Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société La Caspienne a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a implicitement rejeté son recours gracieux formé le 16 février 2015 contre la décision du 11 décembre 2014 par laquelle celui-ci a mis à sa charge les sommes de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale et de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, ensemble ladite décision du 11 décembre 2014, de prononcer la décharge de l'obligation de payer les contributions spéciale et forfaitaire ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de la contribution spéciale à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti et de condamner l'Office français de l'immigration et de l'intégration à lui verser la somme de 1 500 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, assortie des intérêts moratoires à compter de la demande préalable ou de l'enregistrement de sa demande.
Par un jugement n° 1508092 du 16 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société La Caspienne de l'obligation de payer la somme de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire mise à sa charge par la décision de l'Office français de l'immigration en date du 11 décembre 2014 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 avril 2016, et un mémoire, enregistré le 9 mai 2017, la société La Caspienne, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 1508092 du 16 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de confirmer l'article 1er de ce jugement ;
3°) d'annuler les décisions du 11 décembre 2014 et du 16 avril 2015 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
4°) de prononcer la décharge de la contribution spéciale ou, à titre subsidiaire, de réduire le montant de cette contribution à 1 000 fois ou à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti, en application des dispositions des II et III de l'article R. 8253-2 du code du travail ;
5°) de prononcer la décharge de la contribution forfaitaire ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- lors du contrôle de l'URSSAF, son représentant légal n'était pas informé de la présence de M. B...au sein de l'entreprise du 1er au 5 septembre 2013 ; elle n'a à aucun moment eu l'intention de dissimuler l'emploi de M. B...et n'a jamais contrevenu aux dispositions du code du travail et aux dispositions des articles L. 626-1 et R. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- selon le rapport de police, M. B...était titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; elle n'a donc pas embauché de salariés démunis de titre de séjour ;
- à aucun moment il ne lui a été reproché d'avoir embauché des personnes en situation irrégulière, sans titre de séjour ou sans autorisation du travail ;
- elle est fondée à demander la réduction de la cotisation spéciale à 1000 fois le taux horaire du minimum garanti, dès lors que le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul salarié étranger.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 mars 2017 et le 12 mai 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société La Caspienne une somme de 2 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête de la société La Caspienne n'est pas recevable dès lors qu'elle n'a pas produit le jugement attaqué ;
- les moyens soulevés par la société La Caspienne ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office, tirés de :
- l'irrecevabilité des conclusions de la société tendant à la décharge de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine, qui lui a été réclamée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement des dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le tribunal a, par le jugement attaqué, prononcé la décharge de cette contribution.
- l'irrecevabilité des conclusions de la société tendant à la condamnation de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à lui verser une indemnité de 2 500 euros en raison des préjudices qu'elle a subis dès lors que ces conclusions, qui ont été présentées dans un mémoire enregistré plus de deux mois après l'enregistrement de la requête d'appel, sont tardives.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Coiffet,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
1. Considérant qu'à l'issue d'un contrôle effectué, le 5 septembre 2013, par les inspecteurs de l'URSSAF dans les locaux du restaurant exploité par la société La Caspienne, le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a, au vu du procès-verbal établi lors de ces opérations de contrôle, mis à la charge de l'intéressée, par une décision du 11 décembre 2014, après l'avoir informée de son intention par une lettre du 21 juillet 2014, une contribution spéciale d'un montant de 17 450 euros, sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail et une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine d'un montant de 2 309 euros, sur le fondement de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à raison de l'emploi dans son restaurant d'un ressortissant sri lankais démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée ; que le 16 février 2015, la société La Caspienne a présenté un recours gracieux à l'encontre de cette décision ; qu'elle a ensuite saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant d'une part, à l'annulation de la décision du 11 décembre 2014 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et de la décision implicite de ce dernier rejetant son recours gracieux, d'autre part, à la réduction du montant de la contribution spéciale mise à sa charge et, enfin, à la condamnation de l'Office à lui verser une indemnité de 1 500 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de l'illégalité de ces décisions ; que la société La Caspienne fait appel du jugement du 16 décembre 2015, par lequel le tribunal administratif a prononcé la décharge de la contribution forfaitaire qui lui a été réclamée et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
Sur la recevabilité des conclusions à fin de décharge de la contribution forfaitaire et à fin d'indemnisation :
2. Considérant, en premier lieu, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a prononcé la décharge de la contribution forfaitaire d'un montant de 2 309 euros qui a été réclamée à la société La Caspienne par l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, les conclusions de la société requérante tendant à la décharge de cette contribution doivent être rejetées comme irrecevables ;
3. Considérant, en second lieu, que les conclusions à fin d'indemnisation de la société La Caspienne ont été présentées dans une mémoire enregistré au greffe de la Cour le 9 mai 2017, plus de deux mois après l'enregistrement de la requête d'appel qui tendait d'une part, à l'annulation des décisions précitées du 11 décembre 2014 et du 16 avril 2015 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et d'autre part, à la décharge des contributions spéciale et forfaitaire mises à sa charge ; que ces conclusions ne sont, par suite, pas recevables et doivent être rejetées ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux (...) / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / Elle est recouvrée par l'Etat comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-2 du même code : " I.-Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II.-Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. III.-Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) " ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des procès-verbaux dressés par les services de police à l'occasion du contrôle effectué le 5 septembre 2013, que la société La Caspienne employait un ressortissant étranger qui n'était pas titulaire d'un titre l'autorisant à travailler en France ; qu'il ressort plus particulièrement des mentions du procès-verbal d'audition du 9 octobre 2013 du gérant de la société, qui font foi jusqu'à preuve contraire, que celui-ci a été informé que deux de ses employés présents dans les locaux lors du contrôle n'avaient pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche et que M.B..., qui était en situation de demandeur d'asile, ne pouvait légalement être embauché ; que la société requérante ne peut ainsi sérieusement soutenir qu'il ne lui aurait pas été reproché d'avoir employé des salariés en situation irrégulière ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que si la société La Caspienne fait valoir que M. B...était titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, il ressort des mentions non contestées du rapport de police du 12 janvier 2014 adressé au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris, et il n'est pas contesté, que M. B...était, au moment du contrôle, seulement en possession d'un récépissé de demande d'asile, qui ne l'autorisait pas à exercer une activité salariée sur le territoire français ;
7. Considérant, en troisième lieu, que l'infraction prévue aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail est constituée du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français, l'employeur étant tenu de vérifier, à l'embauche, la régularité de la situation de ses employés au regard de la réglementation en vigueur ; que, par suite, la société La Caspienne ne peut utilement faire valoir que son gérant était absent lors du contrôle et qu'elle n'a jamais eu l'intention de dissimuler l'emploi de M.B..., l'élément intentionnel étant en tout état de cause sans influence sur le bien-fondé de la contribution spéciale mise à la charge de l'employeur qui a contrevenu aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail ;
8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que la société La Caspienne soutient que le montant de la contribution spéciale qui lui est réclamé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être réduit, sur le fondement des dispositions des II et III de l'article R. 8523-2 du code du travail, à 2 000 fois ou, à tout le moins, à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti dès lors que le procès-verbal de constat dressé lors des opérations de contrôle mentionnerait qu'elle n'a employé qu'un seul salarié démuni d'autorisation de travail ; que, toutefois, d'une part, le procès-verbal de constatation d'infraction du 5 septembre 2013, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, précise que deux employés présents sur le site n'avaient pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche et que l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emplois salariés, prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail, était constituée ; qu'ainsi, ce procès-verbal mentionne une autre infraction commise à l'occasion de l'emploi par la société La Caspienne de M. B...que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail ; que, d'autre part, la société requérante n'établit ni même n'allègue s'être acquittée des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 du même code ; qu'elle ne remplit pas dès lors les conditions fixées aux II et III de l'article R. 8523-2 pour bénéficier d'une réduction du montant de la contribution spéciale mise à sa charge ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que la société La Caspienne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société La Caspienne demande au titre des frais qu'elle a exposés ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société La Caspienne une somme de 1 500 euros à verser à l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société La Caspienne est rejetée.
Article 2 : La société La Caspienne versera une somme de 1 500 euros à l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS La Caspienne et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- M. Platillero, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juin 2017.
Le rapporteur,
V. COIFFETLe président,
S.-L. FORMERYLe greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01215