 2014 au seul motif qu'il méconnaissait les dispositions de l'article II NB 3 du règlement du POS de la commune de Cotignac.
5. Aux termes de l'article II NB 3 du règlement du POS de la commune de Cotignac, relatif aux accès et voiries : " 1. Accès / Pour être constructible, un terrain doit comporter un accès à une voie publique ou privée, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur fonds voisin ou éventuellement obtenu par application de l'article 682 du code civil. / Les caractéristiques des accès doivent permettre de satisfaire aux règles minimales de desserte : défense contre l'incendie, protection civile, brancardage... / (...) 2. Voirie / Les terrains doivent être desservis par des voies publiques ou privées répondant à l'importance et à la destination de la construction ou de l'ensemble des constructions qui y sont édifiées. / Aucune voie ne doit avoir une largeur inférieure à 4 M. "
6. En premier lieu, par un jugement du 20 juin 2013 n° 1200647, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté en date du 12 octobre 2011 par lequel le maire de Cotignac a accordé à M. et Mme K... D... un permis de construire d'une maison d'habitation avec garage et piscine, implantée conformément au permis contesté, pour méconnaissance des dispositions de l'article II NB 4 du POS relatif aux réseaux d'eau pluviales et l'article II NB 10 du POS relatif aux hauteurs des constructions et estimé, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'aucun des autres moyens invoqués à l'encontre de cette décision, en particulier la méconnaissance des dispositions de l'article II NB3 du plan d'occupation des sols (POS), n'était susceptible d'en fonder l'annulation. Toutefois, et alors même que le nouveau permis attaqué reprend les caractéristiques de celui de M. et Mme D... corrigé des illégalités relevées par les premiers juges, ce jugement, devenu définitif, n'est revêtu de l'autorité de la chose jugée que dans la mesure où il fonde celle-ci sur la méconnaissance des dispositions des articles II NB 3 et 10 du POS, seuls motifs constituant le soutien nécessaire de son dispositif sur ce point. Ainsi et en tout état de cause, Mmes Q... et J... sont recevables à invoquer, à l'appui de leur conclusion à fin d'annulation du nouveau permis, la méconnaissance des dispositions de l'article II NB3 du POS sans méconnaitre l'autorité de la chose jugée ou le principe de sécurité juridique.
7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier et en particulier des plans produits au soutien de la demande de permis de construire présentée par M. et Mme L... et M. et Mme H..., que l'accès au terrain d'assiette du projet de construction en litige doit se faire, dans le prolongement du chemin de Camp d'Andriou, grâce à l'élargissement et à la réouverture de l'ancien chemin qui reliait ce chemin de Camp d'Andriou à celui de M..., empruntant notamment une parcelle appartenant à Mmes Q... et J.... Toutefois, il ressort des constatations mentionnées dans un procès-verbal d'huissier dressé le 2 mars 2015 et dans un rapport en date du 7 septembre 2018 établi par un expert missionné par Mmes Q... et J..., que le chemin de Camp d'Andriou, était, à la date d'édiction de l'arrêté attaqué, une piste en terre d'une largeur variant de 2,30 à 3,60 mètres. Il ressort de ces mêmes pièces que l'ancien chemin susmentionné qui reliait ce chemin du Camp d'Andriou à celui de M... était réduit à certains endroits à un simple sentier piétonnier, d'une largeur limitée, en mauvais état et traversant une zone restée à l'état naturel et que, s'il avait vocation à relier effectivement le chemin du Camp d'Andriou à celui de M..., son débouché avait disparu sous la végétation au niveau de son point de jonction avec le chemin de M.... Un tel chemin ne répond pas aux prescriptions de l'article II NB 3 du règlement du POS de la commune de Cotignac à la date de la décision attaquée au regard de sa largeur.
8. Si les pétitionnaires et la commune se prévalent de la délibération du conseil municipal de Cotignac adoptée le 27 mai 2010 prévoyant la réouverture et la réfection du chemin reliant le Camp d'Andriou à celui de M... permettant de desservir le terrain d'assiette, il ressort des termes mêmes de la délibération qu'il existe des blocages des riverains à ce projet " sur le seul fait que sa largeur est inférieure à 4 mètres ". Ils ne peuvent davantage se prévaloir utilement de la circonstance que des négociations ont été engagées avec les consorts Q... en vue de modifier le tracé d'une partie du chemin d'accès antérieurement à la délivrance du permis en litige. En effet, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces négociations ont donné lieu à un accord sur la modification du tracé de ce chemin. Par ailleurs si les défendeurs se prévalent des emplacements réservés nos 35 et 36 qui figuraient dans le POS, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existait, à la date d'édiction de l'arrêté attaqué, un projet suffisamment précis et certain d'élargissement à plus de quatre mètres du chemin d'accès au terrain d'assiette du projet. Par suite, la demande de permis de construite en litige méconnait les dispositions de l'article II NB 3 du règlement du POS de la commune de Cotignac.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Cotignac et les pétitionnaires ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 10 décembre 2014 du maire de Cotignac dans sa totalité et, par voie de conséquence, la décision implicite portant rejet de leur recours gracieux.
Sur les conclusions reconventionnelles à fin d'indemnisation :
10. L'article L. 600-7 du code de l'urbanisme permet au juge administratif d'accorder des dommages et intérêts au bénéficiaire d'un permis de construire lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre cet acte est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis. Toutefois, l'annulation des deux décisions attaquées s'oppose à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée à ce titre par M. et Mme H..., et par M. et Mme L... sur le fondement de ces dispositions. Leurs conclusions doivent donc être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
12. Ces dispositions font obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la commune de Cotignac, d'une part, et, M. et Mme H..., et M. et Mme L..., d'autre part, soient mises à la charge de Mmes Q... et J... qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Cotignac une somme de
1 000 euros et la même somme à la charge de M. et de Mme H..., et M. et de Mme L..., à verser aux requérantes.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de la commune de Cotignac et de M. et Mme L... et M. et Mme H... sont rejetées.
Article 2 : La commune de Cotignac d'une part, et M. et Mme L... et M. et Mme H... pris ensemble d'autre part, verseront chacun la somme de 1 000 euros à Mme Q... et Mme J... prises ensemble en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cotignac, à M. T... H... ayant été désigné comme représentant unique en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à Mme O... Q... et à Mme I... J....
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 octobre 2022.
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Nos 20MA03106, 20MA03111
nb