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07/06/2018 | FRANCE | N°16VE03140-16VE03187

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 07 juin 2018, 16VE03140-16VE03187


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Migo Aménagements a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- à titre principal, de condamner l'établissement public de gestion du quartier des affaires de la Défense (Defacto) à lui verser la somme de 131 424,01 euros TTC et à verser à la société SEGPP la somme de 21 234,86 euros TTC, le tout avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 octobre 2013,

- à titre subsidiaire, de réduire de 60 690 euros le montant du marché de substitution,

de fixer le coût des prestations complémentaires à la somme de 70 659,50 euros et d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Migo Aménagements a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- à titre principal, de condamner l'établissement public de gestion du quartier des affaires de la Défense (Defacto) à lui verser la somme de 131 424,01 euros TTC et à verser à la société SEGPP la somme de 21 234,86 euros TTC, le tout avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 octobre 2013,

- à titre subsidiaire, de réduire de 60 690 euros le montant du marché de substitution, de fixer le coût des prestations complémentaires à la somme de 70 659,50 euros et d'annuler les pénalités de retard,

- de condamner la société SEGPP à la relever et la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, à lui verser la somme de 122 536,25 euros HT correspondant au montant du marché qui ne lui pas été réglé, déduction faite des sommes qui lui seraient allouées en règlement du marché, ainsi que la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à son image et sa réputation

- et de mettre à la charge de tout succombant une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1409043 du 29 septembre 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- a condamné solidairement la société Migo Aménagements et la société SEGPP à verser à Defacto la somme de 68 241,64 euros TTC,

- a condamné la société SEGPP à garantir intégralement la société Migo Aménagements de cette condamnation,

- a condamné la société SEGPP à verser à la société Migo Aménagements la somme de 135 463,55 euros TTC,

- et a mis à la charge de la société Migo Aménagements le versement de la somme de 1 000 euros à Defacto au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la charge de la société SEGPP le versement de la somme de 1 000 à la société Migo Aménagements à ce même titre.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et trois mémoires enregistrés respectivement les 26 octobre 2016, 24 mars 2017, 14 avril 2017 et 29 septembre 2017 sous le n° 16VE03140, la société SEGPP, représentée par Me A...D..., demande à la Cour :

1° d'annuler les articles 1er, 2, 3 et 5 de ce jugement ;

2° de condamner Defacto à verser 152 531 euros TTC au groupement d'entreprises Migo Aménagements-SEGPP, dont 21 216 euros TTC à son profit ;

3° de condamner solidairement Defacto et la société Migo Aménagements à lui verser la somme de 35 588 euros TTC au titre de la perte de gains sur le marché résilié ;

4° à titre subsidiaire, de dire que le groupement ne peut être redevable que du montant hors taxe du solde débiteur du marché et que la société Migo Aménagements ne peut demander à être garantie par la société SEGPP de ce solde ;

5° de mettre à la charge solidaire de Defacto et de la société Migo Aménagements le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient dans le dernier état de ses écritures que :

- Defacto n'est pas recevable en appel à invoquer la tardiveté de la demande de première instance ;

- s'agissant d'un marché de travaux publics, cette demande indemnitaire, présentée avant le 1er janvier 2017, n'est pas soumise au délai de deux mois résultant de l'article R. 421-1 du code de justice administrative et à l'exigence de réclamation préalable ;

- étant à la fois demandeur et défendeur en première instance, elle ne présente pas de conclusions nouvelles contre Defacto et est recevable à soulever un moyen nouveau ;

- le décompte de la société Migo Aménagements du 28 août 2013 est devenu le décompte général et définitif ; aucune somme ne saurait y être ajoutée ;

- la résiliation du marché est abusive dès lors qu'un matériel équivalent d'une autre marque que celle prévue au marché mais permettant un pilotage et une programmation indépendante pour chaque projecteur a été proposé à Defacto, conformément à l'article III B d du CCTP et à l'article 6 du code des marchés publics alors en vigueur ; l'équivalence n'a pas été contestée à l'époque par Defacto ; Defacto exigeant une marque précise, cette modification du marché doit être à sa charge ;

- aucune faute ne saurait lui être reprochée ;

- la résiliation n'a pas été précédée d'une mise en demeure ;

- le retard ayant pour cause le refus de Defacto d'accepter un produit équivalent, les pénalités de retard de 53 350 euros ne sont pas dues ; Defacto a tardé à adresser une mise en demeure et à résilier le marché, des propositions lui ayant été faites les 26 octobre 2011 et 15 février 2012 et a formulé des demandes répétées et non pertinentes compte tenu de la documentation fournie ;

- Defacto doit verser le solde du marché dont 21 216 euros TTC pour la société exposante ;

- son manque à gagner sur la partie résiliée du marché s'établit à la somme de

35 588 euros TTC ;

- les conclusions de la société Migo Aménagements contre la société exposante doivent être rejetées par voie de conséquence ;

- la société Migo Aménagements n'a pas exercé ses fonctions de mandataire dans l'intérêt du groupement ; elle n'a pas défendu le produit équivalent proposé par l'exposante, en particulier devant le tribunal et a, au contraire, invoqué une erreur de sa part ; elle doit être déboutée de toutes ses conclusions contre elle ;

- en cas de condamnation à payer à Defacto le solde débiteur du marché, elle ne peut garantir la société Migo Aménagements qui n'a pas exercé correctement ses fonctions de mandataire ;

- Defacto doit être indemnisé hors taxe.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour la société Migo Aménagements et celles de MeB..., substituant MeE..., pour Defacto.

1. Considérant que, par les requêtes susvisées enregistrées sous les n° 16VE03140 et 16VE03187, la société SEGPP demande l'annulation et le sursis à exécution du même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt ;

2. Considérant que, par un avis d'appel public à la concurrence publié au bulletin officiel des annonces des marchés publics le 17 septembre 2010, l'établissement public de gestion du quartier d'affaire de la Défense (Defacto) a lancé une consultation en vue de la conclusion, selon la procédure adaptée, d'un marché de travaux ayant pour objet " le remplacement des faux-plafonds et des luminaires de la Résidence Boieldieu - Défense 8 " ; que, le 7 octobre 2010, le groupement composé de la société Migo Aménagements et de la société SEGPP a remis une offre pour un montant global et forfaitaire de 215 089,95 euros TTC ; que, le 25 mars 2011, Defacto a notifié à la société Migo Aménagements, mandataire du groupement, l'attribution de ce marché ; que, par un courrier du 26 octobre 2011, la société Migo Aménagements a informé Defacto que le groupement n'était pas en mesure d'assurer la poursuite de l'exécution des travaux prévus au marché, à la suite d'une erreur de chiffrage de la société SEGPP ; qu'après plusieurs courriers adressés au mandataire du groupement en vue de l'exécution de la totalité des prestations prévues au marché, Defacto a, par une décision du

22 octobre 2012, prononcé la résiliation du marché aux frais et risques du titulaire ; que, par un courrier du 28 août 2013, la société Migo Aménagements a notifié à Defacto les projets de décompte des sociétés SEGPP et de la société Migo Aménagements ; que, par un courrier du

16 octobre 2013, la société Migo Aménagements a mis en demeure Defacto de lui notifier le décompte général du marché ; qu'elle a ensuite saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en vue, notamment, d'obtenir le paiement du solde du marché ; que, par un jugement du

29 septembre 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné solidairement la société Migo Aménagements et la société SEGPP à verser à Defacto la somme

de 68 241,64 euros TTC, a condamné la société SEGPP à garantir intégralement la société Migo Aménagements de cette condamnation, a condamné la société SEGPP à verser à la société Migo Aménagements la somme de 135 463,55 euros TTC, a mis à la charge de la société Migo Aménagements le versement de la somme de 1 000 euros à Defacto au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la charge de la société SEGPP le versement de la somme de 1 000 euros à la société Migo Aménagements à ce même titre ; que la société SEGPP, qui n'a pas présenté d'observations devant le tribunal administratif, relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre et à l'encontre de la société Migo Aménagements et demande, en outre, à la Cour, d'une part, de condamner Defacto à verser au titre du solde du marché la somme de 152 531 euros TTC au groupement d'entreprises, dont 21 216 euros TTC à son profit, et, d'autre part, de condamner solidairement Defacto et la société Migo Aménagements à lui verser la somme de 35 588 euros TTC au titre de la perte de gains sur le marché résilié ; que la société Migo Aménagements demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement attaqué et, à titre principal, d'arrêter le solde du marché à la somme de

152 658,86 euros TTC, soit 131 424,01 euros TTC pour elle et 21 234,86 euros TTC pour la société SEGPP, à titre subsidiaire, d'inscrire au débit du décompte du marché la somme de 70 669,50 euros HT au titre du marché de substitution et de ramener les pénalités de retard à de plus justes proportions ;

Sur les conclusions de la société SEGPP au titre de la perte de gains sur le marché résilié :

3. Considérant que le tribunal administratif n'a été saisi d'aucune conclusion tendant à la condamnation solidaire de Defacto et de la société Migo Aménagements à verser à la société SEGPP, à qui la demande de la société Migo Aménagements a été communiquée, une somme au titre de la perte de gains sur le marché résilié ; qu'ainsi, ces conclusions, qui excèdent le montant de l'indemnité chiffrée en première instance et ne se rattachent pas aux mêmes faits générateurs que ceux invoqués par la société Migo Aménagements en première instance, sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ; qu'elles doivent être rejetées sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre fin de non recevoir opposée par Defacto ;

Sur les conclusions de la société SEGPP et de la société Migo Aménagements relatives au solde du marché :

En ce qui concerne l'existence d'un décompte général et définitif :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 13.3.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) applicable au marché litigieux : " Après l'achèvement des travaux, un projet de décompte final est établi (...) " ; qu'aux termes de son article 13.3.2 : " Le titulaire transmet son projet de décompte final (...) " ; qu'aux termes de son article 13.4.1 : " Le maître d'oeuvre établit le projet de décompte général (...) " ; qu'aux termes de son article 13.4.2 : " Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général (...) / (...) Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire, dans les délais (...), le décompte général signé, celui-ci adresse une mise en demeure d'y procéder. L'absence de notification au titulaire du décompte général signé par le représentant du pouvoir adjudicateur, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure, autorise le titulaire à saisir le tribunal administratif compétent en cas de désaccord (...) " ; qu'aux termes de son article 13.4.3 : " A compter de la date d'acceptation du décompte général par le titulaire, selon les modalités fixées par l'article 13.4.4, ce document devient le décompte général et définitif, et ouvre droit à paiement du solde " ; qu'aux termes de son article 13.4.4 : " (...) Si la signature du décompte général est donnée sans réserve par le titulaire, il devient le décompte général et définitif du marché./ Ce décompte lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires afférents au solde (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces stipulations que le projet de décompte final adressé par la société Migo Aménagements à Defacto le 28 août 2013 ne saurait être regardé comme constituant le décompte général et définitif du marché liant définitivement les parties, alors même que Defacto n'a pas répondu à sa mise en demeure du 16 octobre 2013 de produire le décompte général du marché ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que Defacto ne serait pas fondé à solliciter le paiement par le titulaire de sommes non prévues dans le projet décompte final adressé le 28 août 2013 doit être écarté ;

En ce qui concerne les sommes à inscrire au crédit du titulaire :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le montant des travaux au jour de la résiliation du marché s'établit à la somme de 152 658,86 euros TTC, soit 131 424,01 euros TTC pour la société Migo Aménagements et 21 234,86 euros TTC pour la société SEGPP ; que cette somme de 152 658,86 euros TTC doit être inscrite au crédit du titulaire ;

En ce qui concerne les sommes à inscrire au débit du titulaire :

S'agissant du marché de substitution :

Quant au caractère régulier et justifié de la résiliation aux frais et risques du titulaire :

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 48.1. du CCAG Travaux : " A l'exception des cas prévus aux articles 15.2.2, 15.4 et 47.2, lorsque le titulaire ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, le représentant du pouvoir adjudicateur le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit./ Ce délai, sauf pour les marchés intéressant la défense ou en cas d'urgence, n'est pas inférieur à quinze jours à compter de la date de notification de la mise en demeure " ; qu'aux termes de son article 48.2. : " Si le titulaire n'a pas déféré à la mise en demeure, la poursuite des travaux peut être ordonnée, à ses frais et risques, ou la résiliation du marché peut être décidée " ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Defacto a mis en demeure le groupement, par un courrier recommandé du 24 juillet 2012, de satisfaire à ses obligations contractuelles relatives à la fourniture et à la pose de luminaires et de reprendre le chantier sous quinze jours conformément aux dispositions précitées de l'article 48.1. du CCAG Travaux, sous peine de résiliation du marché à ses torts ; que, par suite, la société SEGPP n'est pas fondée à soutenir que cette résiliation est intervenue irrégulièrement ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du IV de l'article 6 du code des marchés publics alors vigueur : " Les spécifications techniques ne peuvent pas faire mention d'un mode ou procédé de fabrication particulier ou d'une provenance ou origine déterminée, ni faire référence à une marque, à un brevet ou à un type, dès lors qu'une telle mention ou référence aurait pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques ou certains produits. Toutefois, une telle mention ou référence est possible si elle est justifiée par l'objet du marché ou, à titre exceptionnel, dans le cas où une description suffisamment précise et intelligible de l'objet du marché n'est pas possible sans elle et à la condition qu'elle soit accompagnée des termes : " ou équivalent " " ; qu'aux termes de l'article III. B. d. du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché relatif aux luminaires à LED : " Le titulaire aura à sa charge la fourniture, la pose et le raccordement de tous les projecteurs à LED, la fourniture et la pose de tous les modules de gestion par courant porteur pour permettre le pilotage séparé de chaque projecteur (...) Le luminaire sera de marque Thorn référence Baseled 165MRE 1X12W LEDL935 ou équivalent avec une source lumineuse de 3 500 degré Kelvin (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société SEGPP a indiqué à Defacto, dans un courrier du 7 octobre 2011, avoir " oublié de (vous) chiffrer la fourniture et la pose de modules de gestion par courant porteur Telea-LCD-box de chez Thorn europhane pour un montant de 76 000 euros HT " ; que la société Migo Aménagements, dans un courrier du

26 octobre 2011, a proposé à Defacto soit de supprimer ce poste du marché, soit de l'exécuter avec un supplément de 113 400 euros ; que par un courrier du 15 février 2012, la société Migo Aménagements a également proposé à Defacto un produit, jugé par elle équivalent, de marque " Hager " type passerelle KNX-Dali impliquant de procéder au tirage de câbles supplémentaires ; que cette alternative a été refusée par Defacto qui, après avoir mis en demeure le groupement d'exécuter ses obligations, a finalement résilié le marché à ses frais et risques ; que si le matériel de marque " Hager " proposé par le groupement permet un pilotage séparé de chaque projecteur, il ne comporte pas l'installation de modules de gestion par courant porteur conformément aux stipulations précitées de l'article III. B. d. du CCTP et ne peut, dans ces conditions, être regardé comme équivalent à celui prévu par les spécifications techniques du marché ; qu'en faisant constater, en particulier dans le procès-verbal du 21 septembre 2012, que le prestataire en charge du lot électricité n'a ni fourni les plans et la note de calcul conforme, ni fourni et posé les projecteurs à LED et les modules de gestion par courant porteur, Defacto doit être regardé comme ayant contesté, avant l'intervention de la mesure de résiliation, le caractère équivalent de la solution alternative proposée par le groupement ; qu'il a d'ailleurs expressément rappelé au titulaire, dans un courrier du 14 mai 2012, l'obligation de fournir des projecteurs pilotés par courant porteur grâce à des modules de gestion ; qu'il n'est pas établi qu'aucune autre marque que celle indiquée dans le CCTP ne permettait de satisfaire, par la fourniture et la pose d'un matériel équivalent, aux spécifications techniques du marché, en particulier s'agissant des modules de gestion par courant porteur, et que Defacto aurait modifié les termes du marché en imposant au titulaire de fournir le matériel de marque " Thorn " mentionné dans les spécifications techniques ; que, dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par Defacto à ce moyen, la société SEGPP n'est pas fondée à soutenir que Defacto aurait à tort refusé une solution équivalente proposée par le groupement pour la fourniture et la pose de luminaires et que la résiliation du marché serait, pour ce motif, intervenue abusivement ;

11. Considérant, enfin, qu'en s'abstenant de fournir et de poser des luminaires conformes aux spécifications techniques du marché comportant en particulier des modules de gestion par courant porteur, le groupement titulaire doit être regardé comme ne s'étant pas conformé aux stipulations du marché et à la mise en demeure de satisfaire à ses obligations contractuelles et de reprendre le chantier sous quinze jours qui lui a été adressée par le courrier précité de Defacto du 24 juillet 2012, lequel avait d'ailleurs été notamment précédé d'une autre mise en demeure par un courrier du 21 décembre 2011 ; qu'alors même que la société SEGPP a initialement commis une erreur dans le chiffrage de son offre, qu'elle n'aurait constatée qu'en cours d'exécution du marché, le groupement n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas été défaillant dans l'exécution de ses obligations contractuelles et que Defacto n'était pas fondé à prononcer la résiliation du marché à ses frais et risques ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le pouvoir adjudicateur, en violation du principe de loyauté des relations contractuelles, aurait sciemment accepté l'offre du groupement, sachant qu'elle était anormalement basse faute d'intégrer le montant des luminaires prévus au marché, pour obtenir son exécution à moindre coût ; qu'il a d'ailleurs demandé au mandataire du groupement, dans un courrier du 13 octobre 2010, de confirmer les sous détails de prix, en particulier pour le poste 11 en litige ; que la société Migo Aménagement a confirmé ses prix en réponse à ce courrier ; qu'en outre, Defacto ne saurait être regardé comme ayant manqué à son obligation de loyauté pour avoir refusé la proposition de la société Migo Aménagements du 26 octobre 2011 de poursuivre la pose des luminaires prévus au marché avec un réajustement de 113 400 euros puis souscrit un marché de substitution dans des conditions équivalentes le 15 février 2013 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le décompte du marché ne devrait pas intégrer le montant du marché de substitution conclu aux frais et risques du titulaire ne peut qu'être écarté ;

Quant au montant du marché de substitution :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 48.4. du CCAG Travaux : " (...) Pour l'achèvement des travaux conformément à la réglementation en vigueur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur (...) " ; qu'aux termes de l'article 48.6 du même cahier : " Les excédents de dépenses qui résultent du nouveau marché, passé après la décision de résiliation prévue aux articles 48.2 ou 48.3, sont à la charge du titulaire " ;

13. Considérant que le marché attribué au groupement d'entreprises, conclu pour un montant global et forfaitaire de 215 089,95 euros TTC, incluait, conformément aux spécifications techniques du CCTP, la fourniture et la pose de modules de gestion par courant porteur ; que le groupement n'ayant pas exécuté ses obligations contractuelles concernant la fourniture et la pose de luminaires répondant aux spécifications techniques du marché, Defacto était fondé, après avoir résilié ce marché, à souscrire un marché de substitution en vue de l'achèvement des travaux ; que, si l'offre du groupement titulaire n'a pas intégré le prix des contrôleurs courant porteur prévus au marché, ce prix ne saurait être cependant déduit, à hauteur de la somme de 60 690 euros correspondant au montant d'achat de ces modules par l'entreprise chargée de l'exécution du marché de substitution, du montant du marché de substitution conclu par Defacto et qui doit être porté au débit du décompte ;

14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le marché de substitution a été conclu pour un montant total de 157 094 euros TTC ; que ce montant n'est pas manifestement disproportionné par rapport à celui de 113 400 euros chiffré par la société Migo Aménagements dans son courrier du 26 octobre 2011 pour fournir des luminaires conformes aux spécifications techniques du marché ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'intégrer dans le décompte du marché la somme de 157 094 euros TTC au débit du titulaire ;

S'agissant des pénalités de retard :

15. Considérant qu'aux termes de l'article 7.4 de l'acte d'engagement du marché : " Les stipulations de l'article 20 du CCAG Travaux sont applicables sous réserve des dispositions suivantes : / L'entrepreneur subira en cas de non-respect de la date limite d'achèvement des travaux les pénalités journalières suivantes à retenir sur le montant des acomptes mensuels : / pour chacun des dix premiers jours de retard : 100 euros ; pour chaque jour de retard ultérieur : 150 euros " ; qu'aux termes de l'article 20 du CCAG Travaux : " 20.1. En cas de retard imputable au titulaire dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué une pénalité journalière (...) 20.1.1. Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre. / 20.1.2. Dans le cas de résiliation, les pénalités sont appliquées jusqu'au jour inclus de la notification de la décision de résiliation (...) " ;

16. Considérant que les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus ; qu'elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi ;

17. Considérant que si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations ;

18. Considérant que lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge ; qu'il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif ; qu'au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif ;

19. Considérant, en premier lieu, qu'aucune stipulation du marché ni aucun principe ne subordonne l'application des pénalités de retard à l'établissement préalable d'un décompte adressé au titulaire défaillant ; qu'en l'espèce, le groupement a été informé, en particulier dans le mémoire en défense de Defacto devant le tribunal administratif qui lui a été communiqué, de l'application des pénalités de retard pour un montant total de 53 350 euros correspondant, selon les stipulations de l'article 7 de l'acte d'engagement, à 10 jours de pénalités d'un montant de

100 euros et 349 jours de pénalités d'un montant de 150 euros ; que le groupement a ainsi été mis à même de discuter le montant des pénalités de retard ;

20. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 10 ci-dessus que la solution alternative proposée par le titulaire ne peut être regardée comme équivalente à celle spécifiée dans le marché ; que, dès lors, la société SEGPP n'est pas fondée à soutenir que le retard litigieux ne lui serait pas imputable au motif que Defacto n'aurait pas accepté, à tort, cette solution équivalente ;

21. Considérant, en troisième lieu, qu'il est constant que le point de départ des pénalités de retard a été fixé à la date d'achèvement des travaux prévue au marché, soit le 28 octobre 2011, et qu'elles ont été arrêtées le 22 octobre 2012, date de la résiliation du marché ; que, si la société Migo Aménagements a proposé à Defacto, dans son courrier du 26 octobre 2011, de supprimer le poste 11 du marché ou de l'exécuter avec un surcoût de 113 400 euros et si elle lui a également proposé une solution alternative ne comportant aucun surcoût dans un courriel du

15 février 2012, les mises en demeure de se conformer à ses obligations contractuelles et les demandes de renseignements complémentaires concernant la solution alternative proposée, qui lui ont été adressées par Defacto en 2011 et 2012, ne sauraient être regardées comme présentant un caractère abusif ou déloyal ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que Defacto aurait retardé la date de la résiliation pour majorer le montant des pénalités de retard mises à la charge du titulaire ;

22. Considérant, enfin, que le groupement ne fournit aucun élément, relatif notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure les pénalités de retard appliquées présentent selon lui un caractère manifestement excessif ; que la seule circonstance qu'elles représentent près de 42 % du montant HT du marché exécuté ne suffit pas à établir leur caractère manifestement excessif ; qu'elle ne représentent d'ailleurs qu'environ 25 % du prix global et forfaitaire du marché ;

23. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu d'intégrer au décompte, au débit du titulaire, la somme de 157 094 euros TTC au titre du marché de substitution et celle de 53 350 euros correspondant au montant des pénalités de retard lesquelles ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, soit au total la somme de

210 444 euros TTC ;

En ce qui concerne le solde :

24. Considérant que Defacto reste redevable d'une somme de 152 658,86 euros TTC au titre des travaux exécutés dans le cadre du marché ; qu'il y a lieu toutefois de déduire de ce montant la somme de 210 444 euros TTC inscrite au débit du groupement ; que, dans ces conditions, la société Migo Aménagements et la société SEGPP doivent être condamnées solidairement à verser à Defacto la somme de 57 785,14 euros TTC ;

25. Considérant qu'à l'exception des pénalités non assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, le solde débiteur du marché dont le maître d'ouvrage est fondé à demander le versement au titulaire correspond aux frais engagés, dans le cadre du marché de substitution, pour achever les travaux prévus au marché ; que ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître de l'ouvrage ne relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou une partie de cette taxe de celle dont il est redevable à raison de ses propres opérations ; que les personnes morales de droit public ne sont en général pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il appartient titulaire mis en cause d'apporter au juge tout élément de nature à remettre en cause la présomption de non assujettissement de l'établissement à la taxe sur la valeur ajoutée et à établir que le montant de celle-ci ne devait pas être inclus dans le montant du préjudice indemnisable ; qu'alors même que la société SEGPP demande que le montant du solde débiteur soit évalué hors taxes, elle ne remet pas en cause la présomption de non assujettissement de Defacto à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'inéligibilité de Defacto au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur ses dépenses réelles d'investissement par le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée institué par les dispositions des articles L. 1615-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, est sans incidence sur le régime fiscal de ses opérations et ne suffit pas à inverser la présomption de non assujettissement dont il bénéficie ; que dès lors, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achèvement des travaux prévus au marché doit être incluse en totalité dans le montant de l'indemnité due par le titulaire ;

26. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le solde débiteur du marché à la charge solidairement de la société Migo Aménagements et de la société SEGPP doit être fixé à la somme de 57 785,14 euros TTC ;

Sur les conclusions de la société SEGPP tendant à être déchargée de la condamnation à garantir la société Migo Aménagements du paiement du solde débiteur du marché :

27. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 10 ci-dessus, le produit alternatif proposé par la société SEGPP en cours d'exécution du marché ne peut être regardé comme équivalent à celui résultant de ses spécifications techniques en l'absence de modules de gestion par courant porteur ; qu'ainsi, la société SEGPP n'est pas fondée à soutenir que la société Migo Aménagements aurait manqué à ses obligations de mandataire du groupement en s'abstenant de défendre suffisamment auprès de Defacto la solution alternative qu'elle a proposée ; qu'elle n'est pas davantage fondée à soutenir que la société Migo Aménagements aurait également manqué à ses obligations en s'abstenant de fournir des explications techniques au tribunal et en mettant en avant son erreur dans le chiffrage de l'offre ;

28. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SEGPP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à garantir la société Migo Aménagement de la condamnation prononcée au titre du solde débiteur du marché ;

Sur les frais de l'instance :

29.Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société Migo Aménagements, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la société SEGPP et à Defacto une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'elles font également obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Defacto dirigées contre la société SEGPP ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société SEGPP tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de Defacto sur le fondement de ces dispositions ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société SEGPP le versement à la société Migo Aménagements de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 68 241,64 euros TTC que les sociétés Migo Aménagements et SEGPP ont été condamnées solidairement à verser à Defacto par l'article 1er du jugement n° 1409043 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 septembre 2016 est ramenée à la somme de 57 785,14 euros TTC.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1409043 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 29 septembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société SEGPP est rejeté.

Article 4 : La société SEGPP versera la somme de 2 000 euros, à la société Migo Aménagements, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Migo Aménagements et les conclusions de Defacto au titre l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 16VE03187.

10

N° 16VE03140, ...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE03140-16VE03187
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : CORNET-LEVY SOCIETE D'AVOCATS ; CORNET-LEVY SOCIETE D'AVOCATS ; CORNET-LEVY SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-06-07;16ve03140.16ve03187 ?
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