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15/04/2021 | FRANCE | N°19LY04137

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 15 avril 2021, 19LY04137


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Constrind a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 26 avril 2017 par laquelle le directeur des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende de 13 000 euros pour manquement à la désignation d'un représentant de son entreprise en France en application de l'article L. 1264-1 du code du travail, à titre subsidiaire d'en réduire le montant à 3 900 euros.

Par jugement n

1703738 lu le 12 juillet 2019 le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Constrind a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 26 avril 2017 par laquelle le directeur des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende de 13 000 euros pour manquement à la désignation d'un représentant de son entreprise en France en application de l'article L. 1264-1 du code du travail, à titre subsidiaire d'en réduire le montant à 3 900 euros.

Par jugement n° 1703738 lu le 12 juillet 2019 le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 novembre 2019 et 22 mars 2021 (non communiqué), la société Constrind représentée par Me A... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision du 26 avril 2017 par laquelle le directeur des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende d'un montant total de 13 000 euros, subsidiairement d'en réduire le montant à 3 900 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'amende lui a été infligée en méconnaissance des dispositions des articles L. 8115-4 et L. 1264-3 du code du travail ainsi que l'article L. 123-1 du code des relations entre le public, sans qu'aient été pris en compte sa bonne foi et l'absence d'intention et sa volonté de régularisation ;

- le quantum est disproportionné, d'une part, à ses capacités financières ainsi qu'en attestent les montants de ses impayés et de son endettement, d'autre part, au tarif unitaire de 300 euros fixé dans une espèce comparable par les services déconcentrés des Pays de la Loire.

Par mémoire enregistré le 14 août 2020, le ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 24 août 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Constrind, société de droit portugais, est intervenue pour une activité de maçonnerie fumisterie sur le site d'Eurofloat à Salaise-Sur-Sanne (38 150). Suite à un contrôle des services de l'inspection du travail, le 26 mai 2016, lui a été infligée, par décision n° AA 051/2017 du 26 avril 2017, une amende d'un montant total de 13 000 euros liquidée selon un tarif unitaire de 1 000 euros sanctionnant le manquement à l'obligation de désignation d'un représentant de son entreprise en France, appliqué à treize salariés portugais présents sur le chantier précité. Elle relève appel du jugement du 12 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction, à titre subsidiaire, à sa réduction à hauteur de 3 900 euros.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration issu de la loi du 10 août 2018 : " Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation (...) ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire (...), si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. / La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude. / Les premier et deuxième alinéas ne sont pas applicables : 1° Aux sanctions requises pour la mise en oeuvre du droit de l'Union européenne (...) ". La sanction pécuniaire de 13 000 euros en litige repose sur les dispositions des articles L. 1262-2-1 et suivants du code du travail transposant la directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014. Elle doit ainsi être considérée comme requise pour la mise en oeuvre du droit de l'Union européenne au sens des dispositions précitées. Par suite, la société Constrind ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées pour soutenir qu'elle a collaboré avec l'administration alors au demeurant que l'obligation de désignation d'un représentant unique s'exerçant préalablement au détachement, aucune régularisation ne pouvait être mise en oeuvre.

3. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 8115-4 du code du travail, dans sa version alors en vigueur, faisant obligation à l'autorité administrative de moduler le tarif unitaire de l'amende en fonction du comportement de l'auteur du manquement, de ses ressources et de ses charges s'appliquent relatives aux sanctions de la méconnaissance de la durée du travail, des temps de repos, de la détermination du salaire minimum de croissance, des règles d'hygiène, de restauration et d'hébergement. Elles ne peuvent dès lors être utilement invoquées par la société Constrind, sanctionnée pour un manquement étranger à l'une de ces normes.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1262-2-1 du code du travail, dans sa version alors en vigueur : " I. - L'employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2, adresse une déclaration, préalablement au détachement, à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation. II. - L'employeur mentionné au I du présent article désigne un représentant de l'entreprise sur le territoire national, chargé d'assurer la liaison avec les agents (...) [de l'inspection du travail] ". Aux termes de l'article L. 1264-3 du même code : " / (...) / Le montant de l'amende est d'au plus 2 000 € par salarié détaché et d'au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d'un an à compter du jour de la notification de la première amende. Le montant total de l'amende ne peut être supérieur à 500 000 €. / Pour fixer le montant de l'amende, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que si la société Constrind a procédé à la déclaration de détachement pour les treize salariés intervenant dans les locaux de l'entreprise Eurofloat à Salaise-sur-Sanne, elle n'a pas désigné de représentant sur le territoire en méconnaissance de ses obligations résultant de l'article L. 1262-2-1 du code du travail précité, la circonstance que ce manquement résulterait d'un malentendu avec un tiers qu'elle avait contacté à cet effet et qui a finalement accepté de la représenter à compter de juillet 2016 n'a eu aucune incidence sur le bien-fondé de l'amende administrative en litige qui repose sur la constatation du manquement au début de la prestation. Toutefois, il résulte de l'instruction que préalablement à ses interventions sur le territoire français, la société Constrind a conclu une convention avec un avocat français qui portait notamment sur l'assistance en matière de mise à disposition des salariés. Si cette convention ne précisait pas la mise en oeuvre de l'obligation de désignation d'un représentant sur le territoire français de la société, elle démontre la volonté de la société Constrind de se soumettre au respect de la législation en la matière alors que la transmission de la déclaration de détachement et le comportement de la société lors des opérations de contrôles ont permis à l'inspection du travail de contrôler effectivement le respect de la législation française. Compte tenu de ces circonstances, il y a lieu de réduire le tarif unitaire de l'amende en litige à 500 euros. En revanche, l'appelante n'établissant pas la réalité des difficultés financières qu'elle allègue, le tarif de l'amende ne saurait faire l'objet d'une nouvelle réduction de ce chef.

6. Enfin, il est sans incidence sur la proportionnalité de l'amende aux faits de l'espèce, appréciée selon les critères de l'article L. 1264-3 précité du code du travail, qu'une autre direction régionale du travail ait sanctionné la société Constrind d'une amende liquidée au tarif unitaire de 300 euros pour le même manquement.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Constrind est seulement fondée à soutenir que l'amende qui lui a été infligée par la décision du 26 avril 2017, doit être liquidée au tarif de 500 euros appliqué treize fois, que son montant doit être réduit de 13 000 euros à 6 500 euros et que le jugement attaqué doit être réformé dans les mêmes proportions.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à la société Constrind d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE:

Article 1er : L'amende mise à la charge de la société Constrind par la décision n° AA 051/2017 du 26 avril 2017 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne Rhône-Alpes est réduite de 13 000 euros à 6 500 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1703738 du tribunal administratif de Grenoble lu le 12 juillet 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à la société Constrind la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Constrind est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Constrind et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.

N° 19LY04137


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04137
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : CESAR PEREIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-15;19ly04137 ?
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