Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux requêtes distinctes, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 mars 2024 par lequel le préfet du Calvados l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par un jugement nos 2400649, 2400650 du 18 mars 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté ces demandes de Mme B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 avril 2024, et un mémoire enregistré le 11 octobre 2024, qui n'a pas été communiqué, Mme A... B..., représentée par Me Courset, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 mars 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 mars 2024 par lequel le préfet du Calvados l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé son pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions attaquées ne sont pas suffisamment motivées et sont entachées d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- elles ont été prises sans qu'elle bénéficie d'un délai raisonnable pour présenter des observations et n'ont pas respecté son droit d'être entendue ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle se fonde sur les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui sont inapplicables à un citoyen de l'Union européenne ; le préfet n'a pas procédé à une vérification complète de son droit au séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des 1° et 6° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- la qualité d'apatride doit lui être reconnue en application de l'article L. 582-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui confère un droit au séjour en France en vertu des dispositions de l'article L. 424-18 du même code ;
En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle méconnaît les dispositions, applicables à sa situation, de l'article, L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 626-2 et L. 612-3, en l'absence de risque qu'elle se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire et refus de délai de départ volontaire ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire et interdiction de retour ;
- elle ne désigne aucun pays dans lequel elle serait légalement admissible et méconnaît donc les articles L. 612-12, L. 721-3 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale ;
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire.
Par un mémoire enregistré le 24 juillet 2024, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête de Mme B....
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. La requérante, déclarant se nommer A... B... et être de nationalité italienne, a fait l'objet le 10 mars 2024, à la suite d'un contrôle routier, d'une mesure de retenue par les services de gendarmerie de Villers-sur-Mer (Calvados) en vue de la vérification de son droit au séjour. Par un arrêté du 11 mars 2024, le préfet du Calvados l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Il a pris le même jour un arrêté portant assignation à résidence dans le département du Calvados pour une durée de 45 jours. Mme B... relève appel du jugement nos 2400649, 2400650 du 18 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :
2. En premier lieu, l'arrêté du 11 mars 2024 mentionne les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile servant de base légale aux différentes décisions qu'il contient, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté énonce des éléments de fait propres à la situation de la requérante, indiquant que celle-ci a fait l'objet de plusieurs signalements sous différentes identités, qu'elle ne justifie pas de la nationalité italienne dont elle se prévaut, qu'elle ne peut pas justifier de la date de son entrée en France ni de la régularité de son séjour, et qu'elle déclare exercer une activité professionnelle sans y avoir été autorisée, en méconnaissance de l'article L. 5221-5 du code du travail. Il y est précisé que l'intéressée n'a pas sollicité de titre de séjour depuis son entrée sur le territoire et qu'elle n'est pas en mesure de présenter les originaux des documents italiens qu'elle produit en copie, soit un acte de naissance, un permis de conduire et une carte d'identité italiens, dont l'authenticité est douteuse alors que leur détentrice, qui a déclaré être de nationalité italienne, née de père albanais et de mère bosniaque, est connue des autorités françaises et italiennes sous de nombreuses identités. Contrairement à ce que soutient Mme B..., les éléments d'identité dont elle se prévalait ont fait l'objet d'une vérification auprès des autorités italiennes et la seule circonstance que l'acte de naissance produit, comportant une différence d'une lettre dans l'orthographe du patronyme de la requérante par rapport aux deux autres documents produits (Ibrahmi au lieu B...), n'aurait pas été transmis pour examen au centre de coopération policière et douanière de Vintimille ou n'aurait pas été examiné par ce service ne révèle pas un défaut d'examen de sa situation par le préfet du Calvados. Enfin, l'arrêté portant assignation à résidence vise les textes sur lesquels il se fonde, notamment l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que Mme B... a fait l'objet le jour même d'une obligation de quitter le territoire sans délai, que l'authenticité des documents italiens dont elle présente les seules copies est discutable, et qu'elle ne justifie pas posséder des documents d'identité ou de voyage en cours de validité. Il expose que l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre demeure une perspective raisonnable. Une telle motivation est suffisante et révèle un examen particulier par l'autorité administrative de la situation de Mme B.... Il s'ensuit que les moyens tirés par la requérante du défaut de motivation et d'examen particulier doivent donc être écartés.
3. En second lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français mette la personne intéressée à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'elle puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant que celle-ci n'intervienne.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été entendue le 10 mars 2024 à 18 h 10, puis le lendemain à 10 heures, par les services de gendarmerie de Villers-sur-Mer, sur l'irrégularité de son séjour en France et a ainsi été mise en mesure, lors de ces auditions, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'elle jugeait utiles. Au surplus, il n'est pas établi que la requérante ait disposé d'informations ou documents justificatifs autres que ceux pris en considération par le préfet, tenant à sa situation personnelle et familiale ou à sa nationalité, qu'elle aurait été empêchée de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soient prises à son encontre la décision portant obligation de quitter le territoire et les autres décisions litigieuses notifiées le 11 mars 2024 à 17 heures, et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de ces décisions. Dès lors, le moyen tiré de ce que Mme B... n'aurait pas été en mesure de formuler ses observations préalablement aux décisions litigieuses doit être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail. / (...) ".
6. D'une part, même en retenant une naissance en Italie de la requérante, à Pistoia le 27 mars 1990, celle-ci ne justifie pas, par les documents qu'elle produit, de sa nationalité italienne alors que les vérifications et recherches effectuées à partir de ces documents pour l'identité A... B..., notamment par les autorités italiennes, n'ont pas permis de l'identifier comme ressortissante de cet Etat membre de l'Union européenne, insusceptible, en cette qualité, de se voir appliquer les dispositions citées ci-dessus au point 5. Pour le même motif, la requérante ne peut se prévaloir de ce que, en tant que ressortissante de l'Union européenne, elle disposerait d'un droit au séjour. Il n'est pas contesté, d'autre part, que Mme B... ne peut justifier être entrée régulièrement sur le territoire français et qu'elle s'y est maintenue depuis une date indéterminée sans effectuer de démarche pour régulariser sa situation. Enfin, il ressort des pièces du dossier, notamment des déclarations de Mme B..., que celle-ci séjournait irrégulièrement en France depuis plus de trois mois et y exerçait une activité salariée de serveuse sans être titulaire de l'autorisation de travail prévue par les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail. Dès lors, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sans commettre d'erreur de fait que le préfet du Calvados a pris la mesure d'éloignement en litige.
7. En deuxième lieu, la requérante soutient qu'elle séjourne en France depuis trois ans, qu'elle est hébergée chez un ressortissant français, que ses attaches affectives sont en France, où elle dispose de perspectives d'emploi durable, et qu'elle n'a plus de relation avec sa famille. Toutefois, Mme B..., qui a déclaré être célibataire sans enfant à charge, ne justifie ni d'une insertion sociale ou professionnelle significative en France, où elle est connue sous cinq identités différentes enregistrées au fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et où elle a fait l'objet de plusieurs procès-verbaux d'audition pour diverses infractions, ni même d'une présence continue sur le territoire depuis trois ans comme elle le soutient, alors qu'elle a déclaré, au cours de son audition du 10 mars 2024, être arrivée en France " il y a 3 ans mais (...) repartie entre deux en Italie ". Dans ces conditions, le préfet du Calvados n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision en litige a été prise. Pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ce préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides, publiée par le décret n° 60-1066 du 4 octobre 1960 : " (...) Le terme " apatride " désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation (...) ". Aux termes de l'article L. 582-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention. ". Aux termes de l'article L. 121-7 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides est un établissement public doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière et administrative placé auprès du ministre chargé de l'asile. Il reconnaît la qualité de réfugié ou d'apatride, ou accorde le bénéfice de la protection subsidiaire aux personnes remplissant les conditions mentionnées au titre I ou au chapitre II du titre VIII du livre V. ". Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit de démarches répétées et assidues, le ou les Etats de la nationalité desquels elle se prévaut ont refusé de donner suite à ses démarches.
9. Ainsi qu'il a déjà été dit ci-dessus, les services de la préfecture du Calvados ne se sont pas abstenus de vérifier l'identité et la nationalité de Mme B... au vu des documents et justificatifs qu'elle présentait et les autorités italiennes qu'ils ont saisies ont répondu à la demande d'information qui leur était adressée en indiquant que Mme B... était totalement inconnue des bases de données sous cette identité. La requérante, bien qu'ayant constamment déclaré lors de ses auditions, dont elle a signé les procès-verbaux, se nommer A... B..., se prévaut désormais d'un patronyme légèrement différent, Ibrahmi, dont les autorités italiennes n'auraient pas vérifié qu'il ne correspondrait pas à l'identité d'un de leurs ressortissants. Toutefois à supposer que cette identité soit réellement la sienne, l'intéressée ne démontre pas, par cette argumentation, ni par les pièces produites en première instance et en appel, être de nationalité italienne et, à ce titre, avoir le droit de séjourner en France en tant que ressortissante d'un Etat européen. Si elle entend faire valoir aussi qu'elle aurait la qualité d'apatride, elle a déclaré être la fille d'une mère ressortissante de Bosnie et d'un père ressortissant d'Albanie, être de nationalité monténégrine, et elle ne justifie pas des diligences qu'elle allègue avoir effectuées antérieurement à l'arrêté litigieux, sans succès, en vue d'être reconnue comme ressortissante de l'un de ces Etats. La requérante n'établit pas qu'à la date de la décision en litige, elle répondait aux conditions posées par les stipulations et dispositions précitées pour se voir reconnaître la qualité d'apatride et les démarches qu'elle établit, par de nouvelles pièces produites le dernier jour ouvré précédant la clôture de l'instruction, avoir engagées en vue d'une reconnaissance de son apatridie auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sont postérieures à l'arrêté préfectoral du 11 mars 2024 et donc sans incidence sur la légalité de celui-ci, même si elles font obstacle, en application des dispositions de l'article L. 541-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à toute mise à exécution de la mesure d'éloignement tant que les autorités en charge de l'asile ne se sont pas prononcées.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués contre le refus de délai de départ volontaire :
10. En premier lieu, Mme B... ne démontre pas sa qualité de citoyenne de l'Union européenne et ne peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui leur sont applicables.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". L'article L. 612-3 du même code dispose que " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 8o L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3o de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5".
12. D'une part, Mme B... ne justifie pas être entrée régulièrement sur le territoire français où elle s'est maintenue sans effectuer de démarche pour régulariser sa situation. D'autre part, les vérifications effectuées auprès des autorités italiennes par les services de la préfecture du Calvados ont révélé que le permis de conduire qu'elle détenait ne correspondait pas à son identité mais à celle d'une personne de sexe masculin et que, bien que l'intéressée produise une carte d'identité italienne qui lui a été délivrée à Naples le 25 mars 2016, elle était inconnue des registres en Italie, que ce soit comme ressortissante italienne ou comme étrangère en séjour régulier. Le préfet du Calvados a donc pu légalement se fonder sur les dispositions précitées pour considérer qu'il existait un risque que Mme B... se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre et refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.
13. En troisième lieu, si Mme B... fait valoir une adresse à Manneville-La-Pipart (Calvados) et produit une attestation d'hébergement ainsi qu'un certain nombre de documents comportant cette adresse, elle n'établit pas par ces seuls éléments, compte tenu de qui a été dit ci-dessus, que le préfet du Calvados aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués contre l'interdiction de retour sur le territoire français :
14. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français litigieuse et la décision de refus de délai de départ volontaire n'étant pas annulées, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement.
15. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ".
16. La requérante, célibataire et sans enfant à charge, ne justifie pas d'une intégration sociale ou professionnelle particulière en France. Alors qu'elle ne démontre pas qu'elle devrait se voir reconnaître la qualité d'apatride en l'absence d'Etat la reconnaissant comme sa ressortissante, elle ne fait pas état de circonstances humanitaires justifiant que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Par suite, le préfet du Calvados, en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, n'a pas commis d'erreur d'appréciation quant au principe ou à la durée de cette mesure.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués contre la décision fixant le pays de renvoi :
17. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français litigieuse n'étant pas annulée, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement.
18. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". L'article L. 721-3 du même code dispose que " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une décision de mise en œuvre d'une décision prise par un autre État, d'une interdiction de circulation sur le territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire français ". Aux termes de l'article L. 721-4 de ce code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. ".
19. Il ressort des pièces du dossier et notamment des éléments de fait non contestés rappelés dans la motivation de l'arrêté attaqué que Mme B..., qui prétend sans l'établir être italienne, est connue sous plusieurs identités en Italie et en France, où elle a déclaré être née à Pogdorica en ex-Yougoslavie (actuel Monténégro) puis à Postoia en Italie, être la fille d'une mère ressortissante de Bosnie et d'un père ressortissant d'Albanie, et être elle-même de nationalité bosniaque puis de nationalité monténégrine. En indiquant qu'en cas d'exécution d'office de la décision portant obligation de quitter le territoire, Mme B... " sera éloignée à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays dans lequel elle est légalement admissible ", le préfet a entendu désigner l'un des pays d'origine que la requérante a mentionnés sous ses différentes identités. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse ne mentionne pas le pays de destination et serait, pour ce motif, entachée d'erreur de droit, doit être écarté. Par ailleurs, la requérante ne démontre pas l'illégalité de cette décision en faisant valoir les diligences qu'elle a accomplies, postérieurement à cette décision, pour obtenir le statut d'apatride et pour demander aux autorités monténégrines, albanaises et bosniaques de lui confirmer qu'elle n'était pas au nombre de leurs ressortissants, ce que seul le Monténégro lui a confirmé le 28 mai 2024.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués contre l'assignation à résidence :
20 En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français litigieuse n'étant pas annulée, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement.
21. En second lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".
23. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date à laquelle a été pris l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français, la mesure d'éloignement ne demeurait pas une perspective raisonnable au sens de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision d'assignation prise à son encontre serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par ailleurs, la requérante, qui soutient que le préfet n'a pas suffisamment tenu compte de sa domiciliation lors de la fixation des horaires et du lieu de pointage, deux fois par semaine, les lundi et vendredi à 14h15 à la gendarmerie de Blangy-Le-Château, n'établit pas le caractère disproportionné ou inadapté des modalités de l'assignation à résidence prise à son encontre en se bornant à soutenir que la gendarmerie de Blangy-Le-Château, située à dix minutes de route de son domicile, est moins proche de celui-ci que la gendarmerie de Pont-L'Evêque, pour laquelle le trajet ne dure que six minutes.
24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa requête tendant à l'annulation des mesures d'éloignement et d'assignation à résidence du 11 mars 2024. Ses conclusions à fin d'annulation et, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et relatives aux frais d'instance doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01178