Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Worldmaréchal a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 25 octobre 2017 par laquelle l'inspecteur du travail de la 61ème section du Rhône a refusé de l'autoriser à licencier Mme B... E....
Par jugement n° 1709045 lu le 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 25 octobre 2017 de l'inspecteur du travail de la 61ème section du Rhône.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 23 janvier 2019 et un mémoire enregistré le 22 juin 2020 (non communiqué), Mme B... E..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de mettre à la charge de la société Worldmaréchal le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la matérialité des griefs relatifs aux propos tenus à l'égard de la direction, aux faits d'exhibition sexuelle des 23 et 30 juin 2017, aux comportements inadaptés à l'égard d'autres salariés et la simulation d'actes sexuels n'est pas établie ;
- les faits reprochés ne sont pas suffisamment graves pour justifier une mesure de licenciement ;
- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec son mandat.
Par mémoires enregistrés les 24 mai 2019 et 14 octobre 2019 (non communiqué), la société Worldmaréchal, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de Mme E... une somme de 5000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par mémoire enregistré le 12 septembre 2019 la ministre du travail s'associe aux conclusions de Mme E... et renvoie à ses observations de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,
- les observations de Me D... pour Mme E..., ainsi que celles de Me C... substituant Me A..., pour la société Worldmaréchal ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 juillet 2020, présentée par Mme E... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... relève appel du jugement du 20 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 25 octobre 2017 de l'inspecteur du travail de la 61ème section du Rhône refusant d'autoriser son licenciement suite à la demande de son employeur, la société Worldmaréchal. Par un mémoire enregistré le 12 septembre 2019, la ministre du travail s'associe à la requête de Mme E....
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de quatre attestations de membres du personnel de la société Worldmaréchal que Mme E... a tenu à plusieurs reprises et devant des collègues des propos irrespectueux à l'encontre d'un membre de la direction. Contrairement à ce que soutient l'intéressée, les attestations produites par son employeur sont suffisamment précises sur la teneur de ces propos et la personne visée pour considérer ces faits comme établis.
4. En deuxième lieu, deux attestations circonstanciées de membres du personnel de la société Worldmaréchal permettent d'établir que, les 23 et 30 juin 2017, Mme E... s'est livrée à de l'exhibitionnisme face à la fenêtre des vestiaires du personnel féminin. Alors même que l'emplacement de la fenêtre de ce local faciliterait la vue depuis l'extérieur, les faits reprochés, qui démontrent la volonté délibérée, sont constitutifs d'une faute.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que si la matérialité du geste obscène imputé à Mme E... vis- à-vis d'une de ses collègues en mai 2017 n'est pas établie, il est toutefois démontré, par l'attestation suffisamment précise d'une victime, que l'intéressée a agressé une collègue, Mme D., avec des gestes et des propos concordant avec les griefs décrits précédemment. Si Mme E... entend remettre en cause la matérialité de ces faits en produisant des attestations de collègues, ces dernières, imprécises et rédigées plus d'une année et demi après les faits, par d'anciens salariés ou des salariés en conflit avec la société Worldmaréchal ou licenciés pour les mêmes faits que ceux reprochés à Mme E..., ne sont pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits ainsi reprochés.
6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de deux attestations de salariées de la société Worldmaréchal que Mme E... a, à plusieurs reprises, simulé des actes inappropriés sur son lieu de travail. Dès lors, la matérialité de ces faits, fautifs, est établie.
7. En cinquième lieu, si le grief relatif au non-respect des règles d'hygiène, matériellement établis, ne pouvait à lui seul être considéré comme suffisamment grave pour justifier le licenciement de Mme E..., les propos injurieux proférés, le 30 juin 2017, par l'intéressée sur son lieu de travail et l'invitation adressée à un collègue pour des relations intimes au sein de l'entreprise, étaient, compte tenu des autres fautes matériellement établies à l'encontre de Mme E... de leur nature et de leur caractère réitéré, suffisamment grave pour justifier son licenciement.
8. En dernier lieu, le lien avec le mandat n'est pas établi.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme E... et la ministre du travail ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 20 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 25 octobre 2017 de l'inspecteur du travail de la 61ème section du Rhône. Les conclusions de la requête, présentées aux mêmes fins, doivent être rejetées.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de société Worldmaréchal, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la société Worldmaréchal, sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de Mme E... et celle de la ministre du travail sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de la société Worldmaréchal tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., au ministre du travail et à la société Worldmaréchal.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2020, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 août 2020.
N° 19LY00337